Tribunal de grande instance de Bordeaux, 25 septembre 2012

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Sur la décision

Référence :
TGI Bordeaux, 25 sept. 2012
Juridiction : Tribunal de grande instance de Bordeaux

Texte intégral

Vu l’assignation délivrée le 15/11/2010 par la société Panosol ;

Vu les conclusions récapitulatives déposées le 08/11/2011 par la société Panosol ;

Vu les conclusions récapitulatives déposées le 29/02/2012 par la société AV ;

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 10/05/2012 ;

La société Panosol, qui a pour nom commercial Panosol et dont le siège social est situé à Toulouse, a été immatriculée au RCS le 07/03/2006 ; elle a pour activité les travaux d’installation électrique dans tous les locaux et s’est spécialisée dans les solutions d’auto efficacité énergétique dans l’habitat (panneaux photovoltaïques, panneaux solaires…).

Elle est titulaire de trois marques françaises :

– la marque verbale “Panosol”, déposée par Mathieu P. le 17/02/2006 à l’Inpi mais transférée à Panosol le 21/08/2008, enregistrée sous le n° 3410819 en classes 11, 37 et 40, pour les appareils d’éclairage, de chauffage, de production de vapeur, de cuisson…

– la marque semi-figurative en couleurs “Panosol spécialistes en énergie solaire” déposée par elle le 30/03/2008 et enregistrée sous le n° 35633877 en classes 11, 37 et 40,

– la marque “Panosol’air” déposée par elle le 20/03/2008 et enregistrée sous le n° 3563878 en classes 11, 37 et 40.

Elle dispose d’un site internet dont le nom de domaine est “panasol.fr”.

La société AV, immatriculée au RCS le 22/04/2009, dont le siège social est à Cugnaux (31), est spécialiste de la toiture et de l’isolation et possède un site internet “toiture-isolation.com” dans le cadre duquel elle propose une offre photovoltaïque.

La présente procédure pose le problème de la contrefaçon par la réservation de mots clés sur “Google Adwords”, service de référencement payant de Google; le service “AdWords” permet aux annonceurs moyennant la réservation de mots clés de faire apparaître de manière privilégiée, sous la rubrique “liens commerciaux” ou “annonces”, un lien promotionnel (composé d’un titre et d’un bref message) vers leur site en marge à droite de l’écran ou en partie supérieure de celui-ci, au dessus des résultats “naturels” d’une recherche sur internet, en cas de concordance entre ces mots et ceux contenus dans la requête adressée au moteur de recherche de cette société sur internet. La société Google est rémunérée selon un prix par clic fixé à l’avance.

Panosol expose que la société AV utilise le mot clé Panosol pour renvoyer à son site internet et qu’aux requêtes “Panosol”, “Panosol Toulouse” et “Panosol Montauban”, le premier lien promotionnel à apparaître est celui du site de la société AV avec pour titre du lien “Panosol”.

Elle a fait dresser un procès-verbal de constat d’huissier le 22 décembre 2009 pour le démontrer ; elle conteste qu’il soit dénuée de force probante, l’huissier ayant vidé les fichiers temporaires, cookies, historique des sites web visités… et la connexion étant bien établie via orange comme l’a indiqué l’huissier, la mention du réseau filaire désignant la carte réseau via laquelle la connexion orange est réalisée.

Elle ajoute que la société AV a fait un aveu judiciaire en confirmant avoir réservé la marque Panosol à titre de mot-clé.

Elle reproche à la défenderesse d’avoir contrefait sa marque “Panosol” par reproduction, au sens de l’article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle, par la double reprise à l’identique de celle-ci comme mot-clé et comme titre de son annonce, ce qui oriente les internautes sur son site où sont proposés des services identiques aux siens, notamment la pose de panneaux photovoltaïques, qui plus est dans la région toulousaine où elle a son siège social et rayonne ; elle en déduit que les annonces de la société AV suggèrent par la reproduction de la marque dans leurs titres l’existence d’un lien économique entre elle et le titulaire de la marque.

Elle se fonde sur la jurisprudence de la CJUE selon laquelle “la publicité ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute de savoir si les produits ou services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celle-ci ou, au contraire, d’un tiers.”

Subsidiairement elle invoque des actes de publicité mensongère et trompeuse au sens de l’article L120-1 al 1 du code de la consommation qui dispose qu’une pratique commerciale est trompeuse lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d’un concurrent, le risque de confusion devant être apprécié au regard d’un consommateur d’attention moyenne.

Elle conteste que la défenderesse ait pu réserver le seul mot clé “Panosol Toulouse”, sans quoi ses annonces ne se seraient pas affichées aux requêtes Panosol et Panosol Montauban, l’expression exacte devant être contenue dans la recherche, ce qui implique qu’elle ait aussi réservé d’autres mots clés -Panosol et Panosol Montauban- dans les campagnes de son compte présentant le signe distinctif Panosol ou qu’elle gère d’autres comptes AdWords.

Sur son préjudice, elle invoque sa position de leader dans les presque deux tiers ouest de l’hexagone en matière d’éco efficacité énergétique dans l’habitat, de sorte qu’elle a été privée des ventes réalisées par AV qui sont bien supérieures aux 8 reconnues compte tenu de ce que ladite société ne s’est pas contentée de réserver le mot clé “PanasolToulouse” au titre des pertes subies, elle invoque la dégradation de son image et le caractère pleinement trompeur du lien promotionnel pour détourner tous les internautes vers son site.

La société Panosol demande en conséquence :

– le placement du mot clé “Panosol” avec pour option de ciblage “l’expression exacte” en mot clé négatif de l’ensemble des campagnes publicitaires de la société AV sur Google Adwords, sous astreinte de 1000 € par jour de retard à compter de la signification du jugement,

– 60 000 € de dommages et intérêts, soit 30 000 € au titre du manque à gagner et 30 000 € au titre des pertes subies,

– la publication du jugement sur la page d’accueil du site internet www.toiture-isolationcom pendant 6 mois,

– l’exécution provisoire du jugement,

– 5000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

En défense, la société AV conclut à la nullité du procès verbal de constat et à son rejet des débats, l’huissier ayant commis trois irrégularités ou non-conformités par rapport aux précautions d’usage impératives en matière de constat sur internet ; subsidiairement elle soutient qu’elle a cessé toute utilisation de la dénomination Panosol avant l’assignation et que conformément au constat qu’elle a fait établir les 6 et 24/12/2010, seuls 8 clics ont été redirigés entre le 13/10/2009 et le 06/01/2010, dont il convient de déduire les clics générés par Panosol elle-même aux fins de constat. Elle conclut au débouté de la demande et sollicite la somme de 6000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle expose avoir fait appel à un prestataire qualifié, la société Pro Web 31, pour mettre en place des liens promotionnels et assurer le référencement de son site internet sur Google via Google Adwords, le référencement étant devenu effectif à compter du 13 octobre 2009 ; elle indique avoir adressé un cahier des charges à cette société avec des mots clés au titre desquels ne figurait pas Panosol, mot clé que Pro Web a mis en place de sa propre initiative comme contraction phonétique de “panneau solaire” et qu’elle lui a fait retirer à compter du 6 janvier 2010, après s’être aperçue par elle-même du problème.

Elle conteste en tout état de cause la contrefaçon, la réservation d’un mot-clé constitué d’une marque n’étant pas en soi constitutive de contrefaçon depuis les trois arrêts de la CJUE du 23 mars 2010 ; elle fait valoir qu’en l’espèce l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif pouvait sans difficulté distinguer les produits et services proposés sur le site de Panosol de ceux proposés sur son site et n’aurait pas manqué de constater qu’il aurait été redirigé vers un site dépendant d’une enseigne différente.

Elle conteste aussi la publicité mensongère, le consommateur d’attention moyenne n’étant pas un ignorant et étant conscient de ce que d’autres sites que celui du titulaire de la marque peuvent apparaitre en réponse lors de sa recherche sur Google, outre le fait que les liens promotionnels apparaissent de manière distincte et que son site se distingue bien de celui du titulaire de la marque.

Elle conteste enfin le préjudice, la société Panosol ne donnant aucun élément montrant que son activité aurait été plus lucrative en l’absence du lien promotionnel ni aucun élément sur une baisse de ses ventes ou un détournement de clientèle.

Sur la nullité et le rejet des débats du constat d’huissier du 22-12-2009

Il est soutenu que le constat est irrégulier aux motifs que l’huissier indique d’une part, qu’il a une connexion ADSL via orange, alors qu’il dispose selon le descriptif de son équipement d’une simple connexion filaire à 56k et d’autre part, que son ordinateur est connecté à une seule imprimante alors qu’il est connecté à 4 imprimantes ; enfin il soutient qu’il ne s’est pas assuré de la correspondance de la date retenue par l’horloge interne du système d’exploitation avec celle du jour du constat.

Cependant il ressort du rapport d’expertise “Totem numérique” produit par Panosol, en point 3, que si l’annexe 1 du constat en page 4/5, reprenant les caractéristiques de l’ordinateur utilisé, mentionne “Smart link 56k Modem Carte réseau 1394” , cela ne signifie pas pour autant que l’ordinateur n’était pas connecté à internet en haut débit ADSL via l’opérateur Orange comme l’a indiqué l’huissier au début de son constat ; en effet cela signifie seulement que l’ordinateur est équipé d’un modem ainsi que d’une carte d’interface réseau wifi et d’une carte d’interface réseau filaire, la connexion étant réalisée via la carte réseau filaire. L’expert précise que les serveurs DNS affichés sur cette même page indiquent bien une connexion via Orange.

Ce premier grief est donc infondé.

S’agissant des imprimantes, Totem numérique explique que s’il ressort de la page 2/5 de l’annexe 1 que plusieurs imprimantes ont été déclarées sur le poste, cela ne préjuge pas de l’état des connexions réelles au moment du constat ; il en résulte que la description de l’huissier, en ce que l’ordinateur est relié à une imprimante couleur de marque HP Photosmart C 8180, n’est pas contredite par les caractéristiques du poste annexées en 1.

Ce second grief est donc également infondé.

Enfin, il est relevé que la page 5/5 de l’annexe 1 mentionne un “Bios” avec la date du 29-12- 2004, ce qui démontrerait que l’huissier n’a pas vérifié l’horloge du système d’exploitation pour qu’elle soit en cohérence avec la date du constat.

Cependant le Bios ne permet pas de déterminer la date du constat, il s’agit de l’horloge du système “hardware” qui n’est pas modifiable ; en l’espèce la date de l’horloge “software” est en concordance avec le jour du constat puisque la date du 22-12-2009 est imprimée au bas des copies écran annexées.

Ce grief est donc aussi inopérant et la date du constat fait foi.

Aucune autre irrégularité n’est alléguée.

Il convient donc de constater que l’huissier a respecté les précautions d’usage en matière de constat sur internet et de rejeter la demande en nullité ou rejet des débats de ce constat.

Sur la contrefaçon

En matière d’annonce sur internet, il ressort de la jurisprudence de Cour de Justice de l’Union Européenne (arrêt du 23 mars 2010) que la contrefaçon est constituée seulement si l’annonce à laquelle renvoie le mot clé génère un risque de confusion pour l’internaute moyen sur la provenance des produits ou services, en ne permettant pas d’identifier clairement l’annonceur, confondu avec le titulaire de la marque.

L’atteinte à la fonction d’origine de la marque dépend de la façon dont l’annonce est présentée ; elle est caractérisée si l’annonce suggère l’existence d’un lien économique entre le tiers et le titulaire de la marque ou si elle reste à tel point vague sur l’origine des produits ou services en cause, qu’un internaute normalement informé et raisonnablement attentif n’est pas en mesure de savoir, sur la base du lien promotionnel et du message commercial joint, si l’annonceur est un tiers ou s’il est économiquement lié au titulaire de la marque.

Par ailleurs la bonne foi de l’annonceur est indifférente dans ses rapports avec le titulaire de la marque.

En l’espèce, il ressort du titre de l’annonce “Panosol Toulouse” ou “Panosol” (suivant la requête adressée au moteur de recherche) et du message promotionnel associé, “spécialistes de l’isolation interventions en Haute Garonne” pour “Panosol Toulouse” et “Bouquet de travaux Fenêtres Isolation des combles-Haute-Garon.” pour “Panosol” et “Panosol Montauban”, que l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif ne peut distinguer l’entreprise à laquelle renvoie ce lien promotionnel de celle du titulaire de la marque Panosol, portant la même dénomination. Les messages promotionnels sont trop vagues pour permettre de distinguer les deux entreprises, de même que l‘adresse url à laquelle renvoie l’annonce, qui ne contient pas plus le nom de la société AV ; et la confusion est encore renforcée si la requête de l’internaute est “Panosol Toulouse” puisque le titre de l’annonce est exactement le même et que le siège social de la société Panosol est à Toulouse.

La contrefaçon est donc caractérisée.

La société AV prétend avoir mis fin à la contrefaçon et produit un constat d’huissier des 6 et 24/12/2010 à l’appui de ses dires.

Cependant il n’est pas certain que tous les mots clés réservés pour son compte, contenant le terme Panosol, aient été supprimés de ses campagnes publicitaires sur Google Adwords.

En effet, il ressort du rapport d’expertise Totem numérique que la recherche faite par l’huissier sur le mot clé panosol s’est faite non pas sur tous les mots clés présents dans le compte AdWords de M. Jean-Paul R. de la société AV, mais sur un sous ensemble filtré par le critère masquant les mots clés supprimés ; de plus la recherche a fait ressortir une seule entrée “panosol toulouse”, correspondant à l’expression exacte car entre guillemets, ce qui signifie que les annonces ne peuvent apparaître que si l’expression entière “panosol toulouse” est entrée dans le champ de recherche Google, ce qui est en contradiction avec l’affichage constaté lors du constat du 22-12-2009 aux requêtes “panosol” et “panosol montauban”. L’expert en déduit qu’il existe d’autres mots clés dans les campagnes du compte de M. R. ou d’autres comptes AdWords faisant de la publicité pour le site toiture-isolation.com.

En conséquence il convient d’ordonner, comme réclamé, le placement du mot-clé “Panosol” avec pour option de ciblage “l’expression exacte” en mot-clé négatif de l’ensemble des campagnes publicitaires de la société AV sur Google Adwords, sous peine d’une astreinte de 300 € par jour de retard, passé un délai d’un mois à compter de la signification du jugement et durant trois mois, à l’issue desquels il pourra être de nouveau statué ; en revanche il n’y a pas lieu de réserver au tribunal la liquidation de cette astreinte.

S’agissant du préjudice, il est établi que 8 clics au moins ont été redirigés vers le site de la société AV.

Cependant la société Panosol ne démontre pas une baisse de ses ventes ou de la croissance de celles-ci depuis la contrefaçon de sorte que le manque à gagner qu’elle invoque n’est pas établi.

En revanche il convient de lui allouer la somme de 5000 € au titre de son préjudice résultant de l’atteinte à la marque, pour le développement de laquelle elle justifie des frais engagés.

La publication du jugement sur le site de la société AV n’apparait pas nécessaire. Sur l’article 700 du code de procédure civile et l’exécution provisoire

Compte tenu de l’issue du litige, il y a lieu de condamner la société AV à payer à Panosol la somme de 3000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile. Il convient également d’ordonner l’exécution provisoire du jugement.

Statuant par jugement contradictoire, en premier ressort, et par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

. Rejette l’exception de nullité et la demande de rejet des débats du constat d’huissier du 22-12-2009,

. Dit que la société AV a contrefait, au préjudice de la société Panosol, la marque Panosol enregistrée sous le n ° 3410819,

. Ordonne le placement du mot-clé “Panosol”, avec pour option de ciblage “l’expression exacte”, en mot-clé négatif de l’ensemble des campagnes publicitaires de la société AV sur Google Adwords, sous peine d’une astreinte de 300 € par jour de retard, passé un délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement et durant trois mois, à l’issue desquels il pourra être de nouveau statué,

. Condamne la société AV à payer à la société Panosol la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

. Condamne la société AV à payer à la société Panosol la somme de 3000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

. Ordonne l’exécution provisoire,

. Rejette le surplus des demandes,

. Condamne la société AV aux dépens.

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