Tribunal de grande instance de Strasbourg, 9 mars 2016, n° 2012/05661

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Strasbourg, 9 mars 2016, n° 12/05661
Juridiction : Tribunal de grande instance de Strasbourg
Numéro(s) : 2012/05661
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 094968-001 ; 094968-002 ; 094968-003
Classification internationale des dessins et modèles : CL08-03
Référence INPI : D20160138
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG JUGEMENT du 09 mars 2016

PREMIERE CHAMBRE CIVILE Rôle N° 12/05661

COMPOSITION DU TRIBUNAL Magistrats qui ont délibéré :

-Franck W, Premier Vice-Président, Président,
- Martine R, Vice-Présidente, assesseur,
- Isabelle R, Vice-Président, assesseur. Greffier : Michèle MEHL, Greffier

DÉBATS : À l’audience publique du 01 février 2016 à l’issue de laquelle le Président a avisé les parties que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe à la date du 09 mars 2016 JUGEMENT : -déposé au greffe le 09 mars 2016,
- Contradictoire et en premier ressort
- signé par Franck WALGENWITZ, Président et par Michèle MEHL, Greffier.

OBJET : Demande en contrefaçon de dessins et modèles français ou internationaux DEMANDEURS : Monsieur Kamran C né le 11 février 1980 à MELUN (77000) […] 91360 VILLEMOISSON SUR ORGE représenté par Me Pascal REYNAUD, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant/postulant, vestiaire : 126, Me J LASSEZ, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, Madame Shamreza K épouse C née le 12 mai 1949 à SIALKOT (PAKISTAN) […] 91360 VILLEMOISSON SUR ORGE représentée par Me Pascal REYNAUD, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant/postulant, vestiaire : 126, Me J LASSEZ, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant,

DÉFENDEURS Monsieur Jean F exerçant sous le nom « établissements Jean F » né le 09 janvier 1963 […] 68220 HESINGUE

représenté par Me Thierry BURKARD, avocat au barreau de MULHOUSE, avocat plaidant, Me Michel M, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat postulant, vestiaire : 164

S.A.R.L. KYU LINE […] représentée par Me Thierry BURKARD, avocat au barreau de MULHOUSE, avocat plaidant, vestiaire : Me Michel M, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat postulant, vestiaire : 164

EXPOSÉ DU LITIGE Par acte d’huissier en date du 25/10/2012, M. Kamran C et Mme S C née K ont fait citer M. Jean F et la SARL uni personnelle KYU LINE devant le Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG.

Les demandeurs expliquaient commercialiser en France et en Europe des couteaux de poche et de chasse sous la marque « Laguiole Bougna », de type Laguiole, pour lesquels ils avaient déposé auprès de l’INPI trois modèles enregistrés sous le numéro 094968 et publiés le 24/12/2009.

Il s’agissait en particulier :

- du modèle 094968-001, composé « d’une couteau de chasse et couteau de poche. Manche en mitre inox. Manche en bois coloré. Lame de type 420. Incrustation de logo sur le manche. Lame guillochée. Couteau manche et mitre design (numéro de publication : 852630)»,
- du modèle 094968-002, composé « d’une couteau de chasse et couteau de poche. Manche en mitre inox avec gravure laser. Manche en bois coloré. Lame en relief soudée sur le ressort. Lame guillochée. Couteau avec liane soudée sur le ressort (numéro de publication : 852631) »,
- du modèle 094968-003, composé « d’une couteau de chasse et couteau de poche. Manche en mitre inox avec gravure laser. Manche en bois coloré. Lame de type 420.Lame en relief soudée sur le ressort. Lame guillochée. Couteau manche design et mitre gravé» au laser (numéro de publication : 852632) »,

Ces trois modèles présentaient des caractéristiques propres, à savoir une mitre (un petit rebord qui tient à la lame) en inox avec un motif floral gravé au laser, une liane soudée sur le ressort du couteau, une lame guillochée (c’est-à-dire ornée d’un entrecroisement de traits gravés), une lame portant l’inscription « 420 » et un manche de bois coloré.

La combinaison de ces caractéristiques spécifiques – révélant la personnalité des auteurs, surtout s’agissant du dessin des motifs de

feuilles de vigne – conférerait aux demandeurs des droits de propriété intellectuelle.

Or les requérants s’étaient aperçus que M. F et la société qu’il gérait, la SARL KYU LINE, commercialisaient des couteaux reproduisant presque parfaitement les caractéristiques de leurs modèles. Les défendeurs n’ayant pas réagi à leurs courriers leur demandant de retirer du commerce ces produits contrefaisants, les requérants obtenaient du Président du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG, le 17/09/2012, l’autorisation de procéder à des opérations de saisie contrefaçon dans les locaux des défendeurs situés à HESINGUE.

Ces opérations étaient effectuées le 24/09/2012 par Me W, huissier de justice à MULHOUSE. Il en ressortait que les défendeurs avaient passé commande le 11/04/2011 de la production de 19 200 couteaux portant la référence F et KYU LINE pour un prix de 65 669 USD, qu’ils avaient donné les instructions nécessaires pour la production de ces pièces en commandant des moules de fabrication, et avaient enregistré un modèle communautaire auprès de l’OHMI le 11/04/2011.

Ayant réceptionné ces 19 200 pièces le 23/11/2011, près de 13 048 pièces avaient été vendues entre les mois de novembre 2011 et septembre 2012, la société réalisant une marge de 2,15 € HT par pièce, de sorte que le bénéfice tiré sur cette période était de 28.064,20 €.

La contrefaçon serait établie au cas d’espèce car tous ces produits vendus par M. Jean F et la SARL uni personnelle KYU LINE reprenaient trait pour trait les éléments caractéristiques des trois modèles dont étaient titulaires M. Kamran C et Mme S C née K, car les couteaux présentaient :

-une mitre en inox gravée, de chaque côté et à chaque extrémité du manche du couteau, présentant en outre un motif floral extrêmement similaire à celui des modèles des requérants,
-un dessin de liane soudé sur le ressort du couteau,
-une lame guillochée,
-l’inscription « 420 » gravée sur la garde de la lame.

Il était à noter que les prix de vente pratiqués par les contrefacteurs étaient systématiquement inférieurs aux prix des produits originaux.

Dans ces conditions, les requérants estimaient être victimes d’une contrefaçon et souhaitaient que la juridiction :

— dise et juge que M. F et la société défenderesse ont commis des actes de contrefaçon des droits d’auteurs sur les dessins et modèles 094968 – 001, 002 et 003 et se sont rendus coupables de faits de concurrence déloyale et de parasitisme constituant pour le moins une

faute au sens de l’article 1382 du Code civil, dans la mesure où il y avait au moins eu utilisation de la notoriété d’autrui à des fins commerciales,

— fasse interdiction aux défendeurs de détenir, offrir, vendre des produits contrefaisants, et ce sous astreinte de 1 500 € par infraction constatée,
-ordonne la destruction et la saisie de tous produits, documents ou supports contrefaisant appartenant aux défendeurs, et ce sous astreinte de 1500 € par infraction,

— condamne in solidum les défendeurs, outre aux dépens, au paiement des sommes de : * 78 064,20 € à titre d’indemnisation de l’atteinte portée à leurs droits patrimoniaux ; * 20 000 € à titre d’indemnisation de l’atteinte portée à leur droit moral d’auteur et à leur réputation commerciale ; * 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour les faits de concurrence déloyale et de parasitisme distinct sur le fondement de l’article 1382 du Code civil ; * 20 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du CPC,

— ordonne aux défendeurs la production, sous astreinte de 1 500 € par jour de retard, de tout document ou information non encore saisi tels que factures de vente aux clients, documents indiquant les noms et adresses des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des couteaux, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants, de documents permettant de connaître les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées et les prix obtenus pour le produits contrefaisants,

— ordonne la parution, aux frais des défendeurs, du jugement à intervenir dans 5 journaux de leur choix dans la limite de 5 000 € HT par insertion, dans un délai d’un mois de la décision,

— condamne les défendeurs à insérer sur la page d’accueil du site internet des établissements F (www.fuentes.fr) et de la SARL KYU LINE (www.kyuline.fr) à l’adresse http://www.atc-pro.com un extrait du jugement à intervenir, et ce pendant un délai de 1 mois à compter de la signification du jugement.

L’exécution provisoire du jugement était en outre sollicitée.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives déposées le 01/07/2015 M. Jean F et la SARL uni personnelle KYU LINE indiquaient que M. F avait créé une entreprise individuelle dédiée à la conception et la commercialisation de reproduction d’armes de collection et d’objets de coutellerie en 1985, puis avait créé

en janvier 2007 la société KYU LINE CUTLERY, dont l’objet social était la commercialisation des mêmes produits.

In limine litis, les défendeurs estimaient que les opérations de saisie contrefaçons, qui avaient été diligentées contre elles, seraient nulles.

Il ressortirait des deux procès-verbaux de saisie contrefaçon dressés par Me W le 24/09/2012, que l’huissier avait été assisté par M. Raphaël S « intervenant en tant qu’homme de l’art, expert en informatique ». Or, aucun des deux procès-verbaux ne comporterait la moindre indication justifiant de l’identité et des compétences alléguées de M. S. De surcroît, M. S aurait eu un rôle particulièrement actif – puisqu’il était intervenu sur le matériel informatique présent dans les locaux pour y effectuer des captures d’écrans – alors que l’ordonnance autorisant ces opérations avait cantonné et donc limité son rôle, à l’examen de tout objet ou document saisi et ce uniquement dans le cas où le saisi aurait opposé la confidentialité des objets ou documents, ce qui n’avait nullement été le cas en l’espèce, puisque le salarié des défendeurs présent, M. L, avait parfaitement collaboré aux opérations.

Les défendeurs estimaient avoir nécessairement subi un préjudice du fait qu’une personne non habilitée avait procédé à des opérations non autorisées au sein de leur système informatique.

D’autre part, ils estimaient qu’en tout état de cause, la saisie serait nulle en application du principe « saisie sur saisie ne vaut ». L’huissier avait établi deux procès-verbaux, alors que, ne disposant que d’une seule ordonnance, il ne pouvait établir plus d’un procès-verbal. En l’espèce, il avait rédigé un premier procès-verbal de saisie contrefaçon à l’encontre de la société KYU LINE qui était clôturé à 17h, puis en avait établi un second contre M. F qu’il clôturait à 17h30. Le second procès-verbal n’aurait pas de base légale, et devrait être annulé.

Enfin, en troisième lieu, les défendeurs pensaient que la nullité des opérations de saisie contrefaçon était également encourue de par le défaut de qualité du destinataire de l’ordonnance. L’ordonnance qui avait été rendue le 17/09/2012 avait en effet été signifiée le 24/09/2012 à la personne qui était présente sur les lieux, à savoir M. Stéphane L, responsable logistique. Cependant, l’huissier n’aurait pas veillé à vérifier préalablement que M. L était bien habilité à recevoir les actes concernés. Ce dernier ne l’était pas en fait et n’avait accepté de prendre connaissance de cette ordonnance que sous la pression des événements, sans disposer du temps nécessaire pour en référer aux défendeurs.

Dans un deuxième temps, les parties défenderesses soulevaient le défaut de qualité de Mme K à agir, d’une part sur le fondement du livre V du CPI sur les dessins et modèles, d’autre part sur le fondement du

livre IV du CPI sur la propriété littéraire et artistique. Mme S C née K ne serait pas la bénéficiaire d’une licence d’exploitation exclusive des modèles en cause, pour lesquels seul M. C avait déposé.

En troisième lieu, les défendeurs arguaient du fait qu’il n’y aurait pas eu contrefaçon de modèle.

Ils signalaient, à titre préliminaire, que la procédure initiée par les services des douanes le 28/11/2011, avait été clôturée rapidement et n’avait pas retenu l’existence d’un caractère contrefaisant.

Au fond, les défendeurs estimaient, d’une part, que le modèle revendiqué par les requérants ne satisfaisait pas à la condition de nouveauté, car le modèle était bien trop similaire à un modèle déposé antérieurement par la société MANUFACTURAS MUELA le 15/02/1999.

D’autre part, les caractéristiques revendiquées ne seraient pas définies, de sorte que la validité des trois modèles déposés pouvait être remise en cause, dans la mesure où les revendications portaient sur des caractéristiques, soit purement techniques (comme c’est la cas des mentions « gravé au laser », « soudé sous le ressort de couteau »), soit sur des simples indications de genre (« mitre en inox », « motif floral », « dessins original de liane »). Enfin, la comparaison des 16 références qui étaient reprochées aux défendeurs, avec les trois modèles des demandeurs, démontrerait que les différences l’emportaient très nettement sur les quelques ressemblances qui seraient simplement liées au style « Laguiole ».

En quatrième lieu, M. Jean F et la SARL uni personnelle KYU LINE affirmaient qu’il n’y avait pas eu de contrefaçon de droit d’auteur car :

-la création revendiquée n’était pas éligible au droit d’auteur, en ce sens que les 3 modèles n’étaient pas suffisamment originaux par rapport aux créations antérieures, et n’étaient pas marqués par un effort créatif digne d’en faire une œuvre protégée au titre du droit d’auteur,
-la qualité d’auteur n’était pas démontrée ; il ne serait pas établi que l’un ou l’autre des demandeurs ait été à l’origine de la création des modèles ; en outre les demandeurs usurperaient de la qualité d’auteur, car les recherches entreprises en défense auraient permis de démontrer que ces modèles avaient été créés par la société chinoise YANGDONG ENLAN CUTLERY, qui était d’ailleurs propriétaire des moules à l’origine de ces trois modèles.

Enfin, l’existence de concurrence déloyale était contestée, les demandeurs s’étant bien gardés d’en démontrer sa consistance. La même remarque était formulée au sujet des préjudices invoqués en

demande, M. Kamran C et Mme S C née K n’ayant jamais fait état, d’incidence sur leur chiffre d’affaire, de perte de clientèle ou de plaintes émanant de clients ou fournisseurs dénonçant une éventuelle confusion avec les articles commercialisés par les défendeurs.

Dans ces conditions, l’ensemble des demandes devrait être rejeté, et reconventionnellement M. Jean F et la SARL uni personnelle KYU LINE réclamaient la condamnation de M. Kamran C et Mme S C née K au paiement des sommes de :

- 25 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- 25 000 € au titre de l’article 700 du CPC.

Dans leur dernier jeu de conclusions, M. Kamran C et Mme S C née K maintenaient leurs demandes initiales, si ce n’est qu’ils réclamaient désormais – au titre de l’indemnisation de l’atteinte portée à leurs droits patrimoniaux d’auteurs et droits de dessin et modèle – la somme de 200 000 €.

Si le tribunal l’estimait nécessaire, il pourrait désigner un expert en vue de chiffrer l’étendue du préjudice subi.

Au sujet des critiques soulevées à rencontre des opérations de saisie contrefaçon, elles devraient être écartées car l’huissier n’avait fait qu’appliquer l’ordonnance qui l’autorisait à faire appel à un informaticien pour l’assister dans ses opérations. Il n’y aurait pas eu de double saisies, car contrairement à ce qui était indiqué, les opérations avaient débuté pour les deux défendeurs au matin du 24/09/2012. Enfin, la personne qui était présente sur les lieux le jour de ces opérations, n’avait pas refusé de prendre l’acte qui lui avait été remis et ne s’était pas opposé aux opérations.

Quant aux contestations relatives au droit d’agir de Mme S C née K, elles devraient être écartées ; Mme K avait l’autorisation d’exploiter le produit, en sa qualité d’exploitante du nom commercial NKM, de sorte qu’elle pourrait agir conjointement avec le codemandeur.

S’agissant de l’atteinte portée aux modèles et aux droits d’auteurs des consorts C, il y aurait lieu de constater que tous les produits FUENTES ou KYU LINE référencés 500 à 515 reprenaient presque trait pour trait les mêmes caractéristiques des trois modèles des demandeurs. Ils indiquaient que leurs modèles de couteaux étaient les premiers à avoir regroupé toutes les caractéristiques particulières déposées dans un même couteau de type « Laguiole », cette combinaison traduisant un parti pris esthétique portant l’empreinte de la personnalité de leurs auteurs.

Ils maintenaient être à l’origine de ces modèles, le modèle de couteau de la société espagnole, étant très différent des leurs.

Aussi, c’est à juste titre qu’ils pouvaient se référer aux dispositions de l’article L 111-1 du CPI portant sur le droit d’auteur, et il était vain de sous-entendre que l’auteur de ces modèles serait la société chinoise YANGDONG ENLAN CUTLERY, dont le document écrit, qui n’était ni daté ni signé, ne pourrait en tout état de cause être reçu comme un élément probatoire. D’ailleurs, les demandeurs faisaient remarquer qu’ils avaient déposé les modèles en question auprès du bureau de protection de la propriété intellectuelle en CHINE (« State intellectual office of the People’s Republic of China »).

Dans ce contexte, l’atteinte à leur droit moral serait établi, tout comme l’existence de nombreux préjudices évalués à :

-200 000 € découlant du manque à gagner, car les ventes de leurs produits s’étaient effondrées suite à la mise sur le marché des contrefaçons,
-20 000 € pour le préjudice moral découlant du fait que les fournisseurs, voyant les couteaux contrefaits de mauvaise qualité, ont pu penser que les époux C étaient à l’origine de ces articles de piètre qualité,
-20 000 € pour les faits de concurrence déloyale ou de parasitisme, car les prix pratiqués en défense compris entre 4,90 € et 6 € HT auraient été inférieurs au prix des trois modèles originaux variant entre 5,50 € et 6,75 € ; les investissements des demandeurs auraient en outre été détournés par M. Jean F et la SARL unipersonnelle KYU LINE.

Une ordonnance de clôture était rendue le 24/09/2015 ; l’affaire était renvoyée à l’audience de plaidoirie du 01/02/2016 pour y être évoquée.

À l’audience, les parties campaient sur leurs positions respectives en reprenant leurs conclusions récapitulatives du 07/01/2015 pour M. Jean F et la SARL uni personnelle KYU LINE et du 24/09/2015 pour M. Kamran C et Mme S C née K. SUR CE

1) Sur la validité de la saisie

Attendu que les requérants ont obtenu du Président du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG, par ordonnance du 17/09/2012, l’autorisation de procéder à des opérations de saisie contrefaçon dans les locaux des défendeurs situés à HESINGUE ;

Que ces opérations étaient réalisées le 24/09/2012 par Me W, huissier de justice à MULHOUSE, qui s’était fait seconder notamment par M. Raphaël S en tant qu’homme de l’art, expert en informatique, et en présence de M. L, salarié des défendeurs ;

Attendu que les défendeurs avancent que les opérations de saisie contrefaçon ne seraient pas valables, car l’ordonnance ne pouvait être valablement signifiée le 24/09/2012 à M. Stéphane L – responsable logistique au service de M. F et de la société KYU LINE – qui n’aurait pas été habilité à recevoir un tel acte ;

Que les deux procès-verbaux des opérations établissent que l’huissier a remis à deux reprises à M. L – représentant dans le premier cas M. F, dans le second la société KYU LINE -une copie de l’ordonnance sous pli fermé ; que les procès-verbaux précisaient que M. L « a toutefois pu prendre connaissance des termes de la requête et de l’ordonnance signifiée ayant ouvert en ma présence l’enveloppe contenant la signification (…), M. L ayant pris connaissance des termes de la requête et de l’ordonnance, je l’ai invité à me présenter le stock des modèles de couteaux (…) ;

Que la lecture des procès-verbaux démontre donc que M. L a parfaitement coopéré aux opérations, n’a jamais protesté contre les demandes qui lui ont été faites, ni manifesté son souhait de contacter ses employeurs pour demander conseil, et surtout affirmé qu’il n’était pas habilité pour recevoir un tel document ; qu’il est à noter que dans le cadre des opérations réalisées concernant la société KYU LINE, M. L est entré en contact téléphoniquement avec M. F ;

Qu’à l’occasion de cet appel, M. F a demandé à son préposé de joindre au PV des pièces issues de la procédure douanière qui avait été diligentée par le passé et n’a pas soulevé alors, ni la question de l’habilitation de M. L à recevoir la notification de l’ordonnance, ni celle de la validité des opérations en cours ;

Que la juridiction note que les défendeurs se sont en outre bien gardés de produire aux débats la fiche de poste de M. L qui indiquerait, le cas échéant, que celui-ci n’est pas habilité à recevoir pour le compte de ses employeurs, des courriers officiels ;

Qu’en tout état de cause, il y a lieu de considérer que M. L disposait d’un mandat de représentation apparent, en sa qualité de cadre (« responsable logistique ») ; que l’huissier pouvait alors raisonnablement et légitimement penser que M. L était parfaitement habilité pour recevoir l’acte et assister aux opérations, et ce d’autant plus que lorsque M. L est entré en contact avec M. F, ce dernier n’a soulevé aucune réserve ;

Que la demande de nullité de la saisie fondée sur la qualité de M. L ne pourra alors prospérer ;

Attendu que les défendeurs estiment d’autre part que ces actes seraient entachés de nullité, car M. S n’aurait pas présenté les qualités requises pour être considéré comme un expert, et qu’il était en outre intervenu sur du matériel informatique en dehors du cadre de l’ordonnance car la société ne s’était pas opposée aux dites opérations ;

Que si l’ordonnance autorisait en effet, en son point 7, l’huissier instrumentaire « à se faire assister d’un expert chargé d’examiner, sous le sceau du secret, tout objet ou document saisi dans l’hypothèse où le saisi opposerait leur confidentialité », elle précisait également en point 11 que « si des informations utiles étaient conservées sur un support autre que le papier, l’huissier de justice serait autorisé, au besoin avec le concours de tous homme de l’art par lui requis, à en réaliser une édition sur papier ou une copie sur tout support approprié, en utilisant les moyens disponibles sur place ou à l’extérieur des lieux de la saisie et en faisant le cas échéant allumer les ordinateurs ou autres équipements informatiques situés sur les lieux de la saisie » ;

Qu’il résulte du procès-verbal établi contre M. F, que M. S s’est contenté d’éditer une « capture d’écran du début et de la fin de la liste des références articles qui ont été préalablement triés par ordre alphabétique » ; que pour les opérations concernant la société KYU LINE, M. S était intervenu sur le matériel informatique pour réaliser une capture d’écran en ayant limité la recherche aux produits référencés 500 à 515 sur la période du 1 er décembre 2011 au 31 janvier 2012, puis à éditer les informations comptables (stocks, statistiques de vente par article, statistique d’achat…) concernant ces 16 modèles ;

Qu’il est donc évident, que M. S est intervenu dans le cadre du point 11 de l’ordonnance, et non 7, comme sous-entendu par les défendeurs ;

Qu’en outre, l’huissier a indiqué en première et deuxième pages des deux procès-verbaux, l’identité exacte et l’adresse de « l’homme de l’art » en question, tout en précisant qu’il était « expert en informatique » ;

Que ces précisions sont suffisantes pour garantir la qualité de l’intervention de M. S, qui ne peut en aucun cas être analysée comme une expertise, les opérations effectuées par M. S étant de simple opérations d’exécution réalisées sous le contrôle de l’huissier et de M. L, à la demande expresse de l’huissier instrumentaire qui a toujours veillé à ne collationner que des informations directement en lien avec l’objet de l’ordonnance du 17/09/2012 ;

Qu’alors, les opérations de saisie n’encourent pas de nullité de ce fait ;

Attendu enfin que les défendeurs estiment que la saisie serait également nulle en application du principe « saisie sur saisie ne vaut » en ce sens que l’huissier n’était plus saisi de l’ordonnance une fois qu’il avait clôturé le premier procès-verbal ;

Qu’il y a lieu de rappeler que, disposant d’une seule ordonnance lui permettant de faire des constatations d’acte de contrefaçon dans les locaux, et de la société KYU LINE et des établissements Jean F, Me W a ouvert le 24/09/2012 deux procès-verbaux à 9hl5, le premier dans le cadre de la procédure établie contre M. F, commerçant, le second concernant la société KYU LINE ; que l’ordonnance était notifiée à 9h 20 dans la première procédure et à 9h23 dans la seconde ; qu’à l’issue des opérations, l’huissier clôturait le premier procès-verbaux à 17h30, le second ayant été clôturé à 17 h ;

Qu’il y a lieu de constater que le choix de réaliser deux procès-verbaux n’est pas en soi critiquable à partir du moment où les opérations réalisées dans chaque procès-verbal étaient autorisées par l’ordonnance ;

Qu’en outre, on peut même considérer que l’huissier devait rédiger autant de procès-verbaux que de personnes visées dans l’ordonnance et ce pour préserver la confidentialité des opérations ; qu’il est rappelé qu’à l’issue des opérations, le « saisi » est appelé à relire le procès- verbal, à en parapher chaque page, et à signer la dernière page ;

Qu’en établissant deux procès-verbaux distincts, chaque saisi se contente d’attester des seules opérations qui le concernent, sans avoir à prendre connaissance des opérations concernant l’autre saisi ; que l’établissement d’autant de procès-verbaux que de personnes visées dans une ordonnance de saisie contrefaçon est en fait la seule solution pour préserver la confidentialité ;

Qu’alors, il y a lieu d’écarter le troisième moyen de nullité du procès- verbal de saisie contrefaçon qui est soulevé en défense ;

Attendu en conséquence qu’il y a lieu de dire et juger que les opérations de saisie contrefaçons réalisées par l’huissier Me W sont toutes valables ;

2) Sur la qualité à agir de Mme C

Attendu qu’il résulte de l’annexe 2 des demandeurs, que trois modèles de couteaux, référencés :

-094968-001, composé « d’une couteau de chasse et couteau de poche. Manche en mitre inox. Manche en bois coloré. Lame de type 420. Incrustation de logo sur le manche. Lame guillochée. Couteau manche et mitre design (numéro de publication : 852630 )»,

-094968-002, composé « d’une couteau de chasse et couteau de poche. Manche en mitre inox avec gravure laser. Manche en bois coloré. Lame en relief soudée sur le ressort. Lame guillochée. Couteau avec liane soudée sur le ressort (numéro de publication : 852631) »,
-094968-003, composé « d’une couteau de chasse et couteau de poche. Manche en mitre inox avec gravure laser. Manche en bois coloré. Lame de type 420.Lame en relief soudée sur le ressort. Lame guillochée. Couteau manche design et mitre gravé» au laser (numéro de publication : 852632) »,

… ont été déposés à l’INPI, sous la marque « Laguiole Bougna » et publiés le 24/12/2009 ;

Que M. Kamran C apparaît comme étant le déposant, et donc le titulaire de ces trois modèles, la société NKM et M. C étant les mandataires ; qu’il est constant que la société NKM est gérée par Mme K épouse C S ;

Que cependant aucun document, venant expliquer de quelle nature sont les relations d’affaire existant entre le titulaire des modèles en question, et la société NKM, n’a été produit ;

Attendu qu’en principe, seul le titulaire d’une marque, ou d’un modèle, comme c’est le cas en l’espèce, peut réclamer le bénéfice du droit à agir en contrefaçon de ses droits ;

Qu’il n’est pas établi au cas d’espèce que Mme C, en tant que responsable de la société NKM, dispose d’un droit exclusif d’exploitation sur ces modèles, ou encore qu’elle remplisse les conditions posées par l’article L 521-2 du CPI qui subordonne la possibilité pour le bénéficiaire d’un droit exclusif à exercer l’action en contrefaçon notamment à la condition que le propriétaire de la marque n’ait pas intenté une telle action ;

Que la demanderesse n’établit pas d’avantage être l’auteur, la créatrice, des modèles en question, qui ont tous été enregistrés sous le nom de M. C ;

Que dans ces conditions, il y a alors lieu de dire et juger que Mme C n’a pas démontré qu’elle disposait bien de la qualité pour agir ;

Que sa demande sera par conséquent déclarée irrecevable.

3) Sur la contrefaçon alléguée

3-1) Sur la validité des marques de M. C

Attendu que les défendeurs estiment que les trois modèles revendiqués par les requérants ne satisferaient pas à la condition de nouveauté, car ils seraient bien trop similaires à un modèle déposé antérieurement, soit le 15/02/1999, par la société espagnole MANUFACTURAS MUELA ;

Que la comparaison entre les trois modèles déposés par le demandeur et celui de la société MANUFACTURAS MUELA permet d’écarter aisément tout risque de confusion ou de ressemblance ;

Que l’ergonomie du couteau de la société MANUFACTURAS MUELA est très différente de celle des articles « laguiole bougnat », en ce sens que le couteau espagnol est droit, alors que les « laguioles bougnat » ont une courbe très particulière, la lame de couteau de la société ibère étant en outre gravée de figures de cerfs dans des entrelacs, alors que la lame du laguiole est exempte de tout dessin figuratif ;

Attendu que M. Jean F et la SARL uni personnelle KYU LINE affirment également qu’il n’y avait pas eu de contrefaçon de droit d’auteur car les demandeurs usurperaient de la qualité d’auteur, car ces modèles auraient été créés par la société chinoise YANGDONG ENLAN CUTLERY, qui était d’ailleurs propriétaire des moules à l’origine de ces trois modèles ;

Que cependant, le demandeur produit dans ses annexes plusieurs mails (annexe 22) qu’il a adressés à la société chinoise DEASUN qui était chargée de la fabrication de ces trois couteaux; que dans celui du 28/10/2008, M. C y mentionnait les indications nécessaires pour produire le « Laguiole Bougna », en précisant notamment que la lame devait porter l’indication « 420 », que le couteau devait faire exactement 11,5 cm de longueur ; que dans ses mail datés du 12/11/2008, figurait notamment le dessin de couteau vue de haut, portant une liane soudée ;

Que le requérant produit également en annexe 19 une planche de dessins de lianes végétales ornant le dessus de couteaux, ce qui démontre qu’il a mené à une réflexion sur le graphisme de la liane ;

Qu’enfin, il est établi qu’il a déposé un brevet de dessins et modèles auprès du Bureau de la propriété intellectuelle de la république de Chine le 31/10/2009 ;

Que dans ces conditions, il y a lieu de constater que le demandeur apporte bien la preuve de ce qu’il est l’auteur des trois modèles ;

Qu’enfin il y a lieu de rappeler que la société YANGDONG ENLAN CUTLERY a été en fait le sous-traitant de la société DEASUN pour produire ces trois modèles de sorte qu’il n’est pas surprenant que cette société soit en possession des moules-à l’origine de ces trois-

modèles ; que la possession de ces moules de production ne saurait démontrer en soi une quelconque propriété intellectuelle ; que sachant également que c’est cette même société YANGDONG ENLAN CUTLERY qui a produit les couteaux commercialisés par les défendeurs, il n’est pas insensé – ou déraisonnable – de formuler l’hypothèse qu’elle a pu s’inspirer de ces trois moules lorsqu’elle a réalisé les moules des modèles des couteaux commercialisés par M. F et la société KYU LINE;

3 -2) Sur la contrefaçon

Attendu que les trois modèles déposés par le demandeur présentent des caractéristiques propres qui permettent d’identifier aisément ces trois modèles comme faisant partie d’un même groupe, et donc issus du même esprit ;

Qu’ils présentent tous une mitre (un petit rebord qui tient à la lame) en inox avec un motif floral gravé au laser, une liane métallique soudée sur le ressort du couteau (le dessus du manche), une lame portant l’inscription « 420 », un manche de bois coloré, certains modèles disposant en outre d’une lame guillochée (c’est-à-dire ornée d’un entrecroisement de traits gravés) ;

Que c’est la combinaison de ces caractéristiques spécifiques qui singularise ces trois modèles, et qui corrélativement révèle la personnalité de son créateur ;

Que la juridiction estime que la présence de la liane florale, ciselée dans du métal qui a été soudée au dos du couteau, est le caractère singularisant le plus fort de ces trois types de couteaux ;

Attendu que lors des opérations de comparaison des couteaux, d’une part du demandeur, d’autre part commercialisés par les défendeurs, la juridiction n’a pu que constater que tous les modèles de couteaux comparés, avaient exactement la même longueur, la même épaisseur, et présentaient une forme ergonomique générale identique ;

Que la suite de l’analyse comparative de ces articles, permettait de constater que la structure et présentation des couteaux commercialisés par les défendeurs sont identiques (présence, d’une mitre en inox gravée de chaque côté et à chaque extrémité du manche du couteau présentant un motif floral très fin, d’une liane florale métallique soudée sur le ressort du couteau, de l’inscription « 420 » gravée sur la garde de la lame, d’un manche en bois) ;

Qu’il est alors évident qu’un « consommateur moyen » ne pourra distinguer les modèles du demandeur de ceux commercialisés par les

défendeurs, tant les points de ressemblance sont nombreux, et estimera que tous ces modèles sont de même origine ;

Attendu qu’une analyse plus fine permet de distinguer des différences, à savoir notamment au niveau de la marque indiquée sur la lame, « Laguiole Bougna » pour les modèles de M. C, simplement « Laguiole » pour les défendeurs, mais ces différences sont trop insignifiantes par rapport aux ressemblances pour permettre au consommateur de pouvoir différencier Les articles de M. C de ceux de M. F ;

Attendu qu’il y a alors lieu de dire et juger que M. F et la société défenderesse ont commis des actes de contrefaçon des droits d’auteurs sur les dessins et modèles 094968 – 001, 002 et 003 et se sont rendus coupables de faits de concurrence déloyale et de parasitisme constituant notamment une faute au sens de l’article 1382 du Code civil, en commercialisant leurs modèles 500 à 515 ;

3-3 ) Sur l’indemnisation du préjudice subi

Attendu qu’il est donc établi que les établissement F et la société KYU LINE se sont rendus responsables d’actes de contrefaçon ; que ces actes se sont matérialisés par le fait que les défendeurs ont passé commande le 11/04/2011 auprès du fournisseur chinois YANGDONG ENLAN CUTLERY de la production de 19.200 couteaux portant la référence F et KYU LINE pour un prix de 65 669 USD, alors qu’ils ne pouvaient ignorer que ces couteaux étaient des contrefaçons des trois modèles déposés par M. C et qui avaient été produits plus de trois ans plus tôt dans cette même usine chinoise ;

Que M. C est alors légitime à se plaindre d’une entrave à son action économique, ayant généré pour lui un préjudice financier ;

Que c’est à lui de démontrer l’ampleur de celui-ci ; qu’à ce stade de la réflexion, il est alors surprenant qu’au terme de plus de trois années de procédure, M. C – qui se plaint d’un effondrement de ses ventes suite à l’arrivée de ces contrefaçons – n’ait pas estimé nécessaire de produire des documents comptables de nature à préciser, voire à établir, l’exact montant de son préjudice économique ;

Qu’alors la somme réclamée à ce titre, de 200 000 €, ne pourra en aucune manière être retenue, pour absence de toute justification ;

Attendu que les seuls éléments objectifs de nature à déterminer le préjudice économique subi, résultent des informations obtenues lors des actes de saisies réalisés par Me W ;

Qu’il résulte de ces constatations, que les défendeurs ont fait fabriquer près de 19 200 couteaux contrefaits, qui ont été réceptionnés le 23/11/2011, puis mis sur le marché, de sorte qu’au moment des constatations, près de 13 048 pièces avaient déjà été vendues entre les mois de novembre 2011 et septembre 2012 ; que la vente de ces 13 048 articles a permis aux vendeurs de tirer sur cette période un bénéfice de 28.064,20 €, la société réalisant une marge de 2,15 € HT par pièce ;

Que les défendeurs n’ont a aucun moment indiqué que suite à cette procédure, ils avaient renoncé à mettre en vente les 6 152 pièces qui étaient en stock, et dont la présence physique a été constatée par Me W lors de ses opérations ;

Qu’il y aura donc lieu de considérer que les 19 200 couteaux ont été écoulés sur le marché ; qu’ils l’ont été au préjudice des trois modèles originaux et protégés par le droit de la propriété intellectuelle ; que le bénéfice total tiré par les défendeurs peut être alors évalué à 41 280 € HT ;

Qu’il y a lieu de tenir compte du fait que ce résultat est brut, avant imposition, et également que du fait que les couteaux des défendeurs ont été mis en vente à des prix inférieurs à ceux des articles de M. C, il est possible qu’une partie des acheteurs n’aurait pas acquis des couteaux similaires plus chers ; qu’alors deux décotes de 20 % affecteront ce résultat, la première au titre de l’imposition afférente, la seconde pour la part de marché acquise du fait du prix plus modeste ;

Qu’alors, la juridiction fixe à 24 768 € le préjudice économique subi au titre du préjudice économique découlant du manque à gagner et des bénéfices réalisés par le contrefacteur ;

Attendu d’autre part, que suite à l’existence de la contrefaçon, il y a nécessairement eu concurrence déloyale et parasitisme dans la mesure où les défendeurs ont, d’une part utilisé la notoriété d’autrui à des fins commerciales, et d’autre part peut-être même utilisé les modèles fabriqués suites aux indications communiquées par M. C à ses producteurs chinois, pour réaliser leurs propres modèles ;

Qu’il y a également lieu de garder en mémoire que les parties sont des entités concurrentes, intervenant sur les mêmes marchés ;

Que dans les faits, le « piratage » des droits de M. C a eu une incidence nationale, puisque les ventes des défendeurs sont réalisées sur l’ensemble du territoire français ;

Qu’alors – en application de l’article L 521-7 du CPI et de l’article 1382 du Code civil – il y aura alors lieu d’indemniser le préjudice subi en allouant une somme de 15 000 € au demandeur ;

Attendu par contre qu’il ne résulte pas des débats et des pièces produites, que la réputation commerciale de M. C ait été atteinte, en ce qu’il n’est pas démontré que les couteaux produits et commercialisés par les défendeurs aient été de mauvaise qualité :

que cependant, il est indéniable que le requérant n’a pu que subir un préjudice moral du fait de l’atteinte portée à son droit moral d’auteur ; qu’une somme supplémentaire de 5 000 € doit être allouée à M. C au titre de ce préjudice ;

Attendu en conséquence, que les défendeurs seront condamnés in solidum à verser à M. C la somme totale de 44.768 € au titre de son indemnisation; que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la date du présent jugement ;

Que la demande d’expertise comptable formulée en vue de chiffrer le préjudice, sera par conséquent déclarée sans objet ;

Que la demande qui avait été formulée en vue d’imposer aux défendeurs la production, sous astreinte des documents non encore saisis (tels que factures de vente, documents permettant de connaître les quantités produites et livrées…) sera également écartée car d’une part, il ne résulte pas du dossier que les défendeurs aient réalisé de nouvelle commande de couteaux depuis, et d’autre part de manière générale car la juridiction n’a pas vocation à se substituer aux parties dans la charge de la preuve ;

Attendu que le demandeur est en droit – afin de protéger ses trois modèles -d’obtenir de la présente juridiction qu’elle interdise aux défenderesses de détenir, offrir, vendre les produits contrefaisants, et ce sous astreinte de 50 € par infraction constatée, à savoir la détention ou commercialisation des modèles litigieux ; que cette astreinte sera effective passée un délai de 30 jours suivant la signification du présent jugement ;

Que les défendeurs seront en outre condamnés à insérer sur la page d’accueil des sites internet des établissements F (www.fuentes.fr) et de la SARL KYU LINE (www.kyuline.fr) à l’adresse http://www.atc- pro.com le dispositif du présent jugement et ce pendant un délai de 1 mois à compter de la signification du jugement ;

Que par contre, il n’apparaît pas nécessaire d’ordonner la destruction et la saisie de tous produits, documents ou supports contrefaisant appartenant aux défendeurs, ni de faire procéder à la publication de la

présente décision dans cinq journaux, en ce sens que l’interdiction édictée plus haut – de détenir , offrir ou vendre des couteaux contrefaisant – apparait suffisante pour assurer la protection des droits du requérant ;

Attendu que les demandes reconventionnelles formulées par les défendeurs seront corrélativement rejetées ;

4) Sur les demandes annexes

Attendu que M. Jean F et la SARL uni personnelle KYU LINE, parties succombantes, seront condamnés aux dépens comprenant notamment les frais d’huissier engagés lors de la réalisation des procès-verbaux de constat ;

Attendu que M. Jean F et la SARL uni personnelle KYU LINE seront en outre condamnés à verser une somme de 4 500 € au titre des dispositions de l’article 700 du CPC au présent litige;

Attendu enfin qu’il y a lieu de prononcer l’exécution provisoire du présent jugement, pour mettre au plus vite un terme à la contrefaçon ;

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

DECLARE irrecevables les demandes formulées par Mme S C née K;

REJETTE la demande de nullité des procès-verbaux de saisie contrefaçon établis par Me W le 24/09/2012;

DIT et JUGE que M. Jean F et la SARL uni personnelle KYU LINE ont commis des actes de contrefaçon des droits d’auteurs sur les dessins et modèles publiés le 24/12/2009 (bulletin de publication INPI n°2009- 26) dont est titulaire M. Kamran C, * n° 094968-001, composé « d’une couteau de chasse et couteau de poche. Manche en mitre inox. Manche en bois coloré. Lame de type 420. Incrustation de logo sur le manche. Lame guillochée. Couteau manche et mitre design (numéro de publication : 852630)», * n° 094968-002, composé « d’une couteau de chasse et couteau de poche. Manche en mitre inox avec gravure laser. Manche en bois coloré. Lame en relief soudée sur le ressort. Lame guillochée. Couteau avec liane soudée sur le ressort (numéro de publication : 852631),

* n° 094968-003, composé « d’une couteau de chasse et couteau de poche. Manche en mitre inox avec gravure laser. Manche en bois coloré. Lame de type 420.Lame en relief soudée sur le ressort. Lame guillochée. Couteau manche design et mitre gravé» au laser (numéro de publication : 852632) »,

DIT et JUGE que M. Jean F et la SARL uni personnelle KYU LINE ont commis des actes de contrefaçon de ces trois modèles et dessins et ont été à l’origine de faits de concurrence déloyale et de parasitisme au détriment de M. Kamran C ;

CONDAMNE in solidum M. Jean F et la SARL uni personnelle KYU LINE à payer à M. Kamran C la somme de 44.768 € (quarante-quatre mille sept cent soixante-huit euros) à titre d’indemnisation, somme augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date du présent jugement ;

INTERDIT à M. Jean F et la SARL uni personnelle KYU LINE de détenir, offrir, vendre les produits contrefaisants, à savoir les couteaux références 500 à 515, et ce sous astreinte de 50 € (cinquante euros) par infraction constatée ; DIT que cette astreinte sera effective passée un délai de 30 jours suivant la signification du présent jugement ;

CONDAMNE M. Jean F et la SARL uni personnelle KYU LINE à insérer sur la page d’accueil des sites internet d’une part des établissements F (www.fuentes.fr) et d’autre part de la SARL KYU LINE (www.kyuline.fr) à l’adresse http://www.atc-pro.com le dispositif du présent jugement et ce pendant un délai de 1 mois à compter de la signification du jugement ;

PRECISE que ce dispositif sera présenté dans un encart apparaissant clairement et dont la taille ne saurait être inférieure à 30 % de la totalité de la page avec une police type « TIME » ou équivalente de taille 11 au minimum, en fond blanc et en police noire ;

CONDAMNE M. Jean F et la SARL uni personnelle KYU LINE à payer à M. Kamran C la somme de 4.500 € (quatre mille cinq cents euros) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE M. Jean F et la SARL uni personnelle KYU LINE aux dépens, comprenant notamment les frais de saisie ;

DIT que la présente décision est exécutoire par provision ;

REJETTE les autres demandes.

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Tribunal de grande instance de Strasbourg, 9 mars 2016, n° 2012/05661