Tribunal de grande instance de Paris, 9e chambre 2e section, 25 avril 2017, n° 15/07051

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 9e ch. 2e sect., 25 avr. 2017, n° 15/07051
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 15/07051

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S(footnote: 1)

9e chambre

2e section

N° RG : 15/07051

N° MINUTE :

Assignation du :

05 Mai 2015

JUGEMENT

rendu le 25 Avril 2017

DEMANDEUR

Monsieur B-E Y

[…]

[…]

représenté par Maître Georges-Henri CHARPENTIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1395

DÉFENDEUR

Monsieur le Directeur Général des Finances Publiques pris en sa Direction Régionale des Finances Publiques d’Île de France et du Département de Paris – Pôle Gestion Fiscale Sud Ouest

9, place Saint-Sulpice

[…]

représenté par son inspecteur

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Laurence CHAINTRON, Vice-Présidente

Pascale LIEGEOIS, Vice-Présidente

Marie-Hélène MASSERON, Vice-Présidente

assistées de Juliette JARRY, Greffier, lors des débats et Marie BOUNAIX, Greffier, lors de la mise à disposition

DÉBATS

A l’audience du 28 Février 2017 tenue en audience publique devant Laurence CHAINTRON, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux conseils des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe

Contradictoire

En premier ressort

*****************

EXPOSE DU LITIGE

Z A veuve X est décédée le […]. Par testament du 1er novembre 2004, elle a laissé pour légataire universel son petit fils, M. B Y. La déclaration de succession a été signée le 18 décembre 2010 et enregistrée le 8 mars 2011 pour un montant net à payer de 731.368 euros.

La première brigade départementale de contrôle de fiscalité immobilière de Paris sud-ouest a constaté que la défunte avait souscrit le 5 février 1991, en qualité d’adhérente, un contrat d’assurance-vie Vendôme capital n° 20-00-4149 D dont l’assuré est son petit fils, M. Y, et le bénéficiaire désigné, son épouse, Mme C D.

Le 13 décembre 2013, M. Y a fait l’objet, en qualité d’héritier, d’une proposition de rectification et les droits exigibles lui ont été réclamés pour la somme de 15.717 euros en application du barème de l’article 777 du code général des impôts, outre 2.263 euros au titre des intérêts de retard.

Par courrier du 15 janvier 2014, M. Y a contesté la position de l’administration fiscale au motif qu’il n’est pas bénéficiaire du contrat.

Par courrier du 6 février 2014, l’administration fiscale lui a répondu que le contrat d’assurance-vie n’était pas dénoué au jour du décès, qu’en sa qualité d’héritier, il dispose d’un droit de rachat alors même qu’il n’est pas bénéficiaire et qu’il est devenu seul propriétaire du contrat.

Par courrier du 28 février 2014, M. Y a de nouveau contesté la position de l’administration fiscale au motif qu’il ne peut effectuer aucune opération sur ce contrat, n’en étant pas souscripteur.

Par réponse du 24 mars 2014, l’administration fiscale a maintenu sa position précisant qu’après le décès du stipulant, ses créanciers, comme ses héritiers peuvent exercer le droit de rachat tant que l’acceptation par le bénéficiaire n’a pas eu lieu, ce qui est le cas en l’espèce.

Par avis du 26 janvier 2015, le rappel des droits a été mis en recouvrement pour un montant de 17.980 euros comprenant la somme des droits et des intérêts de retard.

M. Y a présenté une réclamation contentieuse le 23 février 2015, contestant la réintégration de l’assurance-vie contractée à l’actif de succession de Z A.

Cette réclamation a fait l’objet d’une décision de rejet du 6 mars 2015.

Par exploit d’huissier de justice du 5 mai 2015, M. Y a fait assigner le directeur régional des finances publiques d’Ile-de-France et de Paris devant ce tribunal, afin de voir prononcer la décharge des impositions contestées à hauteur de 17.980 euros en principal et pénalités et de se voir allouer une somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions signifiées le 13 septembre 2016, M. Y demande au tribunal de :

“ Vu les art. L. 132-12 du Code des assurances, 757 B du Code général des impôts et l’Instruction BOI-ENR-DMTG-10-10-20-20-20130709.

Prononcer la décharge des impositions contestées, à hauteur de 17.980 euros en principal et pénalités.

Condamner Monsieur le Directeur Régional Des Finances Publiques d’Ile-de-France et de PARIS à payer à monsieur B-E Y la somme de 3.500 euros au titre de l’art. 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.”

Il fait valoir à l’appui de ses prétentions que :

— conformément à l’article L. 132-12 du code des assurances et au BOI-ENR-10-10-20-20-20130709 n° 50, le contrat d’assurance-vie litigieux ne fait pas partie de la succession et ne constitue pas, par conséquent, un actif taxable par l’administration fiscale,

— les dispositions du paragraphe n° 380 de ce BOI, dont se prévaut l’administration fiscale, visent les contrats d’assurance-vie non dénoués au décès du souscripteur ou du bénéficiaire, constitués par un époux au moyen de biens communs conformément à la réponse ministérielle Bacquet du 29 juin 2010,

— or, les conditions de souscription du contrat par Z X ne répondent nullement aux critères posés par la doctrine fiscale pour refuser l’exonération des droits de mutations à titre gratuit,

— selon l’article L. 132-9 du code des assurances, aucun créancier, ni représentant légal du stipulant ne peut exercer le droit de révocation à la place de ce dernier, de son vivant, et quand le stipulant est décédé, il ne peut plus par hypothèse exercer aucun droit de révocation, le code prévoyant que ce droit appartient alors, sous certaines conditions, aux héritiers du stipulant,

— l’interprétation faite par l’administration fiscale de l’article L. 132-9 du code des assurances et le raisonnement qui en découle sont erronés,

— en faisant du droit de révocation un droit de rachat, l’administration fiscale est en totale contradiction avec la lettre et l’esprit du texte légal,

— de plus, l’administration ne précise pas comment les créanciers exerceraient, en pratique, ce droit de rachat, ni même ce droit de révocation,

— ce raisonnement erroné ne peut servir de fondement “à rapporter ce contrat à l’actif successoral pour sa valeur de rachat apparente au jour du décès”, alors que le texte dont se prévaut l’administration n’envisage aucunement un rachat en cas de décès, mais prévoit une révocation du vivant du contractant,

— le paragraphe n° 380 du BOI-ENR-10-10-20-20-20130709 dont se prévaut l’administration ne s’applique qu’en cas de décès de l’assuré,

— la restriction qu’il introduit ne vise que le cas de décès de l’assuré, et pas le cas du décès du souscripteur, ni le cas où le bénéficiaire déterminé est autre que l’assuré lui-même,

— or, en l’espèce, M. Y est l’assuré, il est bien vivant et il n’est pas le bénéficiaire déterminé de l’assurance,

— les développements de l’administration fiscale sur le non dénouement du contrat d’assurance, qui entraînerait sa taxation, sont en l’espèce, dénués de pertinence.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 18 novembre 2015, l’administration fiscale demande au tribunal de :

Vu l’assignation signifiée le 21 janvier 2014,

Ouï s’il y’a lieu , les parties en leurs explications orales,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

Débouter Monsieur B Y de sa demande,

Confirmer la taxation du contrat d’assurance-vie à l’actif successoral,

Confirmer la décision de rejet prononcée le 6 mars 2015,

Statuer sur la demande fondée sur l’article 700 du CPC,

Condamner Monsieur B Y aux entiers dépens de l’instance.”

L’administration fiscale fait valoir à l’appui de ses prétentions que :

— les dispositions de l’article L. 132-12 du code des assurances ne sont applicables qu’en cas de décès de l’assuré entraînant le dénouement du contrat d’assurance,

— le régime fiscal prévu à l’article 757 B du code général des impôts ne concerne que les sommes payées à raison du décès de l’assuré,

— par conséquent, ces articles ne peuvent s’appliquer lorsque l’assuré est en vie,

— dès lors, lorsque le de cujus a souscrit, en qualité d’adhérent, un contrat d’assurance-vie dont l’assuré est toujours en vie au jour du décès, ce contrat constitue un actif successoral taxable,

— conformément à l’article L. 132-9 du code des assurances, après le décès du stipulant, ses créanciers, comme ses héritiers peuvent exercer le droit de rachat, tant que l’acceptation n’a pas eu lieu,

— par conséquent, le service fiscal est fondé à rapporter ce contrat à l’actif successoral pour sa valeur de rachat apparente au jour du décès,

— les dispositions du paragraphe 50 du BOI-ENR-10-10-20-20-20130709, dont se prévaut le demandeur, s’appliquent en cas de décès de l’assuré, alors qu’elle lui oppose les conditions de droit commun de succession lorsque l’assuré n’est pas décédé, sans pour autant évoquer le cas particulier de contrats d’assurance-vie souscrits avec des fonds communs dont une partie versée par le conjoint survivant,

— au cas particulier, la défunte était veuve non remariée et n’était pas l’assuré,

— l’assuré n’est autre que le requérant au litige qui est en vie au jour du décès,

— le paragraphe 50 ne peut s’appliquer et la valeur de rachat du contrat souscrit doit être porté à l’actif de la succession,

— la réponse ministérielle Bacquet concerne le régime fiscal de l’assurance-vie relativement à la communauté matrimoniale et il n’est donc pas applicable en l’espèce,

— l’assuré étant toujours en vie au jour du décès du souscripteur, ce contrat d’assurance vie n’est pas dénoué, le régime fiscal de l’assurance-vie prévu à l’article 757-B du code général des impôts ne s’applique pas et la valeur de rachat du contrat est soumise aux droits de succession dans les conditions de droit commun.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties visées ci-dessus quant à l’exposé de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 15 novembre 2016. L’affaire a été plaidée le 28 février 2017 et les parties ont été avisées qu’elle était mise en délibéré au 25 avril 2017, date à laquelle la présente décision a été rendue.

MOTIFS :

L’article 750 du code général des impôts prévoit que le droit de mutation par décès atteint tous les biens qui faisaient partie du patrimoine du défunt au jour de son décès, et qui, par le fait de son décès, sont transmis à ses héritiers, donataires ou légataires.

Selon la doctrine fiscale (BOI-ENR-DMTG-10-10-20-20-20130709), en application des dispositions de l’article L.132-12 du code des assurances, les sommes stipulées payables lors du décès de l’assuré à un bénéficiaire déterminé autre que l’assuré lui-même ou à ses héritiers ne font pas partie, en principe, de la succession du souscripteur.

De même, lorsque l’assuré n’est pas décédé, le régime fiscal de l’assurance-vie prévu à l’article 757 B du code général des impôts ou à l’article 990 I de ce code ne s’applique pas. Il en résulte que la valeur de rachat de tout contrat non dénoué est soumise aux droits de succession dans les conditions de droit commun.

En l’espèce, le souscripteur du contrat d’assurance-vie litigieux est la grand mère décédée du requérant, Z X. M. Y, demandeur, est l’assuré et le bénéficiaire désigné n’est autre que son conjoint, Mme C D.

Or, M. Y, assuré, ne peut se prévaloir de l’exonération prévue à l’article L.132-12 du code des assurances précité puisqu’il ne respecte pas la condition prévue pour en bénéficier, à savoir le décès de l’assuré entraînant le dénouement du contrat.

Ainsi, par application de la doctrine administrative fiscale, lorsque le souscripteur a souscrit un contrat d’assurance-vie, dont l’assuré est en vie au jour du décès, ce contrat constitue un actif successoral taxable.

Par ailleurs, la réponse ministérielle Bacquet dont se prévaut le demandeur précise le régime fiscal de l’assurance-vie relatif à la communauté matrimoniale et ne peut donc s’appliquer en l’espèce.

Par conséquent, l’exonération édictée par l’article L. 132-12 du code des assurances et l’article 757 B du code général des impôts ne peut s’appliquer en l’espèce et le contrat d’assurance-vie souscrit par Z A est taxable à l’actif de succession.

M. Y sera par conséquent débouté de l’ensemble de ses prétentions et la décision de rejet de l’administration fiscale du 6 mars 2015 sera confirmée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. Y, partie perdante, sera condamné aux dépens de l’instance par application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

Par application des dispositions de l’article R*202-5 du livre des procédures fiscales, le présent jugement est exécutoire de droit à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, en premier ressort et publiquement par mise à disposition au greffe :

Déboute M. B-E Y de l’ensemble de ses demandes ;

Confirme la décision de rejet du 6 mars 2015 par le directeur régional des finances publiques d’Ile-de-France et du département de Paris de la réclamation contentieuse présentée le 23 février 2015 ;

Condamne M. B-E Y aux dépens de l’instance ;

Rappelle que le présent jugement est exécutoire par provision.

Fait et jugé à Paris le 25 avril 2017

Le Greffier La Présidente

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