Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 2e section, 15 février 2013, n° 11/02239

  • Circuits de distribution identiques ou similaires·
  • Volonté de profiter des investissements d'autrui·
  • Volonté de s'inscrire dans le sillage d'autrui·
  • Imitation de la présentation des produits·
  • Protection au titre du droit d'auteur·
  • Titularité des droits sur le modèle·
  • Veste avec doublure en fourrure·
  • Combinaison d'éléments connus·
  • Imitation de la dénomination·
  • Absence de droit privatif

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 2e sect., 15 févr. 2013, n° 11/02239
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 11/02239
Décision(s) liée(s) :
  • Cour d'appel de Paris, 16 mai 2013, 2013/04814
  • Cour d'appel de Paris, 6 décembre 2013, 2013/04168
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D20130093
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 15 Février 2013

3e chambre 2e section N°RG: 11/02239

DEMANDERESSE Société YVES SALOMON FOURREUR, représentée par M. Yves S, […] 75010 PARIS représentée par Me Sylvia SPALTER de l’Association BRULE MEILICHZON MEYER SPALTER, avocat au barreau de DE PARIS, vestiaire #K 174

DEFENDERESSE Société FASHION BEL AIR, représentée par son Directeur Général en exercice M. Eric S. […] 75002 PARIS représentée par Me Emmanuelle HOFFMAN, de la SELARL HOFFMAN avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0610

COMPOSITION DU TRIBUNAL Eric H, Vice-Président, signataire de la décision Arnaud D, Vice- Président Valérie D. Juge assistés de Jeanine ROSTAL, FF Greffier, signataire de la décision

DEBATS A l’audience du 07 Décembre 2012 tenue en audience publique

JUGEMENT Prononcé par remise de la décision au greffe Contradictoire en premier ressort

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES La société YVES SALOMON FOURREUR SAS ayant pour activité le commerce de la fourrure et de la pelleterie en gros, prétend avoir mis au point une veste d’inspiration militaire pour femme dénommée « ARMY FUR » entièrement doublée de lapin, initialement déclinée en deux versions selon le type de fourrure utilisée pour la doublure et la capuche, qu’elle commercialise depuis 2006 dans ses propres points de vente ainsi qu’à travers un réseau de boutiques de mode haut de gamme et notamment à PARIS dans les magasins PRINTEMPS HAUSMANN et aux GALERIES LAFAYETTE.

Elle ajoute avoir proposé à la vente depuis 2010 une troisième déclinaison référencée AF 10885COCOY présentant « une doublure de lapin éjarré pleine peau et une bordure de capuche en coyote ». Ayant découvert fin décembre 2010 que la société FASHION BEL AIR SA ayant pour activité la création, la fabrication et la vente de vêtements de prêt à porter féminins , commercialisait sous le nom « ARMY », dans ses points de vente, sur son site Internet et dans un réseau de boutiques multimarques, notamment au PRINTEMPS HAUSMANN et aux GALERIES LAFAYETTE, une veste qui reprendrait selon elle les caractéristiques de la veste « ARMY FUR », la société YVES SALOMON FOURREUR a, après avoir été autorisée par ordonnance présidentielle du 18 janvier 2011, fait procéder le 20 janvier 2011 à des opérations de saisie-contrefaçon au siège social puis dans la boutique située […] 8e de la société FASHION BEL AIR, avant d’assigner cette dernière par acte d’huissier du 8 février 2011 devant le tribunal de grande instance de PARIS en contrefaçon de droits d’auteur et concurrence déloyale et parasitaire, pour obtenir outre la communication sous astreinte de documents comptables et financiers, des mesures d’interdiction, de rappels des stocks, de destruction et de publication, l’indemnisation de ses préjudices ainsi qu’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux dépens. Aux termes de dernières conclusions signifiées par voie électronique le 23 mai 2012, la société YVES SALOMON FOURREUR, après avoir réfuté les arguments présentés en défense, demande au tribunal de : – constater que la veste parka « ARMY FUR » AF10885COCOY, créée sous les références AF 78078VLHXX /zAF 78178VLHCY par elle, est une création originale,

— dire et juger que la fabrication et la commercialisation par la société FASHION BEL AIR de la veste parka « ARMY », reproduisant à l’identique celle créée en 2005 et commercialisée depuis 2006 par elle, constitue des actes de contrefaçon à son préjudice,
- constater que la société FASHION BEL AIR s’est refusée à remettre à l’huissier commis les documents comptables, financiers et douaniers justifiant de la date de 1 ère commercialisation et du nombre de produits commercialisés de la veste contrefaisante,
- en conséquence, ordonner à la société FASHION BEL AIR la communication des coordonnées du ou des fabricants, de la date de 1re commercialisation de la veste « ARMY », du nombre de vestes parka « ARMY » commandées (vendues ou non), fabriquées, livrées depuis la date de 1re commercialisation jusqu’à ce jour, sauf à parfaire, du nombre de vestes vendues dans les points de vente intégrés et sur son site Internet marchand et dans le réseau de distribution tiers (en France et à l’étranger) depuis la date de 1re commercialisation jusqu’à ce jour, sauf à parfaire, du chiffre d’affaires réalisé en FRANCE et à l’étranger sur la veste parka par la société FASHION BEL AIR, jusqu’à ce jour, sauf à parfaire, le tout certifié par la société d’expertise comptable FIDUCO, commissaire

aux comptes de la société FASHION BEL AIR, et ce, dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir, et sous astreinte de 500 € par jour de retard,
- dire et juger que la société FASHION BEL AIR a commis des actes de concurrence déloyale par moyens de confusion et concurrence parasitaire à son préjudice,
- condamner la société FASHION BEL AIR à lui verser la somme de 172.292 €, sauf à parfaire, en réparation de son préjudice commercial au titre de la perte de clientèle résultant de la concurrence déloyale et de la somme de 50.000 € pour dévalorisation de son produit,
- interdire à la société FASHION BEL AIR de fabriquer et de poursuivre les ventes de la veste parka qu’elle commercialise sous le nom « ARMY », sous astreinte de 1.000 € par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir,
- rappeler les stocks envoyés dans l’ensemble des points de vente et au siège de FASHION BEL AIR pour confiscation et destruction,
- condamner FASHION BEL AIR à procéder à la publication de la décision à intervenir, par extrait ou en entier, dans cinq journaux ou magazines dont « le journal du textile », au choix de FASHION BEL AIR et à ses frais sans que le coût de chaque publication n’excède 3.500 € hors taxe,
- condamner FASHION BEL AIR à lui payer la somme de 15.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
- ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel et sans caution,
- condamner la société FASHION BEL AIR aux entiers dépens, y compris les frais d’huissier commis au titre des opérations de saisie- contrefaçon. Aux termes de dernières conclusions signifiées par voie électronique le 4 juillet 2012, la société FASHION BEL AIR conteste la titularité des droits de la société YVES SALOMON FOURREUR sur la veste « ARMY FUR AF 108 », ajoute qu’elle ne serait pas éligible à la protection au titre du droit d’auteur en raison de son absence d’originalité et demande en conséquence de déclarer la société YVES SALOMON FOURREUR irrecevable à agir à ce titre. Elle conteste en outre tout acte de contrefaçon ou de concurrence déloyale pour conclure au rejet des demandes et à la condamnation reconventionnelle de la société demanderesse à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 juillet 2012.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la titularité des droits

La société YVES SALOMON FOURREUR revendique des droits d’auteur sur une veste parka d’inspiration militaire pour femme dénommée « ARMY FUR » référencée AF 108 85COCOY et présentant une doublure de lapin éjarré pleine peau et une bordure de capuche en coyote. Pour contester la titularité des droits, la société FASHION BEL AIR fait valoir outre que les pièces ne seraient pas probantes que la société YVES SALOMON FOURREUR revendiquerait en réalité des droits sur le dernier modèle de veste référencé AF 108. Or, selon la défenderesse, cette version qui constituerait un modèle différent des précédents, ne serait donc pas issue des collections 2005-2006 et n’aurait donc pas été commercialisée dès 2006 sous les références AF 78178VLHCY et AF 78078VLHXX comme le soutiendrait la demanderesse, pas plus qu’il ne serait établi que cette veste ait été divulguée en 2010. Elle prétend qu’il n’y aurait ni preuve de la création, ni a fortiori d’une date précise de celle-ci. Il convient de rappeler qu’en l’absence de revendication du ou des auteurs, l’exploitation d’une oeuvre par une personne morale sous son nom fait présumer, à l’égard des tiers recherchés pour contrefaçon, que cette personne est titulaire du droit de propriété incorporelle de l’auteur. Cette présomption simple suppose néanmoins que la personne morale qui entend s’en prévaloir identifie précisément l’oeuvre qu’elle revendique, justifie de la date à partir de laquelle elle a commencé à en assurer la commercialisation et précise les conditions de sa création. Il y a lieu en conséquence d’examiner si de tels éléments sont réunis en l’espèce. Pour établir ses droits, la société YVES SALOMON FOURREUR verse tout d’abord aux débats l’attestation de Madame Caroline F responsable de collection au sein de la société SALOMON qui indique avoir créé en 2006 avec le bureau de style et Monsieur Samy C styliste, une veste dont le principe était d’associer des vêtements militaires avec de la fourrure. Elle confirme que ce modèle a été décliné en trois versions selon la fourrure utilisée, l’une référencée AF 781 78VLHCY comportant une bordure de capuche en coyote, la seconde référencée AF 780 78VLHXX avec une bordure en lapin, chacune de ces déclinaisons ayant été divulguées courant 2006 ainsi qu’ une troisième version référencée AF 10885COCOY commercialisée en 2010 présentant une doublure en peau de lapin rasée et une bordure de capuche en coyote. La société YVES SALOMON FOURREUR produit également l’attestation de Monsieur LE BASQUE, son directeur de production depuis 1997 qui confirme point par point les déclarations de Madame F.

A chacune de ces attestations est jointe une fiche technique de la parka pour la saison Hiver 2006-2007 éditée le 27 janvier 2006. Sont également communiquées les photographies des patrons. La société YVES SALOMON FOURREUR verse encore aux débats:

- les états des ventes tant aux GALERIES LAFAYETTE du 20 décembre 2006 au 28 février 2012 qu’au PRINTEMPS HAUSMANN du 8 novembre 2006 au 28 février 2012, des différentes versions de la veste et notamment de la version référencée AF 781 78VLHCY.

- les factures de fabrication, de fourniture des peaux (lapin et coyote), de travail d’assemblage de 2006 à 2010 chacune comportant les références de la veste,
- plusieurs catalogues de vente dont le book de vente « ARMY FUR » Automne-hiver 2006-2007 et le catalogue YVES SALOMON « ARMY FUR »2010-2011 montrant la parka. Contrairement à ce que soutient la société FASHION BEL AIR sans véritablement le démontrer, les références successives du vêtement (A 780, A 781 et A 108) ne signifient pas qu’il y ait eu plusieurs créations mais correspondent en réalité à la même veste militaire doublée de fourrure, les différences successives s’expliquant non par des modifications substantielles qui auraient été apportées à la forme initiale du vêtement mais exclusivement par le choix du type de fourrure utilisée pour la doublure et la capuche (lapin, coyote ou vison) ou par la longueur variant de quelques centimètres (entre 78 cm et 85 cm). Dès lors, il importe peu que certaines des pièces justifiant de la titularité des droits de la société YVES SALOMON FOURREUR retenues ci-dessus comportent des références distinctes dès lors qu’elles correspondent toutes au même vêtement créé courant 2006 et divulgué dès la saison Automne-Hiver 2006-2007. La société YVES SALOMON FOURREUR peut en conséquence se prévaloir à l’égard du tiers recherché pour contrefaçon des droits d’exploitation sur ledit modèle, la titularité de ses droits d’auteur étant ainsi démontrée. Sur la protection au titre des droits d’auteur Les dispositions de l’article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle protègent par le droit d’auteur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination, pourvu qu’elles soient des créations originales.

Selon l’article L. 112-2, 14° du même Code, sont co nsidérées notamment comme œuvres de l’esprit les créations des industries saisonnières de l’habillement et de la parure. En l’espèce, la veste dénommés « ARMY FUR » se caractérise selon la demanderesse comme suit :

« - association d’une veste militaire (coton imperméabilisé) à la fourrure, - doublure en fourrure lapin (et non une simple bordure), amovible par un système de boutonnage intérieur, ce qui permet déporter la veste en hiver comme en demi-saison, - la doublure intérieure des manches est accrochée à la veste militaire par deux boutons intérieurs situés au poignet, - la doublure intérieure des manches en tissus matelassé, - rajout d’une capuche large, - capuche entièrement doublée en fourrure (et non d’une simple bordure), également amovible, - bordure de la capuche en fourrure différente (coyote, renard, vison, petit gris) de la doublure intérieure (lapin, et pour quelques produits destinés à l’export, également du vison) - 1 bouton sous le col de la capuche, - lien coulissant, sortie du tunnel à l’extérieur, autour de la capuche pour la resserrer, - lien coulissant au niveau de la taille pour cintrer la veste, avec sortie du tunnel à l’intérieur sous la doublure fourrure, - lien sous forme de cordon rond, style lacet, - boutonnage sous patte extérieure, doublé d’une fermeture éclair, - 2 poches à rabat en diagonale, avec passepoil, fermées par des boutons-pression au bas de la veste, - le modèle étant décliné en couleur kaki et noir, - doublure en fourrure selon gilet amovible, avec capuche cousue à même. " Pour contester l’originalité de la veste « ARMY FUR », la société FASHION BEL AIR fait valoir d’une part que la demanderesse se contenterait de décrire sa veste, d’autre part que le fait d’associer de la fourrure à un vêtement militaire ne saurait lui conférer une quelconque originalité dès lors qu’il ne s’agit que d’un genre de vêtement correspondant à la définition d’une pelisse et que d’autres créateurs de mode dès 2002 ont eu l’idée d’une telle association. Il résulte en effet de l’examen des pièces produites aux débats, et notamment du magazine ELLE des 6 janvier 2003 et 30 septembre 2002, mais également des extraits du magazine de mode « COLLECTIONS gap » automne-hiver 2003-2004, qu’une PARKA doublée de fourrure était commercialisée sous la marque A.P.C, que la marque DIESEL présentait pour sa collection Automne-Hiver 2003-2004 un modèle de PARKA alliant une veste imperméabilisée type militaire avec une doublure et capuche fourrée, que le designer Eric U divulguait pour la même saison une parka imperméabilisée doublée de fourrure et que le designer CHIYUKI proposait un modèle de parka combinant une veste militaire beige à de la fourrure.

Si la société YVES SALOMON FOURREUR relève à juste titre qu’aucun de ces modèles ne reproduit, dans une même combinaison, l’ensemble des caractéristique de la veste "ARMY

FUR« qu’elle oppose dans le cadre de la présente instance en contrefaçon et qu’aucun d’entre eux ne constitue donc une antériorité de toute pièce, il convient néanmoins de rappeler que la notion d’antériorité est indifférente en droit d’auteur, seule la preuve du caractère original étant exigée comme condition de l’octroi de la protection au titre du livre I du Code de la propriété intellectuelle. Il appartient dès lors à celui qui se prévaut de ces dispositions de justifier non pas de la nouveauté du modèle revendiqué, mais de ce que celui-ci présente une physionomie propre qui traduit un parti pris esthétique et reflète l’empreinte de la personnalité de son auteur. Or, la société YVES SALOMON FOURREUR qui tout en admettant que les éléments qui composent sa veste »ARMY FUR" relèvent du fond commun du « vêtement sportswear » dont l’objectif est d’être pratique et confortable et qui se contente d’affirmer par ailleurs que le vêtement constituerait une « combinaison originale » et traduirait un parti pris esthétique, ne décrit à aucun moment de ses écritures en quoi la veste « ARMY FUR », en dehors de l’alliance de la fourrure avec un vêtement de type militaire ce qui ne saurait suffire à conférer une quelconque originalité à ce dernier, en quoi la combinaison d’ éléments aussi communs qu’une doublure en lapin, une capuche large et doublée, un boutonnage sous patte extérieur doublé avec une fermeture éclair , deux poches à rabat en diagonale, avec passepoil, fermées par des boutons-pression au bas de la veste ou encore une doublure en fourrure selon gilet amovible, avec capuche cousue à même, serait originale et ne fait nullement la démonstration de ce que celle-ci porterait la marque de l’apport intellectuel de l’auteur et révélerait son effort créatif. Par conséquent, la veste « ARMY FUR », qui reprend des éléments connus – une veste type parka doublée de fourrure – dans une combinaison dont l’originalité n’est pas établie, ne saurait bénéficier de la protection instaurée par le livre I du Code de la propriété intellectuelle. Sur la contrefaçon La société YVES SALOMON FOURREUR ne pourra qu’être déboutée de ses demandes formées de ce chef, la veste « ARMY FUR » qu’elle invoque au soutien de son action ne bénéficiant pas de la protection au titre du droit d’auteur. Sur la concurrence déloyale et le parasitisme La société YVES SALOMON FOURREUR fait valoir à titre subsidiaire que la société FASHION BEL AIR aurait agi de façon déloyale et engagé sa responsabilité délictuelle, d’une part en vendant un veste reprenant les caractéristiques de la veste « ARMY FUR » dans une qualité moindre, à un prix très inférieur et imitant le nom de son modèle qu’elle a dénommé « ARMY » créant par là un risque de confusion et d’autre part, en la commercialisant dans le

même réseau de distribution et sous le même nom pour s’approprier ses efforts commerciaux et caractérisant ainsi des actes de parasitisme. Il sera rappelé que la concurrence déloyale trouve son fondement dans l’article 1382 du Code civil, qui dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Elle doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu’un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement copié sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à un exercice loyal et paisible du commerce. En l’espèce, outre le fait qu’il n’est pas réellement démontré que la veste « ARMY » de la société FASHION BEL AIR serait la copie servile de la veste « ARMY FUR » de la société YVES SALOMON FOURREUR, la commercialisation d’une veste libre de droit dont il a été dit qu’elle reprenait des éléments communs du fond commun des parka et qu’elle ne présentait pas de caractéristiques originales, n’est pas en soi constitutive d’une faute, dans un contexte de liberté du commerce et de l’industrie.' De même, le fait pour la société FASHION BEL AIR de présenter ledit modèle sur un mannequin qui adopterait la même pose .que celui figurant au catalogue de la société YVES SALOMON FOURREUR, soit se tenant debout de face, veste entrouverte et mains dans la poche, ne constitue pas une faute dès lors que cette position du mannequin est la plus communément utilisée sur les magazines ou catalogues de mode pour présenter une veste. En revanche, par le fait de commercialiser une parka à capuche doublée de fourrure, du même style que celle vendue par la société demanderesse, sous la dénomination « ARMY », c’est-à-dire très similaire à celle donnée à son modèle par la société concurrente, à savoir « ARMY FUR », la société FASHION BEL AIR a manifestement créé un risque de confusion, aggravé par le fait qu’elle propose cet article dans les magasins parisiens GALERIES LAFAYETTE et PRINTEMPS HAUSMANN, soit dans le même réseau de distribution que celui de la société YVES SALOMON FOURREUR. Cette dernière qui justifie distribuer ses produits auprès des ces grandes enseignes parisiennes et à travers ses boutiques de vente situées à des adresses prestigieuses telles que la rue Saint Honoré ou l’avenue Montaigne, s’est en effet constitué un marché spécifique dans le secteur de la fourrure. Elle justifie également par la production de l’état récapitulatif des dépenses de communication pour la ligne « ARMY FUR » du 30 janvier 2006 au 1er trimestre 2012

et des factures annexées avoir engagé des frais importants en publicité qui peuvent être chiffrés à 205.945 €. Aussi, en commercialisant un modèle de veste sous un même nom et à un prix inférieur qu’elle distribue sur le même marché de la fourrure, la société FASHION BEL AIR s’est délibérément placée dans le sillage de la société YVES SALOMON FOURREUR pour profiter de ses efforts commerciaux et capter de façon déloyale sa clientèle. De tels actes de parasitisme sont constitutifs d’une faute. Sur les mesures réparatrices II sera fait droit à la mesure d’interdiction sollicitée dans les conditions qui seront définies ci-après. Celle-ci étant suffisante à faire cesser les actes illicites, il n’y a pas lieu de faire droit à la mesure de destruction qui est en outre sollicitée. Il ressort des pièces versées aux débats et notamment des extraits du site de la société défenderesse, du procès verbal de constat du 20 janvier 2011 que la société FASHION BEL AIR a commercialisé la veste « ARMY » au prix public de 525 €. Les opérations de saisie-contrefaçon à la boutique BEL AIR, établissement secondaire de la société FASHION BEL AIR situé […], ont permis de constater la présence de 10 vestes « ARMY ». La société YVES SALOMON FOURREUR indique quant à elle vendre la veste « ARMY FUR » au prix moyen de 990 euros pour la version lapin. Il y a lieu en considération des ces éléments, sans qu’il soit besoin d’ordonner une mesure d’information, d’allouer à la société YVES SALOMON FOURREUR, la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de parasitisme commis à son encontre. Enfin, il convient d’ordonner, à titre de dommages-intérêts complémentaires, la publication du dispositif du présent jugement, ce selon les modalités qui seront précisées au dispositif de la présente décision. Sur les autres demandes La société FASHION BEL AIR qui succombe ne peut voir prospérer ses demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive. En revanche, il y a lieu de la condamner en tant que partie perdante aux dépens ;

En outre, elle doit être condamnée à verser à la société YVES SALOMON FOURREUR, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l’article 700 du Code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 4.000 euros. Elle ne saurait dès lors prétendre à une quelconque indemnisation sur ce fondement.

Les circonstances de l’espèce justifient le prononcé de l’exécution provisoire, qui est en outre compatible avec la nature du litige. PAR CES MOTIFS Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,
- DIT que la veste « ARMY FUR » AF 108 85COCOY référencée AF 78078VLHXX / AF 78178VLHCY commercialisée par la société YVES SALOMON FOURREUR ne peut bénéficier de la protection au titre du livre I du Code de la propriété intellectuelle ; En conséquence,
- DÉBOUTE la société YVES SALOMON FOURREUR de ses demandes au titre de la contrefaçon ;

- DIT qu’en commercialisant une veste parka reprenant l’ensemble des caractéristiques de la veste « ARMY FUR » AF 108 85COCOY référencée AF 78078VLHXX / AF 78178VLHCY, à un prix inférieur sous la même dénomination « ARMY » et dans le même réseau de distribution que celui de la société YVES SALOMON FOURREUR, la société FASHION BEL AIR a commis des actes de parasitisme au préjudice de la demanderesse ;

- FAIT INTERDICTION à la société FASHION BEL AIR de poursuivre de tels agissements, ce sous astreinte de 150 euros par infraction constatée à compter de la signification du présent jugement;

- CONDAMNE la société FASHION BEL AIR à payer à la société YVES SALOMON FOURREUR la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

- AUTORISE la publication du dispositif du présent jugement dans deux journaux ou revues au choix de la société YVES SALOMON FOURREUR et aux frais de la défenderesse, sans que le coût de chaque publication n’excède, à la charge de celle-ci, la somme de 3.500 euros HT;

- DÉBOUTE la société FASHION BEL AIR de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

— CONDAMNE la société FASHION BEL AIR à payer à la société YVES SALOMON FOURREUR la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, outre les frais des saisie- contrefaçon du 20 janvier 2011 ;

— REJETTE le surplus des demandes ;

- CONDAMNE la société FASHION BEL AIR aux dépens ;

- ORDONNE l’exécution provisoire ;

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