Tribunal Judiciaire de Toulouse, 30 juillet 2020, n° 20/00330

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TJ Toulouse, 30 juill. 2020, n° 20/00330
Numéro(s) : 20/00330

Texte intégral

20/ 48 MINUTE N° FORMULE EXÉCUTOIRE DOSSIER : N° RG 20/00330 délivrée le 30 Juillet 2020

-

N° Portalis à INSPECTION DU TRAVAIL DE LA

HAUTE-GARONNE DBX4-W-B7E-07AX à l’AARPI QUATORZE NAC: 891

à Me Sandra RUCCELLA

à la SELARL CABINET CHAMPOL POUR EXPEDITION CONFORME A LA MINUTE CONSEIL

à la SELARL VOA RE à l’AARPI LAUNOIS-ROCA LE GREFFIER JUDICA TOULOUS

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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULOUSE

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 30 Juillet 2020

DEMANDERESSE

INSPECTION DU TRAVAIL DE LA HAUTE-GARONNE – UNITÉ REGIONALE DE […], dont le siège social est sis […]

représentée par les inspectrices et inspecteur du travail en les personnes de Madame Y X et Madame C Z

DÉFENDEURS

Société SOBORDE HARD DISCOUNT, dont le siège social est sis […]

représentée par Me Philippe BOUCHEZ EL GHOZI, avocat au barreau de PARIS, plaidant, et Maître Pascal SAINT GENIEST de l’AARPI QUATORZE, avocats au barreau de TOULOUSE, postulant,

S.A.S.U. MONDIAL PROTECTION GRAND SUD OUEST, dont le siège social est sis […]

représentée par Me Anne QUENTIER, avocat au barreau de PARIS, plaidant, et Me Sandra RUCCELLA, avocat au barreau de TOULOUSE, postulant,

S.A.R.L. SUD OUEST SECURITE, dont le siège social est sis […]

représentée par Maître Jean-charles CHAMPOL de la SELARL CABINET CHAMPOL

CONSEIL, avocats au barreau de TOULOUSE

Syndicat CFDT SERVICES […], intervenant volontaire, dont le siège social est sis […]

représenté par Maître Pauline VAISSIERE de la SELARL VOA, avocats au barreau de TOULOUSE

Organisme LA FEDERATION DE L’EQUIPEMENT ENVIRONNEMENT TRANSPORT ET SERVICES FORCE OUVRIERE, intervenant volontaire, dont le siège social est sis […]

représentée par Me Hortense BETARE, avocat au barreau de PARIS, plaidant, et Maître Marie-elodie ROCA de l’AARPI LAUNOIS-ROCA, avocats au barreau de TOULOUSE, postulant,

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COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats à l’audience publique du 23 Juin 2020

PRÉSIDENT: Sophie MOLLAT, Première Vice-Présidente Adjointe

GREFFIER: Sophie FRUGIER, Greffier

ORDONNANCE:

PRÉSIDENT : Sophie MOLLAT, Première Vice-Présidente Adjointe

GREFFIER: Koralie IOUALALEN, Greffier

Prononcée par mise à disposition au greffe, après prorogation du 23 Juillet 2020 au 30 Juillet

2020.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par actes d’huissier en date des 20 et 21.02.2020 Mesdames X et Z prises en leur qualité d’inspectrices du travail de l’unité régionale de lutte contre le travail illégal et de l’unité de contrôle n°1 de la Haute Garonne ont fait assigner devant le juge des référés du tribunal judiciaire de TOULOUSE la société SOBORDE HARD DISCOUNT, la société MONDIAL PROTECTION GRAND SUD-OUEST et la société SUD OUEST SECURITE pour :

-que soient entendus les chefs d’entreprise requis,

- que la société SOBORDE HARD DISCOUNT soit obligée de fermer le magasin LEADER

[…] le dimanche à 13h,

- qu’il soit interdit à la société SOBORDE HARD DISCOUNT d’employer ses salariés et/ou de recourir à des prestataires quelconques dont les salariés la société MONDIAL PROTECTION GRAND SUD-OUEST et la société SUD OUEST SECURITE pour ouvrir au public le magasin

[…] le dimanche après 13h,

- qu’il soit interdit à la société MONDIAL PROTECTION GRAND SUD-OUEST et la société

SUD OUEST SECURITE d’employer des salariés le dimanche après 13 heures dans le magasin […],

- que les obligations et interdictions fixées à la société SOBORDE HARD DISCOUNT soient assorties d’une astreinte de 20.000 euros par dimanche et par salariés illégalement employés que l’interdiction fixée à la société MONDIAL PROTECTION GRAND SUD-OUEST et la société SUD OUEST SECURITE soit assortie d’une astreinte de 20.000 euros par dimanche et par salariés illégalement employés,

- que le juge des référés se réserve le droit de procéder à la liquidation de l’astreinte,

- voir désigner la SCP A B en la personne de Maître B huissier de justice chargé de l’application de l’ordonnance à intervenir en lui permettant de pénétrer dans les établissement, de recueillir le nom des personnes éventuellement présentes dans les locaux considérés, de consulter tout registre ou document quel qu’en soit le support permettant de constater l’emploi de salariés le dimanche après midi et le respect de l’ordonnance à intervenir en se faisant le cas échéant et selon les besoins accompagné d’un inspecteur ou contrôleur du travail désigné par lui,

- voir l’ordonnance à intervenir exécutoire sur minute avant enregistrement,

- voir condamner les sociétés défenderesses à leur payer la somme de 1500 euros versée au profit du Trésor Public au titre des frais prévus par l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Elles exposent qu’un contrôle a été effectué le dimanche 6 octobre 2019 à 16h dans le magasin […], qu’il a été constaté la présence de salariés d’une société ETIC chargés d’aider les clients du supermarché lors du paiement aux caisses automatiques ainsi que des salariés de la société MONDIAL PROTECTION et de la société SUD OUEST SECURITE, que des courriers ont été adressés aux sociétés rappelant la réglementation en vigueur. Elle indique que des contrôles ont été effectués le dimanche 17 novembre à 15h et le 4 février 2020 et que les bandes vidéo du dimanche 5 janvier ont été visionnées, que s’il a été constaté que les salariés de la société ETIC n’étaient plus présents il a été constaté la présence de salariés des sociétés de sécurité, et que ceux-ci réalisaient de très nombreuses interventions d’aide et assistance aux clients.

Elles font valoir qu’aux termes de la législation en vigueur le repos hebdomadaire doit être donné le dimanche et dans les commerces alimentaires à compter de 13h, que ces

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dispositions interdisent donc l’emploi de salariés, quel que soit leur statut ou leur employeur dans un commerce de détail alimentaire après 13h, que certaines entreprises disposent de dérogation au repos dominical mais que cette dérogation ne trouve à s’appliquer que lorsque les salariés travaillant le dimanche effectuent exclusivement des missions de surveillance, de sécurité ou de gardiennage, que l’article L 612-2 du code de la sécurité intérieure impose que les activités de sécurité définies à l’article L 611-1 soient exclusives de toutes autres activités, qu’il importe donc que les agents de sécurité ne réalisent pas en pratique les activités des salariés employés dans les commerces alimentaires. Elles exposent que la seule mesure pour assurer l’efficience de cette est la fermeture du magasin après 13h et font valoir en l’espèce que dans le supermarché objets des contrôles effectués l’absence de personnel de la société LEADER PRICE amène les clients à solliciter les agents de sécurité et amène ceux-ci à aider et assister les clients dans leur acte d’achat, que les agents de sécurité accomplissent ainsi des missions qui ne relèvent pas de la sécurité ou de la surveillance des biens ou des personnes ou qui ne sont pas nécessaires à l’accomplissement de celles-ci, qu’en procédant ainsi l’activité des agents de sécurité est en infraction aux dispositions de l’article L 612-2 du code de la sécurité intérieure en ce que cette activité a pour objet et pour effet de rendre possible le fonctionnement et l’ouverture d’un commerce de détail alimentaire en mode automatique et qu’en conséquence les sociétés de sécurité ne peuvent se prévaloir de la dérogation prévue à l’article R3132-5 du code du travail pour employer leur personnel le dimanche, que les situations constatées caractérisent des infractions aux dispositions des articles L 3132-3 et L 3135-2 du code du travail.

Aux termes de ses conclusions la FEDERATION DE L’EQUIPEMENT

ENVIRONNEMENT TRANSPORT ET SERVICES FORCE OUVRIERE demande au président du tribunal judiciaire de :

- faire droit à sa demande de constitution de partie civile dans la présente instance,

- de déclarer recevable ses demandes,

- de condamner la société SOBORDE HARD DISCOUNT, MONDIAL PROTECTION SUD

OUEST et SUD OUEST SECURITE à lui payer la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice subi ainsi que la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle expose que l’article L. 2132-3 du code du travail permet aux syndicats d’exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent devant toutes les juridictions et que la Cour de Cassation depuis un arrêt du 9 juillet 2015 juge que l’action introduite par un syndicat sur ce fondement est recevable du seul fait que l’action repose sur la violation d’une règle d’ordre public social destinée à protéger les salariés, qu’en l’espèce la société défenderesses ont violé les dispositions prévues par le code de sécurité intérieure et ont ainsi porté préjudice à l’intérêt collectif des professions de surveillance et gardiennage justifiant les sommes réclamées.

Aux termes de ses conclusions le syndicat CFDT SERVICES […] demande :

- que soit accueillie l’intervention volontaire du syndicat CFDT SERVICES 31,

- de dire et juger que les sociétés SOBORDE HARD DISCOUNT, MONDIAL PROTECTION et SUD OUEST SECURITE ont créé un préjudice à l’intérêt collectif de la profession,

- en conséquence de les condamner à verser au syndicat la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts outre la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il indique qu’il est recevable à intervenir volontairement dans l’action introduite par l’inspection du travail ote tenu de la violation des règles légales concernant l’interdiction du travail du dimanche pour les salariés des commerces alimentaires, en raison du préjudice causé à l’intérêt collectif de la profession.

Aux termes de ses conclusions la société SOBORDE HARD DISCOUNT demande :

à titre principal et in limine litis de déclarer irrecevable l’action engagée par les inspectrices du travail de l’unité régionale de lutte contre le travail illégal et de l’unités de contrôle n°1 de la Haute Garonne en les personnes de Madame X, et Madame C Z agissant es qualité,

- à titre subsidiaire de les débouter de leurs prétentions,

- à titre très subsidiaire de dire n’y avoir lieu à référé faute de démonstration avec l’évidence requise en référé, de l’existence d’un trouble manifestement illicite et au regard d’une obligation sérieusement contestable,

- en tout état de cause de condamner les demandeurs à leur payer la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens, de déclarer irrecevable le syndicat CDFT SERVICES ARIEGE GASCOGNE MIDI

TOULOUSAIN en son intervention volontaire,

- à titre subsidiaire de le débouter,

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en tout état de cause de le condamner au paiement de la somme de 1000 euros au titre des

frais irrépétibles et aux dépens. Elle soutient que l’action engagée est irrecevable dans la mesure l’article L 3132-31 n’autorise la recevabilité de l’action en référé des inspecteurs du travail qu’en cas de l’emploi illicite de salariés en infraction aux dispositions des articles L 3132-3 et L3132-13, qu’en l’espèce le magasin LEADER PRICE situé […] à Toulouse n’emploie pas de salariés le dimanche après 13h ainsi que cela a été constaté par les inspecteurs du travail, que l’objet du débat concerne l’ouverture du magasin qui fonctionne avec des caisses automatisées en l’absence de salariés de la société SOBORDE, qu’il importe peu que des salariés d’une société prestataire de sécurité soient présents au sein du supermarchés dès lors que les articles L 3132-12 et R 3132-5 du code du travail autorisent expressément ces salariés à travailler le

dimanche. A titre subsidiaire elle soutient que les prétentions des inspecteurs du travail doivent être rejetées puisque les demandes concernent les relations entre un employeur et ses salariés et non pas au titre des relations entre cet employeur et des salariés qui lui sont tiers car salariés

Elles exposent que les employeurs des agents de sécurité bénéficient d’une dérogation d’une autre société. permanente de droit pour faire travailler leurs salariés au sein d’un établissement qui lui confierait des prestations de sécurité, qu’elle a le droit et même l’obligation d’assurer la sécurité de son établissement, qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne lui interdit d’ouvrir son supermarché en dehors de la présence de ses salariés dès lors que cet établissement fonctionneme avec des caisses automatisées le dimanche après midi, que c’est de façon inexacte que les demandeurs allèguent que l’interdiction d’emploi après 13h de salariés dans les commerces s’accompagne nécessairement de la fermeture du magasin, qu’en effet l’article L 3132-13 du code du travail ne comporte pas cette obligation de fermeture, la loi s’attachant uniquement à réaffirmer le principe du repos dominical. Elle expose que la réglementation en vigueur n’a posé aucune limite aux entreprises de surveillance, gardiennage pour effectuer leurs prestations de surveillance, de gardiennage et

Elle soutient que les constats d’huissier versés aux débats justifient de ce que le de lutte contre l’incendie. magasin fonctionne de façon automatisée aux mois d’avril et de mai 2020 sans intervention humaine s’agissant des activités de vente et de paiement et que le rôle des agents de sécurité est strictement limité aux missions de sécurité des biens et des personnes et ce conformément aux dispositions de l’article L. 612-2 du code de la sécurité intérieure et au contrat cadre souscrit entre SOBORDE et MONDIAL PROTECTION SUD OUEST, que la preuve est rapportée que les clients sont renseignés par les affichettes, les panonceaux, les messages sonores et la signalétique sur le fonctionnement autonome du magasin et que si un client interroge les agents de sécurité ceux-ci font preuve de courtoisie en leur répondant mais n’exécutent pas pour autant des tâches autres que des tâches de surveillance.

A titre encore plus subsidiaire elle soutient que les demandeurs sont défaillants dans la démonstration de l’existence d’un prétendu trouble manifestement illicite, qu’en effet l’interprétation des textes du code du travail à l’aune des travaux parlementaires et combinés avec ceux du code de la sécurité intérieure échappe à la compétence du juge des référés lequel n’a pas vocation à interpréter ces questions complexes d’interprétations qui constituent des questions de fond excédant sa compétence.

Elle fait valoir que la CFDT a été informée de l’action engagée par un courrier envoyé par l’inspection du travail du 21.02.2020, qu’un tel procédé contrevient aux dispositions impératives qui s’imposent à tout inspecteur du travail en application de l’article R8124-31 du code du travail et aux obligations d’impartialité, de confidentialité, de discrétion, de respect du secret professionnel et de probité, que l’information de la CFDT n’ été possible que par une violation flagrante du secret professionnel et des devoirs précités, que l’intervention volontaire de ce syndicat reposant sur une information obtenue de façon illicite son action devra nécessairement être déclarée irrecevable au regard des règles impératives du procès

Subsidiairement elle soutient qu’aucune pièce ne démontre l’existence même du équitable; préjudice allégué tant dans son principe que dans son montant.

Aux termes de ses conclusions la société SUD OUEST SECURITE demande au juge des référés:

- de dire et juger irrecevable les demandes présentées contre elle,

- de dire et juger qu’il ne peut exister contre elle aucune infraction au travail dominical,

- de dire et juger infondées les demandes de l’inspection du travail contre elle,

- de débouter la CDFT de toute demande à son encontre,

- de condamner l’Etat à lui payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, de condamner la CFDT à lui payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700

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du code de procédure civile,

- de condamner l’Etat aux dépens.

Elle expose qu’elle dispose en tant qu’entreprise spécialisée dans le domaine de la sécurité privée, d’une dérogation au repos dominical, que ses salariés exécutent des missions de sécurité au sein du magasin LEADER PRICE et interviennent uniquement dans le cadre et dans les limites de leurs fonctions, qu’ils ne procèdent en particulier à aucune vente, ni aucun encaissement, éléments qui représentent l’essentiel d’un commerce alimentaire, que les éléments que fait valoir l’inspection du travail restent dans le cadre de la mission principale mais surtout ne modifient pas le fait que la présence des agents de sécurité est indispensable à la l’ouverture du magasin.

Aux termes de ses conclusions la société MONDIAL PROTECTION GRAND SUD

OUEST demande au juge des référés:

- à titre principal de constater que la société MONDIAL PROTECTIN GRAND SUD OUEST a mis à la disposition de la société SOBORDE HARD DISCOUNT des agents de sécurité dans le cadre d’un contrat de prestation de services portant sur des activités de sécurité privée,

- de constater la cessation des prestations de sécurité de la société MONDIAL PROTECTION GRAND SUD OUEST au sein du magasin LEADER PRICE exploité par la société SOBORDE HARD DISCOUNT, de juger irrecevable les demandes des inspectrices du travail à son égard,

- de juger irrecevables les demandes de la CFDT à son égard, à titre subsidiaire au fond

- de constater qu’elle n’a pas employé illégalement de salariés le dimanche après 13 heures sur le site de LEADER PRICE,

- de juger infondées les demandes des inspectrices du travail à son égard,

- de juger infondées les demandes de la CFDT à son égard, en conséquence et en tout état de cause,

- de débouter les inspectrices du travail de l’intégralité de leurs demandes,

- de débouter la CFDT de l’intégralité de ses demandes,

- de condamner l’Etat à lui verser la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la CFDT à lui verser la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

- de condamner l’Etat et la CDFT aux dépens.

Elle expose que les prestations réalisées pour le compte de la société SOBORDE HARD DISCOUNT ont cessé, et qu’en conséquence les demandes des inspectrices sont sans objet et irrecevables ainsi que les demandes de la CFDT. Elle expose subsidiairement qu’elle dispose d’une dérogation au repos dominical au regard des activités qu’elle exerce, que cette dérogation s’applique que le magasin soit ouvert ou fermé et qu’en conséquence il ne peut lui être reproché la violation du repos dominical qui ne s’applique pas à elle. Elle fait valoir que ses agents n’ont toujours effectué que les missions de sécurité privé dont ils sont chargés étant précisé que certaines tâches retenues par les inspecteurs du travail comme débordant du cadre de la mission relèvent expressément pourtant de leur mission.

A l’audience les inspecteurs du travail indiquent que le droit du travail leur impose d’informer les syndicats, qu’en effet la convention internationale du travail prévoit que les inspecteurs du travail doivent informer les usagers et que cette disposition a été reprise dans la loi, qu’ils ont donc l’obligation d’informer les salariés et les employeurs des suites des contrôles et donc s’agissant des salariés d’informer les syndicats représentatifs de la branche du commerce.

Les syndicats CFDT et FO ont indiqué que l’information de la présente procédure n’avait pas été portée à leur connaissance de manière illicite mais en application d’une obligation légale et qu’en conséquence leurs demandes ne sont pas entachées d’irrecevabilité.

La société SOBORDE soulève l’irrecevabilité de l’intervention volontaire du syndicat FO dans les mêmes termes que dans ses conclusions à l’égard du syndicat CFDT.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’irrecevabilité de l’action engagée à l’encontre de la société SOBORDE HARD DISCOUNT:

Le litige porte sur les atteintes portées au repos dominical par l’ouverture le dimanche après midi du magasin LEADER PRICE situé […] à Toulouse. Il n’est pas contesté que lors des contrôles opérés par les inspecteurs du travail aucun salarié de la société SOBORDE HARD DISCOUNT n’était présent dans les lieux et en

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conséquence il ne peut être établi des violations au repos dominical à l’encontre de la société

SOBORDE.

Cependant il ne convient pas de déclarer l’action engagée irrecevable à son encontre dans la mesure où l’ouverture le dimanche après midi avec des salariés d’une société de sécurité a été faite à son initiative et sous son contrôle. En conséquence il est indispensable que la présente décision puisse lui être opposée.

Par ailleurs une demande spécifique de fermeture du magasin est articulée sur le fondement de l’article 3132-1 alinéa 2 qui la concerne uniquement et en conséquence c’est à juste titre qu’elle a été attraite dans la procédure alors même qu’aucun de ses salariés ne travaillent le dimanche après midi.

Il convient en conséquence de rejeter l’exception d’irrecevabilité de l’action engagée.

Sur la violation du repos dominical :

Sur les textes applicables L’article L3132-3 du code du travail dispose que dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche.

L’article L3132-12 du code du travail dispose que certains établissements, dont le fonctionnement ou l’ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l’activité ou les besoins du public, peuvent de droit déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos hebdomadaire par roulement. Un décret en Conseil d’Etat détermine les catégories d’établissements intéressées.

L’article L3132-13 dispose que dans les commerces de détail alimentaire, le repos hebdomadaire peut être donné le dimanche à partir de treize heures.

Aux termes de l’article R 3132-5 les entreprises de surveillance et gardiennage font partie des catégories d’établissement admis à donner le repos hebdomadaire par roulement pour les salariés employés aux travaux ou activités spécifiés dans le tableau, s’agissant en ce qui les concerne des services de surveillance, de gardiennage et de lutte contre l’incendie,

L’article L3132-31 du code du travail dispose que l’inspecteur du travail peut, nonobstant toutes poursuites pénales, saisir en référé le juge judiciaire pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser dans les établissements de vente au détail et de prestations de services au consommateur l’emploi illicite de salariés en infraction aux dispositions des articles L. 3132-3

Le juge judiciaire peut notamment ordonner la fermeture le dimanche du ou des établissements et L. 3132-13. concernés. Il peut assortir sa décision d’une astreinte liquidée au profit du Trésor.

Aux termes des dispositions de l’article L 611-1 du code de la sécurité intérieure dans son 1°, l’activité de sécurité est défini comme les services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou de gardiennage de bien meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles ou dans les véhicules de transport public de personnes.

L’article L612-2 dispose dans son alinéa 1 que l’exercice d’une activité mentionnée aux 1° et 2° de l’article L611-1 est exclusif de toute autre prestation de services non liée à la surveillance, au gardiennage ou au transport de fonds, de bijoux ou de métaux précieux, à l’exception du transport, par les personnes exerçant l’activité mentionnée au 2° de l’article L. 611-1, dans les conditions prévues aux articles L 613-8 à L613-11 de tout bien, objet ou valeur.

Il résulte de ces différents textes que la règle est le repos dominical qui débute à 13h dans les commerces de détail alimentaire, que des dérogations existent au principe du repos dominical en particulier pour les activités de surveillance et de gardiennage. Cependant pour bénéficier de la dérogation en question il convient que l’activité exercée soit exclusif de toute autre prestation de service non liée à la surveillance ou au gardiennage.

Sur les faits de l’espèce

La société SOBORDE HARD DISCOUNT a procédé à l’ouverture de son magasin […] le dimanche après midi en l’absence de tout salarié dépendant d’elle et avec la seule présence des salariés de la société MONDIAL PROTECTION GRAND SUD OUEST et de son sous traitant la société SUD OUEST

SECURITE chargés d’une mission de sécurité et de gardiennage des supermarchés, les clients réglant leurs achats à l’aide de caisses automatiques mises à leur disposition.

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$

La demande principale articulée par les inspecteurs du travail est de faire cesser l’emploi illicite de salariés en infraction au repos dominical.

Sur la recevabilité de l’action des inspecteurs du travail

Le fait que les sociétés de sécurité relève d’un champ d’activité relevant d’un régime dérogatoire s’agissant du repos hebdomadaire ne permet cependant pas de retenir l’irrecevabilité de l’action engagée. En effet il est argué que les salariés des sociétés de sécurité travaillent le dimanche après midi dans le supermarché litigieux en exerçant des fonctions autre que des fonctions de surveillance et de gardiennage et relèvent en conséquence de l’interdiction du travail dominical.

Il en résulte que l’action se trouve régulièrement engagée sur le fondement des dispositions de l’article L 3132-31 du code du travail.

Sur le défaut de qualité à agir du fait de la cessation du contrat de prestations de sécurité entre la société SOBORDE SUD OUEST et la société MONDIAL PROTECTION GRAND SUD

QUEST

Le fait que le contrat passé entre la société SOBORDE et la société MONDIAL PROTECTION GRAND SUD OUEST ait cessé ne fait pas disparaitre la violation passée du repos dominical telle que soutenue par les inspectrices du travail, ni le fait qu’un nouveau contrat peut être passé entre les parties amenant la société MONDIAL PROTECTION GRAND SUD OUEST à intervenir de nouveau le dimanche après midi dans le magasin litigieux, tout élément caractérisant l’intérêt à agir de mesdames les inspectrices du travail.

Sur l’activité exercée par les salariés de la société de sécurité et la violation du repos dominical

Les fonctions de surveillance et de gardiennage constituent des fonctions dite support c’est à dire des actions et métiers venant en soutien de l’activité principale de l’entreprise. Elles aident au fonctionnement de l’entreprise, voire optimisent ce fonctionnement mais ne constituent pas le coeur de métier de l’entreprise.

La société SOBORDE HARD DISCOUNT est une société de vente alimentaire de détail. Elle a externalisé, comme la plupart des sociétés, les activités de surveillance et de gardiennage de ses supermarchés.

Le dimanche après-midi à compter de 13h entre les mois d’octobre 2019 et de février 2020, date de l’assignation, le supermarché LEADER PRICE litigieux fonctionne sans salariés de la société SOBORDE, avec la seule présence des salariés des sociétés MONDIAL PROTECTION SUD OUEST et SUD OUEST SECURITE. Les clients utilisent les caisses automatiques pour régler leurs achats alimentaires. La fermeture du magasin est assurée par les salariés des sociétés de sécurité.

En l’espèce et sans même examiner en détail si les salariés des sociétés de sécurité interviennent ou non auprès des clients et dans quelles proportions par rapport à leur mission de surveillance et de gardiennage, il est établi qu’en l’absence de tout salarié de la société SOBORDE HARD DISCOUNT le dimanche après midi dans les supermarchés l’ouverture du magasin de détail alimentaire n’est possible que par la présence humaine des salariés des sociétés MONDIAL PROTECTION et SUD OUEST SECURITE qui permettent le fonctionnement du magasin s’agissant de l’exercice de son activité de commerce de détail alimentaire et assurent la fermeture de celui-ci. De fonction support venant au soutien d’une activité principale exercée par leur client, les fonctions exercées par les salariés des sociétés de sécurité deviennent ainsi essentielles

à l’activité exercée en permettant sa réalisation.

Les fonctions professionnelles exercées par les salariés des sociétés de sécurité débordent en conséquence du cadre strict des fonctions de surveillance et de gardiennage et en permettant le fonctionnement du magasin changent de nature en s’étendant à des fonctions en relation avec le commerce de détail alimentaire.

Or la dérogation prévue à l’article R 3132-5 du code du travail soit s’entendre strictement comme limitée aux seules fonctions de surveillance et de gardiennage.

L’intervention le dimanche après-midi des salariés des sociétés MONDIAL PROTECTION GRAND SUD-OUEST et SUD-OUEST SECURITE dans les conditions rappelées ci dessous, s’agissant d’assurer la fermeture et l’ouverture du magasin et de permettre par leur seule présence le fonctionnement du commerce de détail alimentaire conduit en conséquence à une violation des règles relatives au repos dominical,

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Il convient donc de faire droit aux demandes présentées par les inspecteurs du travail s’agissant :

d’interdire aux sociétés MONDIAL PROTECTION GRAND SUD-OUEST et SUD

OUEST SECURITE d’employer des salariés le dimanche après 13 heures dans le magasin […], lorsque ceux-ci sont ouverts, dès la signification de la présente décision et à défaut sous astreinte de

20.000 euros par dimanche et par salariés illégalement employés,

d’ordonner la fermeture du supermarché litigieux le dimanche à partir de 13h, dès la signification de la présente décision, et à défaut sous astreinte de 20.000 euros par ouverture le dimanche constatée.

Sur les interventions volontaires des syndicats FO et CFDT:

L’article L2132-3 du code du travail dispose que les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice, et qu’ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.

La société SOBORDE conclue à l’irrecevabilité des actions des syndicats au motif de la violation révélée du secret professionnel de l’inspection du travail qui contrevient gravement aux règles du procès équitable et au principe de loyauté qui préside dans le procès civil. Cependant il n’appartient pas au juge des référés de statuer sur la violation arguée du secret professionnel qui relève du juge du fond mais seulement de constater pour examiner la demande des syndicats d’une part qu’ils sont recevables à agir aux termes de l’article L 2132-3 du code du travail et qu’en outre la société SOBORDE a pu se défendre de manière contradictoire. Il n’existe donc pas d’atteinte au principe du procès équitable pour la société SOBORDE.

Les demandes articulées par la CFDT et FO rentrent pleinement dans l’objet social des deux syndicats de défense des intérêts des salarié, s’agissant de faire respecter la réglementation concernant le repos dominical.

Il résulte des atteintes portées à ce droit telles que retenues supra un préjudice causé aux salariés qui justifient l’octroi d’une somme de 1000 euros par syndicat outre 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, La société SOBORDE en qualité d’organisateur de l’ouverture du supermarché le dimanche après midi et qui pour ce faire a recouru aux services de la société MONDIAL PROTECTION GRAND SUD-OUEST est pleinement responsables de la violation des règles du repos dominical par le dévoiement des fonctions de surveillance et de gardiennage dans le but de faire fonctionner son supermarché le dimanche après midi. A ce titre il est justifié de mettre à leur charge ainsi qu’à la charge des deux sociétés de sécurité qui se sont prêtées à l’opération critiquée en mettant à disposition ses salariés sur des tâches ne relevant pas par nature des tâches permettant une dérogation, les sommes allouées aux syndicats.

Sur les autres demandes :

Il y a lieu pour les mêmes raisons de condamner les défendeurs au paiement de la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Il ne convient pas d’ordonner l’exécution sur minute de la présente décision. Celle-ci doit être signifiée pour permettre son exécution par les sociétés défenderesses au regard des astreintes prononcées.

PAR CES MOTIFS

Nous, Sophie MOLLAT, Première Vice-Président Adjointe, statuant en qualité de juge des référés, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en premier ressort, rendue par mise à disposition du greffe après en avoir délibéré conformément à la loi,

Disons recevable l’action engagée par Mesdames les inspectrices du travail à l’encontre de la société SOBORDE HARD DISCOUNT ;

Interdisons à la société MONDIAL PROTECTION GRAND SUD-OUEST et à la société

SUD-OUEST SECURITE d’employer des salariés le dimanche après 13h dans le magasin […], lorsque ce magasin est ouvert ;

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Ordonnons une astreinte provisoire de 20.000 euros par dimanche et par salariés illégalement employés à l’encontre de à la société MONDIAL PROTECTION GRAND SUD OUEST et à la société SUD-OUEST SECURITE ;

Ordonnons à la société SOBORDE HARD DISCOUNT de fermer le magasin LEADER

[…] le dimanche après midi à compter de 13h, dès la signification de la présente ordonnance et à défaut sous astreinte provisoire de 20.000 euros par ouverture constatée ;

Désignons la SCP A B en la personne de Maître B huissier de justice chargé de l’application de l’ordonnance à intervenir en lui permettant de pénétrer dans les établissement, de recueillir le nom des personnes éventuellement présentes dans les locaux considérés, de consulter tout registre ou document quel qu’en soit le support permettant de constater l’emploi de salariés le dimanche après midi et le respect de l’ordonnance à intervenir en se faisant le cas échéant et selon les besoins accompagné d’un inspecteur ou contrôleur du travail désigné par lui;

Déclarons recevable les interventions volontaires de la FEDERATION DE L’EQUIPEMENT ENVIRONNEMENT TRANSPORT ET SERVICES FORCE OUVRIERE et de le syndicat CFDT SERVICES […] dans l’instance opposant les inspecteurs du travail aux sociétés défenderesses;

Condamnons la société SOBORDE HARD DISCOUNT, la société MONDIAL

PROTECTION SUD OUEST et la société SUD OUEST SECURITE à payer :

à la FEDERATION DE L’EQUIPEMENT ENVIRONNEMENT TRANSPORT ET

SERVICES FORCE OUVRIERE la somme de 1.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice subi ainsi que la somme de 1.500 euros sur le fondement de

l’article 700 du code de procédure civile au syndicat CFDT SERVICES […] la somme de 1.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice subi ainsi que la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamnons la société SOBORDE HARD DISCOUNT, la société MONDIAL PROTECTION SUD OUEST et la société SUD OUEST SECURITE à payer la somme de 1.500 euros versée au profit du Trésor Public au titre des frais prévus par l’article 700 du code de

procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Ainsi rendu les jour, mois et an indiqués ci-dessus, et signé du président et du greffier.

Le Président, Le Greffier,

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Tribunal Judiciaire de Toulouse, 30 juillet 2020, n° 20/00330