Tribunal de grande instance de Draguignan, 10 décembre 2019, n° 17/02457

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Sur la décision

Référence :
TGI Draguignan, 10 déc. 2019, n° 17/02457
Juridiction : Tribunal de grande instance de Draguignan
Numéro(s) : 17/02457

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE

DE DRAGUIGNAN

Chambre 3 – CONSTRUCTION

***

******

DU 10 Décembre 2019

Dossier N° RG 17/02457 – N° Portalis DB3D-W-B7B-HTS7 Minute n° : 2019/428

AFFAIRE:

D X, E C épouse X C/ A G, S.C.I. NANA, S.A. THYRON, Société LEXINTER, SA TEG FINANCE, S.A. BANQUE DE LUXEMBOURG -BDL

JUGEMENT DU 10 Décembre 2019

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Monsieur Antoine LEPERCHEY

: Madame P Q R
Madame H I

GREFFIERE lors des débats : Madame Agnès JALBY

GREFFIERE lors de la mise à disposition : Madame Line DALLERY

DÉBATS:

A l’audience publique du 10 Septembre 2019 A l’issue des débats, les parties ont été avisées que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Décembre 2019

JUGEMENT:

Rendu après débats publics par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort.

copies exécutoires délivrées le 10.12.2019 à: Me Laureline AUBOURG-BASTIANI

Me Serge DREVET Me Bertrand DUHAMEL

Me Olivier GRASSO

Copie dossier



NOM DES PARTIES :

DEMANDEURS :

Monsieur D S Y X,
Madame E T U C épouse X, demeurant ensemble […],

représentés par Maître Bertrand DUHAMEL de la SCP DUHAMEL ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, avocat postulant, et Maître Youcef MAZUR du Cabinet DUMONTEIL & MAZUR, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

D’UNE PART;

DÉFENDEURS :

- Monsieur A G, demeurant […],

- S.A. THYRON, dont le siège social est […], prise en la personne de ses représentants légaux en exercice,

- SA TEG FINANCE, dont le siège social est c/o Fiduciaire AFIGEST SA, […], prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, représentées tous trois par Maître Olivier GRASSO, avocat au barreau de

DRAGUIGNAN

S.C.I. NANA, dont le siège social est sis c/o J, lieu dit "[…], prise en la personne de son gérant en exercice, Monsieur Y J, et

S.A. de droit suisse LEXINTER, dont le siège social est sis […], prise en la personne de son administrateur, Monsieur Y

J,

représentées par Maître Laureline AUBOURG-BASTIANI, avocat au barreau de

DRAGUIGNAN, avocat postulant, et Maître Nicolas RIVARD, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

S.A. de droit luxembourgeois BANQUE DE LUXEMBOURG, dont le siège social est sis […], prise en la personne de ses représentants légaux en exercice,

représentée par Maître Serge DREVET de la SELAS CABINET DREVET, avocat au

barreau de DRAGUIGNAN, avocat postulant, et Maître Béatrice BUSQUERE-BEAURY, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

D’AUTRE PART;

****



Faits, prétentions et moyens des parties

Par acte authentique du 3 août 2015, D X et E C épouse X ont consenti à A G une promesse de vente avec faculté de rachat portant sur leur propriété sise […] à Gassin, au prix de 4 700 000 euros, sous condition suspensive de l’obtention d’un crédit du même montant.

Préalablement, par mandat de recherche du 26 juillet 2015, D X avait donné mandat à la société TEG Finance, dont le gérant est D L, de trouver le financement nécessaire au rachat de son bien. Celle-ci lui a notifié le 27 août

2015, l’accord de la Banque de Luxembourg pour cette opération.

Le 8 septembre 2015, D L et la société Thyron SA ont constitué la société civile immobilière Nana.

Par acte du 3 septembre 2015, D X et A G ont convenu de divers engagements réciproques en vue de la vente de la villa, notamment le versement de la somme de 1 600 000 euros à la société Thyron, à titre de prêt, pour permettre à la S.C.I. Nana de faire face aux échéances du crédit de la Banque de Luxembourg, en contrepartie de la cession de 50 % des parts de la S.C.I. Nana aux époux X.

La vente avec faculté de rachat a été conclue le 8 octobre 2015. A cette date, les époux X ont versé à A G la somme de 2 210 000 euros en exécution du protocole du 3 septembre 2015.

Par acte du 25 novembre 2016, D L et la société Thyron ont cédé leurs parts de la société Nana à la société anonyme Lexinter.

Soutenant que le contrat de vente s’inscrit dans un ensemble contractuel complexe et indivisible, et reprochant à A G un manquement à l’exécution de ce contrat, notamment l’absence d’affectation en compte courant dans les livres de la société Nana de la somme de 2 210 000 euros, correspondant au prêt qui lui avait été accordé, D X et E C épouse X ont assigné A G, la S.C.I. Nana, la société anonyme Thyron, la société Lexinter, la société TEG Finance et la Banque de Luxembourg, en résolution du contrat de vente du 8 octobre 2015, et des contrats subséquents, par actes d’huissier des 17 et 21 mars 2017.

En défense, la S.C.I. Nana et la société anonyme de droit suisse Lexinter font valoir, dans leurs conclusions notifiées le 12 juin 2018:

- principalement, sur la recevabilité,

- que les époux X ont renoncé, par acte du 8 octobre 2015,

à leur faculté de remettre en cause la vente du même jour, que la nullité de cet acte de renonciation n’est pas réclamée,

-

- que, dès lors, l’action doit être déclarée irrecevable,

- subsidiairement, sur la résolution judiciaire, que la S.C.I. Nana avait pour seules obligations d’acheter la

-

villa en cause, avant que celle-ci soit vendue par adjudication, et de la louer ensuite aux époux X,

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- qu’elle s’est acquittée de ces obligations, qu’en revanche, les époux X n’ont pas satisfait leur obligation de paiement des loyers,

- que les fautes d’A G ne sauraient être imputées à la société Nana, en vertu du principe de l’effet relatif des contrats,

- qu’au surplus, il n’est pas établi que les demandeurs puissent rembourser le prix de vente, que la nullité de la mainlevée d’hypothèque n’a pas été

-

sollicitée,

- qu’en revanche, la nullité de la vente des parts de la société

Nana à la société Lexinter est demandée, alors même que cet acte est étranger à la vente de la villa,

- qu’il est également réclamé l’annulation du contrat du prêt conclu entre la banque et la société Nana, bien que les fonds aient été effectivement décaissés, en tout état de cause, sur les dommages et intérêts,

- que l’engagement d’une action en résolution, nonobstant la clause de renonciation à cette action, caractérise une faute, que le préjudice causé par cette faute réside dans

-

l’impossibilité de vendre la maison, préjudice qui peut être évalué à 50 000 euros, et dans les intérêts du prêt qui courent durant la procédure, ces intérêts s’élevant à 75 000 euros par an,

- sur l’action en nullité pour dol et fraude,

- que la fraude et le dol ne sont pas établis,

- que les époux X ont consenti au montage financier qui avait été organisé pour leur permettre de conserver leur bien.

Du tout, les sociétés Nana et Lexinter concluent, principalement, à

l’irrecevabilité de l’action, subsidiairement à son rejet; la société Nana sollicite en tout état de cause des époux X la somme de 50 000 euros, avec intérêts au taux légal, en réparation de son préjudice de jouissance, outre les intérêts bancaires du prêt de 5 000 000 euros consenti par la Banque de Luxembourg, pour la période écoulée entre l’assignation et le présent jugement. Elles réclament également la somme de 5 000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions communiquées le 13 juin 2018, la société anonyme de droit luxembourgeois Banque de Luxembourg affirme :

- que le contrat de vente d’immeuble à la S.C.I. Nana, la faculté de rachat des époux X, la promesse de vente au profit de ces derniers, et le prêt consenti à A G ne forment pas un tout indivisible, puisque le contrat de prêt n’est adossé qu’à la seule vente d’immeuble, qui a été réalisée,



- que les autres conventions n’engagent pas les mêmes parties,

qu’aux termes de l’article 1186 nouveau du code civil, « lorsque

l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie. La caducité n’intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement »,

- qu’en l’espèce, ni les époux X ni la société Nana ne l’ont informée de l’existence des conventions susdites,

- que sont inopposables au titulaire de droits sur un immeuble les clauses et conditions susceptibles d’entraîner la résolution de la vente, lorsqu’elles n’ont pas été publiées, que, de surcroît, les époux X, qui ont voulu bénéficier d’un

-

financement dans le cadre d’une convention de portage occulte, ne sauraient se prévaloir de leur propre turpitude,

- que leurs conventions avec A G sont indépendantes de la vente,

-- qu’en tout état de cause, ils ont renoncé à leur action résolutoire « pour quelque cause que ce soit », dans l’acte de vente du 8 octobre 2015,

- que, subsidiairement, si la résolution de la vente était prononcée, elle serait sans incidence sur les droits de créancier du prêteur, jusqu’au remboursement intégral des sommes qui lui sont dues, ainsi que sur le cautionnement délivré par A

G.

En conséquence, la Banque de Luxembourg conclut au rejet des demandes formées à son encontre et sollicite des époux X la somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de défense.

En réponse, les époux X exposent, dans leurs conclusions notifiées le 25 avril 2019:

sur la recevabilité,

que la fin de non-recevoir soulevée par la Banque de

Luxembourg est elle-même irrecevable, pour avoir été présentée après son argumentation au fond,

- qu’en revanche, celle de la société Nana est recevable,

que la clause invoquée s’insère dans l’ensemble indivisible

-

d’actes qui constituent le montage dénoncé,

- qu’elle ne peut les empêcher de se prévaloir de l’inexécution

d’obligations contenues dans d’autres actes que l’acte de vente du 8 octobre 2015,

- qu’en outre, l’article 1187 ancien du code civil invoqué par la S.C.I. Nana n’est pas d’ordre public, et viole l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme,

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- que cette renonciation à leur droit d’action en résolution n’est donc pas valide,

- sur la résolution,

- qu’A G et les personnes morales qui l’ont substitué

n’ont pas rempli leurs obligations, tenant à la cession de la moitié des parts de la société Nana à leur valeur nominale, et à l’affectation en compte courant dans les livres de cette dernière de la somme de 2 210 000 euros qu’ils ont prêtée afin de permettre le règlement des échéances du prêt souscrit par la SCI auprès de la Banque de Luxembourg,

- qu’au vu de ces inexécutions, l’annulation de l’ensemble des conventions litigieuses doit être ordonnée, soit celle du contrat de vente du 8 octobre 2015, celle du contrat de prêt du même jour consenti à A G, celle du bail d’habitation conclu avec la société Nana le même jour, celle de la convention de rémunération de l’opération de portage au profit d’A G, et de la facture émise à son initiative par la société Thyron en date du 28 septembre 2015, et celle du mandat de recherches du 26 juillet 2015,

- que ces annulations auront également pour conséquence

d’entraîner celle du contrat de prêt souscrit auprès de la Banque de Luxembourg et celle des hypothèques et privilèges constitués pour un montant de 5 000 000 euros en principal par la Banque de Luxembourg sur le bien en cause, publiés le 23 février 2016 sous les références […], […] et B,

- sur la nullité des contrats pour dol et fraude,

- que les sociétés Nana, Lexinter et Thyron ont organisé avec

A G une fraude à leurs droits, démontrée notamment par la reconnaissance de dette du 8 octobre 2015 produite par la S.C.I. Nana,

- qu’en vertu du principe selon lequel la fraude corrompt tout, les contrats susvisés doivent être annulés,

- sur leurs préjudices,

- que les fautes contractuelles commises par A G et les sociétés Nana, Thyron et TEG Finance, ainsi que la faute délictuelle commise par la société Lexinter leur ont causé un préjudice qui correspond aux sommes détournées par A G, que celles-ci s’élèvent à 450 000 euros au titre des

-

commissions de portage et à 2 210 000 euros au titre du virement effectué en vertu de la prétendue reconnaissance de dette du 8 octobre 2015,

- qu’ils se trouvent dans l’impossibilité de louer leur villa, dont la valeur locative s’élève à 10 000 euros par semaine en haute saison, soit 90 000 euros par an, et 360 000 euros au total,

- qu’ils ont également subi un préjudice moral qui peut être évalué à 100 000 euros.

Du tout, les époux X sollicitent la résolution des contrats susvisés, et subsidiairement leur annulation, les restitutions consécutives à ces annulations, la compensation entre les créances réciproques des parties, la condamnation d’A G et des sociétés Nana, Lexinter, Thyron et M Finance à leur verser les

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sommes susdites de 450 000 euros, 2 210 000 euros et 100 000 euros, outre la condamnation solidaire de la Banque de Luxembourg à verser avec ces derniers les deux premières sommes de 450 000 et 2 210 000 euros, ainsi que celle de 360 000 euros en réparation de leur perte de loyers, enfin, leur condamnation solidaire à leur verser la somme de 100 000 euros en réparation de leur préjudice moral, la radiation des hypothèques et privilèges inscrites sur le bien litigieux, la publication du jugement au service de la publicité foncière de Draguignan et la condamnation solidaire des défendeurs à leur verser la somme de 50 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, avec le bénéfice de l’exécution provisoire.

A G, la société TEG Finance et la société anonyme Thyron ont constitué avocat, en la personne de Maître Hawadier, remplacé par Maître Baroukh, du barreau de Lyon, qui a déposé son mandat.

La procédure de mise en état a été clôturée à la date du 30 mai 2019, par ordonnance du 18 janvier 2019 et l’affaire a été fixée à l’audience du 20 juin 2019, puis à l’audience collégiale du 10 septembre 2019.

Motifs de la décision

Sur l’action résolutoire

Attendu que l’acte de vente du bien litigieux, en date du 8 octobre 2015, stipule en page 9 que « le vendeur se désiste de tous droits de privilège de vendeur et action résolutoire, même en ce qui concerne les charges pouvant résulter du présent contrat, et ce pour quelque cause que ce soit » ; que cette clause de renonciation au droit d’action en résolution de la vente est valide ; qu’il s’ensuit que les époux X ont renoncé expressément à leur action en résolution, qu’ils ne peuvent donc plus exercer à l’égard de l’acquéreur, la S.C.I. Nana; que leur moyen selon lequel cette renonciation serait contraire à l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme doit être rejeté, cet article n’interdisant pas les clauses de renonciation à un droit d’action ; que, par suite, leur action en résolution est irrecevable;

Sur l’action en annulation

Attendu qu’aux termes de l’article 1116 du code civil, applicable à la cause au regard de la date des actes, « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté » ; que le dol ne se présume pas et doit être prouvé ; qu’il peut être constitué par le silence d’une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s’il avait été connu de lui, l’aurait empêché de contracter;

Attendu que les époux X sollicitent l’annulation de la convention du 8 octobre 2015, pour dol et fraude ; qu’ils soutiennent que cette convention, le contrat de prêt du même jour consenti à A G, le bail d’habitation conclu avec la société Nana le même jour, et la convention de rémunération de l’opération de portage au profit d’A G constituent un tout indivisible; qu’ils rappellent que, dans un protocole du 8 octobre 2015, A G a déclaré avoir versé la somme de

2 110 000 euros sur le compte courant de la société Thyron, elle-même propriétaire de

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99 parts sur 100 de la S.C.I. Nana, en vue de la garantie du prêt souscrit par cette dernière auprès de la Banque de Luxembourg ; que ce protocole prévoyait le remboursement par les époux X de la somme avancée par A G ; que, dans un autre document du même jour, A G mentionne que les époux X se porteront acquéreurs de 50 % des parts de la société Nana, à réception de la somme susdite de 2 110 000 euros ; qu’enfin, par acte du même jour, les époux X ont reconnu devoir la somme de 2 210 000 euros à A G ;

Attendu que les demandeurs font grief à A G, d’une part, de ne pas leur avoir cédé la moitié des parts de la société Nana, alors même que le versement de 2 110 000 euros avait été effectué, d’autre part, de ne pas avoir versé à cette dernière la somme de 2 110 000 euros;

Attendu que l’opération de portage en cause était destinée à permettre aux époux X de percevoir des fonds, pour apurer leurs dettes, au moyen d’un prêt garanti par leur bien immobilier de Gassin; que ce montage n’a pas pris la forme d’une vente à réméré, mais d’un ensemble d’actes particulièrement confus, au sein duquel les obligations réciproques des époux X, de la S.C.I. Nana et d’A G ont fait l’objet de conventions distinctes ; qu’ainsi, A G ne s’est engagé à céder aux époux X la moitié des parts de la société Nana que dans un protocole d’accord manuscrit du 3 septembre 2015 (pièce 11 des demandeurs); que l’acte sous seing privé du 8 octobre 2015 sur ce point (pièce 16 des demandeurs) n’a été signé que par A G et prévoit uniquement que les époux X se porteront acquéreurs de 50 % de la SCI Nana, sans autre précision ; qu’il est constant toutefois que la somme de 2 110 000 euros a été versée par les époux X à A G, en exécution du premier protocole d’accord du 8 octobre 2015 (pièce 15 des demandeurs); que ces deux protocoles d’accord sont indissociables, la cession de la moitié des parts de la société Nana s’analysant en la contrepartie du versement de la somme de 2 110 000 euros, destinée à abonder les fonds de son principal associé, la société Thyron, < en vue de garantir le prêt BDL » selon le premier protocole (pièce 15);

Attendu que l’absence de cession des parts de la société Nana aux époux X et le défaut de versement de la somme prêtée de 2 110 000 euros dans ses livres caractérisent une manoeuvre frauduleuse, et non une simple inexécution du premier protocole d’accord, dès lors que ces omissions sont considérées en regard de la transmission des parts de la société Nana à la société Lexinter; qu’en effet, A G a ainsi organisé un détournement de fonds au préjudice des époux X, en s’extrayant du montage contractuel ; qu’il convient de noter que, dans ce montage, il n’intervenait effectivement que via la société Thyron, dont il était l’associé principal, celle-ci étant à son tour propriétaire de la majorité des parts de la société Nana ; que la société Thyron, qui n’a souscrit aucune obligation à l’égard de la société Nana, faisait écran entre A G et cette dernière ; qu’A G, qui avait été mandaté pour rechercher un financement, puis qui a organisé l’opération litigieuse, s’est rendu coupable, dès la conception de celle-ci, de manœuvres frauduleuses ; qu’en effet, la complexité et la confusion du montage dénotent une intention frauduleuse, l’ensemble de l’opération apparaissant destinée, du point de vue d’A G, à permettre un détournement de fonds ; que, par suite, le dol étant constitué, il convient d’annuler l’ensemble des actes ayant concouru à ce but frauduleux, soit, premièrement, le contrat de vente, deuxièmement, les deux protocoles d’accord du 8 octobre 2015, troisièmement, la convention de rémunération de l’opération de portage au profit d’A G et la facture subséquente du 28 septembre 2015, quatrièmement, le contrat de bail conclu entre la société Nana et les époux X le 8 octobre 2015, cinquièmement, le mandat de recherche donné par D X et E C épouse X à la société TEG Finance, ;

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Attendu que les restitutions consécutives à ces annulations seront ordonnées ; qu’en conséquence, la S.C.I. Nana devra restituer le bien litigieux aux époux X, qui devront lui rembourser le prix de vente ;

Attendu, pour le surplus, que, si le contrat de prêt n’est pas entaché de fraude, il n’en demeure pas moins indissociablement lié au contrat de vente, de sorte que l’annulation dudit contrat doit entraîner sa propre annulation ; que, par suite, la société Nana sera condamnée à rembourser le montant prêté à la Banque de Luxembourg, qui sera pour sa part condamnée à lui rembourser le montant des échéances versées ; qu’en outre, les hypothèques et privilèges constitués à hauteur de 5 000 000 euros en principal par la Banque de Luxembourg sur le bien immobilier susvisé, sis […], publiés le 23 février 2016 sous les références […], […] et B, seront également annulés, par l’effet de l’annulation des contrats de prêt et de vente ;

Attendu que, du fait de l’annulation de la convention de rémunération de

l’opération de portage au profit d’A G, la facture émise par la société Thyron le 28 septembre 2015 sera également annulée, et son montant devra être remboursé aux époux X ;

Sur les demandes de dommages et intérêts

Attendu que les époux X réclament le paiement, à titre de dommages et intérêts, des sommes de 450 000 euros, 2 210 000 euros et 100 000 euros; que la première somme devra leur être restituée en suite des annulations précédemment évoquées, à raison de 225 000 euros par A G, et de 225 000 euros par la société TEG Finance ; que celle de 2 210 000 euros devra également leur être reversée, en répétition de la somme payée sans contrepartie à A G en vertu de la reconnaissance de dette du 8 octobre 2015 ; que, pour le surplus, la perte de gain n’est pas établie, la volonté des époux X de louer le bien en cause n’étant pas démontrée ; que cette demande sera donc rejetée ; qu’hormis les personnes susdites, il n’y a pas lieu de condamner la société Nana, la société Lexinter, la Banque de Luxembourg, la société Thyron et la société TEG Finance au paiement des sommes susdites, les sommes en cause devant être restituées par ceux qui les ont perçues ;

Attendu que les époux X ne démontrent avoir subi un préjudice moral du fait de l’opération de portage en cause ; que leur demande de ce chef sera rejetée ;

Sur les demandes accessoires

Attendu que le présent jugement devra être publié au service de la publicité foncière de Draguignan, à l’initiative des époux X ;

Attendu que l’exécution provisoire n’apparaît pas compatible avec la nature de l’affaire ; que, dès lors, la demande de ce chef doit être rejetée ;

Attendu qu’A G, la société TEG Finance et la société Thyron, ainsi que la société Nana et la société Lexinter, qui succombent, doivent être condamnés in solidum aux dépens ; qu’il serait en outre inéquitable de laisser à la charge des époux X les frais irrépétibles exposés en la cause ; qu’A G, la société TEG Finance et la société Thyron, ainsi que la société Nana et la société Lexinter seront donc condamnés in solidum à leur verser la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile;

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PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant en audience publique par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

DECLARE irrecevable la demande de résolution présentée par D X et E X née C,

ANNULE le contrat de vente conclu entre :

D S Y X, directeur de société, demeurant à Montreuil

([…], né au Plessis-Trevise (94420) le […], et E T U C, marchand de biens, son épouse, demeurant à […] […], née à […] le […], mariés à la mairie de Montreuil le […], tous deux de nationalité française, et la société civile immobilière Nana, au capital de 1 000 euros, dont le siège est à […], […], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Fréjus sous le numéro 813491552, représentée lors de l’acte par N O, notaire assistante en vertu d’un procès-verbal d’assemblée générale des associés de la société société du 2 octobre 2015, portant sur : un bien sis à […], […], d’une surface de 2 hectares 37 ares 70 centiares, par acte authentique du 8 octobre 2015, reçu par Maître Michaël Frech, notaire à Nice,

ORDONNE la restitution par D X et E C épouse X du prix de vente, de quatre millions sept cent mille euros (4 700 000 euros),

ORDONNE la restitution par la S.C.I. Nana du bien vendu, sis […],

ANNULE, de surcroît:

- le mandat de recherche donné par D X et E C épouse X à la société TEG Finance, les deux protocoles d’accord conclus le 8 octobre 2015 entre D X et E C épouse X d’une part, et A G, d’autre part,

- la convention de rémunération de l’opération de portage au profit d’A G et la facture subséquente du 28 septembre 2015,

- le contrat de bail conclu entre la société Nana et les époux X le 8 octobre 2015,

ORDONNE la restitution par A G de la somme de 225 000 euros perçue en vertu de la convention de rémunération susdite,

ORDONNE la restitution par la société TEG Finance de la somme de 225 000 euros perçue en vertu du mandat de recherche du 26 juillet 2015,

ANNULE les hypothèques et privilèges constitués à hauteur de 5 000 000 euros en principal par la Banque de Luxembourg sur le bien immobilier susvisé, sis […], publiés le 23 février 2016 sous les références […], […] et B,

CONDAMNE A G à verser à D X et E C épouse X la somme de 2 210 000 euros perçue en vertu de la reconnaissance de dette du 8 octobre 2015,

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REJETTE les demandes de D X et E C épouse X tendant à la réparation de leur préjudice moral et de leur perte de gain locatif,

ORDONNE la publication du présent jugement au service de la publicité foncière de Draguignan, à l’initiative de D X et E C épouse X,

REJETTE la demande tendant au bénéfice de l’exécution provisoire,

CONDAMNE A G, la société TEG Finance, la société Thyron, la S.C.I. Nana et la société Lexinter, in solidum, aux dépens,

CONDAMNE A G, la société TEG Finance, la société Thyron, la S.C.I. Nana et la société Lexinter, in solidum, à verser à D X et E X née

C, pris ensemble, la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE le surplus des demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois et an susdits.

Le greffier Le juge

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Impresssion d’un message 10/12/2019

Généré le 10/12/2019 15:38 CET

Message reçu

:

Expéditeur : ccich03.tgi-draguignan@justice.fr

Destinataires: 017852.duhamelbertrand@avocat-conseil.fr e-barreau

Réseau Privé Virtuel des Avocats Copie à : Conseil National des Barreaux

Reçu le : 10/12/19 15:09

Objet : Jugement en formation collégiale – Chambre 3 -

CONSTRUCTION – [N° RG 17/02457 – N° Portalis DB3D-W

B7B-HTS7]

Taille : 87 Ko

Parties : M. G A V W / M. X D S Y

Maître, Je vous prie de bien vouloir prendre connaissance de la pièce jointe. Le Greffier.

Pièce(s) jointe(s): MINUTE.PDF

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Tribunal de grande instance de Draguignan, 10 décembre 2019, n° 17/02457