CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 13PA02335

  • Frontière·
  • Éloignement·
  • Stipulation·
  • Étranger·
  • Légalité externe·
  • Territoire français·
  • Illégalité·
  • Asile·
  • Charge de famille·
  • Célibataire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Décision précédente : Tribunal administratif de Melun, 11 avril 2013
Précédents jurisprudentiels : 15 juin 2012 n° 339209
M. Z du 10 octobre 2012 n° 360317

Texte intégral

13PA02335 M. A X
Audience du 20 janvier 2014
Lecture du 3 février 2014
CONCLUSIONS de M. Jean-Pierre LADREYT, Rapporteur public
Par une requête enregistrée le 14 juin 2013, M. A X, resortissant algérien, vous demande d’annuler le jugement du 12 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l’annulation des arrêtés en date du 9 avril 2013 par lesquels le préfet du Val d’Oise a ordonné sa reconduite à la frontière et l’a placé, en attente, en rétention administrative.
Examinons les circonstances à l’origine de ce litige : M. X, né le […], est entré sur le territoire français le 27 décembre 2001, à l’âge de 29 ans.
Il a demandé l’asile territorial en France en 2002, demande qui a été rejetée par le ministre de l’intérieur le 23 octobre de la même année.
Par arrêté en date du 20 novembre 2002, le préfet de la Seine Saint Denis a rejeté sa demande de certificat de résidence et l’a invité à quitter le territoire français dans le délai d’un mois.
Le requérant s’est maintenu irrégulièrement sur le territoire français et a été interpellé le 8 avril 2013 alors qu’il travailler sur un chantier.
A la suite de cette interpellation, le préfet du val d’Oise a ordonné sa reconduite à la frontière par un arrêté en date du 9 avril 2013 que l’intéressé, nous l’avons vu, a contesté sans succès devant le Tribunal administratif de Melun qui a rejeté sa demande par un jugement du 12 avril 2013 dont M. X relève régulièrement appel devant vous.
Nous vous inviterons à examiner tout d’abord les moyens de légalité externe soulevés à l’encontre de cet arrêté. M. X met en effet en cause la compétence du signataire de cet arrêté.
Toutefois, Mme B C a bien reçu du préfet du Val d’Oise une délégation de signature afin de signer les mesures d’éloignement prises à l’encontre des ressortissants étrangers par un arrêté en date du 28 janvier 2013 qui a été régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de l’Etat.
Ce premier moyen sera donc écarté. M. X soutient, en deuxième lieu, que l’arrêté préfectoral qui l’a visé est insuffisamment motivé au regard de sa situation personnelle ce qui laisse à penser que l’autorité administrative n’a pas procédé à un examen particulier de sa demande.
Cet arrêté vise pourtant l’ensemble des textes applicables, relate la procédure qui a été suivie à son encontre à la suite de son interpellation sur son lieu de travail et fait état de sa situation de personne célibataire sans charge de famille.
Nous vous proposerons de considérer que cette motivation est suffisante au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et d’écarter ce moyen. M. X soutient, en troisième lieu, que la procédure d’éloignement suivie à son encontre est irrégulière faute pour lui d’avoir été destinataire de l’information prévue à l’article R 8252-1 du code du travail qui impose aux agents de l’administration qui constatent une situation d’emploi clandestin d’informer le travailleur qui a été ainsi employé de faire valoir ses droits, notamment par le dépôt d’une plainte dirigée contre son employeur qui lui permet, c’est le point important, de bénéficier d’une carte de séjour temporaire pendant toute la durée de cette dernière procédure.
Vous pourrez écarter ce moyen comme irrecevable car ressortissant de la légalité externe de l’arrêté alors que M. X n’a soulevé dans sa demande de première instance que des moyens de fond.
Dans cette perspective, vous avez pris la précaution de soulever un moyen d’ordre public.
Si vous souhaitiez approfondir ce point, vous pourrez néanmoins relever que M. X laisse entendre, dans sa requête, qu’il aurait été susceptible d’avoir été la victime d’une exploitation de son employeur.
Vous savez en effet que les travailleurs clandestins sont regardés, malgré leur propre acceptation de leur situation, comme des victimes potentielles des personnes qui les ont employés.
Le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion d’examiner de près l’application de l’article R. 8252-1 du code du travail dans une décision Mlle Y du 15 juin 2012 n°339209 et a annulé un arrêt de votre Cour faute pour elle d’avoir rechercher si les services de police disposaient d’éléments permettant de considérer que la requérante était susceptible, comme elle le soutenait, d’avoir été victime de la traite des êtres humains et, par suite, de porter plainte contre les auteurs de cette infraction.
Vous éviterez donc cet écueil, si vous souhaitez écarter ce moyen autrement que pour une cause d’irrecevabilité, et vous vous appuierez sur les pièces du dossier pour considérer que M. X n’avance pas de faits qui lui aurait permis de déposer plainte contre son employeur au titre des infractions mentionnées aux articles 225-4 du code pénal qui visent les atteintes à la dignité de la personne.
Vous ne pourrez également que rejeter l’exception d’illégalité soulevée par M. X et tirée de l’illégalité de la décision de refus de séjour qui aurait été prise à son égard puisque les arrêtés du 9 avril 2013 se limitent à ordonner la reconduite à la frontière de l’intéressé, a fixé le pays à destination duquel il doit être reconduit et à le placer, dans cette attente, en rétention administrative. M. X soulève ensuite des moyens de légalité interne qu’il vous appartient d’examiner.
Le requérant soutient en effet que le préfet a méconnu les stipulations des articles 6-5° de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et commis une erreur manifeste d’appréciation en l’éloignant de France alors qu’il réside de façon stable sur le territoire national depuis plus de 12 ans où il vit avec ses frères et sœurs.
Toutefois, vous ne pourrez que constater que M. X est resté célibataire et sans charge de famille, qu’il a déclaré lors de sa demande de titre du 7 mars 2013 qu’un seul de ses frères résidait en France et qu’il n’habitait pas chez ce dernier mais qu’il y domiciliait simplement son courrier.
Ses parents résident en Algérie où il a vécu jusqu’à l’âge de 29 ans au moins et son intégration au sein de la société française reste modeste puisqu’il n’a travaillé a priori qu’une semaine et a fourni une fausse identité qui lui a valu de faire l’objet d’un rappel à la loi le 9 avril 2013.
Nous vous proposerons donc d’écarter ce moyen. M. X soutient ensuite qu’il ne pouvait faire l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière sur le fondement de l’alinéa 2 de l’article L. 533-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dès lors qu’il se trouvait en situation irrégulière.
Toutefois, cet alinéa s’applique à l’étranger qui a méconnu les dispositions de l’article L. 5221-5 du code du travail, c’est-à-dire qui a travaillé sans autorisation, ce qui est le cas en l’espèce.
Le texte précise par ailleurs qu’il ne s’applique pas à l’étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de trois mois, ce qui n’est pas le cas en l’espèce : le texte a donc également vocation à s’appliquer à M. X pour ce second motif.
Vous écarterez donc ce moyen. M. X ne peut exciper de l’illégalité de l’obligation de quitter le territoire français qui lui a été notifié puisque nous avons vu qu’il a fait l’objet d’une mesure de reconduite à la frontière.
Le requérant se borne par ailleurs à soutenir que l’autorité préfectorale a méconnu les stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales sans autre précision, ce qui ne peut qu’entrainer le rejet de ce moyen. M. X conteste enfin la décision qui l’a placé en rétention administrative dans l’attente de son éloignement du territoire national.
Le moyen tiré de l’incompétence du signataire de cette décision appelle la même réponse que précédemment puisqu’il s’agit de la même signataire.
Le requérant soutient ensuite que la décision de placement en rétention administrative prise à son encontre est insuffisamment motivée et que l’autorité préfectorale aurait été mieux inspirée de l’assigner à résidence que de procéder à ce placement.
Vous relèverez toutefois que cet arrêté vise les textes applicables, indique les motifs qui ont conduit l’autorité administrative à recourir à ce placement, en l’espèce l’absence de garantie de représentation effective propre à prévenir le risque de fuite, l’absence de passeport et de domicile certain de l’intéressé et également l’impossibilité de faire procéder sans délai à son éloignement en raison de l’absence de moyen de transports immédiatement disponible.
Cet arrêté est donc suffisamment motivé.
Sur le fond, il ressort effectivement des pièces du dossier que M. X a déclaré ne pas avoir d’adresse stable et vivre en foyer.
L’autorité préfectorale était donc fondée à privilégier la solution de la rétention administrative sans commettre, pour autant, d’erreur manifeste d’appréciation. M. X soutient ensuite que l’article R 553-14du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile sur le fondement duquel il a été assigné à résidence est incompatible avec les stipulations de l’article 16-5 de la directive 2008/115 CE dans la mesure où il ne prévoit aucune disposition permettant à l’étranger placé en rétention de se voir communiquer la possibilité de contacter des organisations non gouvernementales.
Toutefois, vous savez que par un avis préfet du Val d’Oise c/ M. Z du 10 octobre 2012 n°360317, le Conseil d’Etat a précisé que cette directive n’avait pas vocation à régir les procédures d’éloignement reposant sur une irrégularité du séjour résultant d’une absence d’autorisation de travail.
Vous écarterez donc ce moyen. M. X soutient enfin que le préfet a méconnu les stipulations de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatives au procès équitable en le plaçant en rétention administrative sans lui avoir communiquer l’intégralité des pièces de son dossier, le privant ainsi de la possibilité de faire valoir ses droits.
Toutefois l’invocation de ces stipulations est inopérante contre une procédure de placement en rétention qui n’est pas suivie devant une juridiction mais initiée par une autorité administrative.
Et PCMNC : – au rejet de la requête de M. X.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 13PA02335