Tribunal de grande instance de Nanterre, Juge des référés, 2 mars 2017, n° 16/01890

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Nanterre, juge des réf., 2 mars 2017, n° 16/01890
Juridiction : Tribunal de grande instance de Nanterre
Numéro(s) : 16/01890

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NANTERRE

RÉFÉRÉS

ORDONNANCE EN LA FORME DES RÉFÉRÉ

RENDUE LE 02 Mars 2017

N°R.G. : 16/01890

N° :

S.A. SOPAM

c/

S.A.S. BOLLORE LOGISTICS anciennement dénommée SAGA FRANCE

DEMANDERESSE

S.A. SOPAM

[…], Koulouba secteur 04,

OUAGADOUGOU

[…]

représentée par Maître Antoine DELABRIERE de la SELARL FENEON DELABRIERE AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0585

DÉFENDERESSE

S.A.S. BOLLORE LOGISTICS anciennement dénommée SAGA FRANCE

[…]

[…]

représentée par Me Hervé LAROQUE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0276

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président : Anne BEAUVOIS, 1re vice-présidente, tenant l’audience des référés par délégation du Président du Tribunal,

Greffier : Farrah CHAAR, Greffier

Statuant publiquement en dernier ressort par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe du tribunal, conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

Nous, Président , après avoir entendu les parties présentes ou leurs conseils, à l’audience du 1er décembre 2016, avons mis l’affaire en délibéré au 2 février 2017 prorogé à ce jour :

La société Sopam est une société de droit burkinabé spécialisée dans l’installation de centrales électriques et thermiques en Afrique.

La société Saga France, ci-après la société Saga, est une société exerçant l’activité de commissionnaire de transport, spécialisée dans toutes les opérations de transport, manutention et logistique.

La société Sopam, dans le cadre d’un marché pour la construction, la fourniture et le montage clef en main d’une centrale diesel de production électrique sur le site de Komsilga (Ouagadougou) dont elle a été attributaire, a conclu en août 2009 avec la société Saga un contrat portant sur le transport d’un moteur de la centrale de Saint-Nazaire, au site de Komsilga.

Le moteur a été livré avec retard et en mauvais état.

La société Sopam a engagé devant le tribunal de commerce de Ouagadougou le 20 avril 2011, une action en responsabilité contractuelle et en paiement de dommages-intérêts à l’encontre de la société Saga laquelle a soulevé une exception d’incompétence des juridictions burkinabé et une exception de nullité de l’assignation. Le tribunal de commerce par jugement rendu le 9 août 2011 l’a déclarée recevable mais mal fondée son exception de compétence, a retenu sa compétence et a déclaré nulle l’assignation.

La société Sopam a saisi le tribunal de commerce de Ouagadougou par nouvelle assignation du 21 décembre 2011. Par jugement rendu le 25 avril 2013, le tribunal de commerce a rejeté l’exception d’incompétence et s’est déclaré compétent, rejeté les fins de non-recevoir, déclaré la société Saga responsable des avaries et du retard dans la livraison, en conséquence l’a condamnée au paiement de diverses sommes.

Par arrêt rendu le 20 février 2015, la chambre commerciale de la cour d’appel de Ouagadougou a réformé le jugement attaqué, retenu la responsabilité contractuelle de la société Saga et l’a condamnée à payer à la société Sopam diverses sommes pour un montant de 8.025.082.416,51 FCFA, confirmé le jugement en ses autres dispositions. Cet arrêt a été signifié à la société Saga le 30 mars 2015.

La société Sopam a alors assigné la société Saga France devant le président du tribunal de grande instance de Nanterre statuant en la forme des référés par acte d’huissier de justice en date du 15 avril 2015 afin de voir déclarer exécutoires en France le jugement n°124 rendu par le tribunal de commerce de Ouagadougou et l’arrêt n°03 du 20 février 2015 de la cour d’appel de Ouagadougou (Burkina Faso).

Par ordonnance en date du 17 septembre 2015, l’affaire a été retirée du rôle selon l’accord des parties.

En effet, le 8 mai 2015, la société Saga avait formé un pourvoi en cassation tant devant la Cour de cassation du Burkina Faso que devant la Cour commune de justice et d’arbitrage, ci-après CCJA à Abidjan et par une ordonnance du 30 juin 2015, le premier président de la Cour de cassation avait suspendu l’exécution provisoire de l’arrêt de la cour d’appel de Ouagadougou.

Par arrêt du 23 juin 2016, la CCJA s’est déclarée seule compétente pour connaître de l’intégralité du litige, a dit que la procédure devant la juridiction nationale de cassation est suspendue, rejeté le pourvoi de la société Saga et l’a condamnée aux dépens. Cette décision a été signifiée à la société Saga par acte d’huissier de justice du 9 septembre 2016.

Le 20 octobre 2016, la société Saga a déposé devant la CCJA une requête sur le fondement de l’article 45 du Règlement de Procédure de la CCJA demandant à la Cour de réparer l’omission matérielle résultant de ce qu’il n’a pas été répondu au mémoire ampliatif déposé le 22 juillet 2015 et aux moyens de cassation qu’il comportait, par l’arrêt du 23 juin 2016.

Entre-temps, la société Sopam avait sollicité le rétablissement de l’instance devant le président du tribunal de grande instance de Nanterre statuant en la forme des référés et les parties ont été convoquées pour l’audience du 3 novembre 2016.

Dans ses écritures récapitulatives déposées à l’audience du 3 novembre 2016, la société Sopam demande au président du tribunal, au visa notamment des articles 36 et suivants de l’Accord en matière de justice entre la France et le Burkina Faso du 24 avril 1961 et du traité de l’OHADA du 17 octobre 1993, de :

— constater qu’elle produit toutes les pièces requises par l’Accord, que les décisions dont l’exequatur est demandé émanent d’une juridiction compétente selon les règles françaises de conflits de compétence, qu’elles sont d’après la loi burkinabé passées en force de chose jugée et susceptibles d’exécution, que les parties ont été régulièrement citées et représentées, que ces décisions ne sont en rien contraires à l’ordre public ni à une décision entrée en force de chose jugée sur le territoire français statuant sur le litige,

— en conséquence, débouter la société Saga France de l’intégralité de ses demandes,

— déclarer exécutoires en France le jugement n° 124 du 24 avril 2013( en réalité 25 avril 2013), rendu par le tribunal de commerce de Ouagadougou, l’arrêt n°03 du 20 février 2015 de la cour d’appel de Ouagadougou et l’arrêt n°124/2016 du 23 juin 2016 de la Cour commune de justice et d’arbitrage,

— condamner la société Saga France au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— la condamner aux dépens,

— ordonner expressément l’exécution de l’ordonnance à intervenir, s’agissant d’une instance en la forme des référés.

A l’audience du 3 novembre 2016, l’affaire a été renvoyée contradictoirement à celle du 1er décembre 2016.

Par conclusions récapitulatives déposées à l’audience du 1er décembre 2016, la société Bolloré logistics, ci-après la société Bolloré, anciennement dénommée Saga France, demande au président du tribunal de :

— constater que la société Sopam ne produit pas toutes les pièces requises pour que l’exequatur soit conféré,

— constater que par ordonnance du 30 juin 2015, le premier président de la Cour de cassation du Burkina Faso a ordonné le sursis à exécution de l’arrêt du 20 février 2015 et que celle-ci trouve toujours application,

— dire que l’arrêt du 20 février 2015 n’est pas susceptible d’exécution,

— constater que le juge ayant rendu la décision présentée à l’exequatur était incompétent,

— constater que l’arrêt de la CCJA et la demande d’exequatur de l’arrêt du 20 février 2015 sont contraires à l’ordre public français,

— dire que l’arrêt du 20 février 2015 n’est pas susceptible d’exécution,

— constater qu’en toute hypothèse une transaction est intervenue entre les parties,

— dire en conséquence que la décision présentée à l’exequatur se heurte à l’autorité de chose jugée attachée à une transaction produisant les effets d’une décision judiciaire,

— rejeter en conséquence la demande d’exequatur,

— condamner la société Sopam à lui payer une indemnité de 20.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— la condamner aux dépens.

La société Bolloré logistics a déposé à la même audience des conclusions de rejet de pièces 27 à 30 communiquées en raison de leur communication tardive le 28 novembre 2016 et demandé qu’elles soient écartées des débats.

A l’audience, la société Sopam a produit contradictoirement les originaux des décisions de justice figurant dans son dossier en photocopie, ce qui ne fait pas l’objet de contestation entre les parties.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions signifiées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

La société Saga France a fait l’objet d’une fusion absorption par la société Bolloré logistics et la société Sopam précise dans ses conclusions récapitulatives que ses demandes d’exequatur visent donc cette société.

Sur la communication des pièces 27 à 30 par la société Sopam

La société Bolloré logistics demande que soient écartées des débats les pièces 27 à 30 communiquées tardivement par la société Sopam à seulement 3 jours de l’audience. Elle soutient que ces pièces qui portent sur les règles de procédure devant la CCJA, nécessitent de consulter un avocat spécialisé et qu’il n’est pas possible d’y répondre en trois jours. Elle ajoute qu’elles sont datées des 18 et 23 novembre 2016, soit bien avant leur communication, et que la société Sopam viole le principe du contradictoire. Elle ajoute que le président lui ayant enjoint selon un calendrier de procédure de conclure avant le 17 novembre 2016, en communiquant tardivement ces pièces, la société Sopam la mettait délibérément dans l’impossibilité de répondre.

Le conseil de la société Sopam demande au président d’apprécier la demande de rejet des pièces en tenant compte de ce qu’il a adressé les pièces avant l’audience à son confrère et dès qu’il en a disposés lui-même.

Le juge doit faire observer en toutes circonstances le principe du contradictoire.

Les quatre pièces en cause sont les suivantes :

— n° 27, un courriel adressé au greffier en chef de la CCJA et la réponse de celui-ci sur l’interprétation des articles 30 et 31 du règlement de procédure de la CCJA,

— n°28, un document destiné à la formation des magistrats des hautes juridictions nationales des États-parties à l’OHADA sur la supranationalité de la CCJA et l’incompétence des cours suprêmes nationales dans les matières relevant du droit OHADA,

— n°29, un article de Me X Y intitulé « Réflexion sur les fonctions de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA »,

— n°30, un certificat de non recours en révision et de non tierce opposition concernant l’arrêt n°124/2016 rendu le 23 juin 2016, établi par le greffier en chef de la CCJA.

La société Bolloré oppose à juste titre qu’en recevant le 28 novembre 2016, soit seulement trois jours avant l’audience, les pièces 27, 28 et 29, elle n’a pas été mise en mesure d’y répondre utilement, compte tenu du contenu et de la nature de ces pièces nécessitant en effet un délai d’une durée supérieure pour pouvoir opposer utilement des arguments aux opinions émises dans ces documents des réponses de spécialistes de la procédure et de la compétence de la CCJA. Ces pièces qui n’ont pas pu être débattues entre les parties dans des délais garantissant le respect du contradictoire seront donc écartées des débats.

En revanche, la pièce n°30 qui consiste seulement en un certificat de non recours dont la société Saga n’explique pas en quoi elle n’aurait pas été en mesure d’y répondre utilement dans le délai dont elle a bénéficié, sera admise aux débats, la défenderesse étant en mesure de discuter ladite pièce jusqu’au jour de l’audience.

Sur la demande d’exequatur

La société Sopam sollicite que soient déclarées exécutoires en France le jugement n° 124 du 25 avril 2013, rendu par le tribunal de commerce de Ouagadougou, l’arrêt n°03 du 20 février 2015 de la cour d’appel de Ouagadougou et l’arrêt n°124/2016 du 23 juin 2016 de la Cour commune de justice et d’arbitrage.

Selon l’article 37 du Titre III consacrée à l’exequatur en matière civile, commerciale et administrative de l’Accord de coopération en matière de justice entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Haute-Volta, désormais Burkina Faso, ci-après désigné l’Accord, en date du 24 avril 1961, les décisions en matière civile et commerciale rendues par les juridictions d’un Etat, qui remplissent les conditions énumérées à l’article 36 dudit accord, ne peuvent donner lieu à exécution forcée dans l’autre Etat qu’après y avoir été déclarées exécutoires.

En application des articles 38 et 39, le président du tribunal de grande instance correspondant au lieu où l’exécution doit être poursuivie, qui est saisi et statue suivant la forme des référés, se borne à vérifier si la décision dont l’exequatur est demandé remplit les conditions prévues à l’article 36 pour avoir de plein droit l’autorité de chose jugée. Le président doit procéder d’office à cet examen.

Sur la production des pièces requises par l’article 41 de l’Accord

L’article 41 du même Accord énumère les pièces qui doivent être produites par la partie à l’instance qui demande l’exécution provisoire :

a) Une expédition de la décision réunissant les conditions nécessaires à son authenticité ;

b) L’original de l’exploit de signification de la décision ou de tout autre acte qui tient lieu de signification ;

c) Un certificat du greffier constatant qu’il n’existe contre la décision ni opposition ni appel ;

d) Le cas échéant, une copie de la citation de la partie qui a fait défaut à l’instance, copie certifiée conforme par le greffier de la juridiction qui a rendu la décision.

La société Sopam produit aux débats :

— l’original de la copie exécutoire du jugement du tribunal de commerce de Ouagadougou du 25 avril 2013,

— l’original de la copie exécutoire de l’arrêt de la cour d’appel de Ouagadougou du 20 février 2015 et sa signification du 30 mars 2015,

— l’original de l’attestation délivrée le 10 novembre 2016 par le greffier en chef de la cour d’appel de Ouagadougou, certifiant que l’arrêt de la cour d’appel de Ouagadougou du 20 février 2015 n’a pas fait l’objet d’une opposition,

— l’original de la copie de l’arrêt de la CCJA du 23 juin 2016, établie le 21 juillet 2016, rendue exécutoire le 19 août 2016, conformément à l’article 46-1 du règlement de procédure de la CCJA du 18 avril 1996 et le décret 2003-528/PRES/PM/MJ du 10 octobre 2003 portant désignation de l’autorité chargée d’apposer la formule exécutoire sur les arrêts de la CCJA,

— la signification dudit arrêt de la CCJA en date du 9 septembre 2016,

— l’original de l’acte délivré le 23 novembre 2016 par le greffier en chef de la CCJA lequel certifie n’avoir pas reçu à la date de ce certificat un recours en révision ou en tierce opposition à l’arrêt de la CCJA du 23 juin 2016.

La société Bolloré soutient que la société Sopam ne produirait pas l’ensemble des pièces requises par l’article 41 au motif qu’il n’est pas satisfait à l’obligation de produire “un certificat du greffier constatant qu’il n’existe contre la décision ni opposition, ni appel”.

Ce moyen n’est pas sérieux dès lors qu’il est établi que l’opposition n’est ouverte qu’en cas de jugement ou arrêt rendu par défaut et que les décisions de la cour d’appel de Ouagadougou ou de la CCJA ne peuvent pas faire l’objet d’appel.

La société Bolloré invoque l’existence d’un pourvoi toujours pendant devant la Cour de cassation du Burkina Faso. Il s’agit d’une question qui ne relève pas de l’examen des conditions de l’article 41 de l’Accord mais de l’article 36.

Au vu de l’ensemble des pièces produites aux débats, il y a lieu en conséquence de dire que la société Sopam a satisfait aux exigences de l’article 41 de l’Accord concernant les décisions dont elle sollicite l’exequatur.

Sur les conditions de l’article 36 de l’Accord

Aux termes de l’article 36 auquel renvoie l’article 39 :

« En matière civile et commerciale, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions siégeant sur le territoire de la République française et sur le territoire de la République de Haute-Volta ont, de plein droit, l’autorité de la chose jugée sur le territoire de l’autre Etat, si elles réunissent les conditions suivantes :

a. La décision émane d’une juridiction compétente selon les règles concernant les conflits de compétence admises dans l’Etat où la décision est exécutée ;

b. La décision est, d’après la loi de l’Etat où elle a été rendue, passée en force de chose jugée et susceptible d’exécution ;

c. Les parties ont été régulièrement citées, représentées ou déclarées défaillantes ;

d. La décision ne contient rien de contraire à l’ordre public de l’Etat où elle est invoquée ou aux principes de droit public applicables dans cet Etat. Elle ne doit pas non plus être contraire à une décision judiciaire prononcée dans cet Etat et possédant à son égard l’autorité de la chose jugée. »

Il convient d’examiner successivement chacune des conditions de fond de l’article 36 de l’Accord.

a) la compétence des juridictions burkinabés

La société Sopam soutient que le tribunal de commerce de Ouagadougou et en conséquence la cour d’appel de Ouagadougou étaient compétents pour statuer, que les juridictions ont statué sur le moyen tiré de l’opposabilité des conditions générales de vente de la société Saga, que celles qui sont produites sont datées du 3 mai 2010 alors que le contrat a été conclu en octobre 2009 et que son exécution a commencé en janvier 2010 par le paiement du prix de transport, que le juge de l’exequatur ne peut pas procéder à un examen du fond de la décision étrangère qui lui est soumis.

Elle fait siennes l’analyse du tribunal de commerce de Ouagadougou dans son jugement du 25 avril 2013 et de la cour d’appel de Ouagadougou qui ont retenu l’autorité de chose jugée attachée au jugement du 9 août 2011 et l’inopposabilité de la clause de juridiction et des conditions générales de vente du groupe Bolloré.

Elle ajoute que le tribunal de commerce de Ouagadougou s’est déclaré compétent en se fondant sur le lieu de conclusion du contrat (Ouagadougou – Burkina Faso) ainsi que celui de son exécution (Ouagadougou – Burkina Faso) et que les juridictions burkinabés sont également compétentes en application des règles françaises de conflit de compétence, le Burkina Faso étant le lieu d’exécution de la prestation de service, que les conditions générales de vente du groupe Bolloré lui étant inopposables et les juridictions burkinabés étant compétentes pour connaître du litige selon les règles de conflit de compétence françaises, la première condition de l’article 36 est remplie.

La société Bolloré soutient que l’arrêt du 20 février 2015 n’a pas été rendu par une juridiction compétente au motif que le tribunal de commerce comme la cour d’appel de Ouagadougou auraient dû se déclarer incompétents au profit du tribunal de commerce de Nanterre dans le ressort duquel se trouve le siège social de la société Saga, en application des conditions générales de vente de cette dernière et de la clause attributive de juridiction y figurant.

Elle estime que le juge de l’exequatur doit examiner la question de la compétence qui ne relève pas du fond. Sur le jugement du tribunal de commerce de Ouagadougou du 9 août 2011, elle soutient que celui-ci n’ayant pas été valablement saisi, il n’était pas en mesure de statuer sur aucune des questions qui lui étaient soumises, y compris sur la compétence, que cette décision n’est dès lors d’aucun effet juridique.

Elle fait valoir précisément que les conditions générales de vente faisaient partie intégrante du contrat conclu, qu’elles ont été transmises le 8 juillet 2009 que le courriel du 13 août suivant est une réponse directe à cette transmission, qu’elles étaient connues et ont été acceptées par la société Sopam, que les juridictions burkinabés étaient en conséquence incompétentes, rappelant la validité de telle clause au regard de l’article 23 du Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000, qu’au surplus, il s’agit de clauses conformes à l’usage en matière de transport international reproduites au dos des documents commerciaux, que la référence expresse dans le contrat aux conditions générales de vente du 3 mai 2010 manifeste la volonté des parties de se les voir appliquer, qu’en toute hypothèse, la version précédente desdites conditions générales de vente entrées en vigueur le 1er octobre 2001 seraient applicables.

✓ Sur ce :

Il incombe au juge de l’exequatur, en vertu de l’article 36 a), de vérifier si la décision dont il est demandé qu’elle soit rendue exécutoire, émane d’une juridiction compétente selon les règles concernant les conflits de compétence admises dans l’Etat où la décision est exécutée.

S’il n’appartient pas au juge de procéder à une révision au fond de la décision dont l’exequatur est sollicitée, en revanche, pour contrôler la compétence de la juridiction étrangère, il peut avoir à examiner à nouveau les faits sur lesquels le juge étranger a fondé sa compétence.

La stipulation d’une clause attributive de juridiction des tribunaux français leur confère une compétence exclusive de sorte que le jugement rendu au mépris de cette clause ne peut être accueilli en France.

En l’espèce, la société Bolloré soutient que ces conditions générales de vente opposables à la société Sopam prévoyaient à l’article 13 une clause attributive de juridiction au profit des tribunaux du siège social de l’opérateur de transport, c’est-à-dire en l’espèce du tribunal de commerce de Nanterre.

L’article 48 du code de procédure civile français dispose que « Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée ». Cet article est identique à l’article 51 du code de procédure civile burkinabé dont les juridictions burkinabé ont fait application.

En l’espèce, il ressort des pièces aux débats que la société Saga a fait une offre à la société Sopam dans le courant du mois de juillet 2009 portant sur le transport d’un moteur de centrale électrique de Saint-Nazaire au site de Komsilga au Burkina Faso, que les parties ont échangé des courriels notamment entre les 6 et 8 juillet 2009, que la société Sopam a sollicité l’amélioration de l’offre de la société Saga, qu’ainsi le 6 juillet, la société Saga a transmis à la société Sopam “ses nouvelles offres amendées”, que le 7 juillet, la société Sopam confirmant avoir bien reçu cette offre amendée a émis des observations, suggérant l’ajout de certains commentaires pour ne pas avoir à supporter à la place du commissionnaire de transport les surestaries dont elle ne serait pas responsable, faisant valoir le caractère exorbitant des tarifs d’immobilisation, au regard de ceux de son concurrent principal qu’elle détaille.

En réponse le 8 juillet 2009, la société Saga a adressé un courriel à la société Sopam contenant en fichier joint “les conditions générales amendées” lesquelles reprennent exactement les commentaires suggérés, de nouvelles conditions tarifaires alignées sur celles de son concurrent principal ainsi que les conditions relatives au délai de validité de l’offre, aux conditions “usuelles” de règlement des prestations et de réalisation de la prestation avec la mention suivante :

« 4.4. Conditions générales de ventes.

Cette cotation est régie par les Conditions Générales de Vente du Groupe Bolloré jointes en annexe. »

Se trouvent jointes à la suite les conditions générales de vente lesquelles comportent la clause suivante :

« Article 13 – […]

En cas de litige ou de contestation, seuls les tribunaux du siège social de l’Opérateur de Transport et/ou de logistique sont compétents, même en cas de pluralité de défendeurs ou d’appels en garantie.

Les présentes conditions générales de vente de la Fédération des Entreprises de Transport et Logistique de France (T.L.F) entrent en vigueur le 3 mai 2010 ».

Le 13 août 2009, en réponse directe à ce courriel du 8 juillet 2009 transmettant les conditions générales de vente de la société Saga, la société Sopam a confirmé à la société Saga qu’elle était retenue pour le transport du lot n°1 (moteur).

Il résulte de ces échanges que la société Sopam a eu connaissance des conditions contractuelles qui ont été négociées avec la société Saga ainsi que des conditions générales de vente contenant la clause attributive de juridiction et que l’accord des parties a porté sur l’ensemble de ces clauses et conditions acceptées au moment où le contrat s’est formé en août 2009.

La société Bolloré fait observer à juste titre que la clause attributive est habituelle en matière de transport international comme en témoigne le fait qu’elle figure dans des conditions générales édictées par la Fédération regroupant les entreprises de ce secteur d’activités. Il faut relever également avec la société défenderesse que l’argument de la société Sopam selon lequel lesdites conditions n’entraient en vigueur que le 3 octobre 2010 est sans portée puisque les parties ont contractuellement, par leur seule volonté, décidé de les appliquer en cas de litige ou contestation portant sur le contrat ou son exécution.

Il sera également retenu que la société Sopam avait dans le cadre d’un précédent contrat de commission de transport avec la société Saga en date du 31 mars 2007 accepté les conditions générales de vente de la Fédération des Entreprises de Transport et Logistique de France (T.L.F) entrées en vigueur le 1er octobre 2001 figurant en annexe 2 du contrat, contenant la même clause attributive de juridiction.

Compte tenu du renvoi exprès de l’article 4.4 aux conditions générales de vente qui sont indiquées comme jointes en annexe, du caractère usuel de telles clauses dans des contrats de commissionnaire de transport, des relations commerciales antérieures entre les parties qui sont des sociétés commerciales qui avaient déjà conclu dans les mêmes termes, la clause attributive de compétence ne contrevient pas au dispositions de l’article 48 du code de procédure civile était applicable au litige entre les parties.

Cette clause est, contrairement à ce que prétend la société Sopam, suffisamment précise dans la désignation de la juridiction compétente, qui est celle du siège social de l’opérateur de transport.

Le courrier en date du 22 février 2010 adressé par la société Sopam à la société Saga dans lequel la première rappelle que l’offre acceptée clef en main, moteur rendu sur le site de Komsilga, déchargé et positionné sur massif, ne fait état d’aucun frais à sa charge lié à l’obtention d’autorisation de franchissement d’ouvrage, encore moins de mesures à prendre par elle pour l’acheminement du moteur, n’est pas susceptible de modifier les termes sur lesquels l’offre a été acceptée en août 2009.

La clause attributive de compétence confère donc aux juridictions françaises, en particulier au tribunal de grande instance de Nanterre, dans lequel se trouve le siège social de la société Saga devenue la société Bolloré, une compétence exclusive.

Dès lors, le jugement du tribunal de commerce de Ouagadougou du 25 avril 2013, l’arrêt de la cour d’appel de Ouagadougou du 20 février 2015 et celui de la CCJA du 23 juin 2016 dont l’exequatur est sollicitée émanent de juridictions incompétentes au sens de l’article 36 a) de l’Accord.

Pour rejeter l’exception d’incompétence invoquée par la société Saga au profit des juridictions françaises, dans son jugement du 25 avril 2013, le tribunal de commerce de Ouagadougou a considéré que le jugement du 9 août 2011 avait définitivement tranché sur la question de la compétence et que ce jugement s’imposait aux parties comme ayant autorité de la chose jugée. La cour d’appel dans son arrêt du 25 avril 2013 a confirmé cette motivation et le rejet de cette exception. Cependant, le jugement du 9 août 2011 ayant été rendu par une juridiction incompétente, il ne saurait en être tiré aucun effet juridique pour examiner la compétence des juridictions burkinabés qui ont statué dans la nouvelle instance engagée postérieurement, au regard des dispositions de l’article 36 a) de l’Accord.

Faute de remplir l’une des conditions de l’article 36 de l’Accord, le jugement du tribunal de commerce de Ouagadougou du 25 avril 2013, l’arrêt de la cour d’appel de Ouagadougou du 20 février 2015 et l’arrêt de la CCJA du 23 juin 2016 ne peuvent être déclarés exécutoires.

La demande de la société Sopam ne sera pas accueillie.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les dépens seront à la charge de la société Sopam.

L’équité commande de la condamner à payer à la société Bolloré une indemnité de 8.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant en la forme des référés, par décision uniquement susceptible de recours en cassation,

Admet aux débats la pièce n°30 communiquée par la société Sopam,

Ecarte des débats les pièces 27 à 29 communiquées par la société Sopam,

Déboute la société Sopam de ses demandes,

Condamne la société Sopam à payer à la société Bolloré logistics, anciennement dénommée Saga France, une indemnité de 8.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Sopam aux dépens.

FAIT A NANTERRE, le 02 Mars 2017.

LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT.

Farrah CHAAR, Greffier

Anne BEAUVOIS, 1re vice-présidente

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Tribunal de grande instance de Nanterre, Juge des référés, 2 mars 2017, n° 16/01890