Tribunal de grande instance de Paris, 4e chambre 1re section, 27 mars 2017, n° 15/10357

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 4e ch. 1re sect., 27 mars 2017, n° 15/10357
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 15/10357

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S(footnote: 1)

4e chambre 1re section

N° RG :

15/10357

N° MINUTE :

Assignation du :

09 Juillet 2015

JUGEMENT

rendu le 27 Mars 2017

DEMANDERESSE

Madame Z Y agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur, A Y, né le […]

[…]

[…]

représentée par Maître Michel EL KAIM de la SELARL AXESS AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #P0013

DÉFENDERESSE

S.A. LA BANQUE POSTALE PRÉVOYANCE

[…]

[…]

représentée par Me Stéphanie COUILBAULT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D1590

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame ALBOU DUPOTY, Vice-Présidente

Madame LAGARDE, Vice-Présidente

Madame X, Juge

assistées de Moinécha ALI, Greffier,

DÉBATS

A l’audience du 30 Janvier 2017 tenue en audience publique devant Madame X, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition par le greffe,

Contradictoire

En premier ressort

EXPOSE DE LA PROCEDURE

Le 13 juillet 2013, alors qu’il se trouvait dans un parc du 9e arrondissement, muni d’une boîte comprenant un mortier de catégorie K2 et de six bombes, acquis le jour même, le mortier a brutalement explosé entre les mains de A Y, alors âge de 14 ans.

Victime de graves brûlures aux mains, A Y a été transporté aux urgences de l’hôpital Lariboisière où il été diagnostiqué:

— à la main droite: des lésions de brûlure stade 2 et des plaies superficielles multiples de toute la main;

— à la main gauche: un traumatisme complexe multi-tissulaire avec avulsion de la colonne du pouce, un délabrement de la première commissure, des plaies profondes multiples de la main, une amputation trans-phalangienne proximale du 4e doigt et une amputation trans 3e phalange du 3e doigt.

Entre le 14 juillet et le 23 juillet 2013, il a subi cinq interventions chirurgicales de la main gauche.

Le 1er août 2013, Madame Y, mère de la victime, a déposé plainte et le procureur de la République de Paris a diligenté une enquête pénale sur les circonstances de l’accident.

L’enquête n’ayant pas permis d’identifier le vendeur du mortier, le 19 janvier 2015, le procureur de la République a rendu un avis de classement.

Parallèlement, Madame Y, assurée au titre d’un contrat PREVIALYS “accident de la vie” a déclaré le sinistre auprès de la compagnie BANQUE POSTALE PREVOYANCE.

Par courrier en date du 7 octobre 2013, la compagnie d’assurance a dénié sa prise en charge au motif que le sinistre n’entrait pas dans le champ des garanties applicables.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 mars 2015, Madame Y a vainement mis en demeure sa compagnie d’assurance d’avoir à l’indemniser des préjudices subis par son fils mineur.

Les parties n’étant pas parvenues à trouver une solution amiable à leur litige, par exploit en date du 9 juillet 2015, Madame Y, ès qualité de représentant légal de A Y, a assigné la société BANQUE POSTALE PREVOYANCE auprès du présent tribunal.

Dans ses dernières écritures, signifiées le 30 janvier 2016, par la voie électronique, auxquelles il est expressément référé, Madame Y sollicite du tribunal, au visa des articles L 113-1 du code des assurances et 1315 du code civil, de:

— déclarer recevable son action;

— condamner la société BANQUE POSTALE PREVOYANCE à garantir les préjudices subis par son fils mineur A Y;

— ordonner une mesure d’expertise judiciaire afin d’évaluer les préjudices corporelles subis par ce dernier;

— condamner la société BANQUE POSTALE PREVOYANCE à consigner les frais d’expertise;

— condamner la société BANQUE POSTALE PREVOYANCE à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance;

— débouter la société BANQUE POSTALE PREVOYANCE de l’ensemble de ses demandes.

Dans ses dernières écritures, signifiées le 25 mai 2016, par la voie électronique, auxquelles il est expressément référé, la société BANQUE POSTALE PREVOYANCE sollicite du tribunal de :

— à titre principal:

— débouter la requérante de sa demande de garantie;

— à titre subsidiaire, si une expertise judiciaire devait être ordonnée:

— condamner Madame Y à avancer les frais d’expertise;

— condamner Madame Y à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 27 juin 2016.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes formées à l’encontre de la société BANQUE POSTALE PREVOYANCE

Sur l’application de la garantie sollicitée

a) Sur la garantie au titre de l’accident non intentionnel

Madame Y soutient que la garantie prévue au contrat PREVIALYS “accident de la vie” lui est applicable dès lors que le sinistre résulte d’un accident non intentionnel, soudain et imprévisible dans lequel l’action de son fils, mineur de 14 ans, ne peut valoir cause d’exclusion.

En réponse, la société BANQUE POSTALE PREVOYANCE fait valoir que le sinistre ne répond pas aux conditions de la garantie puisqu’il provient d’une action intentionnelle de l’enfant, lequel a manipulé, sans respecter les précautions nécessaires, un mortier dangereux et interdit aux mineurs, dont l’explosion ne peut être considérée comme imprévisible et extérieure compte tenu de ces circonstances.

Sur ce:

Il résulte des dispositions de l’article 1134 du code civil que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont souscrites et doivent être exécutées de bonne foi.

Selon l’article 1315 de ce même code, il appartient à celui qui se prévaut de l’exécution d’une obligation de rapporter la preuve de son bien fondé et réciproquement pour celui qui prétend y avoir satisfait.

En l’espèce, il résulte des débats et des pièces versées au dossier que Madame Y, représentante légale de la victime, a souscrit auprès de la BANQUE POSTALE PREVOYANCE un contrat dénommé “ PREVIALYS “accident de la vie” couvrant notamment, selon l’article 1.1 de la notice d’information, “les préjudices résultant d’un accident garanti survenu dans le cadre de la vie privée, qui a pour conséquence soit le décès, soit une incapacité permanente, dont le taux est au moins égale à 10%, évalué à la date de consolidation médico-légale, en relation directe, certaine et exclusive avec l’accident garanti.”

L’article 2.2 de la notice définit “l’accident garanti” comme “ toute atteinte corporelle non intentionnelle de la part de l’assuré provenant exclusivement et directement de l’action soudaine et imprévisible d’une cause extérieure.”

Par ailleurs, il est constant que, le 13 juillet 2013, l’enfant Y s’est procuré, auprès d’un tiers non identifié, un artifice de type mortier catégorie K2 et de six bombes, dont la législation interdit la vente aux mineurs.

Alors que les photographies annexées à l’enquête de police démontrent que cet artifice était de taille importante et comportait une étiquette affichant en gros caractères “ bombes d’artifices , mode d’emploi sur l’emballage avant utilisation peut présenter de graves dangers”, A Y a reconnu dans son procès verbal d’audition, en date du 17 juillet 2013, l’avoir utilisé sans lire attentivement la notice puisqu’il a déclaré “ en fait, j’ai regardé vite fait la boîte au moment de l’ouvrir.”

Dans cette même audition, A Y a également reconnu que l’explosion de l’engin est la conséquence d’une mauvaise manipulation de sa part ayant consisté à inverser la tenue du mortier et à le conserver en main après l’introduction de la bombe.

Quand bien même A Y s’est fait remettre par un tiers le mortier, l’accident dont il a été victime résulte exclusivement de son action intentionnelle et personnelle consistant à acquérir et actionner, sans précaution minimale et en contradiction avec le mode d’emploi, un artifice dont la dangerosité était apparente et signalée.

Dans ces conditions, il ne peut être considéré que ses dommages proviennent d’une cause extérieure à son action, qui revêtirait un caractère non intentionnel et imprévisible.

Il y a donc lieu de juger que la garantie de la société BANQUE POSTALE PREVOYANCE n’est pas due sur ce fondement et de débouter Madame Y des demandes formées à ce titre.

b) sur la garantie au titre des accidents résultant d’infractions

En second lieu, Madame Y sollicite le bénéfice de la garantie applicable en cas d’accident résultant d’une infraction au sens de l’article 2.1.1 de la notice d’information.

La société BANQUE POSTALE PREVOYANCE s’oppose à cette demande considérant que les conditions de cette garantie ne sont pas davantage réunies.

Sur ce:

Selon l’article 2.1.1 de la notice, les accidents dus à des infractions sont ainsi définis:

il s’agit d’accident résultant de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime au sens du code pénal français, dont un assuré est victime et auxquels il n’a pris intentionnellement aucune part, sous réserve que ces faits donnent lieu à un dépôt de plainte de la part de l’assuré victime.”

En l’espèce, si comme le soutient la demanderesse, A Y s’est procuré auprès d’un tiers le mortier litigieux, force est de constater que l’enquête pénale n’a pas permis son identification et que le procureur de la république a ordonné un classement sans suite.

En revanche, il est incontestable que A Y a bien pris part intentionnellement à la vente délictueuse du mortier puisque dans son audition précitée du 17 juillet 2013, il a reconnu l’avoir volontairement acheté, sans se renseigner sur les dispositions légales applicables et en précisant qu’il n’aurait pas renoncé à son acquisition s’il l’avait su interdite.

Au moment de l’accident, A Y était donc volontairement en possession d’un engin explosif, à la dangerosité apparente, dont l’acquisition, le port et le transport lui étaient interdits.

Il y a donc lieu de considérer que les conditions requises à la garantie des accidents résultant d’une infraction ne sont pas réunies et de débouter Madame Y des demandes formées à ce titre.

Sur les demandes accessoires

L’équité commande, en l’espèce, de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de débouter la société BANQUE POSTALE PREVOYANCE de sa demande au titre des frais irrépétibles.

En revanche, Madame Y, succombant en ses demandes, sera condamnée aux entiers dépens de l’instance.

Enfin, compte tenu de la nature de l’affaire, il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, prononcé en premier ressort et par mise à disposition au greffe:

Déboute Madame Y, agissant en qualité de représentant légal de son fils mineur A Y, de l’ensemble de ses demandes;

Déboute la société BANQUE POSTALE PREVOYANCE de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne Madame Y agissant en qualité de représentant légal de son fils mineur A Y, aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Stéphanie COUILBAULT- B C, avocat, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement.

Fait et jugé à Paris le 27 Mars 2017

Le Greffier Le Président

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