Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 16 décembre 2011, n° 09/16586

  • Atteinte à la valeur patrimoniale du brevet·
  • Demande en nullité de la saisie-contrefaçon·
  • Fait distinct des actes de contrefaçon·
  • Interprétation de la revendication·
  • Validité de la saisie-contrefaçon·
  • Modification de la revendication·
  • Préjudice subi par le licencié·
  • Référence à la procédure oeb·
  • Invention biotechnologique·
  • À l'égard de l'exploitant

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

La demande de nullité des opérations de saisie-contrefaçon ne s’analyse pas en une demande de nullité de l’ordonnance ayant autorisé ces opérations. Le tribunal est compétent pour statuer sur cette demande qui s’analyse en la contestation d’un moyen de preuve. En vertu de l’article R. 615-2 al. 2 du CPI, l’huissier doit, avant de procéder à la saisie-contrefaçon, donner copie au saisi de l’ordonnance. Ces dispositions n’imposent pas que les pièces jointes à la requête soient signifiées au saisi, lequel a néanmoins connaissance de leur nature dans la mesure où la requête énumère les pièces produites au juge. En outre, aucune disposition n’impose que les revendications du brevet soient reproduites dans la requête ou l’ordonnance. À ce stade, le titulaire ignore encore quelles revendications sont contrefaites, la mesure de saisie-contrefaçon ayant justement comme objectif de apporter la preuve de la matérialité de la contrefaçon. Dès lors que les produits des kits de diagnostic incriminés – destinés à détecter une maladie porcine – utilisent une souche atténuée du virus qui n’est pas couverte pas le brevet, ils ne contrefont pas la souche isolée, objet de la revendication 3, son composant antigénique visé à la revendication 5, pas plus que l’anticorps reconnaissant spécifiquement la souche. La revendication n° 6 porte sur un procédé qui permet de diagnostiquer la maladie par la détection d’une séquence spécifique de l’acide nucléique du virus. Cette revendication n’accorde pas de protection au titulaire du brevet sur l’agent viral lui-même, encore moins sur son acide nucléique, mais sur l’utilisation de la présence de cet agent pour diagnostiquer la maladie. Dès lors que la société poursuivie ne conteste pas que son kit utilise également l’acide nucléique de cet agent aux mêmes fins, la contrefaçon est caractérisée. La société américaine, licenciée exclusive, a subi un préjudice du fait du manque à gagner lié aux redevances qu’elle aurait touchées si elle avait autorisé la commercialisation des produits contrefaisants, peu importe qu’elle n’exploite pas actuellement ces produits en France.

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 16 déc. 2011, n° 09/16586
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 09/16586
Publication : PIBD 2012, 961, IIIB-295
Domaine propriété intellectuelle : BREVET
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : EP0587780
Titre du brevet : Agent provocateur du syndrome respiratoire et reproductif du porc, compositions de vaccins et kits de diagnostic
Classification internationale des brevets : A61K ; C12N ; G01N
Référence INPI : B20110218
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 16 Décembre 2011

3e chambre 3e section N°RG: 09/16586

DEMANDERESSES BOEHRINGER INGELHEIM VETMEDICA GMBH SOCIETE […] 55216 Ingelheim am Rhein (ALLEMAGNE)

IDEXX LABORATORIES INC SOCIETE One Idexx Drive, Westbrook Maine 04092 (ETATS UNIS D’AMERIQUE)

Société IDEXX SWITZERLAND AG Intervenante Volontaire Stations-Strasse 12, Liebefeld-Bern, CH-3097, Suisse,

Société IDEXX Intervenante Volontaire […] 95610 ERAGNY SUR OISE

Société IDEXX EUROPR BVIntervenante Volontaire Scorpius 60building F, 2132LR, Hoofddorp PAYS-BAS représentées par Me Pierre-Louis VERON, & Sabine AGE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P024

DEFENDERESSES LABORATOIRE SERVICE INTERNATIONAL – LSI SARL Parc Tertiaire du Bois Dieu […] 69380 LISSIEU représentée par Me Sonia-Maïa GRISLAIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0047 & Me Karine E, de LAMY &ASSOCIES, avocat au barreau de Lyon,

LABORATORIOS HIPRA SA Avenida La Selva, 135 17170 AMER (GIRONA) (ESPAGNE) représentée par Me Denis SCHERTENLEIB, de HIRSCH & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #W03

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Marie S, Vice-Présidente, signataire de la décision Anne CHAPLY, Juge, Marie C, Vice-Présidente assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision

DÉBATS A l’audience du 19 Septembre 2011, tenue publiquement, devant Marie S , Anne CHAPLY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile

JUGEMENT Prononcé par remise de la décision au greffe Contradictoire en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE Le brevet européen n° 0 587 780 a été déposé le 5 j uin 1992, par le Stichting Centraal Diergeneeskundig Instituut, fondation de l’Institut vétérinaire central, dépendant du ministère de l’agriculture néerlandais, sous priorité de deux demandes de brevets européens n°91 201398 et n°92 200781 res pectivement déposées les 6 juin 1991 et 18 mars 1992 ; il a été délivré le 15 février 1995.

Ce brevet, qui désigne la France, maintenu en vigueur par le paiement régulier des redevances, a pour titre « Agent provocateur du syndrome respiratoire et reproductif du porc, compositions de vaccins et kits de diagnostic ». Il a été cédé à la société allemande Boehringer Ingelheim Vetmedica, filiale du groupe pharmaceutique Boehringer Ingelheim, spécialisée dans la recherche, le développement et la commercialisation de produits de santé animale par contrat du 11 octobre 2004, publié au registre national des brevets le 9 mai 2005. La société Boehringer Ingelheim Vetmedica a concédé une licence exclusive de ce brevet à la société IDEXX LABORATOIRE, entreprise américaine spécialisée dans le développement et la commercialisation de produits et instruments de diagnostic, notamment à usage vétérinaire, par contrat du 11 octobre 2004, publié au registre national des brevets le 29 septembre 2008. Le brevet européen n° 0 587 780 a fait l’objet d’un e opposition par les sociétés Wyeth Farma (anciennement Cyanamid Iberica) le 10 novembre 1995 et Akzo Nobel le 15 novembre 1995 devant l’Office européen des brevets. Par décision du 17 juin 2004, la chambre des recours a cassé la décision de la division d’opposition, qui n’avait maintenu le brevet que sous forme amendée ne contenant qu’une revendication sur les 26, ayant rejeté les 56 requêtes auxiliaires considérées comme un abus de procédure, les revendications de la demande principale ayant été rejetées pour insuffisance de description et extension de leur objet au-delà de la demande. La chambre des recours a renvoyé l’affaire devant la division d’opposition pour maintenir le brevet sur la base des revendications de la nouvelle requête principale déposée pendant la procédure orale et une description à adapter.

À l’issue de cette procédure d’opposition, le brevet européen n°0 587 780 a été maintenu sous une forme modifiée, publié au Bulletin de l’Office européen des brevets le 20 août 2008. Le brevet européen n° 0 587 780 porte sur l’agent r esponsable d’une maladie qui affecte les porcs, particulièrement les truies reproductrices, causant de graves détresses respiratoires et la mort des porcelets, le syndrome respiratoire et reproductif du porc (SRRP). Il est relatif à la composition d’une souche européenne isolée au Pays-Bas, l’agent de Lelystad, des kits de détection d’un anticorps et un procédé permettant de diagnostiquer la contamination. La société LABORATOIRE SERVICE INTERNATIONAL-L.S.I-, ayant pour activité « laboratoire et commerce de réactifs pour le diagnostic, de médicaments vétérinaires ou humains, formation ou information s’y rapportant, commerce de matériel ou laboratoire, (la recherche, le développement, la production et la commercialisation de produits de diagnostic en santé animale) »commercialise des tests permettant de diagnostiquer le SRRP.

Estimant que certains d’entre eux reproduiraient les revendications du brevet, la société BOERHINGER a porté le 2 avril 2007 à sa connaissance les nouvelles revendications de son brevet européen. Elle a commandé à la société LSI les kits commercialisés sous les références LSIPRE/I Civtest Suis PRRESE et LSIPRA/I Civtest Suis PRRSA dont l’ouverture a fait l’objet d’un constat d’huissier le 8 octobre 2008 et les a fait tester par une filiale de la société IDEXX. Le 7 janvier 2009, la société BOERHINGER l’a mise en demeure de cesser toute contrefaçon des revendications 3, 5 et 6 de son brevet. Autorisée par ordonnance du 28 mai 2009, la société BOERHINGER a fait procéder à une saisie-contrefaçon au siège de la société LSI qui s’est déroulée les 4 et 16 juin 2009. Ces opérations ont établi que les microplaques des kits ELISA contenant un antigène de virus SRRP étaient achetées auprès de la société espagnole HISPRA, spécialisée dans, les médicaments vétérinaires, et commercialisés, accompagnés de réactifs et après avoir été conditionné par la société LSI. C’est dans ces conditions que par actes d’huissier en date du 3 juillet 2009, les sociétés BOERINGER INGELHEIM VETMEDICA et IDEXX LABORATOIRES INC. ont assigné devant le tribunal de grande instance de Paris les sociétés LSI et LABORATORIOS HIPRA. en contrefaçon. Par conclusions du 24 mars 2011, les sociétés IDEXX SWITZERLAND, IDEXX SARL et IDEXX EUROPE BV, qui participeraient à la fabrication et à la commercialisation des produits mettant en oeuvre le brevet européen, sont intervenues volontairement à l’instance. Dans leurs dernières concluions signifiées électroniquement le 24 juin 2011, les sociétés BOERINGHER, IDEXX, IDEXX SWITZERLAND, IDEXX SARL et IDEXX EUROPE BV

demandent au tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :

- se déclarer incompétent pour statuer sur la demande de nullité de l’ordonnance aux fins de saisie-contrefaçon du 28 mai 2009,
- subsidiairement, rejeter la demande de nullité de l’ordonnance aux fins de saisie- contrefaçon du 28 mai 2009,
- dire que les sociétés Laboratoire Service International et Laboratorios Hipra en fabriquant, important, offrant en vente, vendant et détenant les kits de diagnostic référencés LSIVET SUIS PRRS E/S (EU), LSIVET PRRS CONFIRMATION (EU) et Kit TaqVet Triplex PPRSV Genotyping EU/US ont commis des actes de contrefaçon des revendications n°3, 5 et 6 du brevet européen n ° 0 587 780,
- faire défense aux sociétés Laboratoire Service International et Laboratorios Hipra de récidiver dès la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 € par infraction, étant précisé que la fabrication, l’importation, l’offre en vente, la vente et la détention en France, d’un seul test (soit une unité d’usage) des kits de diagnostic précités, ou de tout autre kit reproduisant les revendications du brevet européen n°0 587 780, constitueraient des infractions distinctes,
- se réserver de liquider l’astreinte ordonnée conformément aux dispositions de l’article 35 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991,
- ordonner, en application de l’article L. 615-5-2 du code de la propriété intellectuelle, la production, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard dès la signification du jugement à intervenir, de tous documents ou informations détenus par les sociétés Laboratoire Service International et Laboratorios Hipra ou par toute personne trouvée en possession de kits de diagnostic référencés LSIVET SUIS PRRS E/S (EU), LSIVET PRRS CONFIRMATION (EU) et Kit TaqVet Triplex PPRSV Genotyping EU/US, ou de tout autre kit de diagnostic reproduisant les revendications du brevet européen n° 0 587 780, ou qui a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits, notamment : * les noms et adresses des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs de ces produits, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants ; *les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que le prix obtenu pour ces produits, du 3 juillet 2006 à l’arrêt de la contrefaçon ;

- condamner les sociétés Laboratoire Service International et Laboratorios Hipra à réparer le préjudice causé aux sociétés Boehringer Ingelheim Vetmedica, IDEXX Laboratories, IDEXX Switzerland, IDEXX Europe BV et IDEXX Sari à fixer après expertise et, dès à présent, à payer par provision la somme de 500.000 euros ;

- désigner tout expert qu’il plaira au tribunal aux fins de fournir les informations nécessaires à l’évaluation du préjudice subi par les sociétés Boehringer Ingelheim Vetmedica, IDEXX Laboratories, IDEXX Switzerland, IDEXX Europe BV et IDEXX Sari du fait des actes de contrefaçon ;

- dire que les opérations d’expertise porteront sur tous les actes de contrefaçon commis jusqu’à la date du dépôt du rapport d’expertise,
- ordonner, en application de l’article L. 615-7-1 du code de la propriété intellectuelle, que les kits de diagnostic référencés LSIVET SUIS PRRS E/S (EU), LSIVET PRRS CONFIRMATION (EU) et Kit TaqVet Triplex PPRSV Genotyping EU/US ou tout autre kit de diagnostic reproduisant les revendications du brevet

européen n°0 587 780, ainsi que les matériaux et in struments ayant principalement servi à leur création ou fabrication, se trouvant en possession des sociétés Laboratoire Service International et Laboratorios Hipra, soient remis aux sociétés Boehringer Ingelheim Vetmedica, IDEXX Laboratories, IDEXX Switzerland, IDEXX Europe BV et IDEXX Sari, en vue de leur destruction ; et que ceux qui ne se trouvent pas en leur possession soient rappelés des circuits commerciaux pour être écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit des sociétés Boehringer Ingelheim Vetmedica, IDEXX Laboratories, IDEXX Switzerland, IDEXX Europe BV et IDEXX Sari, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard dès la signification du jugement à intervenir, le tout sous contrôle de tous huissiers du choix des sociétés Boehringer Ingelheim Vetmedica et IDEXX Laboratories et aux frais des contrefacteurs ;

- ordonner la publication du jugement à intervenir dans cinq journaux ou revues professionnelles français ou étrangers au choix des sociétés Boehringer Ingelheim Vetmedica, IDEXX Laboratories, IDEXX Switzerland, IDEXX Europe BV et IDEXX Sarl, aux frais des sociétés Laboratoire Service International et Laboratorios Hipra, ainsi que sur le site Internet de la société LSI, www.lsivet.com, et sur celui de la société Hipra, www.hipra.com, à concurrence de 10. 000 euros par publication ;

- rejeter les demandes des sociétés Laboratoire Service International et Laboratorios Hipra ;

- condamner les sociétés Laboratoire Service International et Laboratorios Hipra à payer aux sociétés Boehringer Ingelheim Vetmedica, IDEXX Laboratories, IDEXX Switzerland, IDEXX Europe BV et IDEXX Sari la somme de 200.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les sociétés Laboratoire Service International et Laboratorios Hipra aux entiers dépens et dire qu’ils seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile. Dans ses dernières conclusions signifiées le 24 juin 2011 sur e-barreau, la société LSI demande au tribunal de :

- débouter les sociétés BOEHRINGER INGELHEIM VETMEDICA GmbH et IDEXX LABORATORIES inc. de toutes leurs demandes, fins et prétentions,
- prononcer la nullité des opérations de saisie-contrefaçon et des procès-verbaux dressés les 4 et 16 juin 2009,
- dire et juger que les kits ELISA (LSIVET SUIS PRRSE/S (EU), LSIVET PRRS CONFIRMATION (EU) et les kits PCR (kit TaqVet TRIPLEX PRRSV Génotypage américain/européen) ne constituent pas la contrefaçon des revendications 3, 5 et 6 du brevet EP 0 587 780 B2,
- dire et juger que les sociétés IDEXX SWITZERLAND AG, IDEXX EUROPE BV et IDEXX SARL ne sont pas recevables en leur qualité de simples distributeurs et solliciter réparation d’un préjudice de contrefaçon,
- dire et juger la demande d’expertise et de provision à hauteur de 500.000 euros non justifiée et la rejeter,
- condamner solidairement les sociétés BOEHRINGER INGELHEIM VETMEDICA GmbH et IDEXX LABORATORIES Inc. à lui payer la somme de 100.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- les condamner solidairement aux entiers dépens, lesquels pourront être recouvrés directement par Maître Sonia-Maïa GRISLAIN sur son affirmation de droit.

Dans ses dernières conclusions signifiées électroniquement le 3 juin 2011, la société LABORATORIOS HIPRA demande au tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire:

- d’écarter des débats tous les moyens de preuve issus des opérations de saisie- contrefaçon diligentées par les sociétés Boehringer Ingelheim Vetmedica GmbH, et IDEXX laboratories Inc.,
- de débouter les sociétés Boehringer Ingelheim Vetmedica GmbH, IDEXX laboratories Inc., IDEXX Switzerland AG, IDEXX SARL et IDEXX Europe BV de toutes leurs demandes, fins et prétentions,
- de juger qu’elle n’a pas commis d’actes de contrefaçon du brevet EP 0 587 780 B2,
- de condamner les sociétés Boehringer Ingelheim Vetmedica GmbH, IDEXX laboratories Inc., IDEXX Switzerland AG, IDEXX SARL et IDEXX Europe BV in solidum à lui payer la somme de 150.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- de condamner les sociétés Boehringer Ingelheim Vetmedica GmbH, IDEXX laboratories Inc., IDEXX Switzerland AG, IDEXX SARL et IDEXX Europe BV in solidum, aux entiers dépens,
- de dire que Maître Denis SCHERTENLEIB pourra recouvrer les dépens directement aux conditions prévues à l’article 699 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée le 28 juin 2011.

MOTIFS Au préalable, il y a lieu de constater l’intervention volontaire, aux côtés des sociétés BOEHRINGER et IDEXX LABORATORIES, des sociétés IDEXX SWITZERLAND, IDEXX SARL et IDEXX EUROPE BV qui n’est pas contestée, seule étant discutée leur recevabilité à agir sur le fondement de l’article 1382 du code civil, question qui sera étudiée s’il y a lieu dans le cadre de la réparation du préjudice. Sur la nullité des opérations de saisie-contrefaçon La société HIPRA demande au tribunal de prononcer la nullité des opérations de saisie-contrefaçon au motif que les revendications du brevet dont la contrefaçon est arguée ne sont pas reproduites dans la requête de saisie-contrefaçon, ni dans l’ordonnance. Elle fait valoir également que la copie du brevet ou de sa traduction n’a pas été signifiée, alors que l’inverse est usuel et que le saisi n’a eu comme seule information que le numéro du brevet et son titre si bien qu’il n’a pu identifier l’étendue des droits qui étaient opposés et évaluer la pertinence des produits saisis par rapport au titre opposé, pour, le cas échéant, s’opposer à leur remise au breveté, et durant la saisie, les investigations autorisées. Elle soutient que sa demande de nullité ne tend pas à la remise en cause de l’ordonnance de saisie-contrefaçon mais constitue une défense au fond, les opérations de saisie-contrefaçon méconnaissant la loi et notamment les principes du procès équitable. Elle souligne que le titre opposé couvre, selon les écritures actuelles des demanderesses, uniquement la souche européenne du virus, et non pas la souche

américaine alors que la lecture des éléments contenus dans l’ordonnance et de ceux fournis lors de la saisie, ne permettaient pas de faire cette distinction et que le saisi pouvait donc supposer que le brevet avait une portée bien plus large que celle que même le breveté lui accorde à présent.

Elle indique que la communication, 2 ans avant la saisie, du brevet ne peut sérieusement constituer une information suffisante permettant au saisi, le jour de la saisie-contrefaçon, d’être en connaissance de cause et que la mise en demeure adressée le 7 janvier 2009 à la société LSI ne contient aucune information technique et ne communique pas le brevet. Elle soutient que sa publication ne constitue pas une information spécifique accessible le jour de la saisie et que, de plus, ne sont publiées que les mentions de la délivrance du brevet, de son maintien, puis de la remise de sa traduction et non le texte du brevet, ni même le texte de ses revendications. La société LSI s’associe à cette demande en indiquant qu’en l’absence de connaissance de l’objet du brevet et partant, de l’étendue des droits qui lui étaient opposés, elle n’a pu connaître le périmètre exact de l’intervention de l’huissier au cours des opérations de saisie-contrefaçon et bénéficier des garanties liées au droit à un procès équitable telles que consacrées à l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme. Les sociétés demanderesses s’opposent à cette demande qui vise selon elles en réalité à contester la validité de l’ordonnance du 28 mai 2009 autorisant la saisie- contrefaçon et pour laquelle le tribunal n’est pas compétent. Elles font valoir qu’aucun texte légal ne requiert la reproduction dans la requête ou dans l’ordonnance aux fins de saisie-contrefaçon des revendications susceptibles d’être reproduites par le produit ou le procédé argué de contrefaçon, la saisie- contrefaçon ayant justement pour objet de fournir au requérant des éléments de preuve suffisants pour qu’il détermine notamment quelles revendications du brevet invoqué sont contrefaites. Elles soutiennent que la mention, dans la requête et l’ordonnance aux fins de saisie-contrefaçon du brevet argué de contrefaçon et du produit ou procédé litigieux suffit à éclairer le saisi sur l’étendue de la mesure ordonnée puisque la requête mentionne le brevet européen ainsi que les références des kits de détection litigieux. Elles estiment que la société LSI était donc parfaitement en mesure d’apprécier l’objet de la saisie et de plus que son attention avait été attirée depuis deux ans sur le brevet invoqué au soutien de la requête aux fins de saisie-contrefaçon. Elles font valoir qu’en tout état de cause, les brevets d’invention sont opposables aux tiers dès leur publication. Sur ce Contrairement à ce que soutiennent les demanderesses, la demande de nullité des opérations de saisie-contrefaçon ne s’analyse pas en une demande de nullité de l’ordonnance ayant autorisé ces opérations.

En effet, cette demande est fondée sur le déroulement des opérations de saisie- contrefaçon et l’absence de connaissance à ce stade par le saisi du brevet, joint à la requête, et des revendications estimées contrefaites. Le tribunal est compétent pour statuer sur cette demande qui s’analyse en la contestation d’un moyen de preuve. En vertu de l’article 495 du code de procédure civile : « l’ordonnance sur requête est motivée. Elle est exécutoire au vu de la minute. Copie de la requête et de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée ». En vertu de l’article R. 615-2 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle portant sur les brevets, " A peine de nullité et de dommages et intérêts contre l’huissier, celui-ci doit, avant de procéder à la saisie; donner copie aux détenteurs des objets saisis ou décrits de l’ordonnance (…)". Ces dispositions n’imposent pas que les pièces jointes à la requête soient signifiées au saisi qui a néanmoins connaissance de leur nature dans la mesure où la requête énumère les pièces qui sont produites au juge. Ce n’est qu’à l’occasion de l’introduction du contradictoire, dans le cadre d’un référé- rétractation, que ces pièces sont portées à la connaissance de celui qui sollicite la rétractation.

En outre, aucune disposition n’impose que les revendications du brevet soient reproduites dans le requête ou l’ordonnance autorisant les opérations de saisie- contrefaçon, d’autant qu’à ce stade, le titulaire du titre ignore encore quelles revendications sont contrefaites, la mesure dessaisie-contrefaçon ayant justement comme objectif de rapporter la preuve de la matérialité de la contrefaçon. Les sociétés HIPRA et LSI n’expliquent pas en quoi le droit conventionnel à un procès équitable serait violé par les dispositions du code de procédure civile français, la saisie-contrefaçon constituant une mesure probatoire qui n’impose pas le respect des mêmes exigences que celles du procès. Dès lors, la demande en nullité de la saisie-contrefaçon est mal fondée et sera rejetée. Sur la portée du brevet Au début de l’année 1991, une maladie est apparue chez les truies reproductrices hollandaises qui présentaient une anorexie, avortaient dans les derniers stades de la gestation ou donnaient naissance à des mort-nés ou des fœtus momifiés. Les symptômes de cette épizootie ressemblaient à ceux d’une maladie sévissant en Allemagne depuis fin 1990, appelée « la maladie mystérieuse du porc » ou dans la littérature scientifique syndrome respiratoire et reproductif du porc (PRRS), observée depuis 1987 au centre des États Unis et au Canada.

La revendication n° 1 du brevet européen n° 0 587 7 80 se lit ainsi : « Composition de matière comprenant l’agent de Lelystad isolé qui est l’agent provocateur de la maladie mystérieuse des porcs, ledit agent de Lelystad correspondant

essentiellement à l’agent de Lelystad isolé (CDI-NL- 2.91) déposé le 5 juin 1991 auprès de l’Institut Pasteur, Paris, France, numéro de dépôt 1-1102. » La revendication 2 du brevet européen est rédigée ainsi : « composition de matière selon la revendication 1, qui comprend de l’agent de Lelystad isolé tué ». La revendication n° 3 porte sur une « composition de matière comprenant un composant isolé de l’agent de Lelystad comme défini dans la revendication 1 dans laquelle ledit composant isolé est une protéine, unpolypeptide oupeptide spécifique à l’agent de Lelystad ». La revendication n° 5 se lit ainsi : « Lot de diagnostic pour détecter un anticorps qui reconnaît spécifiquement l’agent de Lelystad comme défini dans la revendication 1 dans un échantillon, en particulier un échantillon biologique, tel que du sang ou du sérum sanguin, une expectoration, de la salive ou un tissu, dérivé d’un animal, en particulier un mammifère, plus particulièrement un porc ou cochon, comprenant un composant antigénique de l’agent de Lelystad, et des moyens de détection appropriés d’un test de détection d’anticorps. » La revendication n° 6 se rapporte à un procédé de d iagnostic : « Procédé pour diagnostiquer si un animal, en particulier un mammifère, plus particulièrement un porc ou cochon, est contaminé par l’agent provocateur de la maladie mystérieuse des porcs, comprenant la préparation d’wà échantillon, en particulier un échantillon biologique, tel que du sang ou du sérum sanguin, une expectoration, de la salive ou un tissu, dérivé de l’animal, et son examen pour savoir s’il contient l’acide nucléique de l’agent de Lelystad, l’antigène de l’agent de Lelystad, ou un anticorps reconnaissant spécifiquement l’agent de Lelystad, ledit agent de Lelystad étant comme défini dans la revendication 1. » Le domaine du brevet porte sur l’isolement, la caractérisation et l’utilisation de l’agent causal. L’invention utilise sa découverte, la détermination de son organisation genomique, la séquence nucleotique genomique et les protéines codées par le génome pour l’apport d’une protection contre les infections et leur diagnostic et pour fournir des compositions de vaccins et des nécessaires de diagnostic. Le brevet divulgue donc la composition de matière comprenant l’agent de Lelystad isolé, correspondant « essentiellement » à l’agent déposé à l’Institut Pasteur qui était un agent inconnu.

L’agent de Lelystad a été isolé sur des échantillons de porcs malades et des sérums de truies prélevés lors de la phase aiguë de la maladie. Cet agent n’a pas été identifié comme appartenant un groupe de virus défini ou à une autre espèce microbienne et est le membre d’une nouvelle famille de virus, les Arterviridae. La description du brevet fait état de la collecte d’échantillons, leur préparation, les techniques d’isolement du virus, son clonage, son séquençage et la reproduction expérimentale de la maladie. La figure 1 du brevet représente la séquence nucléotique du génome de l’agent. La figure 2 représente l’utilisation de son génome et la figure 3 ses caractéristiques de croissance.

Il convient, en l’espèce, de définir 1' homme du métier comme une équipe de chercheurs en virologie. La société HIPRA soutient que les limitations du brevet intervenues durant la procédure de recours devant l’OEB ont pour effet de retirer du champ de la protection les produits argués de contrefaçon et qu’ainsi les revendications dépendantes, et notamment la revendication 3, ne visent plus les souches atténuées de l’agent de Lelystad, cet objet ayant été expressément abandonné par le breveté pour pallier une insuffisance de description. Elle forme dans le corps de ses écritures une demande de nullité pour insuffisance de description si le brevet est interprété de façon à couvrir les tests ELISA incriminés car il ne contient aucun enseignement complémentaire de nature à les mettre en œuvre, seule une méthode de détection dite immunologique sur monocouche cellulaire étant décrite dans des cellules de poumon de porc (dans les macrophages) dans .le brevet pour l’agent de Lelystad qui nécessite la mise en culture de cellules infectées alors que le test ELISA ne nécessite aucune culture et n’est pas décrit dans le brevet. Elle ajoute que ce qui est nécessaire mais manquant dans le brevet est l’identification d’une lignée de cellules capables de reproduire le virus en qualités suffisantes pour permettre la fabrication d’un test de détection ELISA. Elle soutient aussi que le brevet est aussi insuffisamment décrit s’il est interprété de façon à couvrir les souches atténuées de l’agent de Lelystad, alors qu’elle utilise des souches atténuées ayant permis de produire la souche AMERVAC-PPRS, de manière à modifier le virus afin qu’il ne soit plus dangereux du point de vue sanitaire mais en conservant ses propriétés immunogéniques, le brevet ne décrivant pas la procédure de production d’un virus atténué et durant la procédure d’opposition, les revendications visant le virus atténué ayant été retirées. La société LSI indique que la revendication 1 est caractérisée par une référence à un dépôt de souche particulière et identifiable par la séquence montrée à la figure 1 du brevet et que les termes « correspondant essentiellement » ne peuvent être interprétés comme protégeant toute souche européenne de l’agent de Lelystad alors qu’il existe dans les banques de données plus de 12.000 souches référencées et que les souches identifiées postérieurement à 1991 qui ont des séquences divergentes ne peuvent être assimilées à de simples variantes. Elle ajoute qu’il ressort de la procédure d’opposition que les revendications maintenues ne portent plus sur une souche atténuée. Elle fait valoir par ailleurs qu’au cours de la procédure d’opposition et de recours, le breveté a abandonné et supprimé les revendications portant sur les séquences spécifiques de l’agent de Lelystad, si bien que le brevet couvre le génome entier de la souche déposée et non la connaissance des séquences spécifiques et individualisées le constituant. Les demanderesses font valoir que le caractère atténué de la souche virale utilisée n’a pour conséquence que de modifier légèrement sa séquence nucléotidique mais que celle-ci correspond toujours essentiellement à celle de l’agent de Lelystad et que la procédure devant l’OEB établit que la forme atténuée du virus était suffisamment décrite et que c’est dans un souci de simplification que le breveté a

déposé lors de la procédure orale devant la chambre de recours une nouvelle requête principale ne comprenant plus de référence expresse au virus atténué puisque cette forme est couverte par la revendication 1 qui porte sur toute forme vivante, atténuée ou non du virus, la forme inactivée ou tuée étant revendiquée dans la revendication 2. Elles soutiennent par ailleurs que l’homme du métier trouve dans le brevet toutes les informations utiles à la réalisation des tests de diagnostic Elisa auxquels la description fait référence à des multiples reprises et était en mesure de produire des antigènes de l’agent de Lelystad susceptibles d’être utilisés dans ces tests en mettant en culture de l’agent viral dans les macrophages alvéolaires d’un porcelet. Sur ce
- Sur la portée du brevet par rapport à la souche atténuée de l’agent de Lelystad Ont été exclues du brevet, à l’issue de la procédure devant la chambre des recours, notamment :

- la revendication 3 de la demande initiale portant sur « une composition de matière selon la revendication 1, qui comprend de l’agent de Lelystad atténué »,
- la revendication 5 portant sur « une composition de matière comprenant de l’acide nucléique recombinant qui comprend une séquence de nucléotides, dérivée du génome de l’agent de Lelystad comme défini dans la revendication 1, dans laquelle ledit acide nucléique comprend une séquence de nucléotides spécifique à l’agent de Lelystad, montrée sur la figure 1 »,
- la revendication 7 portant sur une « composition de vaccin pour vacciner des animaux, en particulier des mammifères, plus particulièrement des porcs ou cochons, pour les protéger contre la maladie mystérieuse des porcs, comprenant l’agent de Lelystad comme défini dans la revendication 1, et un adjuvant ou support approprié »,
- la revendication 9 portant sur une « composition de vaccin selon la revendication 7, qui comprend de l’agent de Lelystad atténué ». D’après la description du brevet tel que modifié, « correspondant essentiellement » « se réfère à des variations qui apparaissent dans la nature et à des variations artificielles » de cet agent « en particulier celles qui permettent encore une détection par des techniques telles qu’hybridation, PCR (réaction de polymérisation en chaîne) et ELISA (essai immunoenzymatique utilisant un antigène absorbé) au moyen de substances spécifiques de l’agent de Lelystad, telles que l’ADN ou les anticorps spécifiques de l’agent. Elle indique que la composition de matière peut comprendre de l’agent de Lelystad isolé vivant, tué ou atténué. La division d’opposition avait estimé que l’agent de Lelystad atténué vivant était suffisamment décrit dans la demande telle que déposée en ce qu’il pouvait être produit par passage en série dans des macrophages de poumon de cochon, soit d’autres espèces, soit dans »d’autres systèmes de cellules ou d’autres animaux" et qu’il était possible que le passage dans les macrophages de poumon de porc donne de l’agent de Lelystad atténué vivant, cela étant divulgué. La division s’est aussi estimée convaincue par le fait qu’un passage en série dans des cellules non-cibles au moyen de procédures types dans l’art puisse produire l’agent atténué vivant.

En vertu de l’article 69 de la CBE, « L’étendue de la protection conférée par le brevet européen ou par la demande de brevet européen est déterminée par les revendications. Toutefois, la description et les dessins servent à interpréter les revendications ». Le protocole interprétatif de cet article 69 CBE indique par ailleurs que « L’article 69 ne doit pas être Interprété comme signifiant que l’étendue de la protection conférée par le brevet européen est déterminée au sens étroit et littéral du texte des revendications et que la description et les dessins servent uniquement à dissiper les ambiguïtés que pourraient receler les revendications. Il ne doit pas davantage être interprété comme signifiant que les revendications servent uniquement de ligne directrice et que la protection s’étend également à ce que, de l’avis d’un homme du métier ayant examiné la description et les dessins, le titulaire du brevet a entendu protéger. L’article 69 doit, par contre, être interprété comme définissant entre ces extrêmes une position qui assure à la fois une protection équitable au titulaire du brevet et un degré raisonnable de sécurité juridique aux tiers. » En outre, l’article 84 de la CBE et l’article L. 612-6 du code de la propriété intellectuelle disposent que « les revendications définissent l’objet de la protection demandée. Elles doivent être claires et concises et se fonder sur la description ». Il est constant que le titulaire du brevet, durant la procédure d’opposition, a exclu de son champ de protection la souche atténuée de l’agent de Lelystad, qui était l’objet de la revendication 3.

Si la notion de souche atténuée figure encore dans la description du brevet, reprenant les trois revendications initiales, agent vivant, tué ou atténué, cette seule mention ne suffit pas, alors même que la revendication qui portait sur l’agent atténué a été retirée du brevet, à étendre la portée de celui-ci. Le titulaire du brevet ne peut, dans le cadre de la procédure de contrefaçon, solliciter de voir la portée du brevet étendue et alors qu’il n’y a pas lieu d’interpréter à cette fin les revendications du brevet, qui sont claires et excluent désormais l’agent de Lelystad atténué. En conséquence, la portée du brevet doit s’entendre comme excluant l’agent de Lelystad atténué.

- Sur la portée du brevet par rapport aux tests Elisa Le test ELISA porte sur un dosage d’immunosorption liée à un enzyme. Ces tests détectent la présence d’anticorps spécifiques à un agent viral générés par l’organisme, les anticoprs venant se lier aux épitopes des antigènes provenant de l’agent viral présent sur les microplaques. Il y est fait référence dans la description du brevet en rapport avec l’expression « correspondant essentiellement » pour viser les variations artificielles, "en particulier celles qui permettent encore une détection par des techniques telles qu’hybridation, PCR (réaction de polymérisation en chaîne) et ELISA (essai immunoenzymatique utilisant un antigène adsorbé), au moyen de substances spécifiques de l’agent de Lelystad, telles que de l’ADN ou des anticorps spécifiques de l’agent de Lelystad. »

Si les références visées dans le brevet portent sur 5 publications faisant référence à cette technique de détection, force est de constater qu’elles ne portent pas sur le virus PPRS mais sur la grippe, la pseudo-rage frappant les porcs, le parvovirus porcin, le virus de la diarrhée virale bovine et le virus de la peste porcine. La seule référence au test ELISA dans la description du brevet, sans aucune indication permettant à l’homme du métier de le mettre en oeuvre pour l’agent isolé en l’espèce par la production d’antigènes, ne peut faire entrer ce test dans le périmètre de la protection du brevet. Dès lors, il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes de nullité pour insuffisance de description formulées par la société HIPRA.

- Sur la portée du brevet par rapport aux séquences spécifiques de l’agent de Lelystad La société LSI soutient que le titulaire du brevet a, au cours de la procédure d’opposition, abandonné les revendications du brevet se rapportant à des compositions contenant des fragments d’acide nucléique et qu’il ne peut plus être interprété comme contenant de telles substances qui étaient suffisamment décrites d’après la division d’opposition mais qu’il a retiré dans un souci de simplification.

Les demanderesses font valoir que le brevet mentionne expressément que certains fragments nucléotidiques de cet agent peuvent être utilisés à des fins de détection au moyen de la technique PCR et précise que l’invention objet de la revendication n°6 porte sur un procédé permettant d e déterminer si l’échantillon biologique d’un animal comporte de l’acide nucléique de l’agent de Lelystad. Elles rappellent que la revendication n° 6 porte sur tout procédé pour diagnostiquer la présence de tout ou partie de l’acide nucléique de l’agent de Lelystad. Elles indiquent que si le brevet tel que délivré comprenait en effet des revendications portant sur des fragments du génome de l’agent de Lelystad, que la division d’opposition a estimé satisfaire à l’exigence de description, c’est par souci de simplification que le breveté a préféré retirer les revendications se rapportant à des fragments du génome de Lelystad. A la suite de la procédure devant la chambre des recours, ont été exclues les revendications : 6. Composition de matière comprenant un acide nucléique, un (poly)peptide ou une protéine synthétique ou isolée, dérivée de l’agent de Lelystad comme défini dans la revendication 1. 7. Composition de matière comprenant de l’acide nucléique recombinant qui comprend une séquence de nucléotides, dérivée du génome de l’agent de Lelystad comme défini dans la revendication 1. 10. Composition de matière comprenant un (poly)peptide ayant une séquence d’acides aminés dérivée d’une protéine de l’agent de Lelystad comme défini dans la revendication 1, le (poly)peptide étant produit par une cellule capable de le produire par génie génétique avec de l’ADN recombinant. 13. Composition de matière comprenant un vecteur recombinant qui contient de l’acide nucléique comprenant une séquence de nucléotides codant pour une

protéine ou un peptide antigénique dérivé de l’agent de Lelystad comme défini dans la revendication 1. La description du brevet tel que délivré indique : "étant donné que la nature et l’organisation du génome de l’AL et la séquence nucléotidique de ce génome ont été déterminées, des séquences nucléotidiques spécifiques d’AL peuvent être identifiées et utilisées pour la mise au point de séquences oligonucléotidiques qui peuvent être utilisées en tant que sondes ou amorces dans des techniques de diagnostic, telles que l’hybridation, la réaction de polymérisation en chaîne ou toutes autres techniques qui sont mises au point pour la détection spécifique de séquences d’acides nucléiques ». Il est constant que les revendications de matière comportant un acide nucléique, de l’acide nucléique recombinant qui comprend une séquence de nucléotides, dérivée du génome de l’agent de Lelystad et un vecteur recombinant qui contient de l’acide nucléique comprenant une séquence de nucléotides codant ont, au cours de la procédure d’opposition, étaient exclues de la portée du brevet, si bien que celui-ci ne couvre pas ces matières en tant que telles.

Reste que les revendications soulevées au titre de la contrefaçon par les tests PCR constituent des revendications de procédé, portant sur la détection de l’agent de Lelystad et que la revendication 6 contient une référence à l’acide nucléotique et que les moyens soulevés en défense par la société LSI devront être appréciés dans le cadre de l’examen de la contrefaçon. Sur la contrefaçon des revendications 3,5 et 6 du brevet européen n°0 587 780 par les produits LSIVET SUIS PRRS E/S (EU). LSIVET PRRS CONFIRMATION (EU) Ces deux références portent sur des tests ELISA fabriqués par la société LSI à partir de plaques de puits fournies par la société HIPRA contenant à leur surface des antigènes spécifiques de l’agent infectieux que l’on cherche à détecter. Le kit LSIVET SUIS PRRS E/S (EU) utilise une plaque monocupule, le test se fait sur un échantillon dans une cupule et le kit LSIVET PRRS CONFIRMATION (EU), utilisant des plaques bicupules, chaque échantillon est testé en parallèle dans deux cupules permettant ainsi de confirmer les résultats des analyses. Les demanderesses soutiennent que ces tests détectent les anticorps spécifiques à l’agent de Lelystad et, partant reproduisent les revendications 3, 5 et 6 du brevet car ils contiennent une protéine antigénique spécifique à l’agent de Lelystad, apte à se lier aux anticorps reconnaissant cet agent, donc une composition de matière, un composant antigénique de l’agent de Lelystad et des moyens de détection appropriés. Elles font valoirpue l’utilisation par les produits litigieux d’une souche de virus différente de celle identifiée par le brevet n’exclut pas la contrefaçon car les produits incriminés comprennent ou mettent en oeuvre un composant de l’agent de Lelystad ou qui lui correspondant essentiellement. Elles indiquent que la séquence nucléotidique la plus spécifique de la souche VP046 utilisée par les sociétés défenderesses présente une homologie de plus de 99 % entre les deux séquences

d’acides animés avec la même séquence de l’agent de Lelystad, ce qu’établit le cadre de lecture ouvert n°5 du génome et qu’il n’es t pas démontré que l’infime différence au niveau protéique confère des différences fonctionnelles aux antigènes qui en sont issus, l’aptitude des antigènes issus de la souche VP046 utilisée dans les kits à se lier avec les anticorps spécifiques à l’agent de Lelystad établissant que les protéines antigéniques provenant de ces deux souches sont fonctionnellement identiques. Elles soutiennent que le cadre de lecture n° 5 du g énome est pertinent car il s’agit du gène qui montre le plus de variabilité, que les publications montrent que la souche utilisée par les sociétés défenderesses et l’agent de Lelystad ont une origine commune qui explique leurs caractéristiques physicochimiques et fonctionnelles communes puisqu’ils font partie d’un même sous type du virus du SRRP appartenant au même groupe.

La société HIPRA fait valoir que les demanderesses ne démontrent pas que la souche qu’elle utilise est identique à celle de Lelystad ou y correspondrait essentiellement, la souche virale utilisée dans la fabrication des produits utilisés pour les tests ELISA étant dérivée de la souche espagnole de la maladie PRRS, qui a été isolée indépendamment de la souche de Lelystad, modifiée afin de la rendre atténuée, cette souche étant commercialisée sous le nom AMERVAC-PRRS. Elle indique que ce virus est différent de celui décrit et revendiqué dans le brevet opposé car d’une part, il est issu d’une souche espagnole qui existait antérieurement à la découverte de la souche de Lelystad et que c’est une souche atténuée, ayant subi une modification essentielle dans ses fonctions et son comportement, puisqu’il n’est plus pathogène et peut être utilisée pour la vaccination, ce qui est une différence fonctionnelle, génétiquement et pathologiquement distinct de l’agent de Lelystad. Elle ajoute que compte tenu de la rédaction de la revendication 1 « correspondant essentiellement à l’agent de Lelystad isolé », les demanderesses ne peuvent prétendre que le brevet couvre de manière générale tout virus PRRS. S’agissant des comparaisons au niveau génétique, elle fait valoir que la comparaison des souches n’a été réalisée que sur la base d’un seul gène, le gène 5, alors que le virus en contient 9 et que les études réalisées sur les différentes souches du virus établissent des différences génétiques substantielles avec la souche arguée de contrefaçon et que les similarités au niveau génétique ne figurent qu’en 4e position dans la liste des critères pour différencier les souches, qu’il convient aussi de prendre en compte les différences cliniques et de virulence. Elle fait valoir que la réaction du test ELISA peut avoir lieu avec un antigène différent, néanmoins capable de se lier partiellement aux mêmes anticorps lorsque deux antigènes présentent des similarités au niveau de leur structure sans être identiques. La société LCI indique quant à elle que les demanderesses appuient leurs arguments sur des analyses non contradictoires réalisées sur les kits ELISA par l’Institut POURQUIER qui n’est autre qu’une filiale de la société IDEXX et manquent d’objectivité et d’impartialité. Elle fait valoir que les plaques fabriquées par la société HIPRA contiennent un virus particulier correspondant à une variante atténuée d’une

souche espagnole du virus causant la maladie de PRRS, qui n’est pas couverte par le brevet puisqu’il s’agit d’une souche génétiquement distincte, cette souche VP046 bis, ayant fait l’objet d’un brevet français n° 94 10722 déposé le 7 septembre 1994, sous priorité d’un dépôt espagnol de 1993, au nom de la société de droit espagnol CYANAMID IBERICA SA portant sur un vaccin. Elle soutient qu’en outre, le virus a été modifié génétiquement pour devenir une souche atténuée. Elle fait valoir que la souche de Lelystad et la souche espagnole atténuée VP046 bis présentent des différences significatives, notamment au niveau génomique.

Sur ce II ressort du test réalisé par l’Institut Pourquier le 26 novembre 2008 que les kits SSRP LSIVET SUIS PRRS A/S (souche US) et LSIVET SUIS PRRS E/S (souche EU) étaient positifs sur deux porcs contaminés par le virus de Lelystad. Le fait que ce rapport n’ait pas été effectué de manière contradictoire ne suffit pas à lui enlever toute force probante, dès lors que ce rapport a été versé aux débats et a pu être discuté contradictoirernent, que la société LSI ne rapporte pas la preuve contraire, et qu’elle ne conteste pas la méthodologie de ces tests. Il n’est pas contesté par les demanderesses que la souche virale utilisée par la société HPIRA est atténuée, cette souche correspondant à la souche VP-046 BIS utilisé dans le vaccin AMERVAC-PRRS, provenant d’une souche espagnole, ayant fait l’objet d’une demande de brevet. Dès lors que les produits estimés contrefaisants utilisent une souche atténuée, qui n’est pas couverte pas le brevet, ils ne contrefont pas la composition de matière, objet de la revendication 3, le composant antigénique de l’agent de Lelystad visé à la revendication 5, pas plus que l’anticorps reconnaissant spécifiquement l’agent de Lelystad. Au surplus, le tribunal relève qu’il résulte de l’article de Mang SHI et autres, publié dans la revue Virus research en 2010 et de son arbre phylogénétique qui l’illustre que la souche de Lelystad est classée en clade A alors que le vaccin Amervac appartient au clade D. Les scientifiques relèvent que les clades de type B à L auraient divergé avant l’émergence de celui de type 1, rendant peu probable le fait qu’il s’agisse de « descendants » de celui-ci. Si ces deux virus sont classés tous deux dans un sous-type 1, comprenant 11 clades, il ne peut être soutenu que la matière qui constituent la revendication 1 du brevet en cause soit similaire à celle constituant le clade D, les scientifiques relevant que l’extrême diversité du PRRSV de type 1 rend nécessaire un système de classification pour différencier les virus ayant des propriétés génétiques et antigénétiques différentes. De plus, les kits ELISA étant exclus de la portée du brevet, les revendications 5 et 6 ne peuvent être contrefaites. Les demanderesses seront donc déboutées de l’ensemble de leurs revendications de ce chef. Sur la contrefaçon des revendications 3,5 et 6 du brevet européen n°0 587 780 par les Kit TaqVet Triplex PPRSVGenotvping EU/US

Si les demanderesses forment des demandes globales en contrefaçon à l’encontre des deux défenderesses du fait de ces produits, force est de constater que la société HIPRA ne produit pas les composants utilisés dans ces tests PCR, si bien que sa responsabilité ne peut être mise en cause de ce chef.

Ces kits qui sont commercialisés par la société LSI mettent en oeuvre la technique de diagnostic PCR (Polymerase Chain Reaction-réaction de polymérisation en chaînes) permettant la détection d’une séquence de la région ORF7 du génome viral du virus PPRS par amplification de cette séquence. La notice de ces kits, sur lesquels les demanderesses n’ont effectué aucun test, indique qu’il a été évalué sur la souche Lelystad (souche EU), 2 souches sauvages espagnoles (souches EU) et la souche VR2332 (souche US). Les demandeurs estiment que la contrefaçon est réalisée car les kits permettent de détecter un composant de l’acide nucléique de l’agent de Lelystad dans un échantillon biologique porcin et qu’au regard de la description du brevet, le procédé de détection peut avoir pour objet de caractériser seulement une partie de la séquence nucléotidique de l’agent de Lelystad, le brevet portant notamment sur l’utilisation de la technique PCR à des fins de détection de cet agent et mentionne expressément que certains fragments nucléotidiques peuvent être utilisés à des fins de détection et la revendication 6 ne portant pas sur l’entier génome du virus mais sur tout procédé pour diagnostiquer la présence de tout ou partie de l’acide nucléique de l’agent. La société LSI soutient le kit LSI incriminé ne détecte qu’une séquence spécifique du génome viral du virus et que l’acide nucléique de l’agent de Lelystad correspond au matériel génétique total, soit le génome viral dans son intégralité (en l’occurrence environ 15100 bases ou nucléotides selon la Figure 1 du brevet) alors que la revendication 6 ne couvre pas la détection d’un fragment du génome. Elle soutient que le procédé de diagnostic tel que revendiqué dans la revendication 6 est donc basé sur la seule souche de l’agent de Lelystad accessible par son numéro de dépôt et ne couvre pas le procédé qui ferait appel à la connaissance de séquences spécifiques alors que le procédé de diagnostic qu’elle commercialise permet de détecter la présence d’un seul fragment d’acide nucléique grâce à la mise à disposition de trois séquences spécifiques. Sur ce La société LSI reconnaît que le kit de détection PCR met en oeuvre des séquences nucléotidiques spécifiques de l’agent de Lelystad. La revendication 3 qui vise un composant isolé de l’agent de Lelystad à savoir une protéine, un polvpetique ou un peptide spécifique à cet agent, ne porte donc pas sur une séquence nucléotidique et aucune contrefaçon de cette revendication n’est constituée. La revendication n° 5 se lit ainsi : « Lot de diagnostic pour détecter un anticorps qui reconnaît spécifiquement l’agent de Lelystad comme défini dans la revendication 1 dans un échantillon, en particulier un échantillon biologique, tel que du sang ou du sérum sanguin, une expectoration,

de la salive ou un particulièrement un porc ou cochon, comprenant un composant antigénique de l’agent de Lelystad, et des moyens de détection appropriés d’un test de détection d’anticorps. » Cette revendication n’est pas plus contrefaite que la précédente par la défenderesse, dans la mesure où elle ne couvre pas expressément l’utilisation d’une séquence nucléotidique de l’agent de Lelystad et où le kit de détection PCR met en œuvre des séquences nucléotidiques spécifiques de l’agent de Lelystad. La revendication n° 6 se rapporte à un procédé de d iagnostic : « Procédé pour diagnostiquer si un animal, en particulier un mammifère, plus particulièrement un porc ou cochon, est contaminé par l’agent provocateur de la maladie mystérieuse des porcs, comprenant la préparation d’un échantillon, en particulier un échantillon biologique, tel que du sang ou du sérum sanguin, une expectoration, de la salive ou un tissu, dérivé’ de l’animal, et son examen pour savoir s’il contient l’acide nucléique de l’agent de Lelystad, l’antigène de l’agent de Lelystad, ou un anticorps reconnaissant spécifiquement l’agent de Lelystad, ledit agent de Lelystad étant comme défini dans la revendication 1. » Cette revendication de procédé permet de diagnostiquer l’agent de Lelystad par le biais notamment de l’existence d’acide nucléique, c’est à dire une séquence d’acide nucléique spécifique à l’agent et non l’ensemble de l’acide nucléique. La description du brevet indique que les séquences nucléotidiques spécifiques de l’agent peuvent être identifiées et utilisées, pour la mise au point de séquences oligonucléotidiques qui peuvent être utilisées en tant que sondes ou amorces dans des techniques de diagnostic pour la détection spécifique de séquences d’acides nucléiques. Cette revendication de procédé permet de diagnostiquer la présence de l’agent provocateur de la maladie mystérieuse des porcs en utilisant des moyens de détection entre autres de l’acide nucléique de l’agent de Lelystad. Il a été vu que cette revendication n’accorde pas de protection au titulaire du brevet sur l’agent de Lelystad lui-même et encore moins sur son acide nucléique mais bien sur l’utilisation de la présence de cet agent pour diagnostiquer la présence de la maladie. Dès lors que la société LSI ne conteste pas que son kit utilise également l’acide nucléique de l’agent de Lelystad aux mêmes fins, la contrefaçon est caractérisée. En conséquence, la société LSI a contrefait la revendication 6 de la partie française du brevet européen n° 0 587 780.

Sur le préjudice Les demanderesses font valoir que la société IDEXX LABORATORIES, en sa qualité de licenciée exclusive, fait fabriquer les kits de diagnostic par la société IDEXX SWITZERLAND AG qui sont vendus et livrés à la société IDEXX EUROPE BV, qui les vend à la société IDEXX SARL, qui les vend à ses clients français et que par ailleurs, la société IDEXX EUROPE BV livre directement les kits de diagnostic aux clients français.

Elles soutiennent qu’il n’est pas nécessaire de démontrer le caractère exclusif de distributeur en France des kits de détection conformes au brevet pour être: recevables et fondées en leur demande de réparation du préjudice sur le fondement de l’article 1382 du code civil et que seule doit être démontrée l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité. La société LCI fait valoir que la société BIV qui n’exploite pas le brevet ne peut prétendre qu’au versement d’une redevance, que la société IDEXX LABORATORIES Inc., licenciée, n’exploite pas le brevet en France, ce qui lui interdit d’obtenir réparation du préjudice et que les trois intervenantes volontaires qui ne sont que distributeurs non exclusifs, ne peuvent solliciter la réparation du préjudice en ce qui concerne la contrefaçon dans la mesure où elles n’invoquent aucun acte de concurrence déloyale. Elle ajoute que la prétendue baisse du prix de vente des kits de diagnostic par le groupe IDDEX n’est pas établi et qu’elle n’a réalisé qu’un chiffre d’affaires de 179.743 euros. En sa qualité de titulaire du brevet, la société BOEHRINGER INGELHEIM VETMEDICA a subi un préjudice lié à la perte de valeur de l’invention, du fait de la contrefaçon. Par ailleurs, le licencié exclusif, la société IDEXX LABORATORIES a également subi un préjudice, du fait du manque à gagner Hé aux redevances qu’elle aurait touchées si elle avait autorisé la commercialisation des produits contrefaisants, peu important qu’elle n’exploite pas actuellement les produits contrefaisants en France. Contrairement à ce que soutient la société LCI, les autres sociétés IDEXX sollicitent bien l’indemnisation de leur préjudice au titre de la concurrence déloyale, puisqu’elles visent l’article 1382 du code civil. La société française IDEXX, qui commercialise sur le territoire français, des kits de détection mettant en œuvre le brevet est recevable à solliciter l’indemnisation de son préjudice. S’agissant de la société IDEXX EUROPE BV, qui livre aux clients français ces kits, mais qui les fournit à la société IDEXX SARL, elle subit un manque à gagner direct et indirect du fait de la vente aux clients français des kits contrefaisants.

Quant à la société IDEXX SWITZERLAND qui les fabrique, elle ne vend pas les produits en France et ne peut donc justifier de l’existence d’un préjudice sur le territoire français. Elle sera donc déboutée de ses demandes. Il n’est pas nécessaire de recourir à une expertise en vue de l’évaluation du préjudice. Le tribunal relève que la société LSI reconnaît avoir réalisé un chiffre d’affaires de 179.143 euros pour les kits PCR litigieux pour les années 2007 à 2011 mais que les chiffres qu’elle produit ne sont pas certifiés par un expert comptable et ne sont pas complets puisqu’ils ne portent pas sur l’année 2006 et ne courent pas jusqu’à la fin de la commercialisation des produits. Le tribunal rappelle que l’indemnisation doit couvrir les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par les parties lésées, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l’atteinte.

Le tribunal relève que les kits commercialisés par la société IDEXX sont des kits ELISA et non des kits PCR, si bien que le manque à gagner au titre de ces tests, ne peut, sans autre explication, être imputé aux actes de contrefaçon de la société LSI du fait de tests PCR. En conséquence, le préjudice sera évalué à titre de provision à la somme de 80.000 euros. Par ailleurs, il sera fait droit à la demande au titre du droit d’information afin de permettre aux défenderesses de disposer de l’ensemble des éléments pour évaluer leur préjudice et aux mesures d’interdiction, de rappel et de destruction dans les termes du dispositif. Les circonstances de l’espèce ne justifient pas de prononcer des mesures de publication.

Sur l’abus de position dominante La société LCI fait valoir que IDEXX est en position dominante, détenant environ 80 % des parts de marché de la technologie et du produit en cause sur le marché de la vente de kits de diagnostic destinés à détecter l’agent provocateur du SRRP, du fait d’avoir acquis une licence exclusive du brevet, ce qui serait susceptible d’empêcher le développement d’un produit nouveau sur le marché, sans justification objective, et qu’elle se réserve la faculté de saisir les autorités et/ou juridictions compétentes pour voir sanctionner de telles pratiques anticoncurrentielles. Les sociétés BOEHRINGER et IDEXX répliquent que les clauses de contrats de licence qui permettent une exploitation normale du droit concédé sont valables au regard du droit de la concurrence et que la société IDEXX ayant participé au développement des tests de diagnostic de l’agent de Lelystad depuis 1992, l’exclusivité constitue une contrepartie légitime de ses efforts de recherche et d’expérimentation et des risques liés à la commercialisation de ces kits de diagnostic, d’autant que d’autres produits sont proposés sur le marché pour détecter le virus en cause. Le tribunal relève que la société LCI ne tire aucune conséquence juridique de ses allégations dans le cadre de la présente procédure, d’autant que la protection conférée par un brevet a pour but précisément de donner une position de monopole à une partie sur un territoire donné pendant un temps donné, si bien qu’il n’y a lieu de statuer sur l’abus de position dominante invoqué.

Sur les autres demandes Les sociétés demanderesses succombant dans leurs demandes à l’encontre de la société HIPRA, elles seront tenues de l’indemniser des frais qu’elle a dû engager dans le cadre de la présente procédure pour faire valoir leur défense. La société HIPRA ne justifiant pas, par la production des factures d’honoraires, de ses frais irrépétibles, ceux-ci seront indemnisés à hauteur de 30.000 euros.

Partie perdante, la société LSI sera condamnée aux dépens et à payer aux demanderesses, qui ne justifient pas plus de leurs frais irrépétibles la somme de 60.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’exécution provisoire, compatible avec la nature de la présente décision et nécessaire, sera ordonnée, sauf en ce qui concerne les mesures de destruction.

PAR CES MOTIFS, Le tribunal, statuant publiquement par remise au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
- Constate l’intervention volontaire des sociétés IDEXX SWITZERLAND, IDEXX SARL et IDEXX EUROPE BV,
- Se déclare compétent pour statuer sur les demandes tendant à prononcer la nullité des opérations de saisie-contrefaçon,
- Rejette les demandes tendant à prononcer la nullité des opérations de saisie- contrefaçon des 4 et 16 juin 2009 et à écarter des débats tous les moyens de preuve issus des opérations de saisie-contrefaçon,
- Dit n’y avoir lieu de statuer sur les demandes de nullité pour insuffisance de description,
- Dit que les kits de diagnostic référencés LSIVET SUIS PRRS E/S (EU), LSIVET PRRS CONFIRMATION (EU) ne constituent pas des contrefaçons des revendications n°3, 5 et 6 de la partie française b revet européen n°0 587 780 dont la société Boehringer Ingelheim Vetmedica est titulaire,

En conséquence,
- Déboute les sociétés Boehringer Ingelheim Vetmedica, IDEXX Laboratories, IDEXX Switzerland, IDEXX Europe BV et IDEXX de l’ensemble de leurs demandes de ce chef à rencontre de la société de la société LABORATORIOS HIPRA et de la société LSI,
- Dit que les kits de diagnostic Kit TaqVet Triplex PPRSVGenotyping EU/US fabriqués et commercialisés par la société LSI constituent des contrefaçons de la revendication n°6 de la partie française du brevet européen n°0 587 780 dont la société Boehringer Ingelheim Vetmedica est titulaire, En conséquence,
- Interdit à la société LSI de fabriquer, offrir à la vente, vendre, et détenir en France les kits de diagnostic Kit TaqVet Triplex PPRSV Genotyping EU/US LSI, sous astreinte de 100 euros par infraction,à savoir par produit, ladite astreinte courant passé un délai d’un mois à compter de la signification du jugement, et ce pendant un délai de 3 mois,

— Ordonne, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement, la production par la société LSI : * des noms et adresses des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs de ces produits, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants ; * des quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que le prix obtenu pour ces produits, du 3 juillet 2006 à l’arrêt de la contrefaçon ;

- Condamne la société LSI à paver aux sociétés Boehringer Ingelheim Vetmedica, IDEXX Laboratories, IDEXX Europe BV et IDEXX Sari à titre de provision la somme de 80.000 euros
- Déboute la société IDEXX Switzerland de ses demandes d’indemnisation et au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- Rejette la demande d’expertise,
- Dit qu’à défaut d’accord entre les parties sur le montant du préjudice du 3 juillet 2006 à l’arrêt de la contrefaçon, au vu des documents fournis, elles saisiront à nouveau le tribunal,
- Ordonne que les kits de diagnostic Kit TaqVet Triplex PPRSV Genotyping EU/US se trouvant en possession de la société LSI soient remis aux sociétés Boehringer Ingelheim Vetmedica, IDEXX Laboratories, IDEXX Europe BV et IDEXX Sari, en vue de leur destruction et que ceux qui ne se trouvent pas en leur possession soient rappelés des circuits commerciaux pour être écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit des sociétés Boehringer Ingelheim Vetmedica, IDEXX Laboratories, IDEXX Europe BV et IDEXX Sari, le tout sous contrôle de tous huissiers du choix des sociétés Boehringer Ingelheim Vetmedica et IDEXX Laboratories et aux frais de la société LSI, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ladite astreinte courant pendant une durée de trois mois, une fois le jugement devenu définitif ;

- Se réserve la liquidation de l’astreinte,
- Rejette la demande de publication,
- Constate que la société LCI ne formule aucune demande du chef de l’abus de position dominante,
- Condamne la société LSI aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement par Maître Denis SCHERTENLEIB en ce qui concerne la société LABORATORIOS HIPRA et Maîtres V et AGE, en ce qui concerne les demanderesses, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile,
- Condamne in solidum les sociétés Boehringer Ingelheim Vetmedica GmbH, IDEXX laboratories Inc., IDEXX Switzerland AG, IDEXX SARL et IDEXX Europe BV à payer à société LABORATORIOS HIPRA la somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamne la société LSI à payer aux sociétés Boehringer Ingelheim Vetmedica GmbH, IDEXX laboratories Inc., IDEXX SARL et IDEXX Europe BV la somme de 60.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
- Ordonne l’exécution provisoire.de la présente décision, sauf en ce qui concerne les mesures de destruction.

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Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 16 décembre 2011, n° 09/16586