Tribunal de grande instance de Marseille, 1re chambre civile, 7 novembre 2013, n° 12/06693

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Sur la décision

Référence :
TGI Marseille, 1re ch. civ., 7 nov. 2013, n° 12/06693
Juridiction : Tribunal de grande instance de Marseille
Numéro(s) : 12/06693

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE

DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N° 13/ DU 07 Novembre 2013

Enrôlement n° : 12/06693

AFFAIRE : Mme C D épouse X( Me Georges MAURY)

C/ M. E F (la SCP F. ROSENFELD- G. ROSENFELD & V. ROSENFELD)

DÉBATS : A l’audience Publique du 19 Septembre 2013

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats :

Président : CALLOCH Pierre, Vice-Président

G H, Juge (juge rédacteur)

I J, Juge

Greffier lors des débats : K L

Vu le rapport fait à l’audience

A l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 07 Novembre 2013

Jugement signé par CALLOCH Pierre, Vice-Président et par K L, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

[…]

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEURS

Madame C D épouse X

agissant tant en son nom personnel qu’en qualité d’administrateur légal de sa fille M Y

née le […] à SISTERON

de nationalité Française, demeurant Résidence “Les Cordeliers” – 7 Rue U Prunel – 13005 MARSEILLE

Mademoiselle S V W X

née le […] à SISTERON

de nationalité Française,

[…]

Monsieur T AA AB X

né le […] à SISTERON

de nationalité […]

représentés par Me Georges MAURY, avocat au barreau de MARSEILLE,

C O N T R E

DEFENDEURS

Monsieur E F,

[…]

représenté par Maître François ROSENFELD de la SCP F. ROSENFELD- G. ROSENFELD & V. ROSENFELD, avocats au barreau de MARSEILLE,

[…],

dont le […] […]

représentée par Maître Bruno ZANDOTTI de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE,

CPCAM DES BOUCHES DU RHONE,

dont le siège social est sis 29 Rue U Baptiste Reboul – Le Patio – Service Contentieux – 13010 MARSEILLE

défaillante

FAITS, MOYENS ET PROCÉDURE

Madame N D épouse X a mis au monde du […] une enfant prénommée Y. Elle a présenté à sa naissance une volumineuse tumeur cervico-faciale gauche correspondant à un teratome, qui n’a pas été diagnostiqué avant la naissance.

Du fait que la grossesse ait fait l’objet d’une surveillance échographique assurée par différents médecins, soit l’échographie du second trimestre réalisée le 21 mars 1997 par le docteur E F, l’échographie du troisième trimestre réalisée le 17 juin 1997 par le docteur Z et le 3 juillet 1997 une échographie supplémentaire réalisée par le docteur AC AD-AE ( ces deux derniers étant salariés de la fondation hôpital Saint-Joseph) , Madame N D épouse X a saisi la juridiction des référés et obtenu par ordonnance du 3 juin 2009 l’organisation d’une expertise confiée au professeur René-O P, gynécologue-ostétricien. Par ordonnance du 1er juillet 2009 le docteur Q R, neurologue, a également été désignée en qualité d’expert.

Par ordonnance en date du 31 mars 2010, l’ordonnance du 1er juillet 2009 a été déclarée commune au docteur E F et les opérations d’expertise opposables.

Le rapport d’expertise a été déposé le 21 juillet 2010.

Par acte en date du 18 août 2012, Madame N D épouse X agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’administratrice légale de sa fille Y , Mlle S X et M. T X, soeur et frère de l’enfant Y, ont fait assigner le docteur E F, la fondation hôpital Saint-Joseph et la caisse primaire centrale d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône afin d’entendre juger que le docteur E F a engagé sa responsabilité à raison de manquements affectant l’échographie qu’il a pratiquée et qui n’a pas permis de déceler la pathologie dont était atteinte Y et de le condamner en conséquence à réparer les conséquences subies dans la proportion de 25 %.

Ils demandent au tribunal de condamner le docteur E F a payé:

* au profit de l’enfant Y :

—  9000 € u au titre du déficit fonctionnel temporaire

—  9000 € n au titre du préjudice esthétique temporaire

—  7500 € au titre du déficit fonctionnel permanent

—  3750 € f au titre des souffrances endurées

—  2500 € a au titre du préjudice esthétique permanent

—  2500 € au titre du préjudice d’agrément

—  6250 € au titre du préjudice d’établissement

* au profit de Madame N D épouse X :

— une somme de 18ྭ750 € au titre de l’incidence professionnelle

Les demandeurs qui font valoir un préjudice moral lié à l’handicap de l’enfant et qui exposent avoir été privés de toute préparation psychologique et matérielle à son arrivée dans leur foyer sollicitent la condamnation de la fondation hôpital Saint-Joseph et du docteur E F à leur payer in solidum les sommes de :

—  25ྭ000 € au profit de Madame N D épouse X,

—  15ྭ000 € au profit de Mlle S X,

—  15ྭ000 € au profit de M. T X,

Ils sollicitent le paiement d’une indemnité de 4000 € au titre des frais irrépétibles.

Les demandeurs fondent leur action sur l’article 1147 du code civil. Ils font valoir que les experts ont noté en page 15 de leur rapport que si le docteur E F avait procédé à une échographie conforme aux règles de l’art et aux données acquises la science, il aurait pu diagnostiquer le 21 mars 1997 la tumeur affectant l’enfant et donner la possibilité à Madame N D épouse X d’interrompre pour des raisons médicales cette grossesse qui, compte tenu de sa précocité, aurait été selon toute vraisemblance acceptée. Les demandeurs soulignent que le docteur U Z et AC AD-AE ont également commis des fautes engageant la responsabilité de leur commettant, la fondation de l’hôpital Saint-Joseph, puisqu’ils n’ont ni l’un ni l’autre diagnostiqué le tératome cervico-facial. Ils précisent que même si l’interruption de grossesse au troisième trimestre n’aurait pas pu être envisagée, celle- ci induisant un risque maternel important, Madame N D épouse X aurait pu pour le moins se préparer psychologiquement et matériellement à mettre au monde une enfant B.

Par conclusions signifiées le 18 septembre 2012 et reçues au greffe le 20 septembre 2012, le docteur E F conclut à titre principal à l’irrecevabilité des demandes en application de l’article L 114-5 du code de l’action sociale et des familles, seul applicable selon lui à l’espèce. Il souligne que ce texte exige la démonstration d’une faute caractérisée du praticien pour que la mère soit indemnisée de la perte de chance de ne pas avoir pu solliciter l’interruption de grossesse. Or, il soutient qu’il n’a commis aucune faute caractérisée puisqu’il a réalisé l’échographie le 21 mars 1997 et qu’à cette date la tumeur, selon l’expert, n’était peut être pas décelable. À titre subsidiaire, il indique que dans l’hypothèse où le tribunal retiendrait l’existence d’une faute à son encontre et celle d’une perte de chance de recourir à une interruption médicale de grossesse, cette perte de chance ne saurait excéder 5 %. Il sollicite le rejet de la demande formulée par Madame N D épouse X au titre du préjudice professionnel. Subsidiairement, il demande la réduction de l’allocation qui serait faite à ce titre. Il fait valoir que s’il était condamné à supporter les conséquences d’une perte de chance de recourir à une interruption médicale de grossesse au second trimestre de grossesse, il ne pourrait parallèlement supporter la responsabilité de l’impossibilité pour la mère de se préparer à l’accueil d’une enfant B. Il demande en conséquence le rejet des demandes formulées de ce chef est subsidiairement qu’il soit jugé qu’il ne peut supporter l’indemnisation de cette perte de chance à une hauteur supérieure à 10 %. Il sollicite la somme de 3500 € sur le fondement de dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 4 décembre 2012 et reçues au greffe le 7 décembre 2012, l’association hôpital Saint-Joseph de Marseille, sur le fondement des articles 1142-1 du code de la santé publique et L 114-5 du code de l’action sociale et des familles, conclut à titre principal au débouté. Il fait valoir que le rapport d’expertise ne retient aucune faute caractérisée à l’encontre des Docteurs U Z et AC AD-AE, les experts ayant indiqué que leurs examens échographiques ont été conformes aux bonnes pratiques médicales en vigueur en 1997 et n’ont pas eu d’impact sur la surveillance ultérieure de la grossesse. À titre subsidiaire, il soutient qu’il ne peut être concerné que par le préjudice résultant de l’impossibilité de se préparer aux circonstances de l’accouchement d’une enfant B. À titre infiniment subsidiaire, l’hôpital Saint-Joseph demande que les conséquences dommageables soient prises en charge solidairement avec le docteur E F et sollicite la réduction des sommes sollicitées à de plus justes proportions. En tout état de cause, il demande que le docteur E F soit condamné au règlement d’une somme de 1000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 8 janvier 2013.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la tumeur cervico-faciale

Les experts ont précisé que la tumeur cervico-faciale qui affectait Y à la naissance est extrêmement rare. Le pouvoir évolutif de cette tumeur n’est pas connu avec précision; ils expliquent qu’il est possible que certains tératomes évoluent assez rapidement et qu’il est difficile de dire, avec certitude, à quel stade exactement de la grossesse les tumeurs ont un volume suffisant pour être repérées grâce aux techniques d’imagerie.

Les experts indiquent que par analogie avec les tératomes sacro-coccygiens, plus de la moitié des tératomes sont théoriquement visibles au cinquième mois de la grossesse; ils indiquent que dans la même revue de littérature, le premier cas de tératome cervico-facial diagnostiqué avant la naissance a été publié en 1978. Ils rappellent qu’en 2000, seul 18 cas de diagnostics prénataux ont été rapportés dans la littérature mondiale (page 11).

Sur la faute du docteur E F

Il ressort du rapport d’expertise que la grossesse de Madame N D épouse X était considérée comme à bas risques. En 1997, il était recommandé d’effectuer trois échographies, l’une au premier trimestre, la seconde au deuxième trimestre qui avait pour vocation principale une étude morphologique précise du foetus est une échographie au troisième trimestre qui avait essentiellement pour but de vérifier la croissance foetale, la position du foetus et du placenta et plus accessoirement la morphologie foetale. La tumeur ont été atteinte Y ne pouvait être repérée que lors d’une échographie (page 11).

La première échographie a été réalisée à neuf semaines d’aménorrhée par le docteur A, les experts précisant qu’il était absolument impossible à ce stade de la grossesse de prétendre mettre en évidence un tératome cervico-facial.

Le professeur P et le docteur Q R indiquent que le docteur E F a réalisé l’échographie du deuxième trimestre, le 21 mars 1997, illustrée par un compte rendu écrit et un compte rendu iconographique (quatre clichés). Or, les experts notent qu’aucun des clichés ne permet d’étudier, à posteriori, la région faciale ni cervicale. Cet examen ne comporte pas, non plus, de compte rendu précis de la morphologie foetale (Page 6). Ceux-ci concluent que l’examen échographique n’a donc pas été conforme à ce qu’on était en droit d’attendre en 1997 d’une échographie du deuxième trimestre.

Les experts précisent que la tumeur cervico-faciale n’était peut-être pas à ce moment-là d’un volume suffisant pour être diagnostiquée, rappelant qu’à l’époque les tératomes cervico-faciaux n’étaient diagnostiqués qu’environ une fois sur quatre. Ils précisent “ on peut penser que compte tenu de leur génie évolutif, ses tératomes cervico-faciaux ne sont diagnostiquables , à l’occasion de l’échographie du deuxième trimestre, qu’une fois sur 10 et compte tenu de leur petite taille, ceux qui sont diagnostiquables ne sont pas tous diagnostiqués à cette occasion”. De sorte que, le professeur P et le docteur Q R indiquent que les insuffisances de l’échographie réalisée par le docteur E F a certes fait perdre des chances d’envisager le diagnostic de tératome cervico-facial, mais que cette perte de chance est extrêmement faible. Ils concluent que les insuffisances de cette échographie ont entraîné une perte de chance réduite, de l’ordre de 5 % de pouvoir diagnostiquer avant la naissance de Y le tératome cervico-facial et de permettre à Madame N D épouse X de pouvoir formuler une demande d’interruption de grossesse. (page 12 et 19).

Sur la faute du docteur U Z

Le professeur P et le docteur Q R indiquent que le docteur U Z a réalisé l’échographie du troisième trimestre, le 17 juin 1997 en s’orientant surtout vers une recherche de signes pouvant laisser suspecter une récidive de syndrome vasculo-rénal et qu’il n’avait aucune raison de suspecter des anomalies morphologiques que l’ échographie précédente n’avait pas révélée. Se situant à 36 semaines d’aménorrhée, les experts précisent qu’il est possible que la tumeur, très difficile à déterminer en 1997, ait alors été masquée par le squelette de la tête foetale et que du fait de la richesse du contingent liquidien, cette tumeur se soit aplatie, se rendant encore plus difficile à diagnostiquer. Les experts ajoutent que l’analyse rétrospective des deux clichés du pôle céphalique ne permettaient pas en effet, même en connaissant l’existence de la tumeur, d’en suspecter la présence. De ce fait, les experts concluent qu’il n’est pas possible de reprocher au docteur U Z de ne pas avoir évoqué le diagnostic de tératome cervico-facial à l’occasion de son échographie (page 13).

Sur la faute AC AD-AE

Il résulte du rapport d’expertise que le docteur AC AD-AE a réalisé l’échographie du 3 juillet 1997, à 38 semaines d’aménorrhée, justifiée par une vérification de la croissance foetale et de surveillance de Doppler. Les experts précisent que si l’on peut s’étonner qu’une tumeur de près de 10 cm soit encore passée inaperçue, il convient d’intégrer qu’à ce moment précis de la grossesse il existait de façon physiologique une diminution de la quantité de liquide amniotique qui rend l’échographie moins performante, que la position du bébé rend les examens plus difficiles et que cette échographie n’avait pas pour but une étude morphologique du bébé.

Les experts concluent qu’il est impossible de reprocher une faute au docteur AC AD-AE, son examen échographique correspondant à une échographie classique du troisième trimestre (pages 13 et 14).

Dans ces conditions, aucune demande ne peut être dirigée à l’encontre de l’association hôpital Saint-Joseph de Marseille.

Sur la recevabilités des demandes d’indemnisation

Madame N D épouse X, Mlle S X et M. T X réclament réparation non seulement de leur préjudice moral mais également du préjudice de Y lié à son handicap. Le docteur E F soutient que ces demandes sont irrecevables, arguant que seul l’article L 114-5 du code de l’action sociale et des familles est applicable, les demandeurs ayant engagé leur action en réparation en 2009 devant la juridiction des référés, soit après l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002.

L’article 1er de la loi n°2002- 303 du 4 mars 2002 devenu l’article L 114-5 du code de l’action sociale et des familles dispose que « nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance. La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation du préjudice lorsque l’acte fautif a provoqué directement le handicap ou l’a aggravé, ou n’a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l’atténuer. Lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale. »

Selon l’article 1er de la loi du 4 mars 2002: les dispositions du présent I sont applicables aux instances en cours, à l’exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l’indemnisation. Ces dispositions ont été reprises par l’article 2, non codifié, de la loi du 11 février 2005 alinéa 2: les dispositions de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles telles qu’il résulte du 1 du présent II sont applicables aux instances en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi n°2002- 303 du 4 mars 2002 précitée, à l’exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l’indemnisation.

La cour européenne des droits de l’homme dans les arrêts du 6 octobre 2005 a jugé que l’article 1er de la loi du 4 mars 2002, en ce qui a été déclaré applicable aux instances en cours, est contraire à l’article 1er du protocole additionnel n°1 à la Convention européenne des droits de l’homme en ce qu’il prive les parents d’un enfant handicapé d’une créance d’indemnisation qu’ils pouvaient légitimement attendre.

La Cour de Cassation dans son arrêt du 24 janvier 2006, puis le conseil d’État dans son arrêt du 24 janvier 2006 ont tiré les conséquences de cette jurisprudence désormais constante (arrêts de la Cour de Cassation du 15 décembre 2011 et du 31 octobre 1012) : la loi du 4 mars 2002 ne s’applique qu’aux dommages survenus postérieurement à son entrée en vigueur, c’est-à-dire qu’elle ne concerne que les enfants nés après le 7 mars 2002; peu importe la date de l’introduction de la demande en justice, elle n’a aucune incidence. Dès lors, Y étant née le […], il convient d’écarter l’application des dispositions de l’article L 114-5 du code de l’action sociale et des familles.

La faute du docteur E F a empêché Madame N D épouse X d’exercer son choix d’interrompre la grossesse afin d’éviter la naissance d’une enfant B; elle peut demander réparation de son entier préjudice. Y née B peut, également, obtenir réparation du préjudice résultant de son handicap puisque ce dernier est en relation de causalité directe avec la faute commise par le médecin dans l’exécution du contrat formé avec sa mère et qui a empêché celle-ci d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse alors que dans le cas d’une interruption pour motif thérapeutique, les conditions médicales étaient réunies. Cette perte de chance de pratiquer une interruption volontaire de grossesse ne peut concerner que le père et la mère et leur enfant handicapé, les demandes d’indemnisations présentées par Mlle S X et M. T X, soeur et frère de l’enfant Y seront donc rejetées.

Sur le montant des indemnisations

Le rapport d’expertise précise qu’en 1997 le taux de diagnostic in-utero était environ de 25 % (page 17); que dans le cas de Y, une tumeur cervico-faciale était exceptionnellement diagnostiquée et qu’il n’y avait pas de solution thérapeutique anténatale; Selon les conclusions des experts, la faute du docteur E F a entraîné une perte de chance réduite, de l’ordre de 5 %, de pouvoir diagnostiquer avant la naissance le teratome cervico-faciale dont elle était atteinte et a ainsi empêché sa mère de pouvoir formuler une demande d’interruption de grossesse (page 19).

C’est sur la base de ces conclusions expertales et des observations y étant apportées par les parties qu’il convient de liquider le préjudice subi par Madame N D épouse X et par sa fille Y et qu’il convient de condamner le docteur E F a supporté à hauteur de 5 % la réparation de ce préjudice.

Concernant Y, dont l’état de santé est considéré comme consolidé au 4 décembre 2009 :

- déficit fonctionnel permanent : les experts notent qu’il correspond à la paralysie faciale unilatérale complète qui peut être évaluée à 15 %. Ce poste de préjudice sera indemnisé par le versement d’une indemnité de 26 700 €, soit du fait de la perte de chance retenue une somme de 1 335 €.

- Préjudice esthétique définitif : les experts indiquent qu’il est important; il l’évalue à 4/7. Il sera indemnisé par le versement d’une indemnité de 15ྭ000 €, soit du fait de la perte de chance retenue une somme de 750 €.

- souffrances endurées : évaluées par les experts à 5/7. Ce poste de préjudice sera indemnisé par la l’allocation de la somme de 22 000 €, soit du fait de la perte de chance retenue une somme de 1100 €.

- préjudice d’agrément : les experts notent qu’il est modéré. Ce poste de préjudice sera indemnisé par l’allocation de la somme de 5 000 €, conformément à la proposition du docteur E F soit du fait de la perte de chance retenue une somme de 250 €.

- préjudice d’établissement : les experts notent qu’il est certain mais réduit, correspondant aux difficultés que présente Y pour entreprendre une relation sociale durable. Ce poste de préjudice sera indemnisé par l’allocation d’une somme de 15 000 €, conformément à la proposition du docteur E F, soit du fait de la perte de chance a retenu une somme de 750 €.

— les experts ne retiennent pas de préjudice au titre du déficit fonctionnel temporaire; la demande d’indemnisation de ce chef sera rejetée. Les experts ne retiennent pas davantage de préjudice esthétique temporaire; toutefois, conformément à la proposition du docteur E F ce préjudice sera réparé par l’allocation de la somme de 28 500 soit du fait de la perte de chance a retenu une somme de 1 425 €.

Concernant Madame N D épouse X:

- Le préjudice moral: il est certain, caractérisé par l’émotion de voir son enfant B au quotidien, de constater ses difficultés et avoir le souci de son avenir. De surcroît, il existe un préjudice moral complémentaire concernant l’accueil dans le foyer de cette enfant, sans préparation psychologique avant la naissance, privée de la possibilité de faire appel au besoin à un psychologue et s’ajoutant à la pénibilité de l’accouchement la détresse et la souffrance dues au choc de la révélation du handicap du bébé. Ce préjudice sera indemnisé par le versement d’une indemnité de 20ྭ000 €, soit du fait de la perte de chance retenue une somme de 1000 € revenant à Madame N D épouse X.

- l’incidence professionnelle: il convient d’observer que Madame N D épouse X ne justifie pas de l’incidence professionnelle que la naissance de Y a pu opérer sur sa carrière et ne rapporte pas la preuve qu’elle ait du arrêter de travailler pour se consacrer exclusivement à son enfant; le seul document qu’elle produit est une lettre de licenciement daté du 19 mai 2003 révélant qu’elle a été licenciée pour des raisons liées à son état de santé, plus de cinq ans après la naissance de Y. Or, le rapport d’expertise mentionne outre le fait que la demanderesse ait subi un préjudice moral lié à la naissance de Y, ses difficultés personnelles du fait que son conjoint l’a quittée et qu’elle a présenté des problèmes de spondylarthrite enkylosante sans lien avec l’handicap de Y; cette situation peut expliquer son inaptitude professionnelle. Dans ces conditions, sa demande d’indemnisation d’un préjudice professionnel en lien avec la naissance de Y, sans que soit rapporté un lien de causalité, sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

Le docteur E F succombant à la procédure devra verser à Madame N D épouse X la somme de 1000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le docteur E F supportera les dépens de l’instance y compris les frais d’expertise judiciaire.

L’équité commande de débouter l’association hôpital Saint-Joseph de Marseille de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LE TRIBUNAL,

STATUANT par jugement contradictoire et en premier ressort,

CONDAMNE le docteur E F à verser à Madame N D épouse X es qualité d’administratrice des biens de sa fille mineure Y la somme de 5 610 € se décomposant comme suit:

- déficit fonctionnel permanent : 1 335 €.

- Préjudice esthétique définitif : 750 €.

- souffrances endurées : 1 100 €.

- préjudice d’agrément : 250 €.

- préjudice d’établissement : 750 €.

— préjudice esthétique temporaire: 1 425 €.

CONDAMNE le docteur E F à verser à Madame N D épouse X la somme de 1 000 € à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice moral.

DÉBOUTE Mlle S X et M. T X de leurs demandes tendant à voir réparer leur préjudice moral.

REJETTE les demandes que Madame N D épouse X a formée contre l’association hôpital Saint-Joseph de Marseille.

CONDAMNE le docteur E F à verser à Madame N D épouse X la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

DÉBOUTE l’association hôpital Saint-Joseph de Marseille de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

REJETTE toute autre demande.

CONDAMNE le docteur E F aux dépens en ce compris les frais d’expertise judiciaire et avec distraction au profit de maître Georges MAURY avocat au barreau de Marseille.

AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MARSEILLE LE 07 Novembre 2013

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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