Tribunal de grande instance de Nanterre, 1re chambre, 27 octobre 2003, n° 02/05985

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Nanterre, 1re ch., 27 oct. 2003, n° 02/05985
Juridiction : Tribunal de grande instance de Nanterre
Numéro(s) : 02/05985

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NANTERRE

1re Chambre A

JUGEMENT RENDU LE 27 Octobre 2003

N° R.G. : 02/05985

AFFAIRE

X Y

C/

Société BURDA SENATOR VERLAG GMBH

([…]

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Francine LEVON-GUERIN, Premier vice-président

Evelyne LOUYS, Vice-président

Marie-Christine COURBOULAY, Vice-président

Assistées de Emmanuelle MALPIECE, Greffier

DEMANDERESSE

Madame X Y

[…]

[…]

représentée par Me Thierry LACOSTE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R204

DEFENDERESSE

Société BURDA SENATOR VERLAG GMBH

Postfach 1520

[…]

représentée par Me Michel WOLFER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R 188

DEBATS

A l’audience du 15 Septembre 2003 tenue publiquement

devant Marie-Christine COURBOULAY, Vice-président, Juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les parties, en a rendu compte au tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du nouveau Code de procédure civile ;

JUGEMENT

prononcé en audience publique par décision Contradictoire et en premier ressort

Dans le numéro 33, diffusé en allemand, daté du 8 août 2001, l’hebdomadaire FREIZEIT REVUE a publié en pleine page de couverture un cliché de X Y en tenue de soirée et une vignette d’elle en maillot de bain, et en pages 4 et 5 un article intitulé “les coulisses du bal de la Croix Rouge, Elle choque tout Monaco avec des tatouages de rocker” indiquant par ailleurs “qu’aucun signe de réconciliation entre X Y et Z A n’a pu être décelé”, illustré de quatre photographies officielles et de quatre clichés volés montrant les tatouages et un baiser avec Franco KNIE.

Estimant que la diffusion de cet article la représentant dans sa vie privée ou commentant la nature de ses relations familiales ou sentimentales constitue une violation de sa vie privée et que la publication de clichés pris clandestinement au moyen d’un téléobjectif porte atteinte à son droit à l’image, X Y a fait délivrer le 27 mars 2002 une assignation à la société BURDA SENATOR VERLAG GmbH éditrice, tendant à voir :

— condamner celle-ci à lui verser la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, et la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile,

— ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Dans ses dernières écritures du 27 janvier 2003, elle a contesté l’exception de nullité de l’assignation soulevée par la défenderesse au motif que les mentions relatives à l’huissier sont précisées dans le certificat du 27 mars 2002 et a repris ses moyens et demandes.

Par conclusions signifiées le 10 mars 2003, la société BURDA SENATOR VERLAG GmbH a sollicité du tribunal de :

— dire que l’acte introductif d’instance n’est pas une assignation car elle n’émane pas d’un huissier conformément aux dispositions de l’article 55 du nouveau Code de procédure civile, qu’il est inexistant et que le tribunal n’est donc pas valablement saisi

Subsidiairement

— constater que la compétence du tribunal est, conformément aux dispositions de l’article 5.3 du règlement CE du 22 décembre 2000, limitée à la réparation du prétendu préjudice subi du fait de la diffusion du magazine FREIZEIT REVUE en France,

au fond,

— dire et juger que la diffusion de l’article litigieux dans la revue FREIZEIT REVUE n’est pas constitutive d’atteinte à la vie privée ou au droit à l’image de X Y ,

— la débouter de toutes ses demandes,

subsidiairement :

— réduire le montant des dommages et intérêts relatifs au préjudice éventuellement subi par la demanderesse, sur le territoire français du fait de la diffusion de la revue FREIZEIT REVUE à la somme symbolique d’un euro, voire 234,31 euros.

en tout état de cause,

— condamner X Y au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

sur la nullité de l’assignation.

L’acte délivré en Allemagne ne comporte pas les mentions relatives au nom et à l’adresse de l’huissier telles que prévues par l’article 648 du nouveau Code de procédure civile.

Si ces mentions sont obligatoires et peuvent causer la nullité de l’acte d’huissier, le défendeur doit néanmoins démontrer l’existence d’un grief en application de l’article 114 du nouveau Code de procédure civile.

En effet, l’absence de ces mentions constitue une irrégularité de forme et ne peut amener la nullité de l’assignation qu’en cas de grief qui en l’espèce n’est pas même allégué.

De plus, les mentions relatives au nom et à l’adresse de l’huissier apparaissent bien sur le certificat de délivrance de l’acte du 27 mars 2002.

En conséquence, l’assignation délivrée à la société BURDA SENATOR VERLAG est régulière.

sur la compétence.

Aux termes de l’article 5-3° du règlement CE N° 44-2001 du 22 décembre 2001, le défendeur domicilié sur le territoire d’un Etat contractant peut être attrait dans un autre Etat contractant, en matière délictuelle ou quasi-délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit.

En matière de presse, l’expression “lieu où le fait dommageable s’est produit” doit être interprétée en ce sens que la victime peut intenter contre l’éditeur une action en réparation, soit devant la juridiction de l’Etat contractant du lieu d’établissement de l’éditeur, compétente pour réparer l’intégralité des dommages, soit devant les juridictions de chaque Etat contractant dans lequel la publication a été diffusée et où la victime prétend avoir subi un dommage, compétentes pour connaître des seuls dommages causés dans l’Etat de la juridiction saisie.

En l’espèce, par application de l’article 5-3° précité, il y a lieu de dire que, s’il juge qu’il a été porté atteinte au respect dû à la vie privée et à l’image de X Y, le tribunal ne se prononcera que sur les seuls dommages subis par celle-ci sur le territoire français, étant ajouté qu’il n’est pas contesté que le numéro 33 du magazine FREIZEIT REVUE a été diffusé dans le département des HAUTS-DE-SEINE.

sur l’atteinte à la vie privée et au droit à l’image.

Toute personne, quelle que soit sa notoriété, a droit au respect de sa vie privée et peut s’opposer à la divulgation d’informations la concernant.

Toutefois, les limites de cette protection, lorsqu’elle s’applique au profit d’une personne que sa naissance ou encore les fonctions ou la profession qu’elle a accepté d’exercer exposent à la notoriété et donc à la curiosité du public, ne peuvent s’apprécier aussi strictement que lorsqu’il s’agit d’un citoyen anonyme éloigné des médias par son mode de vie.

De même, chacun dispose d’un droit exclusif et absolu sur son image et peut s’opposer à sa fixation, à sa reproduction ou à son utilisation sans son autorisation préalable.

Dans le numéro 33, l’article litigieux consiste en une photographie de couverture prise lors du bal de la Croix Rouge à Monaco où X Y est apparue au sein de sa famille et de quatre clichés pris lors de cette manifestation publique et de propos commentant les attitudes des uns et des autres lors de cet événement.

Le bal de la Croix Rouge est un fait d’actualité de la vie monégasque et il est légitime pour les journaux d’en rendre compte ; les photographies prises à cette occasion illustrent parfaitement le propos ; les commentaires publiés sont dans la ligne éditoriale du journal qui informent les lecteurs sur la place que chacun a prise dans la photographie de groupe ou au cours de la soirée, analyse les messages que les membres de la famille princière entend envoyer au public par ses attitudes, le choix de sa place dans la photographie de groupe.

Aucun des textes de cet article ne contient d’allusion à la vie privée de X Y et ne constitue une atteinte à sa vie privée ou à son image.

La suite de l’article est consacrée à la vie sentimentale de X Y et notamment à sa liaison avec Franco KNIE et détaille les tatouages que X Y porte sur différentes parties de son corps ; les quatre clichés publiés en page 5 montrent les tatouages photographiés au téléobjectif et illustrent sa relation amoureuse avec Franco KNIE.

Ce rappel de sa vie sentimentale et familiale en dehors de toute nécessité d’informer constitue une atteinte à sa vie privée.

Les photographies de X Y diffusées dans cette page de l’article ont manifestement été prises au téléobjectif, à l’insu de la personne concernée, qui n’a consenti ni à leur réalisation, ni à leur publication ce qui constitue donc évidemment une atteinte à son droit à l’image.

sur la réparation du préjudice.

La seule constatation de l’atteinte au respect dû à la vie privée et à l’image par voie de presse ouvre droit à réparation, le montant en étant souverainement apprécié par le juge du fond en fonction du contenu et de la diffusion de la publication et, le cas échéant, des éléments librement invoqués et débattus par les parties.

X Y s’est opposée fermement depuis un certain temps à ce que des photographies soient prises et divulguées de sa vie intime, mais il y a également lieu de tenir compte en l’espèce de la faible diffusion en FRANCE du magazine FREIZEIT REVUE, rédigé en allemand, de l’ordre de 2.300 exemplaires pour ce numéro.

Les atteintes subies en l’espèce par X Y doivent être réparées par la somme de 1000 euros allouée à titre de dommages et intérêts.

sur les autres demandes.

L’exécution provisoire étant nécessaire, afin d’assurer une réparation la plus proche possible dans le temps de la parution de l’article, et compatible avec la nature de l’affaire, il convient de l’ordonner.

Au titre de l’équité, il y a lieu d’allouer à X Y une indemnité de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déclare régulière l’assignation délivrée à la société BURDA SENATOR VERLAG.

Se déclare compétent pour statuer sur les demandes de X Y, formées contre la société BURDA SENATOR VERLAG pour celles qui sont limitées à la diffusion du magazine FREIZEIT REVUE en France, en application de l’article 5-3 du règlement CE 44-2001 du 22 décembre 2001,

Dit que la société BURDA SENATOR VERLAG GmbH a porté atteinte au respect dû à la vie privée et à l’image de X Y par la publication de l’article paru dans le numéro 33 de FREIZEIT REVUE daté du 8 août 2001.

Condamne la société BURDA SENATOR VERLAG GmbH à payer à X Y la somme de mille euros à titre de dommages et intérêts et la somme de deux mille euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement,

Déboute les parties de toute autre demande.

Condamne la société BURDA SENATOR VERLAG GmbH aux dépens, qui pourront être recouvrés directement par Maître Thierry LACOSTE, Avocat, contre la partie condamnée pour ceux des dépens dont il a fait l’avance sans en avoir reçu provision.

Fait et Jugé à NANTERRE, le 27 OCTOBRE 2003.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

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Tribunal de grande instance de Nanterre, 1re chambre, 27 octobre 2003, n° 02/05985