Tribunal de grande instance de Paris, 5e chambre 1re section, 14 septembre 2010, n° 09/04840

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 5e ch. 1re sect., 14 sept. 2010, n° 09/04840
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 09/04840

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

5e chambre 1re section

N° RG :

09/04840

N° MINUTE :

Assignation du :

11 Mars 2009

(footnote: 1)

JUGEMENT

rendu le 14 Septembre 2010

DEMANDERESSE

S.A.R.L. EN DIRECT IMMOBILIER

[…]

[…]

représentée par Me Thibaud VIDAL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0074, et plaidant par Me D Z, avocat au barreau d’Aix-en-Provence

DÉFENDERESSE

S.A. COVEA RISKS-

[…]

Et […]

représentée et plaidant par Me Jérôme DEPONDT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P42

COMPOSITION DU TRIBUNAL

G H, vice-président

Jeanne DREVET, vice-présidente, ayant fait rapport à l’audience

A B, juge

assistés de E F, greffier

DEBATS

A l’audience du 15 Juin 2010

tenue en audience publique Après clôture des débats, avis a été donné aux Avocats que le jugement serait rendu le 14 Septembre 2010.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe

Contradictoire

en premier ressort

LE LITIGE :

Par arrêt du 19 mars 1999, la cour d’appel de Paris a condamné la société EN DIRECT IMMOBILIER à régler diverses sommes à la société FABIO ROMANO POZZOLI.

La société EN DIRECT IMMOBILIER, qui avait confié le soin de ses intérêts, dans le cadre de ce litige, à Maître C X, a recherché la responsabilité civile professionnelle de ce dernier.

Par arrêt, désormais définitif en date du 3 juin 2004, la cour d’appel de Versailles a retenu la responsabilité professionnelle de Me X et l’a condamné à payer à la société EN DIRECT IMMOBILIER, “sur production d’une quittance, les sommes qu’elle paierait à la société FABIO ROMANO POZZOLI en exécution des causes de l’arrêt du 19 mars 1999, dans la limite de 301.679,01 €”.

Me X a été placé en redressement judiciaire, par décision du 13 juillet 2006.

La quittance visée par la cour a été établie le 19 février 2007.

Par acte du 11 mars 2009, la société EN DIRECT IMMOBILIER a assigné, devant ce tribunal, la société COVEA RISKS, en sa qualité d’assureur de la responsabilité professionnelle des avocats du barreau de Paris et, à ce titre, de celle de Me X, pour obtenir sa condamnation, sous exécution provisoire, lui payer les sommes suivantes :

—  304.679,01 € en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2007, date du commandement de payer délivré à Me X,

—  10.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

—  3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’assureur lui a opposé, dans ses premières conclusions, la prescription de son action, par application de l’article L 114-1 du code des assurances.

Aux termes de ses dernières conclusions, en date du 12 juin 2010, la société EN DIRECT IMMOBILIER, maintenant ses demandes initiales, soutient que :

* en vertu d’un principe constant, non remis en cause depuis 1926, l’action de la victime contre l’assureur de responsabilité est soumise à la prescription de droit commun, la prescription biennale de l’article L 114-1 du code des assurances étant inapplicable à ce recours,

* en l’espèce, la présente action a été engagée avant l’expiration du délai de prescription de l’action dont elle disposait à l’encontre de Me X ; elle est donc recevable,

* en outre, même si cette action était prescrite, elle reste fondée en ses demandes contre la société COVEA RISKS, dès lors que cette compagnie garantissait également la responsabilité de Maître François Y, avocat au barreau de Paris, qui l’assistait alors et dont la responsabilité civile professionnelle est engagée pour avoir laissé prescrire l’action,

* il n’est pas contestable que la mission de Me Y s’est prolongée au-delà de l’arrêt du 3 juin 2004, puisqu’il était chargé de l’exécution de cette décision ; il appartenait à cet avocat d’effectuer les actes nécessaires à l’interruption de la prescription du recours contre l’assureur de Me X,

* elle est recevable à mettre en cause la responsabilité de Me Y, l’action contre lui ou son assureur se prescrivant par cinq ans à compter de la fin de sa mission, en application de l’article 2225 du code civil ; la mission de Me Y ayant pris fin le 3 juin 2008, ses présentes demandes ne sont pas prescrites,

* la faute de Me Y lui a causé un préjudice indemnisable, sur le fondement de la perte d’une chance ; cependant, en l’espèce, compte tenu de la condamnation définitive de Me X, le recours contre son assureur lui aurait nécessairement permis de recouvrer les sommes qui lui ont été allouées ; en conséquence, son dommage doit être évalué au montant des condamnations prononcées à l’encontre de Me X,

* la société COVEA RISKS devra, par conséquent, être condamnée au paiement des sommes réclamées, en sa qualité d’assureur de Me Y.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 13 avril 2010, la société COVEA RISKS demande au tribunal de :

— déclarer prescrite l’action engagée par la société EN DIRECT IMMOBILIER à son encontre et, par conséquent, déclarer irrecevables les demandes,

— reconventionnellement, condamner la société EN DIRECT IMMOBILIER à lui payer la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La défenderesse fait valoir que :

* s’agissant de la responsabilité de Me X : la société EN DIRECT IMMOBILIER, qui ne détient pas plus de droits que l’assuré à l’encontre de l’assureur, devait l’assigner dans le délai de deux ans à compter de l’arrêt du 4 juin 2004, fixant définitivement la faute de Me X et le montant du dommage en résultant ou, au plus tard à compter de la signification de cet arrêt, intervenue le 11 juin 2004 ; son action, engagée le 11 mars 2009, est, par conséquent, prescrite,

* s’agissant de la responsabilité de Me Y :

— compte tenu des termes de l’arrêt de condamnation, rendu contre Me X, le délai de deux ans pour que Me Y mette en cause l’assureur de son confrère n’a couru qu’à compter du jour où la créance indemnitaire fixée par l’arrêt a pris naissance, soit à la date de la quittance, le 19 février 2007; le délai de prescription n’expirait donc que le 19 février 2009 ; or, Me Y a été déchargé de sa mission et remplacé par Me Z, du barreau d’Aix en Provence, le 3 juin 2008, date à laquelle il restait 8 mois pour exercer le recours contre l’assureur ; ainsi, celui qui a laissé expirer le délai de prescription est Me Z et non Me Y, lequel n’a pas commis la faute qui lui est reprochée,

— en outre, le délai de l’action directe engagée à l’encontre de l’assureur de Me Y est couru, l’action étant prescrite.

Par acte du 5 mai 2010, la société COVEA RISKS a appelé en garantie Monsieur D Z.

La jonction des deux litiges, sollicitée par la société COVEA RISKS à l’audience de mise en état du 2 juin 2010 et à laquelle la société EN DIRECT IMMOBILIER s’est opposée, a été refusée, par mention au dossier.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité :

L’action directe de la victime contre l’assureur de responsabilité de l’auteur du dommage trouve son fondement dans le droit de la victime contre le responsable assuré.

Il s’ensuit que la prescription biennale prévue à l’article L 114-1 du code des assurances n’est pas applicable à cette action qui se prescrit par le même délai que l’action de la victime contre le responsable assuré.

En application de ces dispositions, l’action directe ne peut, en aucun cas, être prescrite avant qu’intervienne la prescription de l’action en responsabilité.

Ainsi, lorsqu’elle est exercée à l’intérieur du délai de prescription de l’action contre le responsable, elle est recevable, peu important qu’elle intervienne plus de deux ans après l’assignation de ce dernier par la victime ou de sa condamnation par la juridiction saisie.

En l’espèce, l’action en responsabilité d’un avocat était soumise à la prescription décennale de l’article 2277-1 du code civil, alors en vigueur, à compter de la fin de sa mission.

A cette prescription, a été substitué le délai de 5 ans, par la loi N° 2008-561 du 17 juin 2008, désormais codifiée à l’article 2225 du code civil.

Cependant, conformément aux dispositions de la loi nouvelle, ce nouveau délai de prescription, dès lors qu’il est réduit, s’applique en étant décompté à partir du 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

En l’espèce, la fin de la mission de l’avocat de la société EDI, dans le litige ayant opposé celle-ci à la société FABIO ROMANO POZZOLI, se situe, au plus tôt, au jour de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris, soit le 19 mars 1999.

L’action de la société EDI à l’encontre de Me X se prescrivait, par conséquent, le 19 mars 2009, par application de l’ancien article 2277-1 du code civil, ce terme étant inchangé par les dispositions de la loi nouvelle.

Il s’ensuit que l’assignation, en date du 11 mars 2009, a été délivrée à l’assureur de Me X, dans le délai dont la société EDI disposait pour agir.

Les présentes demandes sont, par conséquent, recevables, la prescription invoquée par la compagnie COVEA RISKS n’étant pas acquise.

Sur le fond :

Aux termes de son arrêt du 3 juin 2004, la cour d’appel de Versailles a condamné Monsieur X :

— à payer à la société EN DIRECT IMMOBILIER, “sur production d’une quittance, les sommes qu’elle paierait à la société FABIO ROMANO POZZOLI en exécution des causes de l’arrêt du 19 mars 1999, dans la limite de 301.679,01 €”,

— aux dépens de première instance et d’appel.

Cette décision, définitive, intervenue au vu de l’arrêt de la cour d’appel de Paris ayant prononcé la condamnation de la société EDI au paiement, solidairement avec des tiers, cette solidarité est sans incidence sur le présent litige.

Il est versé aux débats la quittance, signée le 19 février 2007, par la société FABIO ROMANO POZZOLI, qui reconnaît avoir reçu, de la société EDI, la somme totale de 407.843,23€ au titre des condamnations prononcées par la cour d’appel de Paris à son encontre, solidairement avec les consorts de PANGE de LUPPE, suivant arrêt du 19 mars 1999.

L’obligation, pour Me X, de régler les sommes allouées à la société EDI, qui était subordonnée à la production d’une quittance, se trouve, dès lors, établie et constitue la réalisation du risque assuré par la société COVEA RISKS, qui ne forme d’ailleurs aucune contestation sur ce point.

La société EDI, qui produit un commandement de payer, délivré

à Me X, le 3 avril 2007 et demeuré infructueux, est fondée en son recours formé à l’encontre de l’assureur de ce dernier.

La société COVEA RISKS sera, par conséquent, condamnée à payer à la société EDI la somme de 304.679,01 € en principal, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la demande formée à l’encontre de l’assureur, soit la présente assignation, ainsi que le montant des dépens de première instance et d’appel de la procédure ayant abouti à l’arrêt précité de la cour d’appel de Versailles, conformément aux dispositions de cette décision.

Sur les autres demandes :

En l’absence de tout élément justifiant d’un préjudice distinct du retard de paiement, réparé par l’octroi d’intérêts, la société EDI sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

La société COVEA RISKS devra verser à la société EDI la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’exécution provisoire, compatible avec la nature du litige, apparaît nécessaire ; elle sera ordonnée, hormis ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens.

La société COVEA RISKS supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement rendu contradictoirement et en premier ressort,

Déclare la société EN DIRECT IMMOBILIER recevable en son action formée à l’encontre de la société COVEA RISKS, prise en sa qualité d’assureur de Maître X,

Condamne la société COVEA RISKS à payer à la société EN DIRECT IMMOBILIER:

— la somme de 304.679,01 €, avec intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2009,

— les dépens de première instance et d’appel de la procédure ayant abouti à l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 3 juin 2004,

Déboute la société EN DIRECT IMMOBILIER de sa demande de dommages et intérêts,

Condamne la société COVEA RISKS à payer à la société EN DIRECT IMMOBILIER la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l’exécution provisoire, hormis ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens,

Condamne la société COVEA RISKS aux dépens, avec distraction au profit de Maître Thibaud VIDAL, avocat au barreau de Paris.

Fait et jugé à Paris le 14 Septembre 2010

La Greffière Le Président

E F G H

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