Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre, 21 mars 2001

  • 1) concernant les produits de la classe 24, recevabilité·
  • 2) concernant les produits de la classe 03, recevabilité·
  • 2) concession d'une licence, autorisation d'utilisation·
  • 1) apposition sur des livrets d'echantillons de tissus·
  • Second demandeur ayant des intérêts dans cette société·
  • Reproduction des combinaisons de couleurs, d'un style·
  • Article l 714-5 code de la propriété intellectuelle·
  • Extension de cette obligation à la personne morale·
  • Second demandeur, cedant de la marque au defendeur·
  • 1) concurrence déloyale à l'égard des demandeurs

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

D’une part, moquettes et d’autre part, tissus, notamment tissus d’ameublement et produits textiles non compris dans d’autres classes, couvertures de lit et de table

clause interdisant aux second et troisieme demandeurs, dans le monde entier, tout usage de leur nom patronymique pour designer les oeuvres dont ils sont les auteurs, sans limitation de duree

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch., 21 mars 2001
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : MANUEL DE LORCA
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 1358710
Classification internationale des marques : CL03;CL24
Référence INPI : M20010208
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE Manuel C a créé en 1963 la société MANUEL CANOVAS, spécialisée dans la création et la commercialisation de tissus d’ameublement. Il a exercé au sein de cette société les fonctions de Directeur artistique, du 2 novembre 1965 au 10 mai 1995, date à laquelle il a été licencié. Il avait été préalablement mis fin à son mandat de président du Directoire au mois de novembre 1994. Un certain nombre de procédures ont opposé la société MANUEL CANOVAS et Manuel C, suite à l’éviction de ce dernier. Les parties ont tenté de trouver une solution amiable à l’ensemble de ces litiges dans le cadre d’une médiation. Elles ont signé le 26 avril 1996 un protocole transactionnel, auquel sont également parties Catherine C, et la société FINANCIERE DE MANUFACTURES FRANÇAISES INVESTISSEMENTS. Manuel et Catherine C ont reconnu aux termes de cet acte que la société MANUEL CANOVAS disposait de droits privatifs sur les dénominations MANUEL CANOVAS et C, à titre de dénomination sociale, nom commercial, et/ou enseigne, et marque, et ont renoncé à toute exploitation commerciale de ces dénominations. Manuel C a renoncé à tout droit sur les dessins, modèles et collections à la création desquels il avait participé. Il a reconnu que la société MANUEL CANOVAS était titulaire de toutes les marques identifiées à l’annexe 1 du protocole, parmi lesquelles figure la marque MANUEL DE LORCA n 1 358 710. La société MANUEL CANOVAS a libéré Manuel et Catherine C de leur clause de non concurrence, et les conditions dans lesquels ces derniers pouvaient organiser leurs nouvelles activités ont été précisées. Manuel C et Catherine C se sont notamment engagés à ce que les dessins, modèles et collections qu’ils pourraient créer ne comportent en aucune façon les dénominations MANUEL CANOVAS et/ou C, se sont interdit de participer à toute opération publi- promotionnelle concernant leurs activités futures, et ont pris l’engagement de faire respecter ces obligations à tous les tiers avec lesquels ils pourraient être amenés à collaborer. Ils ont été indemnisés de leurs préjudices.

Manuel C a, par acte du 22 janvier 1997, assigné la société MANUEL CANOVAS aux fins de voir prononcer la déchéance pour défaut d’exploitation des droits de cette dernière sur la marque MANUEL DE LORCA n 1 358 710. Par jugement du 16 décembre 1998, aujourd’hui définitif, il a été déclaré irrecevable en cette demande. Par acte du 15 janvier 1999, la société MALORCA, dont Manuel C est l’animateur, a assigné la société MANUEL CANOVAS, aux fins de la voir déclarer déchue de ses droits sur la marque MANUEL DE LORCA, avec exécution provisoire. La société MANUEL CANOVAS a parallèlement, après avoir fait procéder à trois saisies-contrefaçon le 13 janvier 1999 lors de la biennale des Editeurs de la décoration, assigné la société MALORCA et Manuel C le 25 janvier 1999, aux fins de voir constater qu’ils ont commis des actes de contrefaçon de sa marque MANUEL DE LORCA n 1 358 710 en faisant usage de la dénomination MANUEL DE LORCA, des actes de contrefaçon de droits d’auteur en commercialisant des tissus dont les dessins reproduisent ceux qu’elle exploite, et des actes de concurrence déloyale, en ne respectant pas les obligations contractées le 26 avril 1996. Ces procédures ont été jointes. La société MANUEL CANOVAS ayant formé une demande d’interdiction provisoire, sur le fondement de l’article L 716-6 du Code de la propriété intellectuelle, et une demande tendant à ce qu’il soit fait injonction aux époux C de respecter le protocole, le juge des référés a, par ordonnance du 20 mai 1999, donné acte aux époux C de l’engagement pris de respecter la convention signée le 26 avril 1996 jusqu’à la fin de la procédure qu’ils ont décidé d’introduire aux fins d’en contester la validité, et par ordonnance du 2 juillet 1999, donné acte aux parties, sous réserve de l’appréciation de leurs droits respectifs par le juge du fond, de leur accords temporaire, limité à la durée de la procédure initiée le 25 janvier 1999, sur l’utilisation par la société MALORCA et Manuel C de la dénomination LORCA aux lieux et place de la dénomination MANUEL DE LORCA. Reprochant à la société MALORCA de ne pas respecter cet engagement, la société MANUEL CANOVAS l’a, après avoir fait procéder le 25 juillet 2000 à une saisie- contrefaçon dans le show room qu’elle exploite, assignée par acte du 4 août 2000 devant ce tribunal, aux fins de voir constater la poursuite des actes de contrefaçon. La jonction de ces procédures a été ordonnée. La société MALORCA, Manuel C et Catherine C demandent dans leurs dernières conclusions signifiées le 6 novembre 2000 de donner acte à Catherine C de son intervention volontaire, et de :

- déclarer recevable et bien fondée la demande en déchéance formée par la société MALORCA et prononcer la déchéance à la date du 28 décembre 1996 des droits de la

société MANUEL CANOVAS sur la marque MANUEL DE LORCA n 1 358 710 pour les produits des classes 3 et 24 désignés à l’enregistrement,
- subsidiairement,
- prononcer la nullité de l’ordonnance sur requête du 8 janvier 1999 et des saisie- contrefaçon pratiquées en vertu de cette ordonnance,
- déclarer la société MANUEL CANOVAS irrecevable en ses actions en contrefaçon de marque, l’en débouter,
- constater qu’elle n’établit pas l’existence d’un quelconque préjudice,
- déclarer nulle l’ordonnance du 30 juin 2000 autorisant une nouvelle saisie,
- subsidiairement constater que l’ordonnance de référé du 2 juillet 1999 a été respectée,
- déclarer irrecevables et mal fondées les demandes en contrefaçon et imitation de dessins déclarer irrecevable et mal fondée la demande d’interdiction d’utilisation de la dénomination LORCA, prononcer la nullité de la clause III-2 du protocole du 26 avril 1996, condamner la société MANUEL CANOVAS à verser à Manuel C une somme de 1.000.000 de francs, et à Catherine C une somme de 100.000 francs en raison des préjudices subis du fait de l’exécution d’une clause nulle, outre une somme de 100.000 francs chacun en raison de la violation des engagements de confidentialité,
- ordonner l’exécution provisoire du jugement,
- condamner la société MANUEL CANOVAS à verser à la société MALORCA, Manuel C et Catherine C la somme de 30.000 francs chacun sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code du procédure civile. Ils soutiennent que la société MALORCA qui exploite la dénomination MANUEL DE LORCA justifie d’un intérêt à agir en déchéance ; que la marque MANUEL DE LORCA n 1 358 710 n’a fait objet d’aucune exploitation, les pièces produites, non datées ou postérieures au 28 décembre 1996, n’attestant pas d’un usage public et sérieux de la marque pour les produits désignés à l’enregistrement. Ils contestent la validité des saisies pratiquées le 13 janvier 1999, au motif que la société MANUEL CANOVAS n’était à cette date plus titulaire de droits sur la marque n 1 358 710 invoquée, et que l’ordonnance est nulle, la requête ne comportant pas l’indication des pièces invoquées. Ils estiment la nouvelle saisie-contrefaçon pratiquée le 25 juillet 2000 également irrégulière, l’ordonnance ayant été rendue par un juge incompétent. Ils considèrent que le juge de l’exécution aurait dû être saisi. Ils discutent la pertinence des pièces saisies dans des locaux à usage de bureau, et non dans un show room, et relèvent que la société MALORCA a respecté les termes de l’ordonnance de référé, et modifié ses documents commerciaux et références de tissus, les quelques échantillons trouvés par l’huissier provenant de stock anciens. Ils considèrent la preuve d’une contrefaçon artistique non rapportée.

Ils font valoir que compte tenue de l’accord judiciaire intervenu devant le juge des référés, la demande tendant à leur voir interdire l’usage de la dénomination LORCA et irrecevable, et, en tout état de cause, mal fondée. Ils soutiennent que la clause III-2 du protocole ne comporte aucune limitation de durée, interdit à Manuel C d’exercer son droit de paternité sur ses oeuvres, de faire usage de son nom, et porte atteinte à sa liberté d’aller et venir, et qu’elle doit, pour l’ensemble de ces raisons, être annulée. La société MANUEL CANOVAS prie le tribunal aux termes de ses dernières écritures du 18 décembre 2000 de :

- déclarer la société MALORCA irrecevable et mal fondée en sa demande en déchéance, la rejeter,
- dire et juger les demandeurs mal fondées en leur demande d’annulation de l’ordonnance du 8 janvier 1999 et des saisies subséquentes, et en leur demande d’annulation de l’article III-2 du protocole du 26 avril 1996, les débouter de l’intégralité de leurs demandes,
- dire frauduleuse, et à tout le moins abusive l’action en déchéance formée par la société MALORCA, la condamner à lui payer la somme de 200.000 francs à titre de dommages et intérêts,
- dire que la société MALORCA, Manuel C et Catherine C ont commis des actes de contrefaçon de la maque MANUEL DE LORCA n 1 358 710 dont elle est propriétaire,
- dire que Manuel C a en outre commis des actes de concurrence déloyale distincts à son préjudice,
- dire que les dessins Kangra, Lolita, Hibiscus, Sibyl, Mafalda et Almita constituent l’imitation des créations qu’elle exploite, dire qu’en créant et commercialisant ces dessins, la société MALORCA, Manuel C et Catherine C ont commis des actes de contrefaçon à son préjudice,
- prononcer des mesures d’interdiction sous astreinte, et d’injonction sous astreinte de respecter les engagements souscrits le 26 avril 1996,
- condamner in solidum la société MALORCA, Manuel C et Catherine C à lui payer les sommes provisionnelles de 200.000 francs, 1.000.000 de francs et 500.000 francs à valoir sur le préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de marque, de concurrence déloyale et de contrefaçon de droits d’auteur, désigner un expert aux fins de chiffrer définitivement le dommage subi,
- ordonner des mesures de publication,
- ordonner l’exécution provisoire,
- condamner in solidum la société MALORCA, Manuel C et Catherine C à lui payer la somme de 50.000 francs au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. Elle considère que la société MALORCA n’est que le prête-nom de Manuel C qui tente de faire juger à nouveau la demande en déchéance dont il a été débouté ; que la garantie d’éviction due par Manuel C s’étend tant à ses actes personnels qu’aux actes de tiers ; que la marque MANUEL DE LORCA n 1 358 710 n’a jamais été abandonnée, et est exploitée ; qu’elle bénéficie subsidiairement d’une excuse légitime, en raison des troubles qui ont été apportés par Manuel C.

Elle relève que les pièces invoquées sont indiquées dans la requête en saisie-contrefaçon du 8 janvier 1999, que l’ordonnance du 30 juin 2000 a été rendue par un juge compétent, que les saisies sont en conséquence valables et la contrefaçon de marque constituée. Elle estime sa demande en contrefaçon de droits d’auteur également fondée. Elle rappelle que les parties, qui étaient assistés de leurs conseils, ont librement réglementé entre elles les conditions de leur concurrence dans le cadre du protocole du 26 avril 1996 ; que l’accord est valable, et qu’il n’a pas été respecté par Manuel C qui a participé publiquement à l’activité de la société MALORCA, ainsi qu’en atteste sa présence à la Biennale des Editeurs de la décoration, et s’est abstenu d’agir l’encontre des organes de presse qui citaient son nom ; que le contrat d’origine lui imposait en tout état de cause une clause de non concurrence ; qu’il a manifesté sa volonté de se placer dans son sillage en choisissant pour désigner la société MALORCA la typographie et les couleurs qu’elle-même utilise.

DECISION I – SUR LA DEMANDE EN DECHEANCE Attendu que l’article L 714-5 du Code de la propriété intellectuelle dispose : "Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque, qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans, Est assimilé à un tel usage : a – l’usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque, ou dans les marques collectives, dans les conditions du règlement ;

b – l’usage de la marque sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif ;

c – l’apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue de l’exportation.

La déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée. Si la demande ne porte que sur une partie des produits ou services visés dans l’enregistrement, la déchéance ne s’étend qu’aux produits et services concernés.

L’usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans visée au premier alinéa du présent article n’y fait pas obstacle s’il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l’éventualité de cette demande. La preuve de l’exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens. La déchéance prend effet à la date d’expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu." 1 – sur la recevabilité de la demande : Attendu que par jugement du 16 décembre 1998, la demande en déchéance précédemment formée par Manuel C a été déclarée irrecevable, faute pour ce dernier de justifier d’un intérêt légitime, au motif qu’ayant cédé le 5 juin 1989 la marque MANUEL DE LORCA n 1 358 710 à la société MARQUE MANUEL CANOVAS, aux droits de laquelle se trouve la société MANUEL CANOVAS, il devait à son cessionnaire garantie de son fait personnel, et devait en conséquence s’abstenir de tout acte ayant pour conséquence de compromettre l’exercice du droit cédé ; Attendu que la déchéance est, dans le cadre de la présente procédure, sollicitée non par Manuel C mais par la société MALORCA ; que celle-ci constitue une personne juridique distincte de Manuel C ; qu’elle a été immatriculée le 4 mars 1997, avant l’introduction de la présente procédure, et a pour objet la création, l’édition, la réalisation et la commercialisation de tissu d’ameublement ; qu’elle exerce effectivement cette activité, ainsi qu’il résulte des pièces produites par la défenderesse elle-même, et justifie exploiter dans ce cadre la dénomination MANUEL DE LORCA ; que si Manuel C a certes des intérêts dans cette société, cette seule circonstance ne saurait suffire à caractériser la fraude ; que la société MANUEL CANOVAS ne peut être suivie lorsqu’elle soutient que la société MALORCA ne serait qu’un prête nom, et que sa personnalité morale serait fictive ; que cette société n’est par ailleurs pas tenue, à titre personnel, d’une obligation de garantie envers la société MANUEL CANOVAS, dont seul Manuel C est débiteur, même si cette garantie couvre également le fait des tiers ; que la société MALORCA, qui établit exercer une activité dans le domaine de la création et de l’édition de tissus d’ameublement, et utiliser dans le cadre de cette activité la dénomination MANUEL DE LORCA, justifie de ce fait d’un intérêt légitime et personnel à agir en déchéance des droits de la société MANUEL CANOVAS sur la marque MANUEL DE LORCA n 1 358 710, pour produits de la classe 24 désignés à

l’enregistrement, à savoir : « Tissus, notamment tissus d’ameublement, et produits textiles non compris dans d’autres classes, couvertures de lit et de table » ; qu’elle ne justifie en revanche d’aucun intérêt à agir, en ce qui concerne les produits de la classe 3 visés à l’enregistrement ; 2 – Sur le fond : Attendu que la société MANUEL CANOVAS n’a à aucun moment manifesté la volonté d’abandonner la marque MANUEL DE LORCA n 1 358 710 ; qu’une telle volonté, qui doit être expresse et non équivoque, ne peut être déduite de la seule mention « abandon » apposée sur un listing informatique ; que la société MANUEL CANOVAS, qui a procédé à une déclaration de renouvellement le 30 mai 1996, n’a pas renoncé à exploiter la marque litigieuse ; Attendu que la société MANUEL CANOVAS peut en application de l’article L 714-5 du Code de la propriété intellectuelle opposer l’usage commencé ou repris après le 28 décembre 1996, dès lors qu’il n’a pas été entrepris dans les trois mois précédant la demande en déchéance formée par la société MALORCA ; qu’elle établit, par la production de factures de février et mars 1997, et de listings établis pour les années 1997 et 1998 avoir utilisé cette marque pour désigner des nappes et des sets de table ; qu’elle justifie avoir reçu livraison en février 1997 de 110 étiquettes « Manuel de LORCA » ; qu’elle démontre par ailleurs par la production de son tarif au 1er janvier 1999, d’un récapitulatif des cadences depuis 1992, et d’un échantillon de tissu étiqueté, éditer et commercialiser depuis cette date sous la dénomination LORCA un tissu portant la référence 4336 ; Attendu qu’il ressort de l’ensemble de ces éléments que la société MANUEL CANOVAS a fait un usage, certes peu important, mais néanmoins réel et sérieux de la marque MANUEL DE LORCA n 1 358 710, sous cette forme ou sous la forme modifiée LORCA n’en altérant pas le caractère distinctif, pour les produits de la classe 24 désignés à l’enregistrement ; que la demande en déchéance formée par la société MALORCA sera dès lors rejetée ; II – SUR LES DEMANDES EN CONTREFAÇON DE MARQUE : 1 – Sur la validité des saisies :

a – Sur les saisies du 13 janvier 1999 : Attendu que l’article 494 du nouveau Code de procédure civile énonce que la requête doit comporter « l’indication précise des pièces invoquées » ; qu’en l’espèce il est clairement précisé dans la requête afin de saisie-contrefaçon présentée le 8 janvier 1999 qu’est invoqué l’enregistrement de la marque MANUEL DE LORCA n 1 358 710 ; que la demande tendant à voir déclarer nulles, en application de l’article précité, l’ordonnance présidentielle du 8 janvier 1998 et les trois saisies-contrefaçon pratiquées sur le fondement de cette ordonnance le 13 février 1999 ne pourra qu’être rejetée ; b – Sur la saisie du 25 juillet 2000 : Attendu que la requête présentée le 30 juin 2000 et une requête afin de saisie-contrefaçon de marque, expressément fondée sur les dispositions de l’article L 716-7 du Code de la propriété intellectuelle ; qu’elle a pour objet de faire établir la poursuite des actes de contrefaçon, nonobstant les engagements pris devant le juge des référés ; que le président du tribunal de grande instance de Paris, lieu de la saisie, ou le magistrat délégué par lui était donc compétent, à l’exclusion de toute autre juridiction, pour autoriser cette saisie ; que la demande tendant à voir déclarer nulle l’ordonnance du 30 juin 2000, et les actes subséquents sera rejetée ; 2 – Sur la contrefaçon : Attendu que l’huissier a constaté le 13 juillet 1999 la présence, sur le stand tenu par la société MALORCA à la Biennale des Editeurs de la décoration, de livrets d’échantillons de tissus sur lesquels était apposée la dénomination MANUEL DE LORCA ; qu’en reproduisant la dénomination MANUEL DE LORCA pour désigner des tissus d’ameublement, produit identique à celui couvert par l’enregistrement de la marque n 1 358 710, la société MALORCA a commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société MANUEL CANOVAS ; Attendu que l’huissier a également constaté, lors du même salon, qu’étaient commercialisées par la société Jules FLIPO, en vertu d’une licence concédée par la société MALORCA, des moquettes sous cette dénominations ; qu’en autorisant la société Jules FLIPO à utiliser cette dénomination pour désigner des moquettes, produit textile complémentaire et similaire aux tissus s’ameublement visés à l’enregistrement, et en participant ainsi à un tel usage, la société MALORCA a commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société MANUEL CANOVAS ;

Attendu en revanche que le fait qu’Yves T ait, sur le même salon, mentionné dans un espace qu’il a décoré « Tissu fauteuil Manuel de LORCA », ne peut être imputé aux demandeurs, qui ne peuvent être tenus pour responsables des faits des tiers ; Attendu que la participation personnelle de Manuel C et Catherine C aux actes de contrefaçon n’est pas établie ; Attendu que l’huissier a par ailleurs constaté lors des opérations de saisie-contrefaçon du 25 juillet 2000 qu’étaient exposées dans les locaux de la société MALORCA des tissus portant la dénomination MANUEL DE LORCA ; que si ces locaux, composés de deux bureaux et d’une réserve, ne constituent pas un show room, ils n’en sont pas moins accessibles, sinon au grand public, du moins à la clientèle professionnelle de la société MALORCA ; que l’huissier a relevé qu’étaient notamment exposés sur un portant 14 tissus, dont six étaient marqués MANUEL DE LORCA ; que sur les étagères figuraient plusieurs liasses étiquetées MANUEL DE LORCA ; que la société MALORCA n’établit pas que ces tissus et échantillons faisaient partie du stock existant au 17 juin 1999, ni qu’ils soient tous également commercialisés sous la dénomination LORCA ; que si elle a effectivement modifié ses documents commerciaux, il demeure qu’en continuant à faire usage, le 25 juin 2000, de la dénomination MANUEL DE LORCA pour désigner des tissus, elle a commis des actes de contrefaçon de la marque MANUEL DE LORCA dont la société MANUEL CANOVAS est propriétaire ; III – SUR LA CONTREFAÇON DE DROITS D’AUTEUR : Attendu que la société MANUEL CANOVAS soutient que les dessins KANGRA, LOLITA, HIBISCUS, SIBYL, MAFALDA et ALMITA reproduisent ou à tout le moins imitent certaines de ses créations ; qu’elle ne précise toutefois pas dans ses écritures quelles oeuvres seraient contrefaites ; que l’exploitation de thèmes communs, l’utilisation de mêmes combinaisons de couleurs, et la reprise d’un style ne peut suffire à caractériser la contrefaçon ; qu’il n’existe pas, entre les dessins des sociétés MANUEL CANOVAS et MALORCA versés aux débats, de ressemblances autres que celles résultant de l’exploitation d’un même genre ; que la demande en contrefaçon de droits d’auteurs ne pourra dès lors qu’être rejetée ; IV – SUR LA CONCURRENCE DELOYALE :

1 – Sur la validité de la clause : Attendu que l’article III du protocole du 26 avril 1996 est ainsi rédigé : "1 – la société MANUEL CANOVAS libère Monsieur C et Madame C de leur clause de non concurrence, sous les conditions essentielles et déterminantes énoncées ci-après (III- 2), et qui sont acceptées sans restrictions ni réserves par Monsieur C et Madame C, qui s’engagent expressément et irrévocablement ment à les respecter et à les faire respecter. En conséquence, et sous les mêmes conditions, Monsieur C et Madame C pourront, dès la signature des présentes, exercer leurs activités professionnelles et artistiques, à titre libéral ou salarié, y compris dans les domaines de la mode, de la parfumerie, de l’ameublement, de la décoration, et/ou de leurs accessoires. 2 – De convention expresse et irrévocable, et afin de supprimer tout risque de confusion avec la société MANUEL CANOVAS, la libération de Monsieur C et Madame C est soumise à la condition essentielle et déterminante pour la société MANUEL CANOVAS, que Monsieur C et Madame C s’engagent à respecter, et à faire respecter la plus totale confidentialité relativement à l’exercice de leurs futures fonctions ou activités professionnelles et/ou artistiques dans les domaines de la mode, de la parfumerie, de l’ameublement, de la décoration et/ou de leurs accessoires. A cet effet :

- Monsieur C et Madame C s’engagent notamment à ce que les dessins, modèles et/ou collections qu’ils pourraient créer et/ou à la création desquels ils auraient participé ne comportent, d’aucune façon, quelque mention que ce soit comportant les dénominations MANUEL CANOVAS, C et/ou toute autre incluant, en tout ou partie, les dénominations MANUEL CANOVAS ou C, et ce à quelque titre que ce soit (notamment et de façon non limitative : signature, griffe, marque, logotype, référence, initiales, monogramme…) y compris dans les publicités les concernant et toutes autres concernants leurs employeurs ou leur partenaires commerciaux ;

- Monsieur C et Madame C s’interdisent de même de participer, directement ou indirectement, à toute opération publi-promotionnelle concernant, directement ou indirectement, leurs futures activités professionnelles et/ou leurs éventuelles créations, ou celles à la création desquelles ils auraient pu participer. Ils s’abstiendront notamment de susciter, de participer et/ou de répondre à toute interview, à tout reportage et/ou à toute opération publi-promotionnelle, de laisser citer les noms de MANUEL C et/ou C, de laisser reproduire leur image, dès lors que ces opérations concerneront, directement ou indirectement, leurs activités professionnelles et/ou leurs éventuelles créations, ou celles à la création desquelles ils auraient pu participer ; Dans l’hypothèse où le nom et/ou l’image de Monsieur C et/ou Madame C seraient utilisés par des tiers en violation des stipulations des présentes, Monsieur C et Madame C s’engagent expressément et irrévocablement à faire publier, après concertation avec la

société MANUEL CANOVAS, tous droits de réponse appropriés, sans que leur responsabilité à l’égard de la société MANUEL CANOVAS soit pour autant dégagée s’il apparaissait qu’ils n’avaient pas tout fait pour éviter les actes litigieux ;

- Monsieur C et Madame C s’engagent de même à faire respecter ces obligations à tous les tiers avec lesquels ils seraient amenés à collaborer, quelque soit leur statut professionnel et/ou la nature juridique des oeuvres qu’ils pourraient créer, ou à la création desquels ils seraient amenés à participer." Attendu que le principe de l’inaliénabilité et de l’imprescribilité du patronyme ne s’oppose pas à la conclusion d’accord sur l’utilisation commerciale du nom ; qu’en l’espèce la clause litigieuse ne se limite toutefois pas réglementer une telle utilisation commerciale, mais a pour effet d’interdire à Manuel C et Catherine C, dans le monde entier, tout usage de leur nom patronymique pour désigner les oeuvres dont ils sont les auteurs, et ce sans aucune limitation de durée ; qu’elle est, dans cette mesure, contraire aux dispositions de l’article L 121-1 du Code de la propriété intellectuelle et doit, en ce qu’elle vise à interdire à Manuel et Catherine C de jouir du droit au nom dont ils sont investis relativement aux oeuvres dont ils sont les auteurs, être déclarée nulle ; Attendu que pour le surplus l’engagement de « respecter la plus total confidentialité » dans l’exercice de leurs fonctions, limité dans son objet, auquel Manuel et Catherine C ont, assistés de leurs conseils, librement consenti, ne leur interdit nullement d’exercer leur activité professionnelle, et ne porte pas atteinte à leur liberté personnelle d’aller et venir ; que cet engagement, et les obligations qui en découlent sont valables ; 2 – Sur les demandes de la société MANUEL CANOVAS : Attendu qu’en étant présent sur le stand de la société MALORCA, à la Biennale des éditeurs de la décoration le 13 janvier 1999, Manuel C a manqué à l’obligation de confidentialité souscrire à l’article du III-2 du protocole du 26 avril 1996, et commis une faute à l’égard de la société MANUEL CANOVAS ; Attendu qu’il ne peut en revanche être tenu pour responsable de la citation de son nom dans la presse ; que s’agissant de la désignation de la société MALORCA, l’usage de lettres majuscules à empattement ne saurait suffire à caractériser la volonté de créer une confusion entre les sociétés ; que l’utilisation de la même combinaison de couleurs n’est en l’état des pièces produites, qui sont des photocopies noir et blanc, pas établie ; V – SUR LES MESURES REPARATRICES :

Attendu que Manuel C, qui ne démontre aucunement avoir été comme il le soutient empêché d’exercer son activité professionnelle, sera débouté de sa demande de « réparation des préjudices subis par l’exécution d’une clause nulle » ; que Catherine C, qui n’établit pas que son activité de mandataire social ait été entravée, sera déboutée de la demande indemnitaire qu’elle forme sur le même fondement ; Attendu que les époux C sollicitent également 100.000 francs de dommages et intérêts chacun en raison du non respect par la société MANUEL CANOVAS de l’engagement de confidentialité assortissant le protocole d’accord u 26 avril 1996, non respect révélé selon eux par un article paru dans le journal du textile le 19 février 1998 ; qu’ils n’établissent cependant pas que la société MANUEL CANOVAS soit à l’origine des informations divulguées dans cet article, et seront déboutés de ce chef de demande ; Attendu que pour faire cesser les actes de contrefaçon de marque, il convient d’interdire à la société MALORCA d’utiliser les dénominations MANUEL DE LORCA et/ou LORCA pour désigner les produits de la classe 24 ; que l’accord sur l’utilisation de la dénomination LORCA conclu, sous réserve de l’appréciation du juge du fond, devant le juge des référés était en effet expressément limité à la durée de la procédure ; qu’il n’a pas pour effet de rendre irrecevable la demande d’interdiction formée par la société MANUEL CANOVAS ; que cette dénomination LORCA constitue l’imitation de la marque MANUEL DE LORCA n 1 358 710 dont elle reproduit un élément essentiel et distinctif ; que la société MANUEL CANOVAS, qui n’a jamais reconnu qu’il s’agirait d’un « substitut non critiquable à la dénomination MANUEL DE LORCA », est bien fondée à voir interdire son utilisation pour désigner les produits visés au dépôt de la marque MANUEL DE LORCA n 1 358 710, les ressemblances entre les signes et l’identité entre les produits désignés étant de nature à générer un risque de confusion dans l’esprit du public ; Attendu que le tribunal peut, au vu des pièces dont il dispose, évaluer le préjudice subi par la société MANUEL CANOVAS, du fait des actes de contrefaçon de marque commis par la société MALORCA, à la somme de 100.000 francs, sans qu’il y ait lieu de recourir à la mesure d’expertise sollicitée ; Attendu que le préjudice causé par les actes de concurrence déloyale de Manuel C, qui entretient la confusion entre sa personne et la société qui porte son nom, peut être fixé à la somme de 100.000 francs ; Attendu qu’à titre de réparation complémentaire la publication de la décision sera ordonnée, dans les termes du dispositif ;

Attendu que les demandes de la société MALORCA étant partiellement fondées, la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société MANUEL CANOVAS ne pourra qu’être rejetée ; Attendu que l’exécution provisoire n’est pas nécessaire ; Attendu que l’équité commande d’allouer à la société MANUEL CANOVAS la somme de 25.000 francs au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, et de rejeter la demande formée par la société MALORCA, Manuel C et Catherine C sur le même fondement ; PAR CES MOTIFS Le Tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort ; Donne acte à Catherine C de son intervention volontaire ; Déclare irrecevable la demande en déchéance des droits de la société MANUEL CANOVAS sur la marque MANUEL DE LORCA n 1 358 710 formée par la société MALORCA, en ce qui concerne les produits de la classe 3 ; Déclare pour le surplus sa demande en déchéance recevable, mais mal fondée ; Déclare nulle la clause III-2 du protocole du 26 avril 1996, mais seulement en ce qu’elle a pour effet d’interdire à Manuel et Catherine C de jouir du droit au nom dont ils sont investis relativement aux oeuvres dont ils sont les auteurs ; Dit qu’en étant présent sur le stand de la société MALORCA à la Biennale des éditeurs de la décoration le 13 janvier 1999, Manuel C a manqué aux engagements souscris dans ce protocole, et commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société MANUEL CANOVAS ; Rejette les demandes d’annulation des ordonnances sur requête des 8 janvier 1999 et 30 juin 2000 et des procès-verbaux de saisie-contrefaçon des 13 janvier 1999 et 25 juillet 2000 ; Dit qu’en faisant usage de la dénomination MANUEL DE LORCA pour désigner des tissus, et en participant à son usage pour désigner des moquettes, ainsi qu’il résulte des procès-verbaux de saisie-contrefaçon des 13 janvier 1999 et 25 juillet 2000, la société MALORCA a commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société MANUEL CANOVAS ; Interdit à la société MALORCA de poursuivre ces agissements, et d’utiliser les dénominations MANUEL DE LORCA et/ou LORCA pour désigner des produits identiques ou similaires à ceux visés à l’enregistrement de la marque MANUEL DE

LORCA n 1 358 710, dans le mois de la signification de la décision, sous peine passé ce délai d’une astreinte de 1000 francs par infraction constatée ; Dit que le présent tribunal sera compétent pour liquider l’astreinte ; Condamne la société MALORCA à payer à la société MANUEL CANOVAS la somme de 100.000 francs à titre de dommages et intérêts ; Condamne Manuel C à payer à la société MANUEL CANOVAS la somme de 100.000 francs à titre de dommages et intérêts ; Autorise la société MANUEL CANOVAS à faire publier le dispositif de la présente décision, en entier ou par extraits, dans trois journaux et revues de son choix, aux frais de la société MALORCA, sans que le coût de ces publications n’excède, à la charge de cette dernière, la somme totale hors taxes de 60.000 francs ; Déboute la société MANUEL CANOVAS de ses demandes en contrefaçon de droits d’auteur ; Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ; Condamne in solidum Manuel C et la société MALORCA à payer à la société MANUEL CANOVAS la somme de 25.000 francs au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette toute autre demande ; Condamne in solidum la société MALORCA et Manuel C aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître C, dans les conditions prévues par l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

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Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre, 21 mars 2001