Tribunal de grande instance de Paris, 1re chambre responsabilité des professionnels du droit, 20 février 2013, n° 12/01707

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 1re ch. responsabilité des professionnels du droit, 20 févr. 2013, n° 12/01707
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 12/01707

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

1/1/2 resp profess du drt

N° RG :

12/01707

N° MINUTE :

Assignation du :

16 janvier 2012

PAIEMENT

N G

(footnote: 1)

JUGEMENT

rendu le 20 février 2013

DEMANDERESSE

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE LOIRE

[…]

[…]

représentée par Me Maryse CASSAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1495

DÉFENDEURS

S.C.P. Y X ET ASSOCIES

[…]

[…]

Maître Z X

[…]

[…]

représentés par Me Bruno CHAIN de l’Association CHAIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0462

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Savinien GRIGNON DUMOULIN, 1er Vice-Président Adjoint

Président de la formation

Madame Marie-Anne BAULON, Vice-Présidente

Madame Nadine GRAND, Vice-Présidente

Assesseurs

assistés de Caroline GAUTIER, Greffière, lors des débats

DÉBATS

A l’audience du 9 janvier 2013

tenue en audience publique

JUGEMENT

— Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— Signé par M. Savinien GRIGNON DUMOULIN, Président et par Mme Caroline GAUTIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

— Contradictoire.

— En premier ressort.

EXPOSE DU LITIGE

Vu les dernières conclusions de la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel Centre Loire notifiées par voie électronique le 31 juillet 2012 ;

Vu les dernières conclusions de la SCP Y, X et associés et de Maître Z X notifiées par voie électronique le 6 septembre 2012 ;

Le 25 novembre 2003, la SARL Au Pantagruel a consenti à la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel Centre Loire (le Crédit Agricole) un nantissement sur son fonds de commerce de café-bar-restaurant dénommé “La Petite Tour” en garantie du prêt de 94.000 euros octroyé par l’organisme bancaire. Le montant total de ce prêt était affecté à hauteur de 61.000 euros à la transformation des locaux et à hauteur de 33.000 euros en complément de fonds de roulement.

Le nantissement a été régulièrement inscrit sur le fonds de la SARL Au Pantagruel le 2 décembre 2003 pour une somme globale de 112.800 euros en principal, frais et accessoires.

Par acte sous seing privé du 28 juin 2007 la SARL Au Pantagruel a cédé son fonds de commerce à la société JPG pour une somme de 306.000 euros sans en informer le Crédit Agricole.

L’acte de cession du fonds de commerce faisait état de l’inscription de nantissement au profit du Crédit Agricole, le vendeur déclarant que le prix de vente suffirait à desintérresser le créancier et s’engageait à faire procéder dans les six mois à la radiation du nantissement.

L’acte de cession prévoyait également une convention de séquestre à hauteur de la somme de 230.000 euros entre les mains de la SCP Y-X, à charge pour le séquestre de déposer les fonds à la CARPA et de ne remettre au vendeur la somme séquestrée que sur justification de la radiation des inscriptions pouvant grever le fonds.

La SARL Au Pantagruel a été radiée du registre du commerce le 10 juin 2008 et a cessé de régler les échéances de prêt le même mois.

Dès lors, le Crédit Agricole lui adressait le 17 août 2009 une lettre recommandée avec avis de réception constatant la déchéance du terme, lettre retournée avec la mention postale « NPAI », et finissait par avoir connaissance de l’acte de cession du fonds de commerce de la SARL Au Pantagruel au bénéfice de la société JEG, en prenant connaissance de la convention de séquestre à la charge de Maître Z X de la SCP Y-X.

La banque adressait les 17 mars 2011 et 22 juillet 2011 des couriers recommandés avec accusé de réception à la SCP Y-X pour lui réclamer le paiement de la somme de 49.064,35 euros au titre du solde de sa créance pour trois prêts.

Le séquestre indiquait s’être libéré des fonds.

C’est dans ces conditions que, le 16 janvier 2012, le Crédit Agricole a assigné la SCP Y, X et associés et Maître Z X pour faire constater qu’ils avaient commis une faute délictuelle en se libérant des fonds séquestrés sans que le vendeur ne lui ait justifié de la radiation de la radiation de leur nantissement, de les voir condamner solidairement au paiement de la somme de 49.064,35 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier majorée des intérêts légaux avec anatoscisme et 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et ce avec le bénéfice de l’exécution provisoire.

DISCUSSION – MOTIFS :

Sur la responsabilité de la SCP Y – X et associés et Maître Z X en qualité de séquestre :

— Le Crédit Agricole soutient que le séquestre qui se libère prématurément du prix de vente d’un fonds de commerce entre les mains du vendeur, en s’abstenant d’appeler à la répartition du prix le créancier titulaire d’un nantissement inscrit sur ledit fonds, commet une faute engageant sa responsabilité délictuelle.

Il fait valoir qu’en libérant les fonds provenant de la vente du fonds de commerce dont il était séquestre, sans l’informer ni l’appeler lors de la répartition du prix, l’avocat a commis une faute.

— La SCP Y – X et Maître Z X indiquent que le Crédit Agricole ne peut se prévaloir d’une quelconque créance dès lors qu’elle n’a engagé aucune poursuite à l’encontre du liquidateur de la SARL Au Pantagruel permettant de constater l’existence de sa créance. Ils ajoutent qu’elle a toujours la possiblité de réaliser son nantisement entre les mains de l’acquéreur dont il n’est pas établi qu’il ne se soit pas engagé envers le vendeur au remboursement du prêt du Crédit Agricole.

Sur ce :

Le fait de savoir si un recours serait encore possible à l’encontre du liquidateur de la société Au Pantagruel ou si un accord est intervenu entre le vendeur et l’acquéreur du fonds, ne peut mettre à néant la recherche de la responsabilité de la SCP Y – X et Maître Z X en qualité de séquestre, qualité qui n’est contestée par aucune des parties.

Dans l’acte de cession du 20 juillet 2007, la SARL Au Pantagruel s’était engagée à faire son affaire personnelle de la levée du nantissement du Crédit Agricole, et, de son côté, le séquestre avait l’obligation de remettre au vendeur le montant séquestré sur justification de la radiation des inscriptions pouvant grever le fonds.

Le tribunal ne peut que constater que la SCP Y – X et Maître Z X se sont libérés des fonds qu’ils détenaient en leur qualité de séquestre sans qu’il leur soit justifié de la radiation de l’inscription de nantissement prise en garantie de la créance du Crédit Agricole alors que l’acte de cession faisait expressément référence à ce nantissement.

La SCP Y – X et Maître Z X ont donc commis une faute au sens de l’article 1382 du code civil en se libérant des fonds qu’ils détenaient en leur qualité de séquestre sans justification de la purge du nantissement du Crédit Agricole.

Sur la créance du Crédit Agricole :

Dans le contrat de prêt liant la SARL Au Pantagruel au Crédit Agricole, était insérée une clause de déchéance du terme intervenant de plein droit lorsque le bien donné en garantie au titre du nantissement se trouvait aliéné.

Faute d’avoir été prévenue de la cession du fonds de commerce, la banque n’a pu faire valoir la déchéance de son contrat d’autant qu’elle continuait à recevoir jusqu’en juin 2008, soit près d’un an après la cession, le règlement des échéances afférentes au prêt qu’elle avait consenti.

Dans ses conclusions la SCP Y – X et Maître Z X exposent avoir procédé aux règlements des oppositions, sans justifier des sommes réglées à ce titre, et font valoir qu’aucune opposition n’a été faite par le Crédit Agricole Mutuel Centre Loire.

Ils contestent le principe ou un titre de créance de la demanderesse faute d’avoir engagé des poursuites à l’encontre du liquidateur de la société Au Pantagruel ajoutant qu’elle n’a d’ailleurs pas perdu cette garantie et reste en outre titulaire d’un droit de suite et peut réaliser son nantissement entre les mains de l’acquéreur.

Ils observent enfin que le courrier du 17 août 2009 prononçant la déchéance du terme des prêts fait état de trois prêts et d’un solde débiteur et constatent que le troisième prêt de 39.835 € a été consenti par le Crédit Agricole à la SARL Au Pantagruel le 11 octobre 2004 mais que ce prêt ne bénéficiait pas d’un nantissement.

Dans ces conditions, ils contestent que ce troisième prêt, et le solde débiteur du compte bancaire, puissent bénéficier de la garantie du nantissement pris uniquement pour le règlement du prêt à hauteur de 94.000 euros en principal et font valoir que, si une condamnation était prononcée, elle ne pourrait porter que sur la perte de chance de ne pouvoir obtenir un règlement à hauteur des sommes restant dues en principal au titre des deux premiers prêts qui ont seuls fait l’objet d’un nantissement, soit un total de 20.768,86 euros en principal (8.284,39 € + 12.484,47 €) minoré des dommages intérêts compte tenu du manquement de la banque à son devoir de conseil.

Sur ce,

Il n’est pas contesté que le contrat de prêt en date du 25 novembre 2003 portait sur un montant global de 94.000 euros et qu’il a bien fait l’objet d’un nantissement sur le fonds de commerce de la SARL Au Pantagruel régulièrement enregistré le 2 décembre 2003.

L’acte de nantissement, qui reprenait les principales caractéristiques du prêt, à savoir un premier montant de 61.000 euros dont la réalisation intervenait le 20 novembre 2003 et un autre de 33.000 euros dont la réalisation intervenait le 31 octobre de la même année, le tout au taux fixe proportionnel de 4% révisable tous les trois ans (MOTEC 3).

Le prêt spécifiait que sur la somme de 94.000 euros, 61.000 euros étaient destinés à la transformation du bâtiment professionnel et 33.000 euros avait pour objet un complément de fonds de roulement.

Sur ce contrat, le Crédit Agricole est donc fondé à engager la responsabilité du séquestre lequel s’est dessaisi des fonds sans s’être préalablement assuré de la levée du nantissement visé ci-dessus, vérification qui lui incombait contractuellement.

Le décompte de créance produit par le Crédit Agricole porte sur un principal et intérêts de 10.516,28 euros pour la partie du prêt portant sur 61.000 euros et de 15.849,12 euros pour la partie du prêt portant sur 33.000 euros. Son préjudice, directement lié à la faute commise par le séquestre, est donc de 26.365,40 euros représentant le capital restant dû et les intérêts qui ont couru selon décompte arreté au 25 juillet 2011.

Sur le prêt dont fait état le Crédit Agricole réalisé pour un montant de 39.835 euros le tribunal observe qu’il a fait l’objet d’un contrat distinct en date du 11 octobre 2004 destiné également à la transformation des locaux professionnels, adossé sur un taux différent du précédent prêt et révisable tous les cinq ans (MOTEC 5) et qu’il porte une référence également différente du précédent contrat.

Le Crédit Agricole affirme que le prêt portant sur 61.000 euros a été débloqué en deux tranches, l’une de 21.665 euros et l’autre de 39.835 euros, et ce sur présentation des factures de l’entreprise BTP ayant réalisé les travaux de transformation du fonds.

Cependant, il n’apporte pas la preuve du versement de cette somme en deux tranches et, de surcroît, le décompte de sa créance distingue bien trois tranches de mise à disposition des fonds, les deux premières se rapportant au contrat de prêt portant sur 94.000 euros et la troisième sur le contrat de prêt portant sur 39.835 euros.

De même, sur le relevé de compte qu’elle produit, si l’on peut constater un versement de 21.165 euros le 20 novembre 2003, la référence du contrat de prêt est 70025875431 et ne correspond pas à la référence du contrat de prêt à hauteur de 94.000 euros, qui porte le numéro 70025875478, ni à celle du contrat de prêt portant sur 39.835 euros dont le numéro est 70030196247.

Le contrat se rapportant à ce prêt de 39.835 euros n’ayant pas fait l’objet d’un nantissement sur le fonds de commerce de la SARL Au Pantagruel, le séquestre, qui ne pouvait en avoir connaissance, ne peut voir sa responsabilité engagée sur son montant, d’autant qu’il n’avait pas à sa charge de prévenir les créanciers de l’aliénation du fonds de commerce.

Dès lors, la demande de condamnation portant sur la somme de 22.698,95 euros sera rejetée.

Sur la demande d’anatoscisme :

Le Crédit Agricole demande que la somme, qui lui est versée à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier résultant de la responsabilité délictuelle de la SCP Y – X et Maître Z X, soit majorée des intérêts légaux avec anatoscisme.

Sa demande relève donc de l’article 1154 du code civil qui stipule que : « les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière ». Il convient d’y faire droit dans les termes cités et de faire partir le cours des intérêts à compter de la date de l’assignation, en application de l’article 1153-1 du code civil.

Sur le reproche d’un manque à son devoir de mise en garde de la banque :

La SCP Y – X et Maître Z X ne justifient par aucune pièce que le Crédit Agricole aurait manqué à son devoir de conseil et les pièces versées aux débats montrent au contraire que la valeur du fonds de commerce de la SARL Au Pantagruel au moment de sa vente était supérieure au solde de sa créance contractée auprès de la banque et que sa trésorerie lui a permis de continuer le règlement des échéances de son crédit un an après la cession de son fonds de commerce.

Le moyen n’est pas fondé.

Sur les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile :

Il y a lieu de condamner la SCP Y – X et Maître Z X à payer une somme de 3.000 euros à la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel Centre Loire au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire :

Il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS, le tribunal,

— Déclare la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel Centre Loire recevable ;

— Dit que la SCP Y – X et Maître Z X ont commis une faute en leur qualité de séquestre ;

— Condamne la SCP Y – X et Maître Z X à payer à la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel Centre Loire la somme de 26.365,40 euros (vingt-six mille trois cent soixante cinq euros quarante centimes) produisant intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation, le 16 janvier 2012 ;

— Dit que les intérêts dus pour une année entière seront capitalisés dans les conditions de l’article 1154 du code civil ;

— Déboute les parties du surplus de leur demande ;

— Condamne la SCP Y – X et Maître Z X aux dépens ;

— Condamne la SCP Y – X et Maître Z X à payer la somme de 3.000 euros (trois mille euros) à la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel Centre Loire au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision.

Fait et jugé à Paris le 20 février 2013

Le Greffier Le Président

C. GAUTIER S. GRIGNON DUMOULIN

FOOTNOTES

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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
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