Tribunal de grande instance de Paris, 18e chambre 2e section, 16 septembre 2010, n° 04/14760

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 18e ch. 2e sect., 16 sept. 2010, n° 04/14760
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 04/14760

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

18° chambre 2e section

N° RG : 04/14760

N° MINUTE : 1

Assignation du :

17 Septembre 2004

Expéditions exécutoires

délivrées le :

JUGEMENT

rendu le 16 Septembre 2010

DEMANDERESSE

SOCIETE IMMOBILIERE VICTOIRES 7

[…]

92300 LEVALLOIS-PERRET

représentée par Me B C, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant et plaidant, vestiaire # C.2167

DÉFENDERESSE

S.A. CREDIT DU NORD

[…]

[…]

représentée par Me Pascale Y, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant et plaidant, vestiaire C.124

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Mme A, Vice Présidente

Mme THARASSE, Vice-Présidente

Mme D-E, Juge

assistées de Mme Dominique GUILLOT, Greffier en chef, lors des débats, et de F G, Greffière, lors de la mise à disposition

DÉBATS

A l’audience du 24 Juin 2010

tenue en audience publique

JUGEMENT

Par mise à disposition au Greffe

Contradictoire

en premier ressort

Sous la rédaction de Z A.

Par jugement en date du 26 Mai 2005, auquel il est expressément renvoyé pour l’exposé des faits et de la procédure, le tribunal de céans a, avant dire droit au fond sur le montant de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation, désigné Monsieur X avec mission usuelle en pareille matière.

L’expert a déposé son rapport le 20 Mars 2009, concluant à une indemnité d’éviction, dans le cas d’un transfert de fonds de 2.025.070 Euros (hypothèse privilégiée par l’expert) et, dans le cas d’une perte de fonds, de 9.696.710 Euros et une indemnité d’occupation de 240.300 Euros par an, à compter du 1er Janvier 2005.

Dans ses dernières écritures, signifiées le 10 Mars 2010, la S.C.I. VICTOIRES 7 a conclu aux fins de voir :

— déclarer le CREDIT du NORD mal fondé en ses demandes et l’en débouter,

— déclarer la société IMMOBILIERE VICTOIRES 7 recevable et bien fondée en ses demandes et y faisant droitྭ:

— dire et juger que l’activité exercée par le CREDIT DU NORD, dans les locaux appartenant à la société VICTOIRES 7, est transférable,

— dire et juger que le congé avec refus de renouvellement, notifié au CREDIT DU NORD, n’entraînera pas la perte du fonds de commerce exploité 7, place des Victoires à PARIS 1er,

— voir fixer le montant de l’indemnité globale d’éviction due au CREDIT DU NORD, à la suite du congé avec refus de renouvellement notifié le 29 juin 2004, à effet du 31 décembre 2004, à la somme de 1.565.000 Euros,

— voir fixer à 290.700 Euros, par an, en principal, outre les charges, taxes et prestations découlant du bail, le montant de l’indemnité d’occupation due par la société locataire, à compter du 1er janvier 2005,

— condamner le CREDIT DU NORD au paiement de cette indemnité à compter du 1er janvier 2005, et ce jusqu’à entière libération des lieux,

— dire et juger que l’indemnité d’occupation sera indexée annuellement en fonction de la variation de l’indice INSEE du coût de la construction,

— dire et juger que tous les rappels d’indemnité d’occupation porteront intérêt au taux légal à compter de chaque échéance contractuelle,

— dire et juger que le CREDIT DU NORD sera redevable des rappels d’indemnité d’occupation sur la base du différentiel entre l’indemnité d’occupation fixée par le Tribunal et les sommes en principal HT et HC effectivement versées à titre provisionnel depuis le 1er janvier 2005 (soit pour la période comprise entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2008ྭ: 871.627,80 Euros),

— ordonner l’exécution provisoire pour ce qui concerne la fixation et la condamnation au paiement de l’indemnité d’occupation,

— voir commettre tel séquestre qu’il plaira au Tribunal, désigner en vue de recevoir le paiement de l’indemnité d’éviction et de procéder, après libération des lieux, au versement de l’indemnité entre les mains du preneur évincé, sous réserve des pénalités et des oppositions visées aux articles L.145-29 et L.145-30 du Code de commerce,

— condamner le CREDIT DU NORD en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître B C, dans les termes de l’article 699 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures signifiées le 14 Avril 2010, la S.A. CREDIT DU NORD a conclu aux fins de voir :

— vu les spécificités de l’emplacement dont est évincé le CREDIT DU NORD et les spécificités de l’agence qui y est exploitée, les caractéristiques de son exercice qui inclut vis-à-vis de la clientèle une reconnaissance spécifique,

— constater l’impossibilité dans un rayon de 400 à 600 mètres autour des lieux loués de retrouver des locaux vacants et comparables en qualité, fonctionnalité et prestige,

— en conséquence, dire que l’éviction se solde par une perte du fonds,

— fixer l’indemnité compensatrice de cette perte de fonds à la somme de 12.154.008 Euros, à laquelle il conviendra d’ajouter ou le cas échéant de déduire le différentiel existant entre l’indemnité d’occupation que fixera le Tribunal conformément à l’évaluation de l’expert et le loyer acquitté pour la période qui a couru depuis la prise d’effet du congé,

— à titre subsidiaire et en l’état d’un transfert, fixer à la somme totale de 6.070.110 Euros l’indemnité due en retenant en particulier l’existence à concurrence de 30 % d’une perte de clientèle, laquelle est inévitable en l’état de la multi-bancarisation de la clientèle et du gel progressif des comptes des clients de l’agence déplacés,

— fixer l’indemnité d’occupation due depuis la prise d’effet du congé à 240.000 Euros et dire qu’il sera dû restitution des trop versés de loyers en l’état du détail des sommes acquittées figurant ci-dessus, lequel trop versé s’ajoutera aux indemnités allouées, et portera intérêt au taux légal à compter de chaque échéance,

— dès lors que le Tribunal fixerait l’indemnité d’occupation hors taxes et hors charges, outre les charges, prestations et taxes découlant du bail, dire que la TVA ne saurait être facturée par le bailleur autrement que dans les termes du bail du 5 août 1994,

— ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,

— condamner en tout état de cause la SCI VICTOIRES 7 aux entiers dépens de la présente instance dont distraction au profit de Maître Y qui en assurera le recouvrement dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile et au paiement d’une indemnité de 15.000 Euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Suivant acte sous seing privé en date à PARIS, du 4 août 1994, la CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES CHIRURGIENS DENTISTES (CARCD), aux droits de laquelle se trouve aujourd’hui la SCI VICTOIRES 7, pour avoir acquis l’immeuble sis […] et 7 place des Victoires à PARIS (1er), aux termes d’un acte notarié en date du 25 juin 2004, a donné à bail au CREDIT DU NORD, divers locaux, d’une superficie d’environ 637 m², à usage commercial, destinés à l’exercice de la profession de banque, dépendant de l’immeuble sis […] à PARIS (1er) et ceci, pour une durée de 3, 6 ou 9 années, ayant commencé à courir le 1er juillet 1994.

Par avenant à bail en date du 30 mars 1995, les parties ont constaté la réduction de la surface louée d’environ 119 m², à la suite de la cession partielle de droit au bail, consentie par le CREDIT DU NORD à la société KENZO.

Par actes d’huissier de Justice en date du 29 juin 2004, la SCI VICTOIRES 7 a notifié à son locataire, le CREDIT DU NORD, congé avec refus de renouvellement, à effet du 31 décembre 2004, offre étant faite de payer l’indemnité d’éviction due dans les termes de l’article L.145-14 du Code de commerce.

Ce congé a mis fin à compter du 31 Décembre 2004 au bail liant les parties.

Le refus de renouvellement signifié par le bailleur ouvre droit au profit du locataire, d’une part, en vertu de l’article L.145-14 du Code de commerce, à une indemnité d’éviction dont le principe n’est pas discuté en l’espèce, et d’autre part, selon l’article L.145-28 du même code, au maintien dans les lieux jusqu’au paiement de cette indemnité.

En outre, le maintien dans les lieux justifie, d’après l’article précité, le versement au propriétaire d’une indemnité d’occupation à compter de la date d’effet du congé et jusqu’à libération des locaux.

SUR LE MONTANT DE L’INDEMNITÉ D’ÉVICTION.

Il résulte des constatations de l’expert que les locaux sont situés dans le 1er arrondissement de Paris, au […], à l’angle de la Place des Victoires, soit dans la partie la plus appréciée de […] (entre la rue Montmartre et la place des Victoires).

Ce tronçon de […] est à double sens de circulation automobile.

Par ailleurs, la place des Victoires correspond à une adresse appréciée pour la mode où se concentrent plusieurs enseignes de renom. C’est aussi un secteur résidentiel bourgeois.

La station de métro « Sentier » (ligne 3), est située à environ 350 mètres.

L’expert estime en conséquence qu’il s’agit d’un emplacement bien adapté au commerce exercé par le locataire (agence bancaire).

Les locaux dépendent d’un immeuble construit en 1895, élevé sur sous-sol, d’un rez-de-chaussée, de quatre étages droits, d’un cinquième étage en partie lambrissé et d’un sixième étage mansardé sous brisis en ardoise et terrasson en zinc. La façade est en pierre de taille ouvragée. On trouve 7 fenêtres sur […] par étage courant et une fenêtre sur la place des Victoires par étage courant. Les gardes corps sont en ferronnerie d’art.

L’ensemble du rez-de-chaussée commercial est occupé par le Crédit du Nord.

Les locaux développent un linéaire de façade d’environ 7 mètres sur la place des Victoire et d’environ 23 mètres sur […].

L’entrée se fait sur la place des Victoires par une porte en glace à simple vantail ouvrant sur un sas de sécurité.

On trouve, en entrant, une partie accueil avec guichet et distributeur de billets sur […] et une partie bureau, ouverte sur la partie accueil. Un dégagement dessert 4 bureaux sur […], 2 bureaux sur cour, un local d’archives aveugle et des sanitaires (WC, lave-mains).

Au premier étage, accessible depuis les locaux du rez-de-chaussée par un escalier en verre d’environ 1,10 mètre de large et depuis les parties communes de l’immeuble, on trouve un dégagement desservant 2 bureaux sur […], un bureau à l’angle de […] et de la place des Victoires, un bureau sur la place des Victoires et un local d’archives aveugle.

Au sous-sol, accessible depuis les locaux du rez-de-chaussée par un escalier métallique d’environ 1,20 mètre de large, on trouve une salle des coffres (370 coffres), un réfectoire, des vestiaires, des sanitaires (2 WC, 4 lave-mains), des locaux archives, une réserve et des locaux techniques (chaufferie, climatisation, électricité).

Les surfaces totales, non contestées, sont d’environ 187,90 m² au rez-de-chaussée, 114,80 m² au 1er étage et 210 m² au sous-sol.

Après diverses discussions, les parties ont finalement renoncé à contester la surface pondérée calculée par l’expert judiciaire qui peut donc être retenue à hauteur de 269,66 m².

SUR L’INDEMNITÉ PRINCIPALE.

Aux termes de l’article L.145-14 du Code de commerce, l’indemnité d’éviction est destinée à permettre au locataire évincé de voir réparer l’entier préjudice résultant du défaut de renouvellement.

Il convient, en premier lieu, de déterminer si l’activité exercée dans les lieux est ou non transférable.

L’expert a constaté le peu d’implantation d’agences bancaires concurrentes dans un rayon de 250 mètre, mis à part une agence du CIC sur la place des Victoires.

Il a relevé que les agences du Crédit du Nord les plus proches étaient situées à environ 650 et 850 mètres.

Il a relevé que la clientèle de l’agence concernée était essentiellement implantée dans un rayon de 500 à 700 mètres.

Il a enfin relevé l’existence de plusieurs offres de location dans l’environnement immédiat.

- Sur la mobilité de la clientèle :

Le fait pour le Crédit du Nord de ne disposer, sur la France entière que de 770 agences, s’il en fait une banque de taille moyenne, par rapport aux très grands groupes bancaires, ne saurait faire passer cet établissement pour une petite banque sans notoriété nationale et d’un recrutement strictement local, comme peuvent l’être certaines banques privées.

La clientèle de ce type de banques, si elle est locale, dans la mesure où, à Paris où l’offre bancaire est multiple, les personnes souhaitant trouver un établissement bancaire s’adressent, par commodité, de préférence à une banque implantée près de leur lieu de résidence ou de travail, n’est cependant certainement pas attachée particulièrement à l’apparence de l’agence, ni à son caractère prétendument historique dans le passé de la banque.

La description des locaux par l’expert et les clichés photographiques contenus à son rapport permettent en effet de constater que les lieux ne présentent aucun cachet spécifique et il résulte des écritures du bailleur, non contestées sur ce point par le preneur, que cet établissement, ouvert en 1955, n’était pas sa première agence parisienne.

Ainsi la clientèle, pour locale qu’elle soit au regard des constatations de l’expert, ne saurait être strictement attachée à la localisation actuelle de l’agence et est susceptible d’accepter une délocalisation dans un périmètre proche.

Le phénomène de “multi bancarité” qui semble se généraliser, poussant les personnes physiques et morales à ouvrir plusieurs comptes dans plusieurs banques et à délaisser éventuellement les comptes ouverts dans une agence si celle-ci devient moins attractive en terme d’implantation est très certainement fortement compensé par la montée en puissance des relations que peuvent désormais entretenir les clients avec leur banque par internet, qui limite de façon très importante la nécessité des déplacements dans leur agence bancaire.

Les clients d’une banque se déplacent de moins en moins vers celle-ci, les services rendus par internet et donc à domicile étant devenus prépondérants, surtout pour une banque de détail et de dépôt comme la S.A. CREDIT DU NORD, cette modification des comportements rendant encore plus facile que dans le passé le déplacement des agences bancaires.

Si les circonstances juridiques de l’éviction ne permettent à l’évidence pas de faire application des dispositions de l’article L.145-18 du Code de commerce, le bailleur ne pouvant en l’espèce éviter le paiement de l’indemnité d’éviction par l’offre d’un local de remplacement, le fait d’avoir pu proposer, pendant l’expertise, des locaux alors vacants et pouvant permettre un relogement de l’agence bancaire dans l’environnement immédiat est de nature à démontrer que l’hypothèse du transfert de l’activité n’était pas une simple élucubration intellectuelle mais reposait bien sur des données tangibles.

Le fait que les locaux proposés n’aient pas été considérés par la S.A. CREDIT DU NORD comme adaptés à son mode d’exercice et ne lui aient pas convenus ne suffit pas à démontrer l’inanité de ces propositions.

Il résulte notamment de l’implantation d’une agence du Crédit Mutuel dans des locaux qui avaient été proposés par le bailleur et qui se trouvaient au 28 […] que, même s’ils étaient un peu plus petits que les locaux actuellement occupés et moins prestigieux pour ne pas donner sur la place des Victoires, ils étaient adaptés à une activité bancaire et auraient pu permettre l’implantation de la S.A. CREDIT DU NORD dans un périmètre très proche, lui évitant dès lors quasiment toute perte de clientèle.

L’existence de travaux nécessités par le local du 2 Place des Victoires, que la bailleresse aurait nécessairement intégré dans le montant de l’indemnité d’éviction et le fait qu’il ait comporté 4 niveaux, au lieu des 3 actuellement occupés par la S.A. CREDIT DU NORD, ne peut suffire à démontrer l’impossibilité pour elle de s’y implanter, même si le montant du loyer demandé nécessitait probablement également d’être négocié.

Les études menées par les prestataires choisis de part et d’autre, si elles aboutissent à des conclusions contraires, ne permettent en tout cas pas d’affirmer que la recherche de locaux de remplacement serait nécessairement vouée à l’échec, même s’il est évident que la S.A. CREDIT DU NORD devra, dans le cadre de son éviction, probablement accepter des locaux de configuration un peu différente et une autre adresse.

Dès lors, il convient de retenir l’avis de l’expert judiciaire selon lequel l’hypothèse d’un transfert du fonds de commerce apparaît possible et de déterminer le montant de l’indemnité d’éviction au regard de cette possibilité.

La valeur du droit au bail se calcule par la différence entre le montant de la valeur locative et le loyer qui aurait été perçu si le bail avait été renouvelé, cette différence étant elle même affectée d’un coefficient multiplicateur au regard de l’intérêt des locaux pour l’activité exercée.

Au regard des écritures des parties, il convient de retenir la proposition de l’expert qui a chiffré à 269,66 m² la surface pondérée des lieux loués.

L’expert après avoir recherché des termes de comparaison dans le quartier environnant retient à juste titre que la valeur locative de marché doit être fixée à la somme de 1.600 Euros par m², prix unitaire que les parties ne contestent plus.

Il en résulte une valeur locative globale de 431.456 Euros par an.

Les parties ne discutent pas non plus la valeur de renouvellement arrêtée par l’expert à un montant de 1.100 Euros par m², soit 296.626 Euros par an.

L’expert a retenu un abattement de 10 % de ces deux valeurs au regard des charges exorbitantes de droit commun contenues au bail (le bailleur ne conservant à sa charge que les grosses réparations de l’article 606 du Code civil mais transférant sur le preneur l’impôt foncier, les honoraires de gestion et l’assurance de l’immeuble).

Le fait que, notamment parce que le bailleur n’a pas jusqu’à présent, fait appel à un mandataire pour la gestion et n’a donc pas répercuté ces frais au preneur, l’impact actuel de ces charges ait été d’environ 2 % ne suffit pas à considérer comme excessif l’abattement de 10% proposé par l’expert, les charges exorbitantes ne pouvant être calculées seulement sur ce qu’elles ont été mais devant prendre en compte le risque encouru par le preneur du fait des dispositions contractuelles.

La reprise de l’abattement dans la valeur de référence rend d’ailleurs le débat assez vain, puisque la différence demeure la même, avec ou sans abattement, dès lors qu’il est calculé sur les deux sommes et que la limitation de l’abattement conduit à obtenir un différentiel plus important.

Le différentiel par an doit donc être retenu, comme calculé par l’expert, à la somme de 121.347 Euros.

Le coefficient de 7,5 retenu par l’expert est bien adapté au regard de la qualité de l’emplacement dont il a été traité précédemment.

La valeur du droit au bail doit, par conséquent, être estimée à la somme de 121.347 X 7,5 = 910.102 Euros arrondis à 910.000 Euros.

[…].

Frais de remploi :

La proposition de l’expert de voir chiffrer à hauteur de 10 % du montant de l’indemnité principale le montant de ces frais de remploi qui est conforme aux usage et n’est pas discutée par le bailleur, sera adoptée, même si le preneur a oublié de le préciser dans ses écritures. Le dédommagement global sollicité dans le dispositif permet de considérer que sa demande inclut cette somme.

Il en résulte une indemnité de frais de remploi de 91.000 Euros.

Frais de déménagement :

L’expert a retenu une somme de 12.900 Euros qui n’est pas contesté par la bailleresse et qui doit, de la même façon que les frais de remploi, être considérée comme incluse dans la demande globale de la locataire évincée et sera retenue par le tribunal.

Frais de réinstallation :

L’expert a évalué à la somme de 628.250 Euros le coût des travaux d’un aménagement à neuf d’une agence bancaire, soit 2.000 Euros le m² pour les locaux accueillant la clientèle, 500 Euros le m² pour les bureaux et 310 Euros par coffre pour l’installation d’une chambre forte, soit après un abattement de 30 % pour vétusté, un préjudice indemnisable de 439.775 Euros.

Les calculs faits par l’expert, au vu des coûts concernant l’aménagement d’agences bancaires installées récemment et compte-tenu des abattements à opérer, notamment pour tenir compte des mobiliers transférables, sont exempts de critiques sérieuses, la contestation faite par la locataire ne reposant pas sur des éléments techniques précis.

Il convient en conséquence de retenir son calcul.

Transfert des comptes :

Le coût retenu à ce titre par l’expert, soit 20 Euros par compte, aboutissant à 20 X 3.059 = 61.180 Euros n’est pas contesté par les parties et sera retenu.

Trouble commercial :

Le trouble causé par le temps nécessaire à une nouvelle installation justifie l’attribution d’une indemnité spécifique.

L’expert propose une indemnisation du trouble commercial calculée sur la rentabilité du fonds pendant une période de trois mois, ce qui correspond aux usages.

Rien ne permet au bailleur d’affirmer qu’une période d’un mois serait suffisante, le déménagement d’une agence bancaire, comprenant notamment la surveillance des travaux nécessaires à l’aménagement spécifique des futurs locaux, étant inévitablement chronophage.

Les derniers bilans produits aux débats permettent d’adapter le décompte, le résultat brut d’exploitation ayant été, au regard des derniers résultats, de 1.948.706 Euros.

Au regard de ces chiffres, le préjudice concernant le trouble commercial sera arrêté à la somme de 1.948.706 X 3/12= 487.177 Euros.

Frais de double loyer :

Il convient de retenir deux mois du montant de l’indemnité d’occupation telle qu’elle sera fixée dans la suite du jugement à ce titre.

La demande de voir réduire à un mois ce poste de préjudice ne correspond ni aux usages en la matière, ni à la réalité d’un déménagement professionnel qui nécessite, notamment au regard des travaux de réinstallation, un délai plus important.

Perte de clientèle :

S’il a été précédemment démontré que le transfert de l’agence bancaire était possible dans un périmètre proche, il n’est pas démontré qu’il puisse se faire à toute proximité de la place des Victoires.

Il a été démontré que la clientèle de cette agence était essentiellement une clientèle de voisinage et il convient en conséquence d’en déduire que le déménagement imposé est de nature à provoquer une déperdition de clientèle.

Cependant, le pourcentage de 30 % évalué par la locataire évincée apparaît manifestement excessif et il convient de retenir, à ce titre, le pourcentage proposé par l’expert de 10 % de la valeur du fonds qu’il avait évaluée à 8.759.000 Euros, soit 875.900 Euros.

SUR L’INDEMNITÉ D’OCCUPATION.

En application de l’article L.145-28 du Code de commerce, le locataire évincé qui se maintient dans les lieux est redevable d’une indemnité d’occupation jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction calculée d’après la valeur locative, tout en corrigeant cette dernière de tous éléments d’appréciation.

Il résulte de l’examen de la valeur du droit au bail que le montant de la valeur locative des lieux loués s’élève à la somme de 388.310 Euros par an.

Cependant, l’indemnité d’occupation doit être fixée non pas au regard de la valeur locative de marché mais au regard des conditions spécifiques de la situation des parties.

En l’espèce, la S.C.I. VICTOIRES 7 depuis la date d’effet du congé jusqu’à la libération par la S.A. CREDIT DU NORD des locaux n’a à procéder à aucun investissement en vue de la mise sur le marché des lieux loués, contrairement à la situation qui aurait été la sienne dans le cas d’une location nouvelle, n’a à faire face à aucun frais de transaction ou de négociation et ne subit bien évidemment aucune vacance des locaux.

Il convient donc de fixer l’indemnité d’occupation à la somme arrêtée comme valeur de renouvellement de 266.963 Euros, les motivations concernant les abattements pour charges exorbitantes exposées ci-dessus demeurant les mêmes en ce qui concerne l’indemnité d’occupation.

Il y a lieu par ailleurs de tenir compte de la précarité des conditions d’occupation de la S.A. CREDIT DU NORD depuis la date d’effet du congé et des difficultés qui en résultent pour l’exploitation du fonds qui justifie un abattement de 10 %.

En effet, même si les résultats de la S.A. CREDIT DU NORD se sont améliorés pendant la période écoulée depuis la délivrance du congé, la locataire évincée se trouve dans l’impossibilité d’engager des investissements, notamment d’amélioration des locaux, et de céder son fonds de commerce, ce qui est une limitation à ses droits justifiant un abattement de la valeur locative.

L’indemnité d’occupation due par la S.A. CREDIT DU NORD depuis la date d’effet du congé soit du 1er Janvier 2005 s’établit dès lors à la somme annuelle de 240.267 Euros, arrondie par opportunité à 240.300 Euros en principal.

L’indemnité de double loyer sera donc arrêtée à deux mois de ce montant, soit 40.050 Euros.

L’indemnité d’éviction sera en conséquence arrêtée à la somme globale de :

910.000 + 91.000 + 12.900 + 439.775 + 61.180 + 487.177 + 875.900 + 40.050 = 2.918.432 Euros.

SUR LES AUTRES DEMANDES.

L’indemnité d’occupation étant fixée en principal et hors charges, elle sera soumise à la TVA sans que la locataire puisse revendiquer le bénéfice de la clause spécifique ayant prévalu depuis le dernier renouvellement du bail, qui limitait l’impact de la TVA sur la locataire.

En effet cette clause contractuelle ne peut être étendue à l’indemnité d’occupation qui n’entrait pas dans son champ d’application.

Le compte devra être fait entre les parties en se fondant sur le loyer payé en principal (c’est-à-dire les sommes effectivement versées moins le taux de TVA réduit que les parties avaient entendu voir retenir dans leurs relations) et le montant de l’indemnité d’occupation, sur lequel le montant de la TVA pourra être réclamé à son taux normal.

La S.C.I. VICTOIRES 7 et la S.A. CREDIT DU NORD étant réciproquement créancière et débitrice l’une de l’autre, il y a lieu de constater que le paiement de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation s’opérera de plein droit par compensation, au regard des comptes à faire entre les parties selon les modalités ci-dessus rappelées, l’assujettissement à la TVA à taux plein de l’indemnité d’occupation rendant nécessaire de procéder à un décompte afin de déterminer si la locataire évincée est ou non créditrice dans ce décompte.

En raison du paiement par compensation de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation, et de l’incertitude du caractère débiteur de ce décompte, il n’y a pas lieu de condamner la S.A. CREDIT DU NORD au paiement de cette dernière laquelle ne produira pas intérêts à compter du prononcé du présent jugement.

Aucune disposition légale ni contractuelle ne justifie que soit ordonnée l’indexation de l’indemnité d’occupation.

La demande de désignation d’un séquestre est prématurée, aucun différend dans le décompte des indemnités n’apparaissant en l’état de la procédure.

L’exercice du droit de repentir reconnu à la S.C.I. VICTOIRES 7 et le droit au maintien dans les lieux dont bénéficie la S.A. CREDIT DU NORD sont incompatibles avec l’exécution provisoire qui en conséquence ne sera pas ordonnée.

L’instance et l’expertise ont eu pour cause la délivrance par la S.C.I. VICTOIRES 7 du congé refusant le renouvellement. Il lui appartient en conséquence d’en supporter les dépens, en ce compris le coût de l’expertise ainsi que le montant de l’indemnité allouée à la S.A. CREDIT DU NORD au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile qui sera arrêté à la somme de 10.000 Euros.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,

Dit que par l’effet du congé comportant refus de renouvellement signifié le 29 Juin 2004, le bail a pris fin le 31 Décembre 2004,

Fixe à la somme de 2.918.432 (DEUX MILLIONS NEUF CENT DIX-HUIT MILLE QUATRE CENT TRENTE-DEUX) Euros le montant de l’indemnité d’éviction toutes causes confondues due par la S.C.I. VICTOIRES 7 à la S.A. CREDIT DU NORD,

Dit que la S.A. CREDIT DU NORD est redevable à l’égard de la S.C.I. VICTOIRES 7 d’une indemnité d’occupation à compter du 1er Janvier 2005,

Fixe le montant de cette indemnité d’occupation à la somme annuelle de 240.300 (DEUX CENT QUARANTE MILLE TROIS CENTS) Euros, outre les taxes et charges,

Dit que cette indemnité d’occupation sera soumise à la TVA au taux normal,

Dit que le compte à faire entre les parties devra reprendre le loyer payé en principal, soit les sommes versées, diminuées du taux de TVA réduit contractuellement accepté par les parties,

Dit que la compensation entre le montant de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation s’opérera de plein droit,

Condamne la S.C.I. VICTOIRES 7 à payer à la S.A. CREDIT DU NORD la somme de 10.000 (DIX MILLE) Euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamne la S.C.I. VICTOIRES 7 aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise et dit qu’ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes respectives,

Dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris, le 16 Septembre 2010.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Tribunal de grande instance de Paris, 18e chambre 2e section, 16 septembre 2010, n° 04/14760