Décision de la Commission des sanctions du 25 juillet 2013 à l'égard de Société Générale Gestion

  • Société de gestion·
  • Conflit d'intérêt·
  • Monétaire et financier·
  • Opcvm·
  • Collatéral·
  • Actif·
  • Risque·
  • Rapport annuel·
  • Valeur·
  • Grief

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
AMF, 25 juill. 2013, n° SAN-2013-19
Numéro : SAN-2013-19
Identifiant AMF : SAN-2013-19

Texte intégral

La Commission des sanctions

DECISION DE LA COMMISSION DES SANCTIONS A L’EGARD DE SOCIETE GENERALE GESTION

La 1ère section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après « AMF ») ;

Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 214-3, L. 533-1, L. 533-2, L. 533-10, L. 533-12, L. 621-2 et L. 621-15, ainsi que ses articles R. 214-13, R. 214-19, R. 621-5 à R. 621-7 et R. 621-38 à R. 621-40, dans leur version applicable à l’époque des faits ;

Vu le règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur au moment des faits, notamment ses articles 313-1, 313-18, 313-20, 313-21, 313-60, 313-65, 314-3, 314-10, 314-11, 314-99, 411-29 et 411-31 ;

Vu l’instruction AMF n° 2005-01 du 25 janvier 2005 relative aux procédures d’agrément et à l’information périodique des OPCVM français et des OPCVM étrangers commercialisés en France ;

Vu l’instruction AMF n° 2008-06 du 9 décembre 2008 relative à l’organisation des sociétés de gestion de portefeuille en matière de valorisation des instruments financiers ;

Vu la notification de griefs adressée le 26 juillet 2012 à Société Générale Gestion par lettre recommandée avec demande d’avis de de réception ;

Vu la lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 16 août 2012, en réponse à une demande datée du 13 août 2012, informant Société Générale Gestion de la prolongation jusqu’au 12 octobre 2012 du délai dont elle disposait initialement pour présenter ses observations ;

Vu la décision du 10 septembre 2012 de la présidente de la Commission des sanctions désignant Mme France Drummond, membre de la Commission des sanctions, en qualité de rapporteur ;

Vu la lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 14 septembre 2012 informant la mise en cause de la nomination de Mme France Drummond en qualité de rapporteur et lui rappelant la faculté d’être entendue, à sa demande, conformément au I de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier ;

Vu la lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 19 septembre 2012 informant la mise en cause, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, de ce qu’elle dispose de la faculté de demander la récusation du rapporteur dans un délai d’un mois ;

Vu les observations écrites présentées par Me Stéphane Puel, du cabinet Gide Loyrette Nouel, pour le compte de Société Générale Gestion datées du 12 octobre 2012 ;

Vu les lettres recommandées avec demandes d’avis de réception du 28 mars 2013, par lesquelles le rapporteur invitait Société Générale Gestion, en qualité de mise en cause, ainsi que

M. A et M. B, en qualité de témoins, à être entendus ;

17 place de la Bourse – 75082 Paris cedex 2 – tél. 01 53 45 60 00 – fax 01 53 45 63 20 www.amf-france.org

—  2 -

Vu les procès-verbaux d’audition du 9 avril 2013 de M. A et du 10 avril 2013 de

Société Générale Gestion et de M. B ;

Vu les éléments complémentaires transmis le 22 avril 2013 par Société Générale Gestion suite à son audition ;

Vu le rapport de Mme France Drummond en date du 22 mai 2013 ;

Vu la lettre du 23 mai 2013, reçue le même jour, informant la mise en cause de la date de la séance de la Commission des sanctions appelée à statuer sur les griefs notifiés à laquelle était joint le rapport du rapporteur ;

Vu la lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 30 mai 2013 informant la mise en cause de la composition de la Commission des sanctions au cours de la séance du 28 juin 2013, et de sa faculté de demander la récusation d’un ou plusieurs de ses membres ;

Vu la lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 3 juin 2013, en réponse à une demande datée du 31 mai 2013, informant Société Générale Gestion de la prolongation jusqu’au 14 juin 2013 du délai dont elle disposait initialement pour présenter ses observations en réponse au rapport ;

Vu les observations écrites en réponse au rapport du rapporteur présentées par Me Stéphane Puel, du cabinet Gide Loyrette Nouel et Me Jean Veil, du cabinet Veil Jourde, pour le compte de Société Générale Gestion datées du 14 juin 2013 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu au cours de la séance du 28 juin 2013 :

— Mme France Drummond, en son rapport ;

- Mme Michaëla d’Hollande d’Orazio, représentant le Collège de l’AMF ;

- M. Pierre Chabrol représentant le directeur général du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;

- Société Générale Gestion représentée par M. C, en qualité de Directeur général ;

- Maîtres Stéphane Puel et Jean-Philippe Pons-Henry du cabinet Gide Loyrette Nouel pour le compte de Société Générale Gestion ;

- Maître Jean Veil du cabinet Veil Jourde pour le compte de Société Générale Gestion ;

La société mise en cause ayant eu la parole en dernier.

FAITS ET PROCÉDURE

A. Faits

Société Générale Gestion (ci-après « S2G »), créée dans le cadre du rapprochement entre

Société Générale Asset Management (ci-après « SGAM ») et Crédit Agricole Asset Management (ci-après « CAAM ») qui a abouti à la création d’Amundi, dont elle est filiale à 100%, est une société de gestion de portefeuille de type 1, agréée le 8 septembre 2009 pour la gestion de portefeuille pour le compte de tiers, la gestion collective et la gestion de fonds d’investissement de droit étranger.

Du 1er janvier au 31 décembre 2010, S2G a été la société de gestion du FCP SGAM INVEST Prudence PEA (ci-après le « FCP ») antérieurement géré, du 25 mars au 8 octobre 2006, par SGAM AI, puis, jusqu’au 31 décembre 2009, par SGAM. Depuis le 1er janvier 2011, c’est Amundi qui a succédé à S2G et repris la gestion du FCP.

—  3 -

Ce FCP, agréé par l’AMF le 25 mars 2003, est un OPCVM « diversifié » non coordonné, mais respectant les règles d’investissement et d’information de la directive 85/611 CEE modifiée. C’est un fonds ouvert, qui n’a pas fait l’objet d’une commercialisation active et dont les porteurs étaient, en 2010, à 99% des OPCVM également gérés par S2G.

L’actif du FCP, qui a pour vocation d’offrir un support de type monétaire pour la gamme « PEA » des OPCVM de S2G, était composé, en 2010, d’actions européennes dont la performance était échangée contre une performance monétaire au travers d’un swap conclu avec

Société Générale Corporate Investment Banking (ci-après « SG CIB »).

Le FCP détenait également 10 millions de dollars US de la tranche D « Equity » du Collateralized Debt Obligation « Lafayette Sovereign CDO I Ltd » (ci-après la « tranche equity du CDO ») dont le sous-jacent était un panier d’obligations et de « credit-default-swaps » souverains émergents. Les titres du véhicule de titrisation de ce CDO représentaient alors un montant total, toutes tranches confondues, de 216,6 millions de dollars US ; émis le 11 avril 2002, ils avaient pour échéance le 30 octobre 2011.

La tranche equity du CDO représentait un montant nominal de 45,5 millions de dollars US. Son remboursement était subordonné à celui des tranches senior et son rendement était de l’ordre de 9% par an. Elle n’était pas évaluée par les agences de notation, mais elle était admise aux négociations sur l’Irish Stock Exchange, au même titre que les autres tranches du CDO.

La documentation prévoyait que la tranche equity devait être souscrite, à hauteur de 10 millions de dollars US et jusqu’à la date de maturité des CDO, par le collateral manager ou par une entité qui lui était « affiliée ». Le collateral manager était l’entité en charge de la gestion des actifs composant le portefeuille du véhicule de titrisation, autrement dit, des actifs sous-jacents. L’engagement de conservation jusqu’à maturité d’une part de la tranche equity des CDO, qui est la plus risquée car la plus subordonnée, garantissait aux souscripteurs un alignement des intérêts du collateral manager sur les leurs.

Lors de l’émission des CDO, en 2002, la fonction de collateral manager était assurée par la société Barep AM. Les 10 millions de dollars US de la tranche equity que celle-ci devait détenir ont été portés, dans un premier temps, par plusieurs fonds gérés par SGAM AI, puis par le FCP, dont la gestion a été reprise par SGAM le 9 octobre 2006. A la suite de la fusion entre Barep AM et SGAM, la seconde a succédé à la première dans la fonction de collateral manager des CDO à partir de la signature, le 29 juin 2009, du First Supplemental Trust Deed. Puis, dans le cadre du rapprochement entre SGAM et CAAM, S2G a repris, le 1er janvier 2010, la gestion du FCP et, jusqu’au 31 décembre 2010, la fonction de collateral manager du CDO.

B. Procédure

En application de l’article L. 621-9 du code monétaire et financier, le secrétaire général de l’AMF a décidé, le 5 juillet 2011, de procéder au contrôle du respect, par S2G, de ses obligations professionnelles. Le contrôle s’est déroulé en septembre et octobre 2011, sous la forme de travaux sur pièces et d’entretiens.

Compte tenu des variations atypiques observées sur la valeur liquidative du FCP au cours de l’année 2010, les investigations se sont concentrées sur ce fonds, qu’il s’agisse de sa gestion financière, de son processus de valorisation ou du principe de la primauté de l’intérêt des porteurs.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 27 décembre 2011, le secrétaire général de l’AMF a adressé le rapport de contrôle établi le 17 novembre 2011 à S2G, prise en la personne de son président à l’époque des faits, M. […], invité à lui transmettre ses éventuelles observations dans le délai d’un mois.

Après avoir bénéficié, conformément à sa demande, d’une prorogation de délai, S2G a fait parvenir, le 27 février 2012, ses observations en réponse au rapport de contrôle.

—  4 -

Au cours de sa séance du 11 juillet 2012, la Commission spécialisée n° 1 du Collège de l’AMF, constituée en application de l’article L. 621-2 du code monétaire et financier, a examiné le rapport de contrôle et les observations de S2G, à laquelle elle a décidé de notifier des griefs.

La notification a été faite, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 26 juillet 2012, à S2G qui a été informée, d’une part, de la saisine de la présidente de la Commission des sanctions, d’autre part, du délai de deux mois dont elle disposait pour présenter des observations écrites en réponse, ainsi que de la possibilité de se faire assister de toute personne de son choix et de prendre connaissance des pièces du dossier dans les locaux de l’AMF.

En substance, il est reproché à S2G (i) une absence de gestion des conflits d’intérêts liés à ses activités, (ii) une absence de valorisation précise et indépendante des éléments d’actif et de hors-bilan du FCP et (iii) un défaut d’information des porteurs de parts du même FCP.

Conformément aux dispositions de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier, le président de l’AMF a, le 26 juillet 2012, transmis copie de la notification de griefs à la présidente de la Commission des sanctions qui, par décision du 10 septembre 2012, a désigné Mme France Drummond en qualité de rapporteur, ce dont la société mise en cause a été informée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 14 septembre 2012 lui rappelant la faculté d’être entendue, à sa demande, conformément au I de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 19 septembre 2012, le secrétariat de la Commission des sanctions a informé S2G, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, de ce qu’elle disposait de la faculté de demander la récusation du rapporteur dans le délai d’un mois, dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code.

Après avoir bénéficié, conformément à sa demande, d’une prorogation de délai, S2G a fait parvenir, le 12 octobre 2012, ses observations en réponse à la notification de griefs.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 28 mars 2013, le rapporteur a invité à se présenter, en qualité de témoins, MM. A et B qui étaient, à l’époque des faits, respectivement gérant du FCP et dirigeant de S2G et, en qualité de mise en cause, S2G.

Le rapporteur a procédé à l’audition :

— le 9 avril 2013, de M. A ;

- le 10 avril 2013, de M. B, assisté de son conseil, puis de S2G, représentée par son directeur général M. C, accompagné de M. B et de M. […], administrateur de S2G assisté de ses conseils.

Par courrier 22 avril 2013, S2G a versé de nouvelles pièces au dossier de la procédure.

Par lettre du 23 mai 2013, reçue le même jour et à laquelle était joint le rapport du rapporteur, la société mise en cause a été convoquée à la séance de la Commission des sanctions du 28 juin 2013.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 30 mai 2013, S2G a été informée de la composition de la Commission des sanctions lors de la séance, ainsi que du délai de quinze jours dont elle disposait, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander, conformément aux articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code, la récusation de l’un ou l’autre des membres de cette Commission.

Après avoir bénéficié d’une prorogation de délai, conformément à sa demande, S2G a fait parvenir, le 14 juin 2013, ses observations en réponse au rapport du rapporteur.

—  5 -

MOTIFS DE LA DECISION

I. SUR LE GRIEF RELATIF A L’ABSENCE DE GESTION PAR S2G DU CONFLIT D’INTERETS LIE A SES ACTIVITES

Considérant qu’il est reproché à S2G « en omettant de gérer le conflit d’intérêts qui résultait de sa fonction rémunérée de collateral manager des CDOs investis par le FCP et de gestionnaire financier du FCP,

[de n’avoir] pas agi au bénéfice exclusif des souscripteurs de parts du FCP et [d’avoir] privilégié ses propres intérêts ainsi que ceux de son groupe d’appartenance plutôt que ceux de ses clients » ; que la notification de griefs observe que « la mission de contrôle a relevé que la présence des CDOs à l’actif du FCP résultait d’un engagement irrévocable de détention de ces CDOs lié à la fonction rémunérée de

collateral manager pris initialement par BAREP ASSET MANAGEMENT dès la création du SPV en 2002 » et que S2G n’a « pris aucune décision lui permettant de gérer le conflit d’intérêts résultant de l’exercice de sa fonction rémunérée de collateral manager et du portage des CDOs par le FCP dont elle assurait la gestion financière », notamment en reprenant ces actifs en compte propre ou, comme le permettait le contrat de Collateral Management Agreement, en les cédant à une entité de son groupe ;

I.1. Textes applicables

Considérant que ce grief se fonde sur des faits constatés entre 1er janvier et le 31 décembre 2010 ; que la notification de griefs vise les articles L. 214-3, L. 533-1 et L. 533-10 du code monétaire et financier, ainsi que les articles 313-1, 313-18, 313-20, 313-21 et 314-3 du règlement général de l’AMF ; que la rédaction d’aucun de ces articles n’ayant été modifiée dans un sens moins sévère, il en sera fait application, dans leur version applicable à l’époque des faits ;

Considérant que, selon l’article L. 533-1 du code monétaire et financier, les sociétés de gestion de portefeuille « […] agissent d’une manière honnête, loyale et professionnelle, qui favorise l’intégrité du marché » ;

Considérant que l’article L. 214-3 du code monétaire et financier précisait « […] la société de gestion doi[t] agir au bénéfice exclusif des souscripteurs » ;

Considérant que l’article 314-3 du règlement général de l’AMF ajoutait que la société de gestion de portefeuille « […] agit d’une manière honnête, loyale et professionnelle qui sert au mieux l’intérêt des clients » ;

Considérant que l’article L. 533-10 du code monétaire et financier impose à la société de gestion de portefeuille de « […] mettre en place des règles et procédures permettant de garantir le respect des dispositions qui [lui] sont applicables » ;

Considérant qu’aux termes de l’article 313-1 du règlement général de l’AMF, la société de gestion de portefeuille « établit et maintient opérationnelles des politiques, procédures et mesures adéquates visant à détecter tout risque de non-conformité aux obligations professionnelles […]. / Pour l’application de l’alinéa précédent, [la société de gestion de portefeuille] tient compte de la nature, de l’importance, de la complexité et de la diversité des services d’investissement qu'[elle] fournit et des activités qu'[elle]

exerce » ;

Considérant qu’aux termes de l’article 313-18 du règlement général de l’AMF la société de gestion de portefeuille doit prendre « toute mesure raisonnable lui permettant de détecter les situations de conflits d’intérêts se posant lors […] de la gestion d’OPCVM […] entre [elle]-même, […] ou toute personne

[qui lui est] directement ou indirectement liée […] par une relation de contrôle, d’une part, et ses clients, d’autre part […] » ;

—  6 -

Considérant que l’article 313-20 du règlement général de l’AMF précise que la société de gestion de portefeuille « établit et maintient opérationnelle une politique efficace de gestion des conflits d’intérêts qui doit être fixée par écrit et être appropriée au regard de sa taille, de son organisation, de la nature, de l’importance et de la complexité de son activité. / Lorsque [la société de gestion de portefeuille] appartient à un groupe, la politique de gestion des conflits d’intérêts doit également prendre en compte les circonstances, qui sont connues ou devraient être connues par [la société de gestion de portefeuille], susceptibles de provoquer un conflit d’intérêts résultant de la structure et des activités professionnelles des autres membres du groupe » ;

Considérant que l’article 313-21 du règlement général de l’AMF indique que « I. - La politique en matière de gestion des conflits d’intérêts mise en place conformément à l’article 313-20 doit en particulier : 1 Identifier […] les situations qui donnent ou sont susceptibles de donner lieu à un conflit d’intérêts comportant un risque sensible d’atteinte aux intérêts d’un ou de plusieurs clients, à l’occasion […] de la gestion d’OPCVM ; 2 Définir les procédures à suivre et les mesures à prendre en vue de gérer ces conflits.

[…] » ;

Considérant que, comme le soutient S2G, les articles 313-1 et 313-18 du règlement général de l’AMF, qui sont respectivement consacrés aux « procédures et mesures adéquates visant à détecter tout risque de non-conformité aux obligations professionnelles » et aux « mesure[s] raisonnable[s] [lui] permettant de détecter les situations de conflits d’intérêts se posant lors de la prestation de services d’investissement, de services connexes ou de la gestion d’OPCVM » sont inapplicables en l’espèce, le grief concernant, non pas la détection du conflit, mais la manière dont celui-ci a ou n’a pas été géré ; que ces textes seront donc écartés ;

Considérant, en revanche, que sont visées de façon pertinente, au soutien du grief relatif à la gestion du conflit d’intérêts par S2G, les dispositions des articles L. 533-10 du code monétaire et financier, 313-20 et 313-21 du règlement général de l’AMF contraignant la société de gestion de portefeuille :

— à adopter des procédures et une politique de gestion de conflit d’intérêts qui lui permettent d’y faire face de façon « efficace » (article 313-20) ;

- à identifier « les mesures à prendre en vue de gérer ces conflits d’intérêts » (article 313-21) ;

- à faire en sorte de « garantir le respect des dispositions qui [lui] sont applicables » (article L. 533-10) ;

I.2. Examen du grief

I.2.1. Sur l’existence d’un conflit d’intérêts

Considérant que, selon la notification des griefs, le fait pour S2G d’assumer à la fois la gestion du FCP investi en CDO et la fonction de collateral manager l’aurait placée en situation de conflit d’intérêts ;

Considérant que l’intérêt de S2G à exercer la fonction de collateral manager n’est pas contesté par la mise en cause ; qu’il s’agissait en effet d’une fonction rémunérée à hauteur de 0,35% des actifs du CDO qui a entraîné la perception par S2G, pour l’année 2010, de 350 000 dollars US, soit environ 260 000 euros ; que cette fonction a été transmise à l’occasion de la reprise des activités de SGAM par S2G, qui s’en est trouvée investie en même temps qu’elle l’était de la gestion du FCP ; que le transfert de ces deux fonctions s’insérait dans l’opération d’apport partiel d’actifs de SGAM à S2G ;

—  7 -

Considérant que l’engagement de conservation, jusqu’en novembre 2011, à concurrence de

10 millions de dollars, de la tranche la plus risquée des CDO, en même temps qu’il constituait la contrepartie, pour S2G, de la gestion des autres actifs du FCP et de la perception des rémunérations liées à l’exercice de sa fonction de collateral manager, affectait la liquidité et la valorisation des CDO, de sorte qu’il altérait, indirectement, la valeur liquidative des parts du FCP ; que la mise en cause a d’ailleurs indiqué avoir dû appliquer une très forte décote liée à l’absence de liquidité des CDO résultant « non seulement [des] conditions de marché, mais surtout [de] la particularité des titres en cause, sur lesquels pesait un engagement de conservation qui limitait encore davantage l’appétence des acquéreurs potentiels » ; que, comme le résumait le directeur général de S2G dans un courriel du 6 avril 2010, « cette illiquidité et l’impossibilité qui en découle de déterminer un prix de cession, d’une part, et de valorisation au marché, d’autre part, nous expose à un risque de litiges pour les porteurs entrants et sortants » ;

Considérant qu’est inopérant l’argument selon lequel « les CDO ne représentaient que 0,30% de l’actif net du FCP, et que dès lors leur liquidité limitée n’était pas de nature à compromettre la capacité de S2G à honorer toute demande de rachat qui pouvait lui être présentée » ; qu’en effet, la proportion invoquée de 0,30% correspond à une valorisation des CDO à 5% de leur montant nominal, alors qu’elle dépasserait 4% de l’actif net si l’on valorisait les CDO, comme cela a été fait à la fin de l’année 2010, à 78% de la valeur nominale des titres ;

Considérant que, si le Collateral Management Agreement (ci-après le « contrat ») n’interdisait pas à S2G de céder les titres à des entités affiliées ou de les reprendre pour compte propre, un tel transfert, bien qu’envisagé, n’a jamais été mis en œuvre ; que S2G ne pouvait céder les titres à un tiers sans violer les termes du contrat ; qu’au demeurant, comme l’a expliqué la mise en cause, si le contrat n’avait pas été respecté, l’incertitude sur les conséquences attachées à sa violation et, plus encore, la suspicion qu’une cession aurait fait naître sur la qualité du titre auraient été de nature à décourager tout acquéreur potentiel ; que, d’ailleurs, le processus de cession des actifs engagé par le gérant du FCP à la suite d’une opération de « décollecte » n’a pas pu aboutir ;

Considérant qu’il n’est donc pas contestable que la présence, à l’actif du fonds, des CDO grevés d’un engagement de conservation n’était pas conforme à l’intérêt des souscripteurs ; qu’en faisant porter ces CDO par le FCP, S2G a transféré à ces derniers les risques qu’elle aurait dû assumer elle-même en contrepartie, d’une part, de son engagement de collateral manager, d’autre part, de la rémunération perçue à ce titre et en qualité de gestionnaire du fonds ; que la mise en cause, en agissant ainsi, a servi ses propres intérêts, mais non ceux de ses clients, porteurs du FCP ; que, dès lors, le conflit stigmatisé par la notification des griefs est pleinement caractérisé ;

I.2.2. Sur la détection et la perpétuation du conflit d’intérêts

Considérant que la situation de conflit d’intérêts a été détectée, chez SGAM, par les personnes qui ont ensuite composé les équipes de S2G ; qu’elle a fait l’objet, de la part du « RCCI risques » de SGAM, d’une note adressée le 25 juin 2009 au directeur des risques de SG/GIMS (Global Investment management and Services) et au directeur des gestions de SGAM ; que, selon cette note, « la détention de ce CDO jusqu’à maturité apparaît non compatible avec la liquidité du Fonds (quotidienne) et son objectif de gestion (performance proche de l’eonia)… Afin de remédier à cette situation génératrice d’un conflit d’intérêts, deux solutions ont été étudiées […] » ; que le 28 juillet 2009, le contrôleur des risques a adressé au président de SGAM, qui en a accusé réception, une analyse précise des options de gestion du conflit ;

Considérant que le conflit, une fois détecté, a été perpétué à l’occasion de la reprise, par S2G, des activités de SGAM ; que la négociation du traité d’apport aurait pourtant dû être l’occasion de régler ce problème, ce qui n’a pas été le cas ; qu’il apparaît cependant difficile d’imputer à S2G, nouvellement créée pour accueillir les actifs de SGAM au terme d’un processus de négociation dont elle n’a probablement pas eu la pleine maîtrise, le manquement tiré de ce qu’elle a hérité de ce conflit d’intérêts ;

—  8 -

I.2.3. Sur la gestion du conflit d’intérêts

Considérant qu’une fois le conflit avéré, il revenait à S2G de le gérer au mieux des intérêts de ses clients ;

Considérant que S2G a commencé à fonctionner avec les équipes de SGAM ; que les départements « Risques », « Conformité et Gestion », ainsi que la direction générale de S2G, étaient conscients de ce problème ; que, dès la première réunion du comité « Risques et Conformité », le 19 janvier 2010, la question du conflit d’intérêts a été évoquée ; qu’elle a été abordée, entre janvier et décembre 2010, à chacune des réunions de ce comité ;

Considérant qu’à partir de juin 2009, différentes voies avaient été explorées pour régler ce conflit, dont la levée de l’engagement contractuel, la reprise en compte propre et la souscription, par la société de gestion ou une société affiliée, d’un engagement de rachat à la demande du FCP, dans l’hypothèse où celui-ci aurait dû faire face à une décollecte massive ou en cas de dépassement du ratio réglementaire ;

Considérant, cependant, que la levée de l’engagement contractuel a rapidement été écartée, car elle impliquait de multiples démarches à l’issue incertaine et trop de frais ; que la reprise pour compte propre nécessitait la détermination d’un prix de transfert non défavorable aux porteurs de parts du FCP et une couverture du risque de marché (stress test) équivalente au montant investi, ce qui aurait entraîné un coût de protection considéré comme trop élevé ;

Considérant que S2G a longtemps espéré que Société Générale (« ci-après « SG ») reprendrait en compte propre les CDO, comme elle paraissait l’avoir décidé en 2009, mais n’a reçu aucune réponse à sa relance du 6 avril 2010 ; qu’Amundi, qui détenait l’intégralité du capital de S2G, a également écarté une reprise en compte propre, le responsable des risques ayant indiqué, dès le 6 mars 2010 : « C’est très clair

[…]. En revanche, l’engagement de reprise en compte propre l’est beaucoup moins… Ce type d’engagement est contraire à la politique d’Amundi d’une part et les modalités éventuelles restent effectivement à définir… […] » ;

Considérant, enfin, que l’engagement de rachat à la demande du FCP a été écarté par SGAM, au motif qu’un maintien du CDO dans l’actif du fonds l’exposerait à un risque de litige sur sa juste valorisation ;

Considérant qu’en définitive, aucune des solutions envisagées n’a été retenue ; que, le 6 décembre 2010, il a donc été décidé de conserver la tranche equity du CDO Lafayette jusqu’à son échéance et, en conséquence, de revoir sa valorisation dans le portefeuille du FCP ;

Considérant que, s’il était difficile d’envisager que la tranche equity du CDO soit reprise par SG qui ne faisait pas partie, au sens de l’article 7 du Contrat, des « Affiliates » susceptibles de la porter, rien ne s’opposait à ce que Amundi ou S2G décide d’une reprise pour compte propre ; que, contrairement à ce que soutient la mise en cause, aucune disposition législative ou réglementaire ne proscrit la détention en propre de CDO ; que, dès lors, le refus d’Amundi d’assumer ou de faire assumer par S2G un engagement pour compte propre s’explique par « la politique » décrite au rapporteur par l’administrateur de cette dernière : « Les directives données par les actionnaires de nos sociétés de gestion sont de n’investir que dans des actifs non risqués » ; qu’il peut aussi s’expliquer par le coût qu’auraient représenté le rachat de ces titres et la mise en place d’une couverture du risque de crédit ; qu’en toute hypothèse, ce refus procède de la volonté d’agir au mieux des intérêts d’Amundi et de ses filiales ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’entre les intérêts des actionnaires d’Amundi et ceux des souscripteurs du FCP, un arbitrage a été fait au bénéfice des premiers ; qu’en laissant le FCP qu’elle gérait porter la tranche equity des CDO et assumer l’engagement de conservation attaché à sa qualité de collateral manager, S2G a clairement « privilégié ses propres intérêts ainsi que ceux de son groupe d’appartenance plutôt que ceux de ses clients » ; que le manquement aux articles L. 214-3, L. 533-1 et L. 533-10 du code monétaire et financier, ainsi qu’aux articles 313-20, 313-21 et 314-3 du

règlement général de l’AMF, est pleinement caractérisé ;

—  9 -

II. SUR LE GRIEF RELATIF A LA VALORISATION PRECISE ET INDEPENDANTE DES ELEMENTS D’ACTIF ET DE HORS BILAN DU FCP

Considérant qu’il est reproché à S2G (i) de ne pas avoir procédé à une valorisation précise et indépendante des CDO et, en conséquence, ne pas avoir servi au mieux l’intérêt des porteurs ; que les ordres de rachat émanant de clients auraient été honorés sur la base d’une valeur liquidative sous-évaluée, (ii) aucune valorisation fiable du swap de performance n’ayant été effectuée ; que n’aurait, enfin, pas été mis en place (iii) un dispositif de gestion des risques efficace, à même de détecter une évaluation erronée de l’actif du FCP ;

II.1. Textes applicables

Considérant que le grief se fonde sur des faits constatés entre 1er janvier et le 31 décembre 2010 ; que la notification de griefs vise les articles L. 533-1, L. 533-2, L. 533-10, R. 214-13 et R. 214-19 du code monétaire et financier ainsi que des articles 313-1, 313-60, 313-65, 314-3, 411-29 et 411-31 du règlement général de l’AMF, complétés par les articles 2, 4, 6 et 10 de l’instruction n° 2008-06 du 9 décembre 2008 ; que la rédaction des articles L. 533-2 et L. 533-10 du code monétaire et financier et de l’article 313-65 du règlement général de l’AMF n’a pas été modifiée ; que celle des articles R. 214-13, devenu R. 214-15, et R. 214-19, devenu R. 214-9, du code monétaire et financier, ainsi que des articles 313-60, 314-3, 411-29 devenu 411-27, 411-31 devenu 411-29, du règlement général de l’AMF n’a pas évolué dans un sens moins sévère ; qu’il sera donc fait application de ces dispositions, dans leur rédaction applicable à l’époque des faits ;

Considérant que l’article L. 533-1 du code monétaire et financier impose à toute société de gestion de portefeuille d’agir « d’une manière […] professionnelle» ;

Considérant que l’article 314-3 du règlement général de l’AMF précisait que la société de gestion de portefeuille « […] agit d’une manière honnête, loyale et professionnelle qui sert au mieux l’intérêt des clients et favorise l’intégrité du marché. […] » ;

Considérant que l’article L. 533-10 du code monétaire et financier précise, dans cette perspective, que la société de gestion de portefeuille doit « […] 1. Mettre en place des règles et procédures permettant de garantir le respect des dispositions qui [lui] sont applicables » ;

Considérant que l’article 313-1 du règlement général de l’AMF ajoute qu’elle « établit et maintient opérationnelles des politiques, procédures et mesures adéquates visant à détecter tout risque de non-conformité aux obligations professionnelles mentionnées au II de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier ainsi que les risques en découlant et à minimiser ces risques » ;

Considérant que, selon l’article R. 214-19 du code monétaire et financier, la société de gestion de portefeuille doit définir des règles et procédures permettant aux OPCVM qu’elle gère « de valoriser de manière précise et indépendante leurs éléments d’actif et de hors bilan » ;

Considérant que l’article R. 214-13 du code monétaire et financier indiquait que les instruments financiers à terme conclus par une société de gestion de portefeuille « […] font l’objet d’une valorisation effectuée par l’organisme de placement collectif en valeurs mobilières, qui ne se fonde pas uniquement sur des prix de marché donnés par la contrepartie » ;

Considérant que l’article 411-29 du règlement général de l’AMF ajoutait à cette exigence de valorisation précise et indépendante une obligation, incombant directement à la société de gestion de portefeuille, d'« évaluation des instruments financiers, contrats […] dont le cours n’a pas été constaté […] le jour d’établissement de la valeur liquidative » ;

Considérant que, selon l’article 411-31 du règlement général de l’AMF, la société de gestion de portefeuille doit tenir disponible et communiquer « la valeur liquidative […] obtenue en divisant l’actif net de l’OPCVM par le nombre […] de parts […] à toute personne qui en fait la demande. […] » ;

—  10 -

Considérant que l’article 313-60 du règlement général de l’AMF, cité par la notification de griefs dans sa rédaction en vigueur le 3 octobre 2011, sera appliqué dans sa rédaction précédente, qui ne diffère pas sur le fond : « La société de gestion de portefeuille prend les mesures suivantes : 1° Elle établit et maintient opérationnelles des politiques et procédures efficaces de gestion des risques permettant d’identifier les risques liés à ses activités, processus et systèmes et, le cas échéant, de déterminer le niveau de risque toléré par elle ; […] » ; que cet article ajoute que la société de gestion de portefeuille doit également établir, mettre en œuvre et maintenir opérationnelles « une politique et des procédures de gestion des risques efficaces, appropriées et documentées qui permettent d’identifier les risques liés à ses activités

[…] » ;

Considérant que, selon l’article L. 533-2 du code monétaire et financier, la société de gestion de portefeuille doit disposer « de procédures administratives saines, de mécanismes de contrôle interne, de techniques efficaces d’évaluation des risques et de dispositifs efficaces de contrôle et de sauvegarde de leurs systèmes informatiques. […] » ;

Considérant qu’il résulte de l’article 313-65 du règlement général de l’AMF qu’il appartient à la société de gestion de portefeuille de mettre en place des « contrôles de premier niveau […] pris en charge par des personnes assumant des fonctions opérationnelles, [ainsi qu’un] contrôle permanent [qui] s’assure, sous la forme de contrôles de deuxième niveau, de la bonne exécution des contrôles de premier niveau. […] » ;

Considérant que ces dispositions sont précisées par les articles 2, 4, 6 et 10 de l’instruction n° 2008-06 de l’AMF du 9 décembre 2008 relative à l’organisation des sociétés de gestion de portefeuille et des prestataires de services d’investissement exerçant le service de gestion de portefeuille pour le compte de tiers en matière de valorisation des instruments financiers ;

Considérant que, comme le relève à juste titre la mise en cause, l’extrait de l’article L. 533-2 du code monétaire et financier cité par la notification de griefs n’a pas trait aux procédures de contrôle interne relatives à la valorisation des actifs d’un OPCVM ; que la disposition citée ne saurait, dès lors, être retenue au soutien d’un éventuel manquement ;

Considérant, en revanche, que la notification de griefs vise à bon droit l’article R. 214-13 du code monétaire et financier, tel que précisé par les dispositions de l’instruction n° 2008-06 selon laquelle l’exigence d’une valorisation « qui ne se fonde pas uniquement sur des prix de marché donnés par la contrepartie » est, à la fois, une condition de souscription du contrat par l’OPCVM et une obligation de l’OPCVM ; que l’article R. 214-13, tel que précisé par l’instruction n° 2008-06, est donc bien applicable en l’espèce ;

Considérant enfin que, contrairement à ce que soutient la mise en cause, l’article 411-31 du règlement général de l’AMF est visé par la notification de griefs en complément de l’article 411-29 qui impose à la société de gestion de portefeuille de procéder « à l’évaluation des instruments financiers, […]

dont le cours n’a pas été constaté ou qui n’ont pas fait l’objet de cotation le jour d’établissement de la valeur liquidative » ; qu’il en résulte, selon la notification de griefs, que l’absence d’évaluation précise et indépendante de ces instruments a faussé la valeur liquidative calculée conformément aux termes de l’article 411-31, ce qui aurait conduit S2G à honorer des « ordres de rachat émanant de ses clients sur la base d’une valeur liquidative sous-évaluée » et à ne pas avoir « agi au mieux de leurs intérêts » ; que le visa de l’article 411-31 du règlement général de l’AMF vient donc, de façon pertinente, au soutien du grief ;

—  11 -

II.2. Examen du grief

II.2.1. Sur la valorisation des CDO

(i) Sur le caractère précis de la valorisation

Considérant que la notification de griefs considère que S2G « n’a pas procédé à une valorisation précise

[…] des CDO […] » ; que la combinaison des articles R. 214-19 du code monétaire et financier et 411-29 du règlement général de l’AMF impose à toute société de gestion de portefeuille de procéder à une évaluation précise de ses actifs pour pouvoir déterminer les valeurs liquidatives des OPCVM sous gestion ; que l’article 4 de l’instruction AMF n° 2008-06 précise que celle-ci « établit et maintient des procédures de valorisation formalisées et opérationnelles […] / […] / [Elle] identifie les sources de données nécessaires à la valorisation et s’assure de leur fiabilité. [Elle] définit les modalités d’analyse et de révision éventuelle de ces données. À cette fin, [elle] réalise des tests lui permettant de vérifier que ces données sont cohérentes et actualisées ou de détecter des données aberrantes. / Par exemple, s’agissant des données de marché portant sur des instruments financiers ne faisant pas l’objet d’une cotation active,

[la société de gestion de portefeuille] peut vérifier les prix auprès de différents contributeurs. / [Elle]

identifie les limites des méthodes de valorisation dès leur mise en place et réalise des tests permettant de vérifier que ces limites ne sont pas atteintes. Il pourra s’agir de cas où les cours contribués ne correspondent plus à la réalité du marché ou de situations qui n’entrent pas dans la plage de validité des modèles. [Elle] définit les méthodes de valorisation alternatives à mettre en œuvre dans ces cas. / [Elle]

met en place, en son sein, un contrôle indépendant de la valorisation effectuée. […] » ;

Considérant, en l’espèce, que la valorisation des CDO était effectuée mensuellement par le trustee du véhicule de titrisation, puis communiquée à S2G qui, en sa qualité de collateral manager, la vérifiait avant de l’adresser à l’équipe de comptabilité de SG Securities Services (ci-après « SGSS »), dépositaire du FCP ; que SGSS envoyait quotidiennement une valeur liquidative au gérant du FCP, qui effectuait le contrôle de premier niveau ; que la « structure risque » de S2G assurait le contrôle de deuxième niveau ;

Considérant que la valorisation communiquée au cours de l’année 2010 par le trustee, qui n’a jamais été inférieure à 76% de la valeur nominale des CDO, était répercutée par SGSS au gérant du FCP, sans retraitement apparent ; que, pour valoriser les CDO à 5% seulement de cette valeur, le gérant du FCP a « demandé au dépositaire un forçage du cours (…) et l’abandon du mark to model en vue de la cession » ;

Considérant que ce forçage de cours est intervenu, la première fois, le 5 mars 2009, alors que la gestion du FCP était assurée par SGAM ; qu’il résultait de « l’inadéquation […] de cette ligne par rapport à l’objectif de gestion du fonds et [du] risque potentiel que ce titre pouvait faire courir aux souscripteurs » ; qu’il est apparu nécessaire, à un moment où les conditions de marché étaient particulièrement difficiles, notamment pour les « titrisations », de s’écarter du « mark to model » pour emprunter une méthode « mark to market » ; qu’il résulte des éléments du dossier que la décote s’est effectuée au terme d’un échange de mails entre le gérant du FCP, la direction des risques et la direction de la gestion de SGAM ; que, si le choix de la valeur de 5% ne semble pas résulter de l’application de quelque procédure ou modèle pré-défini, la Commission, n’en étant pas saisie, n’a pas à se prononcer sur la manière dont ce premier forçage de cours a été effectué ;

Considérant qu’il convient, en revanche, d’examiner les modalités du maintien jusqu’au 6 décembre 2010, soit pendant onze mois, de cette décote à 5% de la valeur nominale de la tranche equity des CDO ;

Considérant, tout d’abord, que le dossier ne porte trace que de deux interrogations formulées à ce propos par le gérant du fonds ; qu’en réponse à la première, en date du 2 août 2010, concomitante à l’arrivée du gérant du FCP, la direction des risques a répondu, trois minutes plus tard: « OK pour moi pour conserver ce prix, la gestion n’ayant pas obtenu de bid ferme à ce jour, je recommande une valorisation prudente. Ce prix pourra être revu si SG revient favorablement à la demande de rachat du CDO revu par le fonds » ; que le gérant du FCP a, à nouveau, le 11 octobre 2010, demandé à cette direction si elle maintenait la valorisation à 5% ; qu’il semble que la réponse ait été positive, puisque l’actif a continué d’être valorisé à 5% jusqu’au 6 décembre 2010 ;

—  12 -

Considérant, ensuite, que le maintien de la valorisation à ce niveau n’est pas documenté, aucun élément ne venant étayer l’existence d’une recherche active d’un prix et/ou d’une contrepartie, hormis la relance du dirigeant de S2G à SG, demeurée sans réponse ;

Considérant que n’a été mise en œuvre aucune procédure formalisée imposant :

— la caducité, au terme d’une période déterminée, du forçage de cours ;

- un renouvellement documenté de la demande de forçage par le gérant ;

- un contrôle particulier de deuxième niveau ;

Considérant que le gérant du FCP n’avait d’ailleurs connaissance d’aucune procédure qui l’aurait contraint, périodiquement, à documenter le maintien de la valorisation à 5% et à consulter la direction des risques sur cette valorisation ; que, pourtant, la procédure de forçage de cours alors applicable à cet actif prévoyait : « 4.4 Lorsqu’un cours est absent du référentiel ou qu’il ne reflète pas la réalité, il est parfois possible de le déduire d’autres données (cours d’une autre valeur liée, taux, caractéristiques valeur…) par application d’une formule de calcul. Si le problème est récurrent, le gérant pourra alors envisager de déléguer à SGAM/ADC la mise en œuvre de ladite formule (ex: strip OAT). Il sera alors amené à formaliser et à justifier sa demande en veillant bien entendu à la faire viser par une personne habilitée de son entité comme pour un forçage classique » ;

Considérant que si, au cours de l’année 2010, la question du sort et de la valorisation de cet actif a été une préoccupation constante de la direction générale et du comité des risques de S2G, la discussion a porté sur le problème de savoir s’il convenait ou non d’abandonner la méthode « mark to market » au profit de l’approche « mark to model », mais pas sur le prix de cession lui-même, qui n’a jamais été reconsidéré ; que, pourtant, l’hypothèse d’une conservation de la tranche equity du CDO jusqu’à son échéance est progressivement apparue la plus probable, ce qui aurait dû conduire S2G à remettre en cause la valorisation à 5% et à « déduire d’autres données » une « formule de calcul » mieux adaptée ; qu’au demeurant, elle avait envisagé, dès janvier 2010, de se référer au prix émanant du trustee et d’en déduire le coût d’immobilisation des fonds ; qu’elle n’a toutefois donné aucune suite à ce projet ;

Considérant que cette valorisation à 5% aurait tenu, selon le dirigeant de S2G, au fait « qu’un actif grevé d’un engagement de conservation a une valeur de négociation probable de 5% […] un actif à la casse vaut toujours à peu près entre 1% et 10% » ; que ce propos est révélateur de la désinvolture avec laquelle la valorisation de l’actif a été maintenue pendant onze mois à 5%, soit à mi chemin entre 1% et 10% ;

Considérant qu’une telle valorisation n’a pris en compte :

— ni l’offre d’achat du « structureur » des CDO à un prix de 40% de la valeur nominale, en juin 2009, qui, si elle n’a pu aboutir, étant subordonnée à la levée de l’engagement, attestait d’une possibilité de valorisation plus élevée ;

- ni l’évolution favorable des marchés émergents ;

- ni la transaction de gré à gré intervenue le 21 mai 2010 entre SG et SGAM Banque au prix de 79,52% de la valeur nominale, très proche de celui de 79,56% retenu par le trustee ;

- ni les indications fournies chaque mois par le trustee ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le maintien de ce niveau de 5%, outre qu’il ignorait tous les facteurs d’évolution ci-dessus rappelés, n’était pas documenté et ne reposait sur aucune procédure ; qu’il a, en outre, eu pour effet de dévaloriser les CDO concernés ; que le maintien arbitraire de cette dévalorisation était d’autant plus injustifié qu’il était apparu, avant la fin de l’été 2010, que la seule solution allait être de conserver la tranche equity des CDO jusqu’à la date de maturité, ce qui aurait dû conduire à les rapprocher de leur valeur nominale, conformément aux estimations fournies par le trustee ;

Considérant que la valorisation, pendant onze mois, de la tranche equity des CDO à 5% a, enfin, permis à S2G de conserver les avantages liés à sa rémunération sans courir aucun risque ; que le premier aspect du grief, tenant au caractère insuffisamment « précis » de cette valorisation, est donc caractérisé ;

—  13 -

(ii) Sur le caractère indépendant de la valorisation

Considérant que la notification de griefs relève que « S2G n’a pas mis en place de modèle de valorisation adapté aux caractéristiques des CDO pour être en mesure de procéder à leur contre-valorisation de façon

[…] indépendante » ;

Considérant que le fait que S2G ait contribué à la valorisation de l’actif en qualité, à la fois, de collateral manager des CDO et de gestionnaire du FCP ne caractérise pas, en lui-même, une absence d’indépendance du service de gestion, quant à la contre-valorisation effectuée ; qu’en effet, les équipes procédant aux valorisations étaient différentes, la valorisation par S2G, en sa qualité de collateral manager, étant faite par l’équipe « taux et crédit », distincte de celles en charge, respectivement, de la gestion du FCP investi dans la tranche equity des CDO et du contrôle des risques ;

Considérant, en outre, qu’en se démarquant du prix transmis par le dépositaire valorisateur, tel qu’il résultait de l’appréciation du trustee et du collateral manager, le gérant, qui a estimé inadaptée la méthode « mark to model » en raison de la décision de cession de la tranche equity des CDO et de l’engagement de conservation la grevant, a fait preuve d’indépendance ; qu’il en résulte que cet aspect du grief n’est pas caractérisé ;

(iii) Sur l’atteinte à l’intérêt des clients résultant de l’imprécision de la valorisation

Considérant que, selon la notification de griefs, « en ne permettant pas au FCP dont elle assurait la gestion de procéder à une valorisation précise des CDO, S2G a honoré les ordres de rachat émanant de ses clients sur la base d’une valeur liquidative sous-évaluée et, en conséquence, n’a pas agi au mieux de leurs intérêts » ; que le manque à gagner d’un porteur sorti avant le 7 décembre 2010, date de la revalorisation de la tranche equity, peut être évalué à 642,58 € par part détenue, chacune étant de 15 000 euros ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède (i) que le fait, pour S2G, d’avoir, jusqu’au 6 décembre 2010, maintenu à 5% l’estimation de la tranche equity a eu pour effet de dévaloriser artificiellement les CDO, alors que la solution consistant à les conserver jusqu’à leur date de maturité était peu à peu apparue comme la plus probable, ce qui impliquait de les rapprocher de leur valeur nominale ;

Considérant qu’à l’évidence, le maintien de la sous évaluation de cette tranche des CDO, qui doit être considérée comme représentant 4% de l’actif net du fonds, a été préjudiciable, dans la proportion ci-dessus rappelée, aux porteurs ayant racheté leurs parts avant le 7 décembre 2010 ; que le dernier aspect du grief est donc caractérisé ;

II.2.2. Sur la valorisation précise et indépendante du swap de performance

Considérant qu’il est reproché à S2G de n’avoir pas été dotée d’une procédure de valorisation formalisée du swap de performance conclu par le FCP et de n’avoir procédé, en 2010, à aucune contre-valorisation indépendante du prix de ce swap, tel qu’il avait été fourni par la contrepartie SG CIB, alors que ce contrat financier constituait le principal moteur de performance monétaire du FCP ;

Considérant que S2G qui, jusqu’à ses observations en réponse au rapport du rapporteur, admettait ne pas avoir été dotée d’une procédure formalisée de valorisation des instruments financiers complexes dans l’attente du déploiement du dispositif du Groupe Amundi et reconnaissait n’avoir mis en place qu’en 2011 les moyens lui permettant d’effectuer elle-même la contre-valorisation des swaps de performance, soutient désormais qu’à l’époque des faits, elle aurait appliqué, pour valoriser ces contrats, la procédure de SG concernant « l’acquisition et à la valorisation des produits structurés de gré à gré » ;

—  14 -

Considérant, cependant, que cette procédure, prévue pour « tout produit structuré négocié de gré à gré et valorisé dans les portefeuilles à partir du prix affiché par la contrepartie », ne répond pas aux exigences de l’article R. 214-19 du code monétaire et financier, telles que précisées par l’instruction AMF n° 2008-06 qui dispose, en son article 2, que « les instruments financiers à terme non négociés sur des marchés réglementés font l’objet d’une valorisation effectuée par l’organisme de placement collectif en valeurs mobilières, qui ne se fonde pas uniquement sur des prix de marché donnés par la contrepartie » et, en son article 4, que la société de gestion de portefeuille « […] établit et maintient des procédures de valorisation formalisées et opérationnelles, […] [et] met en place, en son sein, un contrôle indépendant de la valorisation effectuée » ; qu’elle ne comporte aucune précision ni quant à la valorisation des actifs spécifiques que sont les contrats de swap de performance, ni quant à la méthode retenue pour valoriser les actifs concernés ; qu’enfin, elle n’est pas assez précise pour pouvoir être considérée, au sens des textes susvisés, comme une procédure formalisée relative à la valorisation des swaps de performance ;

Considérant, en tout état de cause, que, si le gérant semble avoir suivi au jour le jour cette valorisation du swap de performance, les résultats de la contre-valorisation et du contrôle qu’il était censé avoir exercés n’ont fait l’objet d’aucun archivage ;

Considérant qu’en cet état, il ne saurait être considéré qu’en 2010, S2G respectait les exigences de précision et d’indépendance de la valorisation des contrats de swap de performance résultant des dispositions susvisées ; que le grief est donc caractérisé ;

II.2.3. Sur la mise en place d’un dispositif de gestion des risques efficace

Considérant que les observations précédentes, relatives à la valorisation des CDO et du swap de performance, mettent en lumière une insuffisance du contrôle de deuxième niveau effectué par la fonction de « contrôle des risques » de S2G ; que le dossier ne porte trace d’aucune vérification du forçage du cours des CDO à 5% de leur valeur nominale, tel qu’il a été effectué, puis maintenu en 2010 par le gérant ; qu’aucun test, aucun sondage ne paraît avoir été fait, le contrôle opéré par la fonction « risques » s’étant limité à une confirmation du maintien de la valorisation à 5%, donnée dans les trois minutes, sans analyse approfondie, à la question du gérant du FCP ; que S2G admet d’ailleurs elle-même que, pour le contrat de swap de performance, le contrôle de second niveau par l’équipe de contrôle des risques n’est en place que depuis le mois d’octobre 2010 (cote 501) ;

Considérant, en conséquence, qu’est caractérisé le manquement aux articles 313-60 et 313-65 du règlement général de l’AMF qui imposent aux prestataires d’établir et de maintenir opérationnelles « des politiques et procédures efficaces de gestion des risques permettant d’identifier les risques liés à ses activités, procédures et systèmes et, le cas échéant, de déterminer le niveau de risque toléré par elle » et de faire en sorte que « le contrôle permanent s’assure, sous la forme de contrôle de deuxième niveau, de la bonne exécution des contrôles de premier niveau » ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que S2G n’a pas procédé à une valorisation précise des CDO, ce qui a porté atteinte aux intérêts des porteurs, n’était pas dotée des procédures de valorisation formalisées et opérationnelles qui auraient permis une valorisation précise et indépendante du swap de performance et ne disposait pas, pour les contrôles de valorisation de deuxième niveau, d’une fonction de gestion des risques efficace ; que le manquement aux articles L. 533-1, R. 214-13 et R. 214-19 du code monétaire et financier et aux articles 313-1, 313-60 et 313-65 du règlement général de l’AMF, tels que précisés par l’instruction AMF n° 2008-06 relative à l’organisation des sociétés de gestion de portefeuille en matière de valorisation des instruments financiers, est donc caractérisé ;

—  15 -

III. SUR LE GRIEF RELATIF AUX INFORMATIONS COMMUNIQUEES PAR S2G AUX PORTEURS DE PARTS DU FCP

Considérant que la notification de griefs relève, tout d’abord, l’insuffisance du rapport annuel 2010 du FCP, en ce qu’il n’intègrerait pas le rapport de gestion et omettrait de mentionner le caractère structurellement baissier de la valeur liquidative du FCP eu égard au niveau des frais de gestion, supérieurs au rendement de l’actif monétaire, et en ce qu’il ne comporterait aucune information sur la « présence de la tranche equity des CDOs à l’actif du FCP, ainsi qu’à ses conséquences en termes de valorisation et de gestion des conflits d’intérêts » ; qu’en outre, le prospectus simplifié serait incomplet ;

III.1. Textes applicables

Considérant que ce grief se fonde sur des faits constatés entre 1er janvier et le 31 décembre 2010 ; que la notification de griefs vise les articles L. 533-1 et L. 533-12 du code monétaire et financier ainsi que des articles 314-3, 314-10, 314-11 et 314-99 du règlement général de l’AMF, complétés par l’article 39 de l’instruction n° 2005-01 du 25 janvier 2005 ; que la rédaction de ces articles est restée inchangée depuis l’époque des faits, à l’exception de celle de l’article 314-3 du règlement général de l’AMF, dont la modification n’a toutefois pas été faite dans un sens moins sévère ; qu’il sera fait application de ces dispositions, dans leur rédaction en vigueur au moment des faits ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 533-1 du code monétaire et financier, une société de gestion de portefeuille doit agir « d’une manière honnête, loyale et professionnelle » ;

Considérant que, selon l’article 314-3 du règlement général de l’AMF, la société de gestion de portefeuille doit agir « d’une manière honnête, loyale et professionnelle qui sert au mieux l’intérêt des clients » ;

Considérant que l’article L. 533-12 du code monétaire et financier dispose que « I. – Toutes les informations […] adressées par [une société de gestion de portefeuille] à des clients […] présentent un contenu exact, clair et non trompeur. […] / II. – [Les sociétés de gestion de portefeuille] communiquent à leurs clients […] les informations leur permettant raisonnablement de comprendre […] le type spécifique d’instrument financier proposé ainsi que les risques y afférents, afin que les clients soient en mesure de prendre leurs décisions d’investissement en connaissance de cause » ;

Considérant que l’article 314-10 du règlement général de l’AMF précise que la société de gestion de portefeuille « veille à ce que toute l’information, y compris à caractère promotionnel, qu’il adresse à des clients, remplisse les conditions posées au I de l’article L. 533-12 du code monétaire et financier. […] » ;

Considérant que l’article 314-11 du même règlement précise que le contenu de ces informations « […] ne travestit, ni ne minimise, ni n’occulte certains éléments, déclarations ou avertissements importants » ;

Considérant que, selon l’article 314-99 du règlement précité, « la société de gestion de portefeuille doit assurer aux porteurs toute l’information nécessaire sur la gestion d’OPCVM effectuée. / Une instruction de l’AMF précise les conditions dans lesquelles le rapport annuel indique la fréquence des opérations réalisées par l’OPCVM. / Le rapport annuel de l’OPCVM doit contenir, le cas échéant, une information sur les instruments financiers détenus en portefeuille qui sont émis par la société de gestion de portefeuille ou par les entités de son groupe. Il fait mention également, le cas échéant, des OPCVM ou des fonds d’investissement gérés par la société de gestion de portefeuille ou les entités de son groupe » ;

Considérant qu’aux termes de l’article 39 de l’instruction n° 2005-01 du 25 janvier 2005 « Le rapport annuel est arrêté le dernier jour de l’exercice ou, lorsque cela est prévu dans le prospectus complet, à la dernière valeur liquidative publiée. / Il doit contenir le rapport de gestion, les documents de synthèse définis par le plan comptable et comporter la certification donnée par le commissaire aux comptes » ;

—  16 -

Considérant que la mise en cause soutient que l’article L. 533-12 du code monétaire et financier, qui vise l’information « adressée » aux porteurs de parts par la société de gestion, ne serait pas applicable en l’espèce puisque le rapport annuel du FCP, dont le contenu est contesté par la notification de griefs, n’a été « adressé » à personne, aucun des porteurs à la disposition desquels il se trouvait n’en ayant demandé communication ; que, comme l’a très récemment rappelé la Commission des sanctions dans sa décision du 20 mars 2013, « il y a lieu de rechercher si l’information délivrée dans le rapport annuel au (…) du [fonds] présentait un caractère exact, clair et non trompeur au sens de l’article L. 533-12 », peu important que le document contenant l’information litigieuse n’ait pas fait l’objet d’une demande de communication ; que l’article L. 533-12 du code monétaire et financier constitue donc bien le fondement du grief notifié ;

III.2. Examen du grief

Considérant que, selon la notification de griefs, les informations contenues dans le rapport annuel 2010 et le rapport de gestion du FCP étaient insuffisantes

III.2.1. Le premier sous-grief

Considérant qu’il est reproché à la mise en cause, « en omettant d’intégrer le rapport de gestion dans le rapport annuel 2010 du FCP, comme l’exigeait pourtant la réglementation », d’avoir « omis de mentionner le caractère structurellement baissier de la valeur liquidative du FCP eu égard au niveau des frais de gestion qui étaient supérieurs au rendement de l’actif monétaire » ;

Considérant que, s’il n’apparaît pas, dans le rapport annuel, de document intitulé spécifiquement « rapport de gestion », figurent, sous la rubrique « politique de gestion », les éléments dont doit faire état le rapport de gestion ; que cette rubrique, quelle qu’en soit la dénomination, demeurait cependant incomplète en ce qu’elle ne donnait pas, au sens de l’article 314-99 du règlement général de l’AMF, « toute l’information nécessaire sur la gestion d’OPCVM » ; qu’auraient dû y figurer, pour le moins, l’indication de la performance du fonds – laissée en blanc à la suite d’un problème de reprographie – et les données de nature à éclairer les porteurs sur les éléments chiffrés du rapport annuel ;

Considérant que pendant la période 2009-2010, les conditions de marché étaient telles que certains OPCVM monétaires ont présenté des valeurs liquidatives négatives ; que face à cette situation inédite, l’AFG avait attiré l’attention des sociétés de gestion de portefeuille sur le risque d’un décalage entre l’information délivrée par ces fonds et la réalité de leur performance ; que, dans une note publiée le 23 février 2010 après concertation avec l’AMF, l’AFG insistait sur la nécessité, pour les sociétés de gestion de portefeuille concernées, d’effectuer une revue des OPCVM monétaires, ou présentés en tant que tels, et « de vérifier si les informations contenues dans les prospectus ont pu laisser penser à l’investisseur que toute baisse structurelle de la valeur liquidative était exclue » ;

Considérant que le FCP, s’il n’était pas un OPCVM monétaire, était présenté ainsi, l’objectif de gestion annoncé étant « de réaliser une performance proche de son indicateur de référence, l’Eonia capitalisé au jour le jour, diminué des frais de gestion » ; qu’il a connu, au cours de l’exercice 2010, une diminution de sa valeur liquidative résultant de la baisse de l’EONIA ; que le rendement de l’indice est devenu inférieur aux frais de gestion prélevés par S2G, lesquels ont été maintenus à 0,60% de l’actif net ; que si le rapport annuel pour 2010, comme le prospectus simplifié, soulignaient à plusieurs reprises le risque de baisse « conjoncturelle » de la valeur liquidative du FCP, ces documents ne mentionnaient pas de risque de baisse « structurelle » ;

—  17 -

Considérant qu’ainsi, dans aucun document ni à aucun moment, les porteurs n’ont été informés du caractère structurellement baissier de la valorisation du FCP ; qu’est inopérant l’argument pris de ce que ces derniers auraient pu appréhender ce risque en confrontant l’information, qui figure dans le rapport annuel, selon laquelle la performance du FCP, proche de l’EONIA, était diminuée des frais de fonctionnement et de gestion avec celle du prospectus simplifié précisant le montant de ces frais (0,62%); qu’en effet, ce n’est pas aux clients à effectuer des calculs après avoir procédé à des rapprochements entre des indications éparses figurant dans des documents distincts, mais à la société de gestion à fournir, notamment dans les comptes et le rapport annuels, une information claire et immédiatement compréhensible, ce qu’elle n’a pas fait ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que ce premier aspect du grief est caractérisé ;

III.2.2. Le second sous-grief

Considérant que la notification de griefs reproche à S2G de n’avoir fait figurer dans le rapport annuel 2010 aucune information sur la « présence de la tranche equity des CDO à l’actif du FCP, ainsi [que] sur ses conséquences en termes de valorisation et de gestion des conflits d’intérêts » ;

Considérant, toutefois, que, comme le fait observer la mise en cause, le rapport annuel de l’exercice clos le 31 juillet 2010 indique l’existence et le montant de la tranche equity des CDO ; qu’en revanche, aucune information n’y est donnée sur la valorisation de cet actif ou sur le conflit d’intérêts engendré par l’engagement de conservation souscrit par S2G ;

(i) Sur la valorisation

Considérant que le rapport annuel de l’exercice clos le 31 juillet 2009 comportait une indication succincte sur la décote de la tranche equity des CDO, de 58% à 5% de leur valeur nominale, dont il était précisé qu’elle « a fortement souffert de la crise de liquidité mondiale » ; que, si cette valorisation à 5% n’a pas été modifiée pendant l’exercice suivant, les éléments qui auraient dû être pris en compte pour valoriser le CDO ont, pour leur part, changé, comme on l’a vu plus haut (II.2) ; qu’à partir du deuxième semestre 2009, l’environnement avait évolué favorablement et le marché des émergents s’était amélioré ; qu’une transaction de gré à gré est d’ailleurs intervenue le 21 mai 2010 entre SG et SGAM Banque au prix de 79,52% de la valeur nominale, très proche de celui de 79,56% retenu par le trustee ; que, dans ce contexte, le maintien d’une valorisation à 5%, largement inférieure à ce qu’elle aurait dû être, ne peut s’expliquer qu’au regard de l’engagement de conservation ; qu’il s’imposait donc, ce qui n’a pas été fait, d’une part, d’indiquer aux porteurs que la très forte décote de ces actifs avait été maintenue en raison, non de circonstances exogènes, mais d’une cause endogène, l’engagement souscrit par la société de gestion, d’autre part, que cet engagement était constitutif d’une situation de conflit d’intérêts (I.2) ;

(ii) Sur le conflit d’intérêts

Considérant que S2G fait valoir, à juste titre, que l’article L. 533-1 3° du code monétaire et financier, qui impose aux sociétés de gestion de portefeuille d’informer clairement leurs clients « de la nature générale ou de la source de ces conflits d’intérêts », n’est pas cité au soutien du grief ; que, toutefois, les articles L. 533-12 du code monétaire et financier et 314-10 du règlement général de l’AMF, qui disposent que l’information adressée par la société de gestion de portefeuille à ses clients doit « […] présent[er] un contenu clair, exact et non trompeur […] afin que les clients soient en mesure de prendre leurs décisions d’investissement en connaissance de cause » et l’article 314-11 du même règlement, aux termes duquel cette information « ne travestit, ni ne minimise, ni n’occulte certains éléments, déclarations ou avertissements importants », visés au soutien du grief, suffisent à fonder le reproche fait au prestataire d’avoir occulté la situation de conflit d’intérêts, constitutive d’un élément susceptible d’être pris en compte dans une décision d’investissement ou de désinvestissement ;

—  18 -

Considérant que la situation de conflit d’intérêts dans laquelle se trouvait S2G et la manière dont celle-ci entendait la régler constituaient, pour les porteurs, des informations particulièrement indispensables ; qu’une explication aurait dû être donnée aux souscripteurs, afin qu’ils soient mis en mesure d’anticiper la revalorisation de l’actif, envisagée par le service de gestion dès janvier 2010, et, en conséquence, de différer la cession de leurs titres ;

Considérant que la raison du maintien de la faible valorisation du CDO pendant l’exercice clos le 31 juillet 2010 et l’existence même de la situation de conflit d’intérêts dans laquelle se trouvait S2G, qui influaient directement sur la valeur liquidative du fonds, étaient autant d’« éléments » qui auraient dû être portés à la connaissance des clients, afin que ceux-ci puissent prendre leur décision d’investissement ou de désinvestissement en connaissance de cause, ainsi que l’exigent les articles L. 533-12 du

code monétaire et financier, 314-10 et 314-11 du règlement général de l’AMF ; que ce second aspect du grief est également constitué ;

Considérant, en définitive, que, sous réserve de l’existence et du montant de la tranche equity des CDO, qui y figurent bien, le manquement à l’obligation d’information des porteurs de parts du FCP dû aux insuffisances du rapport annuel 2010 est caractérisé ;

IV. SUR LES SANCTIONS ET LA PUBLICATION

Considérant qu’en application de l’article L. 621-15 III a) du code monétaire et financier, les sanctions applicables sont l’avertissement, le blâme, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des services fournis, la radiation du registre ; que, les faits constatés par les contrôleurs s’étant déroulés entre les mois de janvier et décembre 2010, une sanction pécuniaire peut être prononcée soit à la place, soit en sus de ces sanctions, sans pouvoir excéder :

—  10 millions d’euros ou le décuple du montant des profits éventuellement réalisés pour les faits commis avant le 24 octobre 2010,
- 100 millions d’euros ou le décuple du montant des profits éventuellement réalisés pour les faits commis à partir de cette date ;

Considérant que le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits qui en ont éventuellement été retirés ;

Considérant qu’en l’absence d’éléments sur l’existence de tels profits, la Commission s’est attachée à la gravité intrinsèque des manquements retenus à l’encontre de S2G, qui a méconnu des règles aussi importantes que celles relatives à la gestion des conflits d’intérêts, à la valorisation des actifs sous gestion et à l’information des porteurs ;

Considérant qu’il sera toutefois tenu compte, d’une part, de ce que S2G s’est trouvée attributaire, à titre transitoire, d’une activité dont elle n’a eu ni l’initiative ni l’entière maîtrise, d’autre part, de la situation, alors particulièrement difficile, du marché ;

Considérant que sera prononcée, à l’encontre de S2G, une sanction pécuniaire de 280 000 euros ; que la publication de la présente décision ne risque ni de perturber gravement les marchés financiers ni de causer un préjudice disproportionné à la mise en cause ; qu’elle sera donc ordonnée ;

—  19 -

PAR CES MOTIFS,

Et après en avoir délibéré sous la présidence de Mme Claude Nocquet, par MM. Michel Pinault, Jean-Claude Hanus, Bruno Gizard et Jean-Jacques Surzur, membres de la 1ère section de la Commission des sanctions, en présence de la secrétaire de séance,

DECIDE DE :

— prononcer à l’encontre de Société Générale Gestion une sanction pécuniaire de

280 000 (deux cent quatre-vingt mille) euros ;

- publier la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers.

A Paris, le 25 juillet 2013

La Secrétaire de séance, La Présidente,

Anne Vauthier Claude Nocquet

Cette décision peut faire l’objet d’un recours dans les conditions prévues à l’article R. 621-44 du code monétaire et financier.

Document Outline

  • FAITS ET PROCÉDURE
  • A. Faits
  • B. Procédure
    • II.2.2. Sur la valorisation précise et indépendante du swap de performance
    • II.2.3. Sur la mise en place d’un dispositif de gestion des risques efficace
    • III.2.1. Le premier sous-grief
    • III.2.2. Le second sous-grief

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Décision de la Commission des sanctions du 25 juillet 2013 à l'égard de Société Générale Gestion