Tribunal de grande instance de Lyon, 10e chambre, 10 février 2005

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Lyon, 10e ch., 10 févr. 2005
Juridiction : Tribunal de grande instance de Lyon
Décision(s) liée(s) :
  • Cour d'appel de Lyon, 18 mai 2006
  • 2005/02075
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : TINTIN
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 1684983 ; 1673501
Classification internationale des marques : CL03; CL09; CL14; CL16; CL18; CL21; CL24; CL25; CL28; CL30; CL39; CL41; CL42
Référence INPI : M20050745
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Texte intégral

La Société MOULINSART, société de droit belge chargée par Madame Fanny V épouse R de l’exploitation de l’ensemble de l’oeuvre d’HERGE c’est à dire de Georges R son défunt mari, est le titulaire exclusif de l’ensemble des droits d’exploitation sur l’oeuvre du dessinateur et notamment de l’oeuvre « les Aventures de TINTIN » lesquelles ont donné lieu au dépôt à l’INPI de plusieurs marques. La Société DAUPHITEX exerce une activité de création, fabrication et distribution de vêtements et elle dispose de licences de droits dérivés lui permettant d’apposer sur les vêtements qu’elle fabrique le nom et la représentation de personnages de bandes dessinées. Depuis 1989 la Société MOULINSART est en relation avec la Société DAUPHITEX et plusieurs contrats successifs ont lié les parties. Le dernier en date a été conclu le 23 décembre 1996 avec expiration au 31 décembre 1999 concernant la fabrication et l’exploitation de vêtements enfant reproduisant des personnages ou des éléments extraits de l’oeuvre d’HERGE et la marque TINTIN et MILOU ; un contrat identique visant la clientèle adulte a été signé en novembre 1997 avec la même échéance au 31 décembre 1999. En application de l’article 11.2 des contrats précités la Société MOULINSART a, à l’expiration de ceux-ci, autorisé la Société DAUPHITEX à écouler son stock dans le délai impératif des trois mois suivants, la destruction du stock résiduel devant alors faire l’objet d’une attestation d’huissier. Toutefois, par la suite la Société MOULINSART a appris que la Société DAUPHITEX avait procédé courant mai 2000 à une vente en entrepôt incluant des articles TINTIN et qu’elle s’apprêtait à recommencer à l’occasion d’une nouvelle « vente usine » organisée les 15, 16, 20 et 21 novembre 2000 dans ses locaux situés au […] LA PAPE (Rhône). En exécution d’une ordonnance rendue le 15 novembre 2000 par le Président du Tribunal de Grande Instance de LYON Maître SASSART H de Justice a saisi le même jour vingt deux articles concernant onze modèles différents pour lesquels il lui a été précisé qu’ils provenaient d’un stock de 79.000 pièces achetées le 31 mars 2000 à la Société DAUPHITEX par la Société COGEMAG, appartenant elle aussi « au groupe ZANNIER. » Par acte du 29 novembre 2000, la Société MOULINSART et Madame R ès-qualités de légataire universelle de Monsieur Georges R ont fait citer à comparaître devant le Tribunal de Grande Instance de LYON les sociétés DAUPHITEX et COGEMAG aux fins de les entendre reconnues :

- coupables d’actes de contrefaçon en proposant à la vente des produits textiles « TINTIN » à l’occasion des ventes tenues les 16 et 17 mai 2000 et les 15, 16, 20 et 21 novembre 2000,
- coupables d’actes de concurrence déloyale en proposant à la vente des produits « TINTIN » avec l’apparence de la qualité de licenciée, à des prix sacrifiés, et condamnées à les indemniser. Dans des conclusions postérieures, les demanderesses ont, à titre subsidiaire et dans le cas où le Tribunal écarterait la qualification de contrefaçon pour les ventes de mai et de novembre 2000, demandé au Tribunal de considérer que les faits reprochés aux sociétés défenderesses constituaient un manquement délibéré aux stipulations contractuelles engageant la responsabilité de la Société DAUPHITEX ainsi qu’une faute, au sens de l’article 1382, engageant la responsabilité de la Société COGEMAG.

La Société MOULINSART et Madame R ont réclamé la condamnation in solidum des sociétés défenderesses au paiement :

- d’une somme de 45.700 euros au bénéfice de Madame R, en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte au droit moral d’HERGE,
- d’une provision de 77.000 euros au bénéfice de la Société MOULINSART à valoir sur les dommages et intérêts à fixer par le Tribunal après dépôt du rapport de l’expert. Les demanderesses ont sollicité la désignation d’un expert sur l’étendue de leur préjudice à la charge des Sociétés DAUPHITEX et COGEMAG, l’allocation de la somme de 16.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, l’exécution provisoire de la décision et la condamnation in solidum des défenderesses aux dépens distraits au profit de Maître B Avocat. Les Sociétés COGEMAG et DAUPHITEX se sont opposées aux demandes de la Société MOULINSART et de Madame R. Elles ont soulevé en premier lieu l’incompétence du Tribunal de Grande Instance de LYON à connaître du litige, au profit des Tribunaux belges en raison :

- de la clause contractuelle attributive de compétence,
- de l’origine contractuelle du litige,
- des dispositions de l’article 17 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 excluant la détermination de la juridiction compétente prévue par les articles 2, 5 et 6 de la même convention,
- le caractère essentiel des relations contractuelles ayant lié la Société MOULINSART à la Société DAUPHITEX au regard des critères de compétence éventuellement applicables à la Société COGEMAG et à Madame R. En deuxième lieu les sociétés COGEMAG et DAUPHITEX ont sollicité du Tribunal un sursis à statuer dans l’attente de la décision à intervenir dans l’instance opposant devant le Tribunal de Commerce de Bruxelles la Société DAUPHITEX à la Société MOULINSART. En troisième lieu, au fond, les Sociétés COGEMAG et DAUPHITEX ont fait valoir la licéité des agissements critiqués par les demanderesses par application du principe de l’épuisement du droit de marque aux ventes de produits TINTIN du mois de novembre 2000 par la Société COGEMAG laquelle les avait acheté à la Société DAUPHITEX avant la date contractuellement prévue pour l’écoulement du stock. La vente de ces articles résiduels par la Société COGEMAG ne serait constitutif d’aucune fraude du fait de son objet social, du mandat de vente confié à la Société DAUPHITEX et des usages antérieurs. Pour les défenderesses la contrefaçon de marque et celle de droit d’auteur ne serait pas fondée. Elles ont également démenti toute atteinte au droit moral de l’auteur en déniant à Madame R le droit d’incriminer les conditions d’une vente de vêtements fabriqués avec son accord. Les faits ne seraient pas davantage constitutifs de concurrence déloyale en l’absence de faits de publicité trompeuse, de détournement de clientèle ou de désorganisation du marché qui leur sont reprochés. La responsabilité des sociétés DAUPHITEX et COGEMAG ne saurait, à titre subsidiaire être recherchée pour manquement aux stipulations contractuelles. En effet les conditions de la vente organisée au mois de novembre 2000 étaient strictement conformes aux usages parfaitement connus de la Société MOULINSART.

Sur les demandes indemnitaires de la Société MOULINSART et de Madame R enfin, les sociétés défenderesses estiment que la preuve de l’existence d’un préjudice financier n’est pas rapportée en raison :

- du règlement de la redevance contractuelle convenue pour chacun des articles du stock incriminé,
- de l’audit des comptes de la Société DAUPHITEX courant année 2000 par la Société MOULINSART,
- de la concession exclusive faite par Madame R de ses droits patrimoniaux,
- de l’absence d’atteinte au droit moral. Une mesure d’instruction ne saurait être ordonnée pour pallier la carence des demanderesses. Les Sociétés COGEMAG et DAUPHITEX ont demandé le rejet des demandes en exécution provisoire et en application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Reconventionnellement les défenderesses ont réclamé la condamnation in solidum de la Société MOULINSART et de Madame R à leur payer à chacune la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que celle de 15.000 euros à chacune sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, le tout avec condamnation aux dépens distraits au profit de la SCP LAMY, RIBEYRE et associés, avocats. Madame R et la Société MOULINSART ont répliqué aux arguments développés par les Sociétés DAUPHITEX et COGEMAG. Elles ont réaffirmé la compétence du Tribunal de Grande Instance de LYON, en effet :

- la clause attributive de compétence ne concerne pas deux parties au litige,
- les articles 2, 5 et 6-2 de la Convention de Bruxelles et les dispositions des articles 42 et 48 du Nouveau Code de Procédure Civile désignent comme compétentes les juridictions lyonnaises,
- l’articles L. 715-1 du Code de la Propriété Intellectuelles d’ordre public attribue compétence au Tribunal de Grande Instance. La demande de sursis à statuer n’est pas fondée car la présente instance ne serait pas dépendante de la solution à intervenir dans l’instance en cours devant le Tribunal de Commerce de Bruxelles. Au fond, la Société MOULINSART et Madame R ont rappelé que la fraude faite à leurs droits enlevait toute légalité à la vente organisée en novembre 2000 et s’opposait à l’application du principe d’épuisement du droit de marque. La contrefaçon du droit d’auteur et de marque est effective car les articles saisi le 15 novembre 2000 comprennent la reproduction d’éléments de l’oeuvre d’HERGE et les marques déposées par la Société MOULINSART. L’atteinte au droit moral résulterait de la vente en très grande quantité des articles TINTIN en novembre 2000, et dans des conditions ne garantissant pas le respect dû à l’oeuvre. Les défenderesses ont maintenu pour le surplus l’intégralité de leurs réclamations en provision, désignation d’un expert, allocation en application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et exécution provisoire. L’ordonnance de clôture a été prononcée le 15 décembre 2003 et l’audience de plaidoirie a été fixée le 16 décembre 2004.

I – SUR LA COMPETENCE Attendu que les deux contrats conclus le 23 décembre 1996 et courant 1997 entre la Société MOULINS ART et la Société DAUPHITEX prévoient aux articles 13-2 que « tout différend entre les parties, qu’il découle de la validité, de l’interprétation ou de l’exécution du présent contrat sera soumis à la compétence exclusive des Tribunaux belges de l’arrondissement judiciaire de Bruxelles » ; Attendu que la Société MOULINSART qui fait valoir que la Société DAUPHITEX aurait vendu à la Société COGEMAG la totalité de son stock le dernier jour de la période contractuellement fixée pour l’écoulement de celui-ci puis qui aurait, en qualité de mandataire, effectué plusieurs ventes d’usines de produits textiles TINTIN dans ses entrepôts « dans des conditions non permises par le contrat » ne peut valablement démentir le fait que le présent litige découle de l’exécution des contrats précités ; Attendu qu’en application des dispositions de l’article 17 de la Convention de Bruxelles, la compétence conventionnelle prime là où elle est permise les chefs de compétence de droit commun ; Attendu toutefois que de jurisprudence établie tant communautaire que nationale, la pluralité de défendeurs n’a pas pour effet d’étendre à des parties qui ne l’ont pas souscrite la clause attributive de juridiction
- Cour de Cassation 1° Chambre Civile 5 janvier 1999 – Attendu qu’il est constant qu’il résulte de la combinaison des articles 42 alinéa 2 et 48 du Nouveau Code de Procédure Civile qu’en cas de pluralité de défendeurs, le demandeur peut assigner tous les défendeurs devant la juridiction du lieu où demeure l’un d’eux, malgré la clause attribuant au profit de certains d’entre eux, compétence à une juridiction étrangère à la condition qu’il y ait indivisibilité entre les demandes formées contre les divers défendeurs
- Cour de Cassation 1° Chambre Civile 23 octobre 1990 Attendu qu’en l’espèce il y a lieu de relever que la Société MOULINSART et Madame R ès-qualités reprochent à la Société DAUPHITEX d’avoir cédé à la Société COGEMAG société dont elle a le contrôle, l’intégralité de son stock le dernier jour de la période contractuellement prévue, puis d’avoir organisé sous couvert d’un mandat, des ventes d’usine dans ses entrepôts ; Attendu que l’indivisibilité des faits reprochés aux défenderesses ressort, suffisamment, que de plus les sociétés demanderesses ont formé des demandes en réparation à l’encontre des Sociétés DAUPHITEX et COGEMAG in solidum ; Attendu qu’en application des dispositions de l’article 6-1 de la Convention de Bruxelles, de celles précitées du Nouveau Code de Procédure Civile et de celles non contestées des articles L. 716-3 et L. 716-7 du Code de la Propriété Intellectuelle il y a lieu de déclarer le Tribunal de Grande Instance de LYON compétent à connaître du présent litige ; II – SUR LE SURSIS A STATUER Attendu que la Société DAUPHITEX sollicite le sursis à statuer au motif pris de ce qu’elle a saisi par acte du 28 juin 2001 le Tribunal de Commerce de Bruxelles d’une

demande tendant à faire qualifier les conventions signées avec la Société MOULINSART de contrat de concessions exclusive de vente régis par les dispositions de la loi belge du 27 juillet 1961 et qu’en conséquence, s’agissant de contrat à durée indéterminée, la Société MOULINSART n’aurait pu y mettre fin qu’au terme d’un préavis raisonnable qu’elle n’a pas respecté, que la détermination de la fin effective des contrats serait essentielle au règlement du présent litige en contrefaçon ; Attendu toutefois qu’aux termes de l’article 1 paragraphe 2 de la loi belge du 27 juin 1961 « est une concession de vente, au sens de la présente loi toute convention en vertu de laquelle un concédant réserve, à un ou plusieurs concessionnaires, le droit de vendre, en leur propre nom et pour leur propre compte des produits qu’il fabrique ou distribue » ; Attendu que l’examen des contrats conclus entre DAUPHITEX et MOULINSART révèle que DAUPHITEX était le concepteur, créateur et fabricant des produits contractuels ainsi que le distributeur sur des territoires précis ; qu’en l’absence non contestée d’activités de fabrication de la part de la Société MOULINSART, l’exception soulevée par la Société DAUPHITEX ne présente pas un caractère suffisamment sérieux et elle ne concerne pas une question dont la solution conditionne le règlement du présent litige ; Attendu qu’il n’y a pas lieu à surseoir à statuer ; III – AU FOND 1) Sur la contrefaçon A) Le mandat de vente Attendu qu’aux termes de l’article 11.2 des contrats conclus le 23 novembre 1996 et courant novembre 1997 avec la Société MOULINSART, la Société DAUPHITEX a été autorisée, à la fin de la période contractuelle fixée au 31 décembre 1999, à écouler son stock pendant une période maximum de trois mois soit jusqu’au 31 mars 2000 ; Attendu qu’il n’est pas contesté qu’à cette même date la Société DAUPHITEX a vendu à la Société COGEMAG son stock soit 79.000 pièces, et que cette dernière a procédé à au moins une vente d’usine dans les locaux de la Société DAUPHITEX […] LA PAPE les 16, 17, 20 et 21 novembre 2000 ; Attendu qu’il y a lieu de relever que la vente conclue par la Société DAUPHITEX le dernier jour autorisé pour écouler son stock a été faite au profit d’une Société dont elle a le contrôle pour être dirigée par son propre Président Directeur Général et dotée d’un conseil d’administration identiquement composé, que les ventes ont été organisées dans les locaux de la Société DAUPHITEX également désignée comme bénéficiaire des règlements des articles vendus à l’occasion de ces opérations, que l’existence d’un mandat de vente qui aurait été confié par la Société COGEMAG à la Société DAUPHITEX n’est pas opposable à la Société MOULINSART, la Société DAUPHITEX ne pouvant par ce biais enfreindre les dispositions contractuelles lui interdisant de vendre au-delà du 31 mars 2000 les produits textiles arborant une marque TINTIN, dispositions contractuelles parfaitement connues des défenderesses en raison de leurs étroits liens ; Attendu qu’il résulte de l’inopposabilité du mandat de vente que les Sociétés défenderesses ne peuvent invoquer le principe de l’épuisement du droit de marque, en l’absence de consentement donné par la Société MOULINSART titulaire des marques au delà du 31 mars 2000 ;

B) La contrefaçon de droits d’auteur Attendu qu’il résulte du procès-verbal de Maître SASSARD H de Justice à LYON en date du 15 novembre 2000 que les articles saisis comportent la reproduction d’éléments de l’oeuvre du dessinateur HERGE ; Attendu qu’aux termes de l’article L. 122 du Code de la Propriété Intellectuelle « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droits ou ayants cause est illicite… » Attendu que les dispositions des articles L. 335-2 et L. 335-3 du Code de la Propriété Intellectuelle qualifient de contrefaçon la reproduction représentation des faits précités ; Attendu qu’en l’espèce la représentation et la diffusion au public de produits textiles représentant des extraits de l’oeuvre d’HERGE, à l’occasion d’une vente en entrepôt, en violation des droits de la Société MOULINSART constitue des faits de contrefaçon ; C) La contrefaçon de marques Attendu que la Société MOULINSART est titulaire des droits sur la marque nominative « TINTIN » enregistrée sous le n° 1684983, déposée notamment en classe 25 pour les vêtements, et de la marque figurative « TINTIN et MILOU » enregistrée sous le n° 1673501 également déposée en classe 25 pour les vêtements ; Attendu qu’il résulte du procès-verbal d’huissier précité que les articles saisis comportaient sur les étiquettes en tissu cousues sur les vêtements et sur les étiquettes cartonnées desdits vêtements la reproduction de ces marques d’une part et d’autre part que la marque TINTIN était reproduite sur le document distribué au cours de la vente organisée en novembre 2000, indiquant les prix de vente des articles ; Attendu ainsi qu’il a été écrit plus haut que la période d’écoulement des stocks était arrivée à son terme depuis plusieurs mois, que le mandat de vente confié par la Société COGEMAG à la Société DAUPHITEX était inopposable à la Société MOULINSART, que dès lors la Société DAUPHITEX n’était pas autorisée à vendre les articles confiées par la Société COGEMAG ; Attendu que les faits ci-dessus rappelés constituent un usage illicite de marque au sens de l’article L. 713-2 du Code de la Propriété Intellectuelle ; D) L’atteinte au droit moral Attendu qu’il convient de rappeler que le droit moral est perpétuel, inaliénable et imprescriptible et qu’il peut être opposé après la cession de l’oeuvre ; Attendu qu’il ressort du procès-verbal de constat de Maître S en date du 15 novembre 2000 et des photographies annexées que le stock de 79.000 pièces environ vendu à la Société COGEMAG était entreposé dans un bâtiment de la Société DAUPHITEX à RILLIEUX LA PAPE, d’une surface approximative de 2.300 m(2) réservé à la vente au déballage, et que les produits dérivés TINTIN étaient mélangés avec d’autres marques ; Attendu qu’aux termes des dispositions contractuelles liant les parties et plus particulièrement les articles 4-2 et 7-2 la valorisation des produits dérivés TINTIN devait en permanence être recherchée tant en ce qui concerne la présentation que le stockage des vêtements, ou encore l’aménagement des points de vente ; Attendu que la masse d’articles textiles proposés à la vente d’une part et d’autre part l’absence totale de mise en valeur desdits articles portent atteinte à la renommée et à la notoriété certaine reconnue contractuellement par la Société DAUPHITEX aux produits

dérivés TINTIN reproduisant des éléments de l’oeuvre d’HERGE ; Attendu qu’en considération des liens entre les Sociétés défenderesses et l’identité de leurs dirigeants, c’est en toute connaissance de cause que la Société COGEMAG a aidé la Société DAUPHITEX à enfreindre ses obligations contractuelles, qu’elle a ainsi commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle à l’égard de la Société MOULINSART et de Madame R et l’obligeant à répondre in solidum des conséquences ; II – SUR LA CONCURRENCE DELOYALE Attendu que la Société MOULINSART reproche à la Société DAUPHITEX des actes de publicité trompeuse au motif que le carton d’invitation adressée aux professionnels laissait à penser qu’il s’agissait d’une vente de produits sous licence ; Attendu toutefois que les produits TINTIN vendus en novembre 2000 avaient été fabriqués pendant la période de validité du contrat et conformément aux prescriptions de celui-ci ; Attendu qu’il n’est pas contesté que la Société DAUPHITEX est titulaire de diverses licences lui permettant de commercialiser sous l’enseigne et la marque déposée FLORIANE des vêtements reproduisant des extraits des oeuvres PETER R, BABAR ou TINTIN pendant les contrats précités ; Attendu dans ces conditions que l’indication portée sur le carton d’invitation adressé aux professionnels d’une vente sous le vocable « Floriane et ses licences » ne caractérise pas les faits de publicité trompeuse allégués ; Attendu que la Société MOULINSART reproche à la Société DAUPHITEX un détournement de clientèle à l’occasion des ventes organisées en novembre 2000 ; Attendu cependant qu’il résulte des éléments versés aux débats que la Société DAUPHITEX avait obtenu de la Société MOULINSART la licence exclusive de fabrication, d’exploitation de vêtements enfant et adulte reproduisant des personnages ou des éléments extraits de l’oeuvre d’HERGE et la marque TINTIN sur le territoire de la France (DOM-TOM inclus) en ANDORE, MONACO et au BENELUX ; Attendu qu’il n’est pas contesté que la Société MOULINSART n’exerçait pas d’activité de distribution sur ce territoire ; Attendu que les destinataires des invitations lancées par la Société DAUPHITEX en novembre 2000 constituaient sa clientèle et non celle de la Société MOULINSART, que dans ces conditions le détournement de clientèle allégué n’est pas justifié ; Attendu que la Société MOULINSART reproche à la Société DAUPHITEX d’avoir désorganisé le marché des produits TINTIN et verse à l’appui de ces affirmations la lettre d’un magasin « Espace TINTIN » de Saint Etienne en date du 17 novembre 2000 ; Attendu que ce seul élément sans références chiffrées ou autres est insuffisant à rapporter la preuve de la désorganisation du marché alléguée ; Attendu qu’en définitive la Société MOULINSART n’établit pas l’existence de faits de concurrence déloyale distincts des faits de contrefaçon commis par les Sociétés défenderesses ; III – SUR LE PREJUDICE 1) Sur la demande de Madame Fanny R Attendu ainsi qu’il a été écrit plus haut les conditions de la vente d’usine organisée en

novembre 2000 ont porté atteinte à l’oeuvre d’HERGE de part la très grande quantité de produits dérivés TINTIN reproduisant les éléments de cette oeuvre offerte à la vente en entrepôt et au déballage ; Attendu que le Tribunal dispose d’éléments suffisants compte tenu de l’exploitation faite de l’oeuvre d’HERGE et des précédentes ventes d’usines de produits dérivés TINTIN pour fixer à la somme de 7.622,45 euros le montant de la réparation due à Madame R en qualité de gardienne du droit moral ; 2) Sur les demandes de la Société MOULINSART Attendu que la Société MOULINSART demande au Tribunal la désignation d’un expert aux fins de déterminer son exact préjudice ; Attendu cependant qu’il n’a pas été contesté que la cession du stock litigieux avait été comprise dans la déclaration de commission du premier trimestre 2000 (Pièce 5 Société DAUPHITEX et COGEMAG) ; Attendu également qu’il résulte de cette même pièce, c’est à dire de la lettre adressée le 19 octobre 2000 par la Société DAUPHITEX à la Société MOULINSART qu’au début de l’année 2000, cette dernière avait fait procéder à un audit de la Société DAUPHITEX ; Attendu enfin qu’il n’a pas été démenti que l’augmentation du stock atteignant 79.000 pièces environ le jour de la saisie-contrefaçon au regard des chiffres fournis par la Société DAUPHITEX à la Société MOULINSART en mars 2000 provenait des retours de marchandise effectués par les clients multimarque de la Société défenderesse ; Attendu dans ces conditions qu’une mesure d’instruction ne saurait être ordonnée plus de quatre années après l’introduction de l’instance et pour suppléer la carence de la Société MOULINSART à justifier de l’étendue de son préjudice ; Attendu qu’aux termes des conventions conclues par les parties et notamment des articles 5.1 (gamme enfant) et (gamme adulte) DAUPHITEX devait payer à MOULINSART une commission fixe par unité vendue de 6 % (gamme enfant) et de 8 % (gamme adulte) du prix de cession hors taxes des produits contractuels, et non pas comme elle le soutient sur les articles fabriqués ; Attendu qu’il résulte de la facture n° 285 établie par la Société COGEMAG correspondant à la vente de la « braderie de Rillieux novembre 2000 » que le chiffre d’affaires de la vente incriminée s’est élevé à la somme hors taxes de 12.752.598,05 Francs ; Attendu que compte tenu des déclarations du chiffre d’affaires pour le premier trimestre 2000 effectuées par la Société DAUPHITEX à la Société MOULINSART pour la liquidation « des commissions TINTIN ENFANTS, TINTIN ADULTES » annexées au procès verbal de contrefaçon du 15 novembre 2000, du montant de la vente du stock résiduel le 31 mars 2000 de la Société DAUPHITEX à la Société COGEMAG, le Tribunal dispose d’élément suffisants pour fixer à la somme de 120.000 euros le montant de la réparation allouée à la Société MOULINSART en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon ; Attendu qu’en l’absence de tout justificatif de règlement par la Société DAUPHITEX des redevances contractuelles, elle est condamnée avec la Société COGEMAG in solidum au paiement de cette somme ; Attendu qu’il est équitable d’allouer à la Société MOULINSART et à Madame R la somme respective de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du

Nouveau Code de Procédure Civile ; Attendu que l’exécution provisoire est nécessaire et compatible avec la nature de la décision ; Attendu que la Société DAUPHITEX et la Société COGEMAG qui succombent supportent les dépens de l’instance distraits au profit de Maître B Avocat ; PAR CES MOTIFS Le Tribunal, Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
- Déclare le Tribunal de Grande Instance de LYON compétent à connaître du présent litige ;

- Dit n’y avoir lieu à surseoir à statuer ;

- Dit qu’en offrant à la vente et en vendant sans l’autorisation de la Société MOULINSART, courant novembre 2000, des articles textiles reproduisant des éléments de l’oeuvre du dessinateur HERGE et revêtus des marques « TINTIN » et « TINTIN et MILOU » dont la Société MOULINSART détient les droits d’auteur et de marque la Société DAUPHITEX et la Société COGEMAG ont commis des actes de contrefaçon des marques 1684983 et 1673501 ainsi que des actes de contrefaçon de droit d’auteur au préjudice de la Société MOULINSART ;

- Dit que les agissements sus-visés ont porté atteinte au droit moral de l’artiste dont Madame Fanny V épouse R est la gardienne ;

- Condamne in solidum la Société DAUPHITEX et la Société COGEMAG à payer à Madame Fanny V épouse R la somme de 7.622,45 euros (SEPT MILLE SIX CENT VINGT DEUX EUROS QUARANTE CINQ CENTIMES) à titre de dommages et intérêts ;

- Condamne in solidum la Société DAUPHITEX et la Société COGEMAG à payer à la Société MOULINSART la somme de 120.000 euros (CENT VINGT MILLE EUROS) à titre de dommages et intérêts ;

- Condamne in solidum la Société DAUPHITEX et la Société COGEMAG à payer à Madame Fanny V épouse R et à la Société MOULINSART la somme respective de 3.000 euros (TROIS MILLE EUROS) en application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- Ordonne l’exécution provisoire de la décision ;

- Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

- Condamne la Société DAUPHITEX et la Société COGEMAG aux dépens de l’instance distraits au profit de Maître B Avocat.

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Tribunal de grande instance de Lyon, 10e chambre, 10 février 2005