CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 15PA00798

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 18 décembre 2014
Précédents jurisprudentiels : CE, 15 mai 2013, Ville de Paris, 364593
CE, 2009-11-16, Ministre de l' immigration et association collectif Respect, 328826
CE 2010-11-10, Société Carso-Laboratoire Santé Hygiène Environnement, 319109
CE, 2014-12-03, Etablissement public Tisséo et Société Métrobus, 384170
CE, Assemblée, 2014-04-04, 358994
CE, avis, 2012-04-11, Société Gouelle, 355446
CE du 2008-08-08, Région de Bourgogne ( n° 307143

Texte intégral

N° 15PA00798
Centrale d’achat de l’hospitalisation privée et publique c/ Ministre de la santé et X-IDF
Séance du 8 février 2016
Lecture du 19 février 2016
CONCLUSIONS de M. Baffray, rapporteur public
D’après les informations que l’on peut trouver au dossier et sur le site du ministère de la santé, l’Etat français mène depuis 2006 une politique de modernisation des hôpitaux, de professionnalisation et de rationalisation de leurs achats, deuxième poste de dépense dans leurs budgets. Début octobre 2011, la direction générale de l’offre de soins (DGOS) du ministère de la santé a lancé un programme baptisé « Performance hospitalière pour des achats responsables » (PHARE). Son objectif est de permettre aux hôpitaux de dégager des « économies intelligentes », mieux acheter pour se donner des marges de manœuvre supplémentaires, dans un contexte général de réduction budgétaire, tout en conservant le niveau actuel de prise en charge des patients.
Dans le cadre de ce programme, par une lettre datée du 3 janvier 2012, la directrice générale de l’offre de soins a confié au groupement d’intérêt public Réseau des acheteurs hospitaliers d’Ile-de-France (X-IDF), le rôle de « responsable des marchés mutualisés » – pour le compte et sous le contrôle de la DGOS -, avec une double mission consistant, premièrement, à l’accompagnement des régions pour le renforcement ou la mise en place de groupements sur neufs segments d’activité relevant du niveau infranational, deuxièmement, la préparation et l’animation d’un comité des marchés mensuel visant à définir et à piloter la stratégie de couverture des marchés des groupements. Cette lettre précise que la réalisation de cette mission correspond à la disponibilité du directeur du X-IDF à hauteur d’un mi-temps.
Estimant qu’une telle lettre de mission révélait un marché public de services illégalement conclu entre l’Etat et le X-IDF, la Centrale d’achat de l’hospitalisation privée et publique a demandé au tribunal administratif de Paris de l’annuler, sous la forme d’un recours du type « Tropic Travaux Signalisation » et en se prévalant de la qualité de candidate évincée ou plutôt de concurrente ayant un intérêt à conclure ce contrat.
Par un jugement du 19 décembre 2014, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête en considérant qu’elle ne justifiait pas de cette qualité.
La Centrale d’achat de l’hospitalisation privée et publique fait appel du jugement dont elle ne conteste que le bien fondé.
Je vais vous encourager à confirmer ce jugement.
Comme le tribunal, je pense que la lettre de mission contient les deux éléments qui qualifient un marché public au sens de l’article 1er du code des marchés publics.
Premièrement, cette lettre détermine des prestations pour répondre à un besoin de service de l’Etat. Ces prestations ont, je l’ai dit, pour objet d’assurer, pour le compte des services du ministère de la santé, des missions participant à l’action qu’ils mènent pour rationnaliser le fonctionnement des hôpitaux (cf, sur la notion de besoin à satisfaire impliquant une activité menée par la personne publique ou pour son compte : CE, 15 mai 2013, Ville de Paris, 364593, A ; cf aussi, par a contrario, en cas de dessaisissement complet d’une activité facultative auparavant menée par une collectivité publique en la confiant à un GIP qu’elle crée à cette fin : CE 2010-11-10, Société Carso-Laboratoire Santé Hygiène Environnement, 319109, B).
Deuxièmement, la lettre de mission définit, d’après moi, un prix qui sera versé en contrepartie, non chiffré mais correspondant à la moitié du salaire du directeur du GIP le temps de la mission (cf, pour une étude sur la notion de contrat passé à titre onéreux au sens de l’article 1er du code des marchés publics, les conclusions de Y Z sur CE, 2014-12-03, Etablissement public Tisséo et Société Métrobus, 384170, B). La ministre fait valoir qu’elle n’a rien versé mais peu importe il me semble, car l’absence de paiement du prix prévu du marché est sans incidence sur l’existence d’un marché.
Par ailleurs, ce marché ne rentre pas dans les hypothèses d’exclusion prévues par l’article 3 du code des marchés publics. En particulier, puisque l’Etat n’est pas membre du X-IDF et ne le contrôle pas, ce contrat ne porte pas sur des prestations « in house » (cf, sur cette notion d’essence européenne, les conclusions d’A B sur CE, 2009-03-04, Syndicat national des industries d’information de santé, 300481, A), autrement dit le contrat en cause ne correspond pas au cas prévu au 1° de l’article 3 du CMP des contrats conclus entre un pouvoir adjudicateur et un cocontractant sur lequel il exerce un contrôle comparable à celui qu’il exerce sur ses propres services et qui réalise l’essentiel de ses activités pour lui (cf, a contrario, outre la décision Syndicat national des industries d’information de santé, précitée : CE, 2011-12-23, Etablissement public d’aménagement euroméditerranée, 351505, A).
Cependant, et en tout état de cause, il me semble, à l’instar du tribunal, que la Centrale d’achat de l’hospitalisation privée et publique ne justifie pas de l’intérêt pour agir qu’elle invoque.
Ainsi que le rappelle la requérante elle-même, l’élargissement à tous les tiers intéressés du recours en contestation de la validité d’un contrat n’est pas ouvert aux contrats conclus, comme en l’espèce, avant la lecture de la décision Département du Tarn-et-Garonne (CE, Assemblée, 2014-04-04, 358994, A). Seuls les concurrents évincés, qu’ils aient été candidats ou auraient pu l’être du fait de leur intérêt à la conclusion du contrat, sont recevables à demander au juge du plein contentieux son annulation selon les modalités définies par la jurisprudence issue de la décision Tropic Travaux Signalisation (CE, 2009-11-16, Ministre de l’immigration et association collectif Respect, 328826, B ; CE, avis, 2012-04-11, Société Gouelle, 355446, A).
La Centrale d’achat de l’hospitalisation privée et publique soutient à cet égard qu’elle avait un intérêt à conclure le contrat dans la mesure où elle est, comme le X-IDF, spécialisée dans l’achat de produits de santé pour le compte de ses membres, des hôpitaux dont certains publics, condition suffisante au regard de la décision du CE du 2008-08-08, Région de Bourgogne (n° 307143, B). Elle fait aussi valoir que la performance de l’achat hospitalier est au cœur de sa compétence.
Il est vrai que l’article 2 de ses statuts prévoit que la Centrale d’achat de l’hospitalisation privée et publique a pour objet, à titre subsidiaire, de réaliser pour son compte ou en tant que mandataire, des opérations d’achat et de vente de biens ou de services destinées à permettre à l’ensemble de ses membres, du secteur privé ou du secteur public et assimilé, de réaliser des économies substantielles. Elle peut notamment pour cela, passer des contrats pour son compte ou celui de ses membres et procéder à la réalisation d’expertise et d’accompagnement à la gestion.
Toutefois, il n’y a rien dans ces statuts sur l’achat groupé et les marchés mutualisés des hôpitaux à un niveau régional, qui sont pourtant les thèmes des missions confiées le 3 janvier 2012 au X-IDF et l’objet premier de ce groupement.
Le rapport d’activité pour 2014 que produit l’appelante évoque la mise en place à partir de juin 2013 d’une commission des marchés publics et le « lancement » de nombreux marchés de fournitures, ainsi que la mise en ligne en novembre 2013 des résultats d’un appel d’offres sur près de 265 000 références de produits médicaux et pharmaceutiques destinés à des établissements publics. Rien n’indique qu’elle ait une quelconque compétence en matière d’élaboration et de passation de marchés groupés ou mutualisés. Au contraire, toujours d’après les documents qu’elle verse au dossier, la Centrale d’achat de l’hospitalisation privée et publique est essentiellement une « centrale de référencement », le référencement étant son objet statutaire principal, et, en matière de marchés publics, ne propose qu’un accompagnement et des prestations personnalisés. Surtout, elle ne prouve pas avoir rédigé et/ou passé un quelconque marché mutualisé au niveau régional, pour elle-même ou pour le compte de ses adhérents, publics ou non.
Quant à la stratégie de couverture des marchés des groupements et la création de groupement d’achat, elle n’a aucune compétence ni spécialisation dans ce domaine. Elle n’est pas elle-même, de son propre aveu, un groupement de commandes, à la différence du X-IDF qui est une centrale d’achat. Elle voudrait cependant vous faire croire que la création d’un groupement de commandes au sens de l’article 8 du CMP est d’une simplicité enfantine et dans les cordes de ses juristes. De ce fait, elle confirme qu’elle n’a jamais eu à se pencher sérieusement sur cette thématique et on voit mal alors comment elle pourrait prétendre jouer à ce titre le « rôle de responsable des marchés mutualisés » pour le compte de la directrice générale de l’offre de soins du ministère de la santé et être chargée à ce titre de l’accompagnement des régions pour le renforcement ou la mise en place de groupements de commandes et définir une stratégie de couverture des marchés de groupements.
Au total, la Centrale d’achat de l’hospitalisation privée et publique ne démontre pas plus devant vous que devant le tribunal une spécialisation en matière de marchés mutualisés et de groupement de commandes et sa vocation à effectuer les missions qui ont été confiées le 3 janvier 2012 par l’Etat au GIP X-IDF. Elle ne justifie donc pas suffisamment de son intérêt à conclure ce contrat et, par son conséquent, de sa qualité de concurrente évincée.
Elle n’est pas dès lors pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal a, pour ce motif, rejeté sa requête en contestation de la validité du contrat révélé par la lettre de mission du 3 janvier 2012.
PCMJC :
- au rejet de l’appel de la Centrale d’achat de l’hospitalisation privée et publique ;
- et à ce qu’il soit mis à sa charge une somme de 1 500 euros à verser au X-IDF en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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