Tribunal de grande instance de Créteil, 3e chambre civile, 27 juin 2017, n° 15/00003

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Créteil, 3e ch. civ., 27 juin 2017, n° 15/00003
Juridiction : Tribunal de grande instance de Créteil
Numéro(s) : 15/00003

Texte intégral

MINUTE N° :

DOSSIER N° : 15/00003

JUGEMENT DU : 27 Juin 2017

AFFAIRE : […] C/ S.A.S. SHURGARD FRANCE

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CRÉTEIL

TROISIEME CHAMBRE CIVILE – BAUX COMMERCIAUX

JUGEMENT DU 27 JUIN 2017

M. ITTAH, Vice-Président, statuant par délégation du Président du Tribunal et dans les conditions prévues aux articles R 145-23 et suivants du Code de Commerce, assisté de Mme REA, Greffier

PARTIES

DEMANDERESSE

[…], dont le […]

représentée par Maître Marc BOISSEAU de la SELEURL MARC BOISSEAU, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : B1193

DEFENDERESSE

S.A.S. SHURGARD FRANCE, sous l’enseigne A BOX SELF STORAGE., dont le siège social est […]

représentée par Me Thierry BENAROUSSE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0100

L’affaire a été débattue à l’audience du 09 Mai 2017.

Les parties ont été avisées que le délibéré serait prononcé le 27 juin 2017.

EXPOSE DU LITIGE

La SNC A. DARIDAN ET COMPAGNIE GRAND GARAGE CAMILLE est propriétaire de locaux commerciaux sis […] à Charenton-le-Pont (Val-de-Marne), loués à la SAS SHURGARD FRANCE pour une activité de stockage.

Par acte du 4 juin 2014, la SAS SHURGARD FRANCE a sollicité le renouvellement de son bail.

Par acte du 30 juin 2014, la SNC A. DARIDAN ET COMPAGNIE GRAND GARAGE CAMILLE a accepté le principe du renouvellement du bail moyennant un loyer de 293.000 euros par an, le déplafonnement étant justifié par une modification notable des facteurs locaux de commercialité ainsi que par une modification des caractéristiques propres des locaux.

La société locataire a contesté le loyer demandé par courrier du 8 août 2014.

Après avoir notifié son mémoire préalable le 6 octobre 2014, la SNC A. DARIDAN ET COMPAGNIE GRAND GARAGE CAMILLE a fait assigner par acte du 30 décembre 2014 la SAS SHURGARD FRANCE devant le juge des loyers commerciaux aux fins de voir fixer le loyer au montant indiqué supra (293.000 euros) et à défaut voir désigner un expert judiciaire.

La SAS SHURGARD FRANCE a contesté tout motif de déplafonnement.

Aux termes d’un jugement rendu le 26 mai 2015 auquel il est renvoyé pour plus ample exposé du litige, le juge des loyers commerciaux a ordonné une mesure d’expertise et commis M. X pour y procéder avec mission, notamment de donner toutes informations utiles pour permettre au juge des loyers commerciaux de déterminer s’il existe ou non une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L145-33 du Code de commerce et fixer la valeur locative des locaux au 1er juillet 2014.

L’expert commis a déposé son rapport le 2 mars 2017 et indique notamment :

— que la surface contractuelle est de 3.800 m2 à laquelle s’ajoute les 100 m2 qui correspondent à un ancien logement de fonction;

— que la surface des locaux mentionnée dans le rapport de M. Y est de 3.891 m2, ce résultat étant très proche de la surface contractuelle ;

— que les locaux autrefois exploités à usage de garage automobile ont été transformés et aménagés par l’exploitant pour adapter les lieux à l’activité autorisée par le bail ;

— que ces travaux ne constituent pas une modification notable des locaux dès lors qu’ils ont eu pour seul objet de rendre les locaux conformes à la destination prévue par le bail;

— que le bailleur a autorisé ces travaux dans la mesure où le bail précise “qu’en contrepartie des investissements pour la transformation de l’immeuble donné à bail consentis par le preneur et acceptés par le bailleur, le bailleur s’oblige expressément à l’égard du preneur à réserver à ce dernier un droit de préférence en cas de vente de l’immeuble;

— que seule la transformation du logement au dernier étage pose difficulté dans la mesure où d’importants travaux ont été réalisés qui ont conduit à la suppression des éléments de confort (salle de bains, cuisine, WC), des cloisonnements et des revêtements, les locaux considérés ne formant plus désormais qu’un plateau nu;

— qu’il appartiendra au tribunal de considérer si cette transformation du logement d’habitation constitue une modification notable de la chose louée ou bien si elle s’inscrit dans les travaux rendus nécessaires pour adapter les locaux à l’activité ; qu’en vertu d’une jurisprudence constante, la destination prime sur la désignation, si bien que le preneur était en droit de faire un usage commercial de la totalité des lieux loués;

— que pour autant, le bailleur pourrait prétendre, au vu de la clause de désignation et de la commune intention des parties, que l’ancien logement d’habitation ne pouvait être confié qu’à un usage d’habitation ;

— que s’agissant des facteurs locaux de commercialité, les 72 logements réalisés au cours du bail expiré retenus par l’expert constituaient un ratio insuffisant pour qualifier cette modification de notable et les 101 logements situés à l’angle de la rue Pigeon et la rue du Mail (rapport amiable VASSELIN) ont fait difficulté au départ, l’immeuble neuf n’ayant pas été retrouvé, lequel était en réalité positionné à l’angle de la rue Pigeon et de l’allée Ronsard, portant à 173 logements les nouvelles constructions au cours du bail expiré ;

— qu’une population supplémentaire de 375 personnes s’est rattachée à ces nouveaux logements, ce qui apparaît insuffisant pour qualifier l’accroissement de notable;

— que la hausse de fréquentation des stations de métro Charenton-Ecoles et Liberté a été considérable mais les pourcentages respectifs (+ 39,75 % pour la station Charenton et + 21,30 % pour la station Liberté) sont faussés par la fermeture pour travaux pendant deux mois de la station Liberté dont l’affluence s’est reportée sur la station Charenton ;

— que la fréquentation moyenne est donc de 26,95 % pour la station Charenton et 21,30 % pour la station Liberté et cette progression est à mettre en corrélation avec celle de la moyenne du réseau métropolitain parisien au cours de la même période (+ 22,82 %), plus forte que l’augmentation enregistrée à la station Liberté (+ 21,30 %);

— que les locaux sont situés à l’angle de deux voies de très faibles passages et ne sont pas visibles des principaux axes de circulation;

— qu’un centre de self-stockage ne recrute pas sa clientèle parmi les usagers du métro et ce d’autant que le bâtiment ne se trouve pas dans le flux naturel des passants;

— que d’ailleurs, le listing de la clientèle montre qu’elle se trouve exclusivement au sein de la commune de Charenton-le-Pont et est composée pour 3/4 de particuliers et pour 1/4 par des professionnels ;

— que le chiffre d’affaires de la locataire a doublé entre 2006 et 2014, avec une progression enregistrée encore après la phase de remplissage du site, laquelle a durée entre 4 et 5 ans de 2003 à 2008;

— que ce n’est pas seulement la phase de remplissage qui explique l’augmentation de + 15% du chiffre d’affaires entre 2008 et 2010 et l’évolution s’explique par le fait que l’établissement puise sa clientèle sur la commune de Charenton-le-Pont, mais pas seulement dans la zone de chalandise de 400 mètres, l’emprise commerciale s’étendant en effet au-delà, faute d’une réelle concurrence de self stockage au sein de la commune de Charenton-le-Pont, hormis l’établissement UNE PIECE EN PLUS situé […]

— que de ce fait, il ne semble pas que le bailleur puisse arguer de l’évolution du chiffre d’affaires pour prétendre à une modification des facteurs locaux de commercialité;

— que compte tenu de ces éléments, il n’apparaît pas que le secteur dans lequel se trouvent les locaux ait connu au cours du bail expiré (2003-2013) une modification significative et suffisante des facteurs locaux de commercialité pouvant avoir un intérêt pour le commerce exercé ;

— que la valeur locative au 1er juillet 2014 s’établit à la somme de 259.405 euros ramenée à 246.434 euros compte tenu de l’abattement de 5 % pour charges exorbitantes (taxe foncière et prime d’assurance incendie sur l’immeuble);

— que la valeur arrondie s’élève à 246.000 euros HT HC/an ;

— que le loyer plafonné s’établit à 70.000 euros x 1648 (ICC du 1er trimestre 2014)/1183 (ICC du 1er trimestre 2013) = 97.514,79 euros HT HC par an ;

— qu’en réponse au dire du bailleur qui se prévaut de la hausse constante du chiffre d’affaire, l’expert indique qu’il a sur ce point “fait part de son sentiment”;

— que s’agissant de la monovalence des locaux alléguée en fin d’expertise, l’expert fait observer que si les travaux ont été importants, l’analyse de la note descriptive sommaire établie en 2002 par l’atelier 3 DIMENSIONS et le détail des coûts révèlent que les travaux engagés n’ont pas porté sur la structure de l’immeuble et ont consisté en des travaux d’aménagement intérieurs et d’équipements, avec la réalisation de boxes de stockage en parois métalliques propres à l’activité de self stockage ; qu’indépendamment de ces boxes, toute autre activité de stockage pourrait y être exercée;

— que la monovalence n’est dès lors pas avérée.

Aux termes d’un mémoire régulièrement notifié le 26 avril 2017 en la forme des recommandés auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des moyens en fait et en droit, la SNC A. DARIDAN ET COMPAGNIE GRAND GARAGE CAMILLE fait valoir en conclusion :

[…]

Il résulte de ce qui précède qu’il existe plusieurs motifs de déplafonnement du loyer du local du 10 […] à CHARENTON-LE-PONT (Val-de-Marne) :

- parce que l’assiette des locaux a été modifiée.

Il sera donc relevé que le locataire a modifié le local d’habitation de 100 m2 en local de stockage (dont il a fait enlever les murs peu de temps avant l’expertise pour tenter de faire croire qu’il existait toujours un local d’habitation bien qu’il n’existe plus de cuisine ni de salle de bains ni même de cloisonnement et qu’il a pu être relevé les traces de démolition des cloisonnements au sol) et ainsi qu’il résulte également du procès-verbal de constat du 6 septembre 2012.

- il existe des modifications des facteurs locaux de commercialité :

- augmentation de la fréquentation des stations de métro du voisinage,

- construction nouvelles et de restructuration ayant fait l’objet de permis de construire au cours du bail expiré dans un rayon de 400 mètre des lieux loués,

- évolution de la population de Charenton-Le-Pont,

- augmentation signification du chiffre d’affaires du locataire

- monovalence des locaux :

sans exécution de très importants travaux pour transformer les lieux, il ne peut exister aucune activité autre que le stockage comme l’indique lui-même l’expert. La monovalence devra être retenue.

Pour l’ensemble de ces motifs, le tribunal devra, en application de l’article L145-33 du Code de commerce, fixer la valeur locative à la somme de 246.000 euros HT HC par an à compter du 1er juillet 2014 avec réajustement du dépôt de garantie”.

Dans la partie du mémoire consacrée à “la modification des facteurs locaux de commercialité” (mémoire page 5), la SNC A. DARIDAN ET COMPAGNIE GRAND GARAGE CAMILLE, curieusement, insère des développements sans lien avec l’objet de son paragraphe.

La SNC A. DARIDAN ET COMPAGNIE GRAND GARAGE CAMILLE indique en effet :

Enfin le tribunal se souviendra que le loyer initial avait été fixé à un prix faible au moment de la conclusion du bail pour tenir compte des travaux exécutés par le bailleur dans les locaux, étant précisé que le bail prévoit en page 7, 3ème paragraphe, une clause d’accession au bailleur en fin de bail sans indemnité au profit du preneur.

La jurisprudence considère d’ailleurs que des travaux autorisés par le bailleur et financés par le preneur peuvent être pris en considération au titre du déplafonnement du loyer du bail renouvelé à condition qu’ils entraînent une modification des caractéristiques du local et non une simple amélioration. Tel est le cas d’espèce. Pour ce deuxième motif, le tribunal devra retenir le déplafonnement du loyer.”

Suivant mémoire en réponse auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des moyens en fait et en droit, la SAS SHURGARD FRANCE indique en conclusion :

Il résulte de ce qui précède qu’il n’existe aucun motif de déplafonnement du loyer du local sis […] à Charenton-le-Pont :

- il n’y a pas de modification notable des caractéristiques des locaux, l’assiette des locaux donnés à bail n’ayant pas été modifiée,

- il n’y a pas de modification des facteurs locaux de commercialité affectant son activité,

- il n’y a pas de monovalence des locaux puisque les travaux effectués n’ont pas porté sur la structure de l’immeuble et l’activité de self stockage n’empêchant pas l’exercice d’une autre activité.

Pour l’ensemble de ces motifs, elle s’oppose à la demande du bailleur tendant à voir fixer le loyer de renouvellement à la somme annuelle HT HC de 246.000 euros par an à compter du 1er juillet 2014 et sollicite un loyer plafonné/indexé.

En conséquence le tribunal fixera le loyer en renouvellement conformément à l’article L145-34 du Code de commerce à la somme annuelle HT HC de 97.514,79 euros à compter du 1er juillet 2014.”

L’affaire a été plaidée le 9 mai 2017 puis mise en délibéré au 27 juin 2017, date à laquelle la présente décision a été rendue.

EXPOSE DES MOTIFS

Sur le déplafonnement du chef des travaux autorisés par le bailleur

> Sur l’impossibilité de qualifier de travaux d’amélioration les travaux effectués par le preneur pour rendre les locaux compatibles avec la destination prévue au bail.

L’article R 145-8 du Code du commerce dispose que “(…) Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l’acceptation d’un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge”.

En l’espèce, ce texte est inapplicable.

En effet, la SNC A. DARIDAN ET COMPAGNIE GRAND GARAGE CAMILLE reconnaît en page 3 de son mémoire que “le preneur a exécuté d’importants travaux dans les locaux pour les adapter à l’activité autorisée par le bail et l’expert indique que ces travaux en eux-mêmes ne constituent pas une modification notable des locaux, ce qui n’est pas contesté.”

La SNC A. DARIDAN ET COMPAGNIE GRAND GARAGE CAMILLE a transféré la charge de son obligation de délivrance sur le preneur et c’est en contrepartie de ce transfert qu’un loyer réduit a été stipulé.

C’est parce que la SAS SHURGARD FRANCE a dû supporter “toutes les transformations ou améliorations nécessitées par l’exercice de son activité” que “le loyer tel qu’arrêté entre les parties a été modéré en considération des charges présentement imposées”.

Le loyer réduit ne correspond pas, en l’espèce, à un financement indirect des simples “amélioration” appréhendées par l’article R145-8 du Code de commerce et c’est d’ailleurs pourquoi la SNC A. DARIDAN ET COMPAGNIE GRAND GARAGE CAMILLE ne s’en est pas prévalu dès le premier renouvellement du bail à effet du 1er juillet 2014.

Le loyer réduit a été la contrepartie du transfert du bailleur sur le preneur de son obligation de délivrance, ce qui n’est pas l’hypothèse envisagée par l’article R145-8 sus-rappelé.

Il convient de souligner que ne constituent pas des améliorations véritables autorisant une revalorisation du loyer les travaux réalisés par le preneur au moment de l’entrée dans les lieux pour adapter les locaux loués à leur destination contractuelle.

La notion d’amélioration s’entend en effet d’un changement en mieux et nécessite qu’au départ un local exploitable ait été délivré.

Lorsque les travaux réalisés ont pour seul objet de permettre la délivrance de la chose louée, il n’y a pas de “changement en mieux” mais uniquement l’accomplissement des travaux indispensables, qui ne sont pas un “mieux” mais un fait incontournable pour que le preneur puisse commencer son exploitation telle qu’autorisée et prévue dans le bail.

Le bailleur doit normalement assumer la charge des travaux permettant l’adaptation du local loué à la destination contractuelle convenue avec le preneur, en application de l’article 1719 du Code Civil, et, si le bailleur effectue lui-même les travaux nécessaires, comme il en a normalement le devoir, il ne viendrait à personne l’idée de soutenir qu’il s’agirait là “d’améliorations”.

Ainsi, on ne voit pas à quel titre ces travaux constitueraient des améliorations, lorsque le bailleur a contractuellement transféré son obligation de délivrance au locataire, et n’en seraient pas lorsqu’il les réalise lui-même.

Les travaux conditionnant l’aptitude du local à satisfaire à la destination convenue et qui doivent, pour ce motif, être réalisés dès l’entrée dans les lieux, ne constituent dès lors pas des “améliorations”, ce sur quoi la SNC A. DARIDAN ET COMPAGNIE GRAND GARAGE CAMILLE a acquiescé, du reste.

Le juge des loyers commerciaux soulignera donc que l’article R145-8 du Code de commerce n’a aucune vocation à s’appliquer en l’espèce et précisera que la stipulation d’un loyer réduit ne correspondait pas au financement indirect de travaux d’amélioration mais à la réparation du transfert de l’obligation de délivrance sur le preneur, ce qui n’est pas la même chose.

> Sur l’impossibilité de qualifier de modification notable des caractéristiques du local les travaux autorisés, compte tenu de leur objet et de leur nature

En l’espèce, il est établi que le local a fait l’objet d’importants travaux d’aménagement par le preneur, lesquels ont consisté à mettre un ancien garage en adéquation avec l’activité de self stockage exercée.

Les locaux autrefois exploités à usage de garage automobile ne comportaient, cependant, ni aire de lavage et de graissage, ni hall d’exposition au rez-de-chaussée et au 1er étage, ni atelier, ce qui a rendu la transformation et l’aménagement des lieux en local de stockage concevable et aisé, par rapport à ce qu’un garage plus traditionnel, avec aire de lavage et de graissage, hall d’exposition et atelier, aurait imposé.

Les caractéristiques du local n’ont, en l’espèce, pas été notablement modifiées puisque la surface donnée en location est restée identique, avant et après les travaux, lesquels ont modifié l’existant mais seulement pour permettre la mise en adéquation du local avec la nouvelle destination du bail, sans modifier l’assiette des lieux.

La surface contractuelle est déjà de 3.900 m2 avant les travaux, et la surface utile après travaux est de 3.891 m2, soit une variation minime qui ne permet pas de considérer que les travaux réalisés ont notablement modifié les caractéristiques du local considéré, dont seuls les aménagement intérieurs ont été modifiés, pour un coût qui n’était pas dissuasif, du reste.

L’immeuble est, ainsi, resté identique à lui-même dans son volume et son assiette, à l’issue des travaux.

Compte tenu des motifs qui précèdent, la SNC A. DARIDAN ET COMPAGNIE GRAND GARAGE CAMILLE est mal fondée de se prévaloir de “la jurisprudence qui considère que les travaux autorisés par le preneur et financés par le preneur peuvent être pris en considération au titre du déplafonnement du loyer du bail renouvelé à conditions qu’ils entraînent une modification des caractéristiques du local et non une simple amélioration” puisque les caractéristiques du local (RDC puis R + 1 à R + 6 ; R – 1 à R-4, avant comme après les travaux) n’ont pas été modifiées et que les travaux réalisés, qui ont seulement permis au preneur de développer l’activité prévue dans le bail, se sont limités à des travaux de ré-agencement intérieurs, sans contrainte architecturale majeure.

Les locaux ont en effet pu passer, sans aucune difficulté technique, d’une destination de garage à celle de centre de stockage, parce que l’ancien garage était dépourvu des équipements industriels contraignants habituellement rencontrés pour ce type d’activité.

La “jurisprudence” citée par la SNC A. DARIDAN ET COMPAGNIE GRAND GARAGE CAMILLE est donc sans application au présent litige.

La SNC A. DARIDAN ET COMPAGNIE GRAND GARAGE CAMILLE se contredit d’ailleurs elle-même entre la page 5 et la page 3 de son mémoire.

En page 5, le bailleur soutient que les travaux autorisés auraient entraîné une “modification des caractéristiques du local” justifiant un déplafonnement dès le premier renouvellement, alors qu’en page 3, le même bailleur indique que “le preneur a exécuté d’importants travaux dans les locaux pour les adapter à l’activité autorisée par le bail et l’expert indique que ces travaux en eux-même ne constituent pas une modification notable des locaux, ce qui n’est pas contesté”.

Il y a donc une contradiction sur ce point, de la part de la SNC A. DARIDAN ET COMPAGNIE GRAND GARAGE CAMILLE, et c’est l’aveu contenu en page 3 du mémoire, qui est seul conforme aux faits de l’espèce et à l’état du droit, qui est à privilégier.

Les travaux qui correspondaient au transfert du bailleur sur le preneur de l’exécution de son obligation de délivrance “ne constituent pas une modification notable des locaux”, compte tenu de leur nature et de leur objet.

Il n’y aura donc, à aucun titre, lieu à déplafonnement du loyer du chef des travaux autorisés qui tendaient seulement à rendre le local apte à répondre à la destination commerciale convenue entre les parties.

Sur le déplafonnement revendiqué du chef des travaux non autorisés par le bailleur

La SNC A. DARIDAN ET COMPAGNIE GRAND GARAGE CAMILLE soutient que l’assiette des locaux a été notablement modifiée à cause de la transformation d’un local d’habitation de 100 m2 situé en R + 6 en local à usage commercial et de stockage.

La SAS SHURGARD FRANCE explique que le logement dont s’agit était vétuste, ce qui n’est pas contesté, et indique que les locaux ont été transformés en plateau nu.

La SAS SHURGARD FRANCE ajoute qu’il ne s’agit pas là d’une modification notable de la caractéristique des locaux puisqu’entre un logement vétuste impropre à sa destination contractuelle d’habitation, et un local à usage de réserve, il y a peu de différence factuelle, dès lors, en effet qu’un logement inhabitable ne peut servir qu’à titre d’entrepôt.

La SAS SHURGARD FRANCE indique, surtout, que la superficie litigieuse (100 m2) rapportée à la surface totale des locaux loués (3.900 m2) établit le caractère insignifiant de ladite transformation.

Il est constant que la destination des lieux prime sur leur désignation et, dès lors, la SAS SHURGARD FRANCE était en droit de transformer un local d’habitation vétuste en local à usage de réserve pendant la durée de son exploitation, sans faute de sa part mais à charge seulement, à son départ, de remettre les lieux en état, si bon semblait au bailleur.

La transformation effectuée est marginale et insignifiante à un triple titre :

— d’une part parce que la transformation s’est faite pour affecter une surface de seulement 100 m2 à la même destination commerciale que l’ensemble loué,

— de seconde part parce que la transformation n’a impacté que 100m2 sur 3900m2 soit 0,02 % de la superficie totale,

— de troisième part parce que la transformation n’a concerné ni la structure de l’immeuble ni son assiette, le volume et l’emprise des locaux étant restés identiques à eux-mêmes, avant et après transformation de la partie habitation du local, limitée à 100 m2.

Il apparaît, en réalité, que la SNC A. DARIDAN ET COMPAGNIE GRAND GARAGE CAMILLE s’est emparée du changement d’affectation non autorisé du local gardien de 100 m2 parce qu’elle se savait par ailleurs dépourvue du droit de prétendre à quelque motif de déplafonnement que ce soit au titre des travaux autorisés qui concernaient les 3.791 m2 restants et qui ne consistaient qu’en des travaux d’exécution de son obligation de délivrance transférée, dont l’objet étaient de rendre les locaux conformes à leur destination contractuelle.

L’intitulé retenu par la SNC A. DARIDAN ET COMPAGNIE GRAND GARAGE CAMILLE dans son mémoire : “Sur la modification de l’assiette du bail” est d’ailleurs trompeur puisqu’il n’y a eu aucune modification de l’assiette du bail, le métrage de 100 m2, déjà compris dans le bail commercial, étant resté identique à lui-même, avant comme après les travaux, qui ont seulement eu pour effet de transformer la destination de cette partie modique des locaux, sans changement d’assiette.

100 m2 à usage d’habitation correspondent en effet, du point de vue de l’assiette des locaux, à 100 m2 à usage de réserve, voire de stockage et il n’y a pas de différence d’assiette pouvant être observée de ce chef.

La SNC A. DARIDAN ET COMPAGNIE GRAND GARAGE CAMILLE sera, compte tenu de l’ensemble des motifs qui précèdent, déboutée de sa demande de déplafonnement de ce chef.

Sur la monovalence des locaux

Un local commercial est monovalent s’il est construit en vue d’une destination unique et s’il est démontré, en outre, qu’il est impossible de l’affecter à un autre usage sans y réaliser des travaux importants ou des transformation coûteuses.

Deux conditions doivent donc être réunies pour retenir la monovalence, la première étant relative à l’usage du bien donné à bail et la seconde tenant à la configuration matérielle des lieux, qui impose toujours de rechercher si la modification de la destination du local, pour s’effectuer, impose d’avoir à y réaliser d’importants travaux de changement d’affectation.

En l’espèce, le bail n’exclut pas l’exercice dans les lieux d’activités différentes de celles de stockage, mais précise seulement qu’elles “ne seront possibles que dans les conditions fixées aux articles L145-47 à L145-55 du Code de commerce”.

Surtout, si un garage peut être, suivant les circonstances, qualifié de local monovalent, tel ne peut être le cas du local loué par la SAS SHURGARD FRANCE qui a précisément été transformé par ses soins, et a cessé d’être un garage potentiellement monovalent, pour devenir un local commercial classique compatible avec l’activité de stockage désormais déployée.

Un immeuble désormais aux normes pour une activité de stockage, ce qui est le cas en l’espèce, peut être utilisé sans aucune contrainte technique et architecturale majeure à des destinations autres, et sans avoir besoin d’y réaliser des travaux de transformation coûteux.

Il n’est d’ailleurs pas d’exemple qu’un local à destination de centre de stockage ait été qualifié de local monovalent.

L’importance des travaux réalisés pour transformer l’ancien garage en local de stockage n’a pas être pris en compte puisqu’il s’agit seulement d’apprécier si, actuellement, le local tel qu’il est est, ou n’est pas, monovalent.

Il ressort, de toute façon, du rapport d’expertise que les travaux réalisés par la SAS SHURGARD FRANCE à son entrée dans les lieux n’ont pas porté sur la structure de l’immeuble mais n’ont concerné que les aménagements intérieurs et les équipements, avec la réalisation de boxes de stockage en parois métalliques nécessaires à l’activité de self-stockage.

D’ailleurs, le fait même que la SAS SHURGARD FRANCE ait accepté d’effectuer pour 964.694 euros de travaux afin de transformer l’ancien garage en centre de stockage suffit à démontrer que la notion de “monovalence” ne s’imposait pas même pour l’ancien local, avant transformation.

Les parois mises en place par la SAS SHURGARD FRANCE sont amovibles et pourront être enlevés aisément. La nature des aménagements de l’espace intérieur ne justifie dès lors pas la qualification de “local monovalent” tardivement revendiquée par la SNC A. DARIDAN ET COMPAGNIE GRAND GARAGE CAMILLE, en fin d’expertise.

Il faudrait, du reste, à un nouveau preneur qui ne souhaiterait pas exercer dans les lieux une activité de stockage exposer bien moins de frais, pour conférer aux locaux une autre destination, que ceux que la SAS SHURGARD FRANCE a dû exposer, à son entrée dans les lieux, pour reconfigurer l’ancien garage en centre de stockage.

La monovalence, déjà non justifiée à l’entrée dans les lieux de la SAS SHURGARD FRANCE, l’est, logiquement, encore bien davantage après tranformation de l’ancien garage en centre de stockage, ce à quoi correspondent les locaux dans leur configuration actuelle.

La SNC A. DARIDAN ET COMPAGNIE GRAND GARAGE CAMILLE sera, par suite, déboutée de sa demande de déplafonnement de ce chef.

Sur la modification notable des facteurs locaux de commercialité

L’expert explique d’une façon pertinente que les constructions neuves dans la zone de chalandise n’ont pas été suffisamment importantes pour modifier d’une façon notable les facteurs locaux de commercialité.

L’expert souligne en effet que la SAS SHURGARD FRANCE a une clientèle qui dépasse très largement sa zone de chalandise comprise dans le périmètre de 400 mètres autour du local, puisqu’elle s’étend à toute la commune de Charenton-le-Pont en réalité, les listings de sa clientèle faisant foi.

La population globale de la commune de Charenton-le-Pont a cru dans une proportion identique à celle observée dans toutes les communes de la petite couronne et le pourcentage d’augmentation objectivé entre 2006 et 2013, de 7 % seulement, n’apparaît pas suffisant pour imposer, à lui seul, en l’absence d’un nombre significatif de constructions neuves dans la zone de chalandise du commerce considéré, la qualification de modification notable des facteurs locaux de commercialité.

L’expert a expliqué, d’une façon pertinente, en quoi l’augmentation de la fréquentation piétonne des stations de métro avoisinantes ne constitue pas un élément d’appréciation pertinent en l’espèce puisque :

— d’une part la clientèle de la SAS SHURGARD FRANCE réside sur la commune de Charenton et n’a pas l’utilité du métro pour se rendre de Charenton (là où la clientèle réside) à Charenton (là où le commerce se situe),

— d’autre part on ne peut pas sérieusement imaginer que le métro puisse drainer la clientèle de la SAS SHURGARD FRANCE qui s’y rend encombrée d’objets, qu’il s’agisse de les déposer ou de les reprendre, lesdites opérations de manutentions impliquant nécessairement l’utilisation d’un autre moyen de locomotion que pédestre par les transports en commun.

L’expert a, de surcroît, fait l’effort d’argumenter sur l’augmentation du chiffre d’affaires de la SAS SHURGARD FRANCE, qui ne s’explique certes pas uniquement par la phase de démarrage de l’exploitation pendant les 4/5 premières années, mais également, une fois la “vitesse de croisière” advenue, et alors qu’il a continué d’augmenter encore après cela, par l’absence de concurrence dans le secteur, ce qui induit que ce n’est pas l’augmentation de la population globale de la commune de Charenton-le-Pont qui en a été l’explication, mais bien davantage la pénurie de centre de stockage dans le secteur.

Le dynamisme induit par l’absence de concurrence dans le secteur considéré aurait d’ailleurs été identique, à population constante, avec ce qui a pu être observé dans une commune ayant enregistré un apport de population somme toute modeste, au cours du bail expiré.

C’est, dès lors, à juste titre que l’expert a été d’avis, compte tenu des caractéristiques du commerce de stockage considéré, et de son environnement peu concurrentiel, d’écarter le motif de déplafonnement s’attachant à la modification notable des facteurs locaux de commercialité.

A l’aune du faible nombre des constructions neuves enregistré au cours du bail expiré dans la zone de chalandise de l’immeuble litigieux il est, de toute façon, radicalement impossible de considérer que les facteurs “locaux” ont été modifiés notablement.

Il apparaît, en réalité, que la SNC A. DARIDAN ET COMPAGNIE GRAND GARAGE CAMILLE a entendu, coûte que coûte, contourner l’interdiction qui lui est faite de se prévaloir des travaux pris en charge par le seul preneur après transfert de sa propre obligation de délivrance, en alléguant divers motifs de déplafonnement pour contrarier les légitimes prévisions financières qui avaient pu être celles du preneur.

La SNC A. DARIDAN ET COMPAGNIE GRAND GARAGE CAMILLE n’apparaît, dès lors, pas de bonne foi.

Compte tenu des motifs qui précèdent, la SNC A. DARIDAN ET COMPAGNIE GRAND GARAGE CAMILLE sera déboutée de sa demande de déplafonnement de ce dernier chef encore.

Sur la fixation du loyer

Le bail expiré était à effet du 30 juin 2013 au 29 juin 2012.

La SAS SHURGARD FRANCE a demandé le renouvellement le 4 juin 2014 à effet du 1er juillet 2014.

Dans sa demande de renouvellement, la SAS SHURGARD FRANCE précise que le bail s’est poursuivi “par tacite reconduction depuis le 29 juin 2012" et il ne pouvait être question de fixer le loyer de renouvellement au 30 juin 2012.

C’est pourquoi l’expert a été requis par le juge des loyers commerciaux de donner son avis sur la valeur locative à la date du 1er juillet 2014 et c’est pourquoi encore les parties revendiquent cette date, qui s’impose.

Le loyer plafond sera retenu pour la valeur de 97.514,79 euros HT HC par an à effet du 1er juillet 2014.

Sur les demandes accessoires

La SNC A. DARIDAN ET COMPAGNIE GRAND GARAGE CAMILLE, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de l’instance.

Les parties n’ont ni sollicité d’indemnité de procédure, ni l’exécution provisoire.

Il n’y aura donc pas lieu de statuer sur ces deux points, étant fait observer que l’issue donnée au litige ne commandait pas d’assortir le présent jugement de l’exécution provisoire, le loyer étant maintenu au loyer plafond.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des loyers commerciaux, statuant par un jugement contradictoire rendu en premier ressort,

Vu le rapport d’expertise de M. X,

Dit n’y avoir lieu à déplafonnement du loyer puisque :

— les travaux réalisés à l’entrée dans les lieux par le preneur correspondaient au transfert du bailleur sur le preneur de son obligation de délivrance avec, en contrepartie, la stipulation d’un loyer réduit, lequel ne correspond pas au financement indirect de simples travaux d’amélioration,

— les travaux réalisés et autorisés n’ont pas modifié notablement les caractéristiques du local considéré,

— le changement de destination du seul local à usage d’habitation de 100 m2, qui s’est effectué sur une assiette inchangée, n’a pas davantage modifié notablement les caractéristiques du local considéré, dont la superficie totale s’établit à 3.891 m2,

— le local n’a jamais été monovalent, ni avant sa transformation, qui l’a vu passer de l’état de garage à celui de centre de stockage, ni après ladite transformation, qui l’a rendu compatible avec toute nouvelle activité commerciale envisageable, sans qu’il soit besoin d’y effectuer des travaux dispendieux.

Fixe le loyer de renouvellement des locaux sis […] à Charenton-le-Pont (Val-de-Marne), loués par la SNC A. DARIDAN ET COMPAGNIE GRAND GARAGE CAMILLE à la SAS SHURGARD FRANCE à destination d’activité de stockage à la valeur plafonnée de 97.514,79 euros HT HC à effet du 1er juillet 2014.

Condamne la SNC A. DARIDAN ET COMPAGNIE GRAND GARAGE CAMILLE aux entiers dépens de l’instance.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi jugé puis mis à disposition au greffe le 27 juin 2017, la minute étant signée par :

LE GREFFIER LE JUGE DES LOYERS COMMERCIAUX

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Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code civil
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Tribunal de grande instance de Créteil, 3e chambre civile, 27 juin 2017, n° 15/00003