Tribunal de grande instance de Paris, 1re chambre nationalité, 1er juin 2017, n° 16/04909

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 1re ch. nationalité, 1er juin 2017, n° 16/04909
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 16/04909

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

1/2/2 nationalité B

N° RG :

16/04909

N° PARQUET : 16/170

N° MINUTE :

Assignation du :

10 Décembre 2015

Nationalité française

G.C

JUGEMENT

rendu le 01 Juin 2017

DEMANDERESSE

Madame Z K L C

[…]

[…]

représentée par Me Bouya DIALLO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0294

DEFENDEUR

LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE

[…]

[…]

[…]

A B, Vice-Procureur

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Carole CHEGARAY, Vice-Président

Président de la formation

Madame Marion PRIMEVERT, Vice-Président

Monsieur M N O P , Juge

assistés de Madame Frédérique LOUVIGNÉ, Greffier

DEBATS

A l’audience du 20 Avril 2017 tenue publiquement sans opposition des représentants des parties, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile par M N O P, Juge , Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries et en a rendu compte au tribunal dans son délibéré.

JUGEMENT

Contradictoire

en premier ressort

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Carole CHEGARAY, Vice-Président et par Frédérique LOUVIGNÉ , greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

EXPOSE DU LITIGE

Par acte d’huissier du 10 décembre 2015, madame Z K L C a fait assigner monsieur le procureur de la République de Paris aux fins d’attribution de la nationalité française.

Le ministère de la Justice a délivré récépissé de l’assignation le 17 juin 2016.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 8 décembre 2016, madame Z C maintient sa demande principale d’attribution de la nationalité française, avec la mention prévue par l’article 28 du code civil. Accessoirement, elle sollicite qu’il soit statué ce que de droit quant aux dépens.

Elle estime être née française en 1957 au Sénégal par double droit du sol – père né au X – et par filiation – mère devenue française à sa majorité par naissance et résidence au Sénégal –, et avoir conservé cette nationalité à l’indépendance du Sénégal, comme sa mère, en application de l’article 32-3 du code civil, en sa qualité d’originaire du Cap Vert, à ce titre non saisie par la loi de nationalité sénégalaise. Elle précise que l’origine capverdienne de ses grands-parents maternels est établie, malgré l’absence d’acte de naissance les concernant et la légère divergence quant à l’âge des intéressés entre l’acte de naissance de leur fille – l’officier n’ayant fait que reprendre les éléments déclarés – et les certificats consulaires produits ; qu’il appartient au ministère public de démontrer le contraire ; que son frère a déjà été jugé français en 2010 ; que son état civil est fiable et certain, même si son acte de naissance vise une loi abrogée, dès lors que les mentions essentielles exigées tant par la loi sénégalaise que par la loi française y figurent ; qu’à cet égard, la loi française n’est pas systématiquement appliquée en France, comme cela peut aussi arriver au Sénégal.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 4 octobre 2016, le ministère public demande au tribunal de constater l’extranéité de madame Z C, d’ordonner la mention prévue par l’article 28 du code civil, et de statuer ce que de droit quant aux dépens.

Il soutient que l’origine capverdienne de la mère de la demanderesse n’est pas démontrée en l’absence de production des actes de naissance des grands-parents maternels, étant précisé que les seuls certificats d’inscription consulaire portugais communiqués ne sont pas suffisants et mentionnent du reste des dates de naissance différentes par rapport à celles mentionnées sur l’acte de naissance de la mère de la demanderesse ; que l’application de l’article 32-3 du code civil n’est ainsi pas caractérisée ; que la demanderesse ne saurait se prévaloir du jugement rendu le 3 septembre 2010 à l’égard de son frère, cette décision ayant un effet relatif.

La clôture de la mise en état a été fixée au 24 février 2017 par ordonnance du même jour.

A l’audience du 20 avril 2017, l’affaire a été mise en délibéré au 1er juin 2017, date du présent jugement.

MOTIFS

En application de l’article 30 du code civil, il appartient à la demanderesse, qui n’est pas titulaire d’un certificat de nationalité française, de rapporter la preuve que les conditions requises par la loi pour l’établissement de sa nationalité française sont remplies.

Conformément à l’article 17-1 du code civil, compte tenu de sa naissance alléguée le […] au Sénégal, son action relève, avant l’indépendance du Sénégal, des dispositions de l’article 17 du code de la nationalité française dans leur rédaction issue de la loi numéro 73-42 du 9 janvier 1973 – « Est français l’enfant, légitime ou naturel, dont l’un des parents au moins est français » – applicables outre-mer par l’effet du décret numéro 53-161 du 24 février 1953.

Dès lors, il incombe à la demanderesse de prouver, d’une part, la nationalité française de sa mère à la date de sa naissance et, d’autre part, un lien de filiation légalement établi à l’égard de cette mère, étant précisé qu’afin de satisfaire aux exigences des articles 311-14 du code civil et 29 du code de la nationalité, cet établissement est régi par la loi personnelle de la mère lors de la naissance et doit être intervenu pendant la minorité de l’enfant pour avoir des effets sur la nationalité de celui-ci.

Soutenant avoir conservé la nationalité français après l’indépendance du Sénégal pour ne pas avoir été saisie par la loi de nationalité sénégalaise, madame Z C doit encore démontrer les origines capverdiennes dont elle se prévaut.

Il convient en effet de rappeler à ce titre que les effets sur la nationalité de l’accession à l’indépendance des anciens territoires d’outre-mer d’Afrique (hors Algérie, Comores et Djibouti) sont régis par la loi numéro 60-752 du 28 juillet 1960 et par le chapitre VII du titre 1er bis du livre premier du code civil (soit ses articles 32 à 32-5), qui s’est substitué au titre VII du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, qui s’est lui-même substitué aux articles 13 et 152 à 156 du même code dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 19 octobre 1945 et modifiée par la loi du 28 juillet 1960. Il résulte de l’application combinée de ces textes qu’ont notamment conservé la nationalité française les personnes – et leurs enfants mineurs de dix-huit ans – qui ne se sont pas vu conférer la nationalité de l’un des nouveaux Etats anciennement sous souveraineté française.

En l’espèce, il est constant que madame Z K L C justifie d’un état civil fiable et certain :

pour elle-même, par la production d’une copie littérale de son acte de naissance sénégalais (pièce numéro 1 de la demanderesse), dressé le 25 juin 1957 sur déclaration d’un tiers par le centre d’état civil de […] sous le numéro 7708/1957, mentionnant qu’elle est née le […] à Dakar de monsieur F G C et de madame Y D ;

pour sa mère présumée, madame Y D, par la production d’une copie de l’acte de naissance français de l’intéressée (pièce numéro 19 de la demanderesse), mentionnant que cette dernière est née le 2 septembre 1927 à Dakar de monsieur E D et de madame H I J.

Il n’est pas davantage discuté que madame Y D a acquis la nationalité française à sa majorité, en 1948, par application de l’article 5 du décret du 5 novembre 1928 selon lequel « Devient français, à l’âge de vingt et un ans, s’il est domicilié aux colonies, tout individu né en France ou aux colonies d’un étranger, à moins que, dans l’année qui suit sa majorité, il n’ait décliné la qualité de Français (…) ».

La filiation maternelle de la demanderesse à l’égard de madame Y D, désignée comme mère dans son acte de naissance, est également établie, dès lors qu’est communiquée une copie de l’acte de reconnaissance de maternité reçue le 13 mai 1963 par le centre d’état civil de Dakar sous le numéro 4385 (pièce numéro 3), une telle reconnaissance étant efficace selon la loi française applicable aux termes de l’article 311-17 du code civil ; mention de cette reconnaissance est d’ailleurs portée en marge de l’acte de naissance précité de la demanderesse.

La nationalité française de madame Z C, née d’une mère française, avant l’indépendance du Sénégal est ainsi démontrée, comme l’admet d’ailleurs le ministère public.

Par ailleurs, à l’indépendance du Sénégal, le 20 juin 1960, madame Y D n’a pas été saisie par la loi de nationalité sénégalaise numéro 61-10 du 7 mars 1961 alors applicable (pièce numéro 13 de la demanderesse) malgré sa naissance au Sénégal, en l’absence de naissance au Sénégal ou de nationalité sénégalaise d’un de ses parents.

Il est en effet démontré que les grands-parents maternels de la demanderesse sont nés au Cap Vert, bien que les actes de naissance des intéressés ne soient pas produits, par les mentions concordantes de l’acte de naissance de leur fille Y (qui les dit nés au Cap Vert) et du livret personnel de travail du grand-père maternel (qui le dit né au Cap Vert également ; pièce numéro 11 de la demanderesse), l’écart minime sur la date de naissance dudit grand-père entre ces deux documents étant sans incidence (« cinquante ans » en 1927, soit une naissance en 1877, sur le premier document, et « né en 1880 » sur le second).

Non saisie par la loi de nationalité sénégalaise à l’indépendance du Sénégal, madame Y D a ainsi conservé de plein droit la nationalité française, comme sa fille Z, alors mineure de dix-huit ans, qui a suivi la condition de sa mère.

Il convient en conséquence de faire droit à la présente action déclaratoire.

Sera également ordonnée la mention prévue par l’article 28 du code civil aux termes duquel mention sera portée, en marge de l’acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l’acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité, ainsi que de la toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité.

Enfin, conformément à l’article 696 du code de procédure civile, le Trésor public sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

JUGE que madame Z K L C, née le […] à […], est de nationalité française ;

ORDONNE la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

CONDAMNE le Trésor public aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 01 Juin 2017

Le greffier Le Président

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