Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 1re section, 5 janvier 2010, n° 08/05210

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 1re sect., 5 janv. 2010, n° 08/05210
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 08/05210
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D20100007
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL D E GRANDE INSTANCE DE PARIS 3e chambre 1re section N° RG : 08/05210

JUGEMENT rendu le 05 Janvier 2010 DEMANDERESSE S.A.R.L. BAGUTTI […] représentée par Me Stéphane BOKOBZA, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire C2416 et par Me Franck Z, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat plaidant DÉFENDERESSE S.A.R.L. DORE ROUGE […] représentée par Me Véronique DAHAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P438 COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie-Christine C, Vice Présidente Marie S, Vice Présidente Cécile VITON, Juge assistées de Léoncia BELLON, Greffier DEBATS A l’audience du 03 Novembre 2009 tenue publiquement

JUGEMENT Prononcé par mise à disposition au greffe Contradictoirement en premier ressort EXPOSE DU LITIGE La société Bagutti a pour activité la bonneterie, lingerie, confection tissus et nouveautés pour hommes, dames et enfants. Estimant que la société Dore Rouge, ayant pour objet le commerce de prêt-à-porter, la vente import-export en gros, demi-gros et détail, proposait à la vente des modèles de pulls avec chemises intégrées, vendus sous la marque S&W, constituant la copie servile de ceux qu’elle crée, fabrique et commercialise, la société Bagutti, autorisée par ordonnance rendue sur requête de Monsieur le Président du Tribunal de Grande

Instance de Paris du 26 février 2008, a fait réaliser le 6 mars 2008 des opérations de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société Dore Rouge. C’est dans ces conditions que par acte du 20 mars 2008, la société Bagutti a fait assigner la société Dore Rouge en contrefaçon et en concurrence déloyale. Dans ses dernières conclusions du 24 novembre 2008, la société Bagutti demande au Tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :

- valider les opérations de saisie-contrefaçon diligentées le 6 mars 2008 dans les locaux de la société Dore Rouge,
- dire et juger que la société Dore Rouge a commis des actes de contrefaçon en commercialisant les modèles référencés 27 332, 27 333, 27 335 et 27 362 reprenant l’ensemble des caractéristiques de ses modèles référencés B2612, BG114, BG113, B2827, B2961, B2896 et B2965,

En conséquence,
- interdire à la société Dore Rouge de reproduire les modèles, et ce, sous astreinte définitive de 1.500 euros, par infraction constatée et par jour, à compter de la publication du jugement à intervenir, le Tribunal se réservant la faculté de liquider l’astreinte directement,
- ordonner la confiscation de l’ensemble des modèles contrefaisant, et ce tant au siège de la société Dore Rouge qu’à l’ensemble de ses établissements secondaires, succursales, usines, sous traitants, grossistes et détaillants,
- ordonner la destruction des modèles en cause par un huissier au choix de la société Bagutti, à ses frais avancés, qui lui seront remboursés par la société Dore Rouge sur simple présentation des factures justificatives,
- condamner la société Dore Rouge à lui verser la somme globale et provisionnelle de 100.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon, sous réserve des éléments qui seront fournis en cours de procédure,
- faire sommation à la société Dore Rouge de communiquer un état des stocks des achats et des ventes certifiés conformes concernant les modèles contrefaits commercialisés sous les références 27 332, 27 333, 27 335 et 27 362,
- dire et juger que la société Dore Rouge a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire en commercialisant des modèles reprenant l’ensemble des caractéristiques des modèles précités, propriété de la société Bagutti,
- condamner la société Dore Rouge à lui verser la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire,
- débouter la société Dore Rouge de ses demandes,
- condamner la société Dore Rouge à lui verser la somme de 5.000 euros HT au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais de saisie- contrefaçon, qui pourront être recouvrés directement par Maître Bokobza, Avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile. Elle fait valoir que ses créations sont originales, ont été commercialisées avant les modèles de la défenderesse et que les ressemblances entre les deux modèles sont flagrantes. Elle soutient que les actes de contrefaçon lui ont fait subir un préjudice constitué par l’atteinte à son image de marque, l’avilissement de ses modèles contrefaits, une atteinte à ses investissements nécessaires exposés et un manque à gagner. Elle estime que la société Dore Rouge a commis des actes de concurrence déloyale distincts de la contrefaçon en s’appropriant son travail, en cherchant à

tromper le public sur l’origine des produits, et en profitant de ses investissements et de sa recherche créative nécessaire à la mise au point et à la commercialisation de ses modèles. Aux termes de ses dernières écritures du 11 mars 2009, la société Dore Rouge sollicite du Tribunal qu’il dise et juge que les modèles litigieux de la société Bagutti sont dépourvus de caractère original au siens du Code de la propriété intellectuelle, qu’elle est de bonne foi et n’a pas commis de contrefaçon, que la société Bagutti ne démontre pas l’existence d’actes de concurrence déloyale distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon, qu’elle n’a pas commis d’actes de concurrence déloyale, et que le montant des dommages et intérêts réclamés par la société Bagutti est exorbitant et non justifié au regard des faits de l’espèce, et en conséquence, de débouter la société Bagutti de l’ensemble de ses demandes, et de la condamner à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens. Elle fait valoir qu’elle a acquis de bonne foi, en tant que revendeur, les modèles litigieux, que les modèles revendiqués par la société Bagutti n’ont pas été déposés, n’ont fait l’objet d’aucune publicité et ne sont pas originaux en ce qu’ils consistent en la superposition de matières, procédé qui existe depuis de nombreuses années. L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 avril 2009.

EXPOSE DES MOTIFS A titre liminaire, il y a lieu de déclarer valables les opérations de saisie-contrefaçon réalisées le 6 mars 2008, ce qui n’est pas contesté par la société Dore Rouge.

- sur l’originalité des modèles revendiqués : II convient de rechercher si les modèles de vêtements revendiqués par la société Bagutti sont susceptibles de constituer, au sens des dispositions du Livre 1 du Code de la propriété intellectuelle, une oeuvre de l’esprit. En l’espèce, au vu des photographies produites au débat et de ses écritures, la société Bagutti revendique, au titre des actes de contrefaçon, les modèles de vêtements suivants:

- modèle référencé B 2612 constitué par un pull avec d’une part une chemise intégrée dans un tissu à pois avec un col jabot sur lequel des perles sont brodées et de la dentelle est cousue sur le bord, et d’autre part des manches avec des perles brodées près des poignets et le même tissu que celui de la chemise qui dépasse,
- modèle référencé BG 114 N constitué par un gilet avec une chemise intégrée avec un col jabot et de la dentelle sur la face, entre le gilet et les boutons de fermeture, le tissu de la chemise dépassant en bas du gilet,
- modèle référencés BG 113 N constitué par un pull avec une chemise intégrée, avec deux sortes de tissus plissés, de la dentelle sur le col de la chemise et à chaque liaison d’une part entre les deux sortes de tissus plissés de la chemise et d’autre part entre la chemise et le pull, et doté d’une ceinture,
- le modèle référencé B 2961 constitué par un pull manches courtes avec une chemise intégrée en tissu plissé, et doté d’une ceinture, et portant les inscriptions « BAGUTTI » et « FASHION » sur chaque côté de la chemise, de haut en bas,

— le modèle référencé B 2965 qui a remplacé la référence B 2612 et qui est un tee- shirt avec une chemise intégrée dans un tissu à pois avec un col jabot sur lequel des perles sont brodées et des manches avec le même tissu que celui de la chemise qui dépasse et est retourné, La société Bagutti produit au débat des factures datées entre les 20 juillet et 10 décembre 2007 ainsi des 4 et 14 février 2008 établissant qu’elle a commercialisé en France et à l’étranger, pendant cette période, ces modèles de pulls et gilet référencés B 2612, BG 114 N, BG 113 N et B 2965. Si le fait d’intégrer des chemises à des pulls et le modèle de blouse associé à un jabot sont connus et peuvent être regardés comme appartenant au fonds commun de l’univers du vêtement féminin, leur combinaison telle que revendiquée, traduit un parti pris esthétique qui porte l’empreinte de la personnalité de son auteur et témoigne, d’une originalité justifiant la protection par le droit d’auteur des modèles référencés B 2612, BG 114 N, BG 113 N, B 2961 et B 2965.

Dans ses conclusions, la société Bagutti sollicite la condamnation de la société Dore Rouge pour contrefaçon notamment de son modèle référencé B2827 qu’elle ne décrit pas et pour lequel elle n’indique pas ses choix et donc ce qui marque l’empreinte de sa personnalité. Il n’appartient pas au tribunal de se substituer aux choix de l’éventuel auteur. Il n’est dès lors pas justifié que le modèle B 2827 soit une oeuvre de l’esprit protégeable par le droit d’auteur de sorte que la société Bagutti sera déclarée irrecevable en sa demande en contrefaçon de ce modèle B2827. La photographie du modèle référencé B 2896 ne permet pas de s’assurer de sa composition et partant de son originalité au regard des éléments invoqués par la société défenderesse. Il n’est dès lors pas justifié que ce modèle soit une oeuvre de l’esprit protégeable par le droit d’auteur de sorte que la société Bagutti sera déclarée irrecevable en sa demande en contrefaçon de ce modèle B2896.

- sur les actes de contrefaçon : L’article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droits ou ayant cause est illicite. En l’espèce, lors des opérations de saisie-contrefaçon réalisées le 6 mars 2008 dans le magasin de la société Dore Rouge exploitant sous l’enseigne S&W, l’huissier instrumentaire a saisi les références suivantes :

- 27332 : pull noir comprenant une chemise blanche en coton et un col relevé de dentelles, cinq boutons en strass vendu au prix de 14 euros (col en V),
- 27335 : un gilet avec une chemise à col jabot brodé de dentelle 100% coton vendu 14 euros,
- 27333 : un pull avec un col en V intégrant une chemise en tissu plissé relevé de paillettes et disposant de boutons en strass 100% coton vendu 14 euros,
- 27362 : un pull avec un col en V intégrant une chemise avec jabot tissu plissé à pois et un col bordé de perles, 100% coton.

L’huissier instrumentaire a relevé que 22 des factures du mois de février 2008 présentées par Madame Wang N de la société Dore Rouge comprenaient ces références, et qu’il existait dans les locaux environ 400 produits sous ces références. Il ressort de l’examen des pulls saisis et versés aux débats qu’ils reprennent les caractéristiques essentielles et originales des modèles référencés B 2612, BG 113N, BG 114N, B2961 et B2965. En ayant importé et commercialisé ces modèles de pull et gilet, la société Dore Rouge a donc commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société Bagutti, étant précisé que la bonne foi est inopérante en matière de délit civil.

Le 27 mars 2008, Monsieur Benjamin B, expert comptable de la société Bagutti, a attesté des chiffres d’affaires réalisés par la commercialisation des modèles contrefaits, et des frais de voyages et déplacement pour les frais de collection hiver 2007 et été 2008 à hauteur de 40.629,45 euros. La commercialisation des modèles contrefaisants peu de temps après le début de la commercialisation de ses modèles originaux par la société Bagutti ayant fait perdre à ces modèles originaux leur pouvoir attractif et au vu du gain manqué pouvant être évalué par référence à la masse contrefaisante constatée par l’huissier instrumentaire lors des opérations de saisie-contrefaçon, il convient d’allouer à la société Bagutti la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, sans qu’il soit besoin de faire droit à la demande de communication de pièces. Il convient de faire droit aux mesures d’interdiction et de destruction dans les termes précisés au dispositif du présent jugement, et de se réserver la liquidation des astreintes ordonnées. Ces mesures et les circonstances de l’espèce ne justifient pas d’ordonner de mesure de publication judiciaire. La société Bagutti sera déboutée de sa demande à ce titre.

- sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire : La société Bagutti n’établit pas que la société Dore Rouge a commis des actes distincts de ceux déjà retenus au titre de la contrefaçon et sera déboutée de sa demande au titre de la concurrence déloyale et parasitaire.

- sur les autres demandes : En application des dispositions de l’article 515 du Code de Procédure Civile, il convient d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision qui est compatible avec la nature de l’affaire et nécessaire eu égard à son ancienneté. Conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de Procédure Civile, la société Dore Rouge, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens de l’instance, comprenant notamment les frais de saisie-contrefaçon.

Les conditions sont réunies pour la condamner également à payer à la société Bagutti la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile. PAR CES MOTIFS Le Tribunal statuant par jugement contradictoire, en premier ressort et mis à la disposition du public par le greffe le jour du délibéré, Déclare valables les opérations de saisie-contrefaçon diligente es le 6 mars 2008 dans les locaux de la société Dore Rouge,

Déclare la société Bagutti irrecevable en ses demandes au titre de la contrefaçon de ses modèles référencés B2827 et B2896, Dit qu’en ayant commercialisé les modèles de pulls et gilets référencés 27332, 27333, 27335 et 27362 reproduisant les caractéristiques des modèles référencés B 2612, BG 113N, BG 114N, B2961 et B2965 sur lesquels la société Bagutti détient des droits d’auteur, la société Dore Rouge a commis des actes de contrefaçon au préjudice de cette dernière, En conséquence, Interdit à la société Dore Rouge de poursuivre ces actes illicites sous astreinte de CENT EUROS (100 euros) par infraction constatée passé dans un délai de 15 jours à compter de la signification du présent jugement, et ce pendant un délai de deux mois, Se réserve la liquidation de l’astreinte, Ordonne à la société Dore Rouge de détruire les pulls ei gilets contrefaisant encore en stock à son siège et à l’ensemble de ses établissements secondaires, succursales, usines, sous-traitants, grossistes et détaillants, sous contrôle d’un huissier de son choix et à ses frais, dans un délai d’un mois une fois la présente décision devenue définitive, Condamne la société Dore Rouge à payer à la société Bagutti la somme de DIX MILLE EUROS (10.000 euros) à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à ses droits d’auteur, Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision, sauf en ce qui concerne la mesure de destruction, Déboute la société Bagutti du surplus de ses demandes, et notamment de sa demande au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, de communication d’éléments comptables et de publication judiciaire, Condamne la société Dore Rouge à payer à la société Bagutti la somme de TROIS MILLE EUROS (3.000 euros) au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamne la société Dore Rouge aux entiers dépens de l’instance, comprenant notamment les frais de saisie-contrefaçon, et dont distraction au profit de Maître Bokobza, Avocat, en application des dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile. FAIT ET JUGÉ A PARIS LE 05 JANVIER 2010

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