Tribunal de grande instance de Paris, Référés, 28 novembre 2011, n° 11/59368

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, réf., 28 nov. 2011, n° 11/59368
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 11/59368

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

N° RG :

11/59368

BF/N° :1

Assignation du :

18 Novembre 2011

(footnote: 1)

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

rendue le 28 novembre 2011

par Marie-Y HERVE, Vice-Présidente au Tribunal de Grande Instance de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Thomas BLONDET, Greffier.

DEMANDERESSE

S.A.R.L. de droit luxembourgeois GOUSSON CONSULTADORIA E MARKETING

[…]

[…]

représentée par Me Jean-Mathieu BERTHO, avocat au barreau de PARIS – #B0260

DEFENDERESSE

S.A.S. Y Z

[…]

[…]

représentée par Monsieur Z, Commissaire-Priseur, gérant, assisté de Me Hugues DE LACOSTE LAREYMONDIE, avocat au barreau de BORDEAUX -15, […]

DÉBATS

A l’audience du 24 Novembre 2011, tenue publiquement, présidée par Marie-Y HERVE, Vice-Présidente, assistée de Thomas BLONDET, Greffier,

EXPOSE DU LITIGE :

Le 30 novembre 2011, la société Y Z doit réaliser la vente aux enchères d’un ensemble de prototypes de chaussures créés par le bottier A X, à la demande de son fils, C D X. Ces prototypes, chaussures et autres objets se rattachant à leurs création, étaient jusqu’à alors, en dépôt au Musée international de la chaussure à Romans sur Isère.

Le 18 novembre 2011, la société de droit luxembourgeois Gousson consultadoria e marketing a fait assigner d’heure à heure la société Y Z devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris afin d’obtenir en application de l’article L716-6 du Code de la propriété intellectuelle l’interdiction sous astreinte de la vente de l’ensemble des prototypes et chaussures sur lesquels les signes A X et MONSIEUR X sont apposés. Elle sollicite, en outre, l’exécution sur minute de la décision ainsi que l’allocation d’une indemnité de 6 000 €, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société Gousson consultadoria e marketing expose qu’elle est titulaire des marques communautaires :

— A X n° 006349138 déposée le 10 octobre 2007 et enregistrée le 17 octobre 2008 pour désigner notamment des chaussures et bottes en classe 25,

— X n° 009448108 déposée le 24 novembre 2010 et enregistrée le 26 avril 2011, pour désigner notamment les chaussures en classe 25.

Elle ajoute que les chaussures de la marque sont commercialisées en France par la société A X, dans sa boutique, située […] à Paris.

Elle fait valoir que les objet proposés à la vente sont revêtus des signes A X ou MONSIEUR X, reproduisant ou, à tout le moins, imitant ses marques et que par lettre de mise en demeure adressée à C D-X le 2 novembre 2011, elle a fait savoir que la vente prévue le 30 novembre qu’elle n’avait pas autorisée constituait un acte de contrefaçon de ses marques et qu’elle entendait s’y opposer afin que les objets en cause puissent retourner au musée de la chaussure.

Elle invoque l’article 9 du règlement CE 207/2009 du 26 février 2009 ainsi que l’identité des produits et l’identité ou la proximité des signes conduisant l’acheteur à considérer que les chaussures offertes à la vente le sont, avec le consentement du titulaire de la marque.

A l’audience du 24 novembre 2011, la demanderesse précise qu’elle n’a pas mis dans la cause le vendeur C D X en raison d’une résidence au Maroc rendant impossible son assignation dans le cadre d’un référé d’heure à heure. Elle déclare ensuite qu’elle a intérêt à agir alors qu’elle est titulaire de l’ensemble des marques françaises A X qui lui ont été cédées par C D X en 2000. Elle ajoute que des prototypes sont les 1er exemplaires de la chaussure et qu’ils constituent bien des chaussures telles que désignées dans les enregistrements de ses marques.

Elle conteste que les produits puissent être qualifiés d’authentiques dès lors qu’ils sont commercialisés sans son accord. Elle maintient en revanche qu’il est fait des dénominations litigieuses un usage à titre de marque. Elle déclare enfin qu’elle ne fait pas rétroagir ses droits dès lors qu’elle s’oppose à la 1re mise sur le marché des produits revêtus de sa marque et elle conteste tout épuisement des droits en l’absence d’une 1re commercialisation effectuée avec son consentement. Elle soutient, à ce propos, que la donation réalisée par A X au profit de son fils puis le dépôt des prototypes au musée de Romans ne constituent pas des mises dans le commerce.

Ainsi la société Gousson consultadoria e marketing maintient sa demande d’interdiction et s’oppose à la demande de garantie formée par la société Y Z en relevant le caractère excessif de la somme réclamée. Elle porte sa demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile à la somme de 10 000 €.

La société Y Z relève tout d’abord que la vente était annoncée depuis plusieurs mois et que la société Gousson consultadoria e marketing a volontairement évité le débat avec le vendeur C D X, en n’assignant que son mandataire.

Elle fait ensuite valoir que la société Gousson consultadoria e marketing n’exploite pas la marque et qu’elle ne verse aux débats aucun contrat de licence qui, en toutes hypothèses, lui serait inopposable faute d’être inscrit sur le registre des marques. Elle en conclut que la société Gousson consultadoria e marketing est dépourvue d’intérêt à agir et qu’elle ne peut valablement se prévaloir d’une atteinte imminente à ses droits d’une gravité suffisante pour justifier la mesure d’interdiction sollicitée.

La société Y Z ajoute que l’authenticité des chaussures en ce qu’elles ont été créées par A X ne fait l’objet d’aucune contestation et qu’en outre les objets en cause sont des prototypes qui ne sont pas destinés à être portés mais des objets d’art et de collection. Elle conclut qu’il ne peut y avoir contrefaçon dès lors qu’il n’est pas porté atteinte à la fonction essentielle de la marque qui est de garantir au consommateur l’origine du produit. Elle précise que l’authenticité d’un produit n’est pas subordonnée à sa mise dans le commerce et que des prototypes ne sont pas des produits vendus sous la marque, comme le prétend la demanderesse. Elle ajoute que le signe n’est pas utilisé à titre de marque mais pour informer l’éventuel acquéreur de ce que le produit a été réalisé par A X et que la vente est celle de la “collection personnelle de A X”.

Enfin la société Y Z relève que les signes litigieux ont été apposés bien avant le dépôt des deux marques communautaires invoquées par la société Gousson consultadoria e marketing et que la marque communautaire qui n’est opposable qu’à compter de sa publication selon l’article 9-3 du règlement CE 207/2009, ne peut produire d’effet rétroactif.

Subsidiairement, la société Y Z invoque la règle de l’épuisement des droits faisant valoir que la marque française A X a été apposée de façon licite par le créateur et que celui-ci a mis les produits en circulation par la donation qu’il en a faite à son fils puis par leur exposition dans un musée. Enfin, elle conteste tout risque de confusion, les prototypes ne pouvant être assimilés aux chaussures.

La société Y Z conclut que la société Gousson consultadoria e marketing détourne le droit des marques alors qu’elle n’entend pas prévenir une atteinte à ses droits mais faire revenir les objets en cause au musée de Romans sur Isère, en violation du droit de propriété de C D-X.

Enfin, à titre subsidiaire, elle réclame la constitution d’une garantie destinée à assurer l’indemnisation du préjudice que lui causerait l’interdiction d’effectuer la vente. Elle sollicite en outre une indemnité de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il convient tout d’abord de relever que le vendeur des objets en cause n’est pas partie à la présente instance alors même qu’il ressort des articles de journaux produits que sa volonté de les vendre aux enchères a été rendue publique dès le mois de mai 2011.

Néanmoins l’article L716-6 du Code de la propriété intellectuelle dispose expressément que les mesures urgentes qu’il prévoit, peuvent être demandées à l’encontre des intermédiaires dont le prétendu contrefacteur utilise les services. Aussi il y a lieu d’examiner les demandes formées à l’encontre de la société Z.

Selon l’article 9 du règlement CE 207/2009 du 26 février 2009, le titulaire de la marque est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement de faire usage dans la vie des affaires :

a/ d’un signe identique à la marque communautaire pour des produits ou services identiques à ceux pour lesquels elle est enregistrée,

b/ d’un signe pour lequel en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque communautaire et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou services couverts par la marque et le signe, il existe un risque de confusion.

La société est titulaire des marques communautaires A X et X enregistrées l’une et l’autre pour des chaussures. Elle est donc recevable à agir sur le fondement de la contrefaçon de ses marques même si elle n’en assure pas l’exploitation directe.

Le catalogue de la vente aux enchères du 30 novembre 2011 ainsi que les autres pièces versées aux débats font apparaître que les objets proposés à la vente portent le signe A X Paris ou MONSIEUR X .

Il n’est pas contesté qu’il existe entre les deux marques communautaires et les signes reproduits sur les objets en cause, une proximité telle qu’elle est susceptible de créer un risque de confusion.

En revanche, les objets proposés à la vente sont essentiellement des prototypes ne comportant qu’un seul pied. Or, les prototypes ne sont jamais destinés à être mis sur le marché et en l’espèce, ils ne sont pas vendus aux enchères publiques en tant que chaussures mais en tant qu’oeuvres d’art, provenant d’un musée de telle sorte qu’ils ne constituent pas des produits identiques ou similaires à ceux énumérés par les marques communautaires de la société Gousson consultadoria e marketing .

Par ailleurs, il est constant que le signe A X PARIS a été apposé sur les prototypes avant 1998 date du décès de A X alors que la publication des deux marques communautaires invoquées à l’appui de la demande d’interdiction est très postérieure. Or une marque n’est opposable à un tiers qu’à compter de la publication de son enregistrement et celle-ci ne peut s’opposer à la circulation des produits qui ont été licitement marqués lors de leur création.

Enfin, il n’est pas contesté que ces prototypes sont des créations de A X de telle sorte que le nom qui figure dessus n’est pas susceptible de tromper l’éventuel acheteur sur son origine et la demanderesse ne peut donc invoquer aucune atteinte à la fonction essentielle de la marque qui est la garantie de provenance.

Il ressort de ces éléments que la contrefaçon alléguée sur le fondement de l’article 9 du règlement CE du 26 février 2009 ne présente pas une vraisemblance suffisante pour justifier la mise en oeuvre d’une mesure d’interdiction.

A titre subsidiaire, la société Gousson consultadoria e marketing invoque la règle de l’article 13 du même règlement qui a contrario lui permet de s’opposer à l’usage de sa marque pour des produits mis dans le commerce dans la Communauté, sans son consentement.

Mais ainsi qu’il a déjà été indiqué, les prototypes à raison de leur nature, de leur destination et de leurs propres marchés et circuits de commercialisation ne peuvent être considérés comme des chaussures mais comme des oeuvres d’art, non protégées par les marques en cause.

De la même façon, il sera relevé que le signe A X Paris a été licitement apposé sur les créations de ce dernier et que le dépôt ultérieur d’une marque communautaire visant des chaussures, ne peut s’opposer à leur libre circulation sur le marché de l’art.

Ainsi les droits de la société Gousson consultadoria e marketing à s’opposer à la vente aux enchères des produits en cause n’apparaissent pas établis avec suffisamment de vraisemblance pour qu’il puisse être fait droit à la mesure d’interdiction qu’elle sollicite.

Il sera alloué à la société Y Z la somme de 5 000 €, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

Vu l’article L716-6 du Code de la propriété intellectuelle,

Disons n’y avoir lieu à interdiction de la vente aux enchères publiques de la collection personnelle de A X, le 30 novembre 2011 par la société Y Z,

Condamnons la société Gousson consultadoria e marketing à payer à la société Y Z la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamnons la société Gousson consultadoria e marketing aux dépens.

FAIT A PARIS LE 28 NOVEMBRE 2011

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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