Tribunal Judiciaire de Paris, 3 janvier 2022, n° 18/60093

  • Ville·
  • Habitation·
  • Usage·
  • Construction·
  • Tribunal judiciaire·
  • Biens·
  • Amende civile·
  • Changement·
  • Autorisation·
  • Forme des référés

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TJ Paris, 3 janv. 2022, n° 18/60093
Numéro(s) : 18/60093

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL

JUDICIAIRE

DE PARIS

ORDONNANCE EN LA FORME DES RÉFÉRÉS rendue le 03 janvier 2022

N° RG 18/60093 – N° Portalis 352J-W-B7C-CN5G2 par B C, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, N° : 8

Assisté de Z A, Greffier. Assignation du : 03 Décembre 2018

1

DEMANDERESSE

La VILLE DE PARIS, représentée par Madame la Maire de PARIS, Madame X Y Place de l'[…]

Représentée par Maître Fabienne DELECROIX, avocat au barreau de PARIS – #R0229

DEFENDERESSE

La S.C.I. BIEN CHEZ VOUS […] et ayant désormais son siège social […]

Représentée par Maître Victor STEINBERG-COULAIS, avocat au barreau de PARIS – #E0596

DÉBATS

A l’audience du 22 Novembre 2021, tenue publiquement, présidée par B C, Juge, assistée de Z A,

Greffier,

Page 1



Nous, Président,

Après avoir entendu les parties représentées par leur conseil,

Par exploit en date du 3 décembre 2018, enregistré sous le numéro de RG 18/60093, la Ville de Paris, prise en la personne de Madame la Maire de Paris, a fait assigner la SCI BIEN CHEZ VOUS, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 822 152 583, devant le tribunal de grande instance de Paris -devenu tribunal judiciaire de Paris- saisi selon la procédure en la forme des référés, sur le fondement, notamment, des dispositions de l’article L.631-7 du code de la construction et de l’habitation, concernant l’appartement situé […], lot 31, 1er étage).

Par ordonnance du 17 janvier 2019, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la Ville de Paris dans l’attente d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 15 nov. 2018, n° 17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l’article L.631-7 du code de la construction et de l’habitation, à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

Par arrêt du 22 septembre 2020, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18).

Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle a notamment jugé que la réglementation locale de la Ville de Paris sur le changement d’usage est conforme à la réglementation européenne.

L’affaire a été rétablie à l’audience du 22 novembre 2021.

Par conclusions déposées et soutenues à l’audience, la Ville de Paris demande de :

• condamner la SCI BIEN CHEZ VOUS à payer à la Ville de Paris une amende civile de 50 000 euros ;

• condamner la SCI BIEN CHEZ VOUS à payer à la Ville de Paris la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

• la condamner aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, la Ville de Paris fait valoir que le local en cause est à usage d’habitation sans aucun changement d’affectation, qu’il ne constitue pas la résidence principale de la défenderesse, qu’il a fait l’objet de locations de courte durée à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et que la SCI BIEN CHEZ VOUS a enfreint les dispositions de l’article L.631-7 du code de la construction et de l’habitation en changeant l’usage du bien sans autorisation préalable.

Page 2



Par conclusions déposées et soutenues à l’audience, la SCI BIEN CHEZ VOUS demande de :

• débouter la Ville de Paris de l’intégralité de ses demandes ;

• condamner la Ville de Paris aux entiers dépens de l’instance ;

• condamner la Ville de Paris au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la SCI BIEN CHEZ VOUS conteste avoir enfreint les dispositions de l’article L.631-7 du code de la construction et de l’habitation en imputant les locations litigieuses à sa locataire OSCARBNB et en faisant valoir une insuffisance de preuve quant à l’affectation du bien litigieux.

Il est renvoyé aux dernières écritures des parties et à leurs observations à l’audience pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions qui y sont contenus.

La date de délibéré a été fixée au 3 janvier 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de condamnation sur le fondement des dispositions des articles L.631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l’habitation

L’article L.631-7 du code de la construction et de l’habitation dans sa rédaction temporellement applicable prévoit : « La présente section est applicable aux communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est, dans les conditions fixées par l’article L.631-7-1, soumis à autorisation préalable.

Constituent des locaux destinés à l’habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l’article L. 632-1 ou dans le cadre d’un bail mobilité conclu dans les conditions prévues au titre Ier ter de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

Pour l’application de la présente section, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.

Page 3


Toutefois, lorsqu’une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l’usage d’un local mentionné à l’alinéa précédent, le local autorisé à changer d’usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l’usage résultant de l’autorisation.

Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.

Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article ».

L’alinéa premier de l’article L.651-2 du code de la construction et de l’habitation dans sa rédaction temporellement applicable prévoit que : « Toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 euros par local irrégulièrement transformé ».

Conformément à l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à la Ville de Paris, d’établir :

l’existence d’un local à usage d’habitation, un local étant réputé à usage d’habitation si la preuve est apportée par tout moyen qu’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés ;

un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile.

Il est en outre constant que, s’agissant des conditions de délivrance des autorisations, la Ville de Paris a adopté, par règlement municipal et en application de l’article L.631-7-1 du code de la construction et de l’habitation, le principe d’une obligation de compensation par transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, obligation de compensation dont il n’est pas allégué qu’elle a été mise en œuvre.

Sur l’usage d’habitation du local

En l’espèce, il ressort des éléments de la procédure que :

• le fait que le relevé de propriété mentionne la lettre “H” pour habitation dans la case “Af” pour affectation n’a pas pour effet d’établir la nature de l’usage du bien au 1er janvier 1970 ;

Page 4


• la fiche H2 produite est datée du 28 décembre 1970 et précise que le local est occupé par le propriétaire. Toutefois, cette mention ne permet pas d’établir que le local était à usage d’habitation au 1er janvier 1970, la fiche H2 ayant été remplie postérieurement à cette date ;

• la fiche modèle R n’est pas produite.

Il en résulte que la Ville de Paris échoue à démontrer qu’au 1er janvier 1970 ce local était utilisé à usage d’habitation.

La première condition nécessaire à l’application des dispositions des articles L.651-2 et L.631-7 du code de la construction et de l’habitation n’étant pas remplie, la Ville de Paris sera déboutée de sa demande visant à voir condamner la SCI BIEN CHEZ VOUS à une amende civile de 50 000 euros, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens soulevés par les parties.

Sur les mesures accessoires :

L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Dès lors que la Ville de Paris est déboutée de ses demandes, elle supportera la charge des dépens.

L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée et il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

Succombant en ses prétentions, la Ville de Paris devra verser une indemnité que l’équité commande de fixer à 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

Statuant après débats en audience publique selon la procédure en la forme des référés, par mise à disposition au greffe au jour du délibéré, par décision contradictoire et en premier ressort,

Rejetons la demande de la Ville de Paris tendant à voir condamner la SCI BIEN CHEZ VOUS au paiement d’une amende civile sur le fondement des dispositions des articles L.631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l’habitation ;

Condamnons la Ville de Paris à payer à la SCI BIEN CHEZ VOUS la somme de mille cinq cents euros (1 500 euros) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Page 5


Condamnons la Ville de Paris aux dépens ;

Rappelons que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de plein droit.

Fait à Paris le 03 janvier 2022

Le Greffier, Le Président,

Z A B C

Page 6


1. D E F G

2 Copies exécutoires délivrées le:

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal Judiciaire de Paris, 3 janvier 2022, n° 18/60093