Décision de la Commission des sanctions du 28 décembre 2018 à l'égard de la société Amadéis

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Sur la décision

Référence :
AMF, 28 déc. 2018, n° SAN-2018-19
Numéro : SAN-2018-19
Identifiant AMF : SAN-2018-19

Texte intégral

La Commission des sanctions

COMMISSION DES SANCTIONS Décision n°17 du 28 décembre 2018

Procédure n° 17-16 Décision n° 17

Personne mise en cause :

AMADEIS Société par actions simplifiée Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 430 072 751 Dont le siège social est situé au 20 avenue Franklin Delano Roosevelt à Paris (75008) Prise en la personne de son représentant légal Ayant élu domicile au cabinet d’avocats Fischer, Tandeau de Marsac, Sur & Associés, 67 boulevard Malesherbes à Paris (75008)

La 2ème section de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après « AMF ») :

Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 541-1 et L. 541-8-1 ;

Vu le règlement général de l’AMF, notamment ses articles 325-3, 325-4, 325-6, 325-7, 325-8, 325-10, 325-11 ;

Après avoir entendu au cours de la séance publique du 5 décembre 2018 :

— Mme Anne-José Fulgéras, en son rapport ;

- Mme Natalie Verne, représentant la directrice générale du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;

- Mme Lauriane Bonnet, représentant le Collège de l’AMF ;

- M. Alexandre Lengereau et M. Frédéric Petiniot, en leur qualité respective de président et directeur général d’Amadeis, assistés par leurs conseils Mes Silvestre Tandeau de Marsac et Sandy Duret, avocats du cabinet Fischer, Tandeau de Marsac, Sur & Associés.

La mise en cause ayant eu la parole en dernier.

17 place de la Bourse – 75082 Paris cedex 2 – tél. 01 53 45 60 00 – fax 01 53 45 63 20 www.amf-france.org

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FAITS

Amadeis est une société par actions simplifiée créée le 3 avril 2000 par M. Alexandre Lengereau, son président et par M. Frédéric Petiniot, son directeur général.

Depuis 2006, elle est adhérente d’une association professionnel e agréée par l’AMF (d’abord l’association Analystes, Conseillers en Investissements, Finance et Transmission d’Entreprises (ci-après « ACIFTE »), jusqu’au 24 juillet 2018, puis la Chambre Nationale des Conseillers en Investissements Financiers (ci- après « CNCIF »)) et est inscrite en tant que conseiller en investissements financiers (ci-après « CIF ») sur le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance tenu par l’ORIAS.

À l’époque des faits, Amadeis exerçait ses activités uniquement au profit de clients institutionnels (fondation, mutuelle,…). Son chiffre d’affaires s’élevait à 1 906 620 € en 2013, 2 060 738 € en 2014 et 2 497 871 € en 2015 générant un bénéfice respectivement de 517 254 €, 535 682 € et de 813 707 €.

À l’époque des faits, Amadeis employait neuf personnes (dont ses deux dirigeants).

PROCÉDURE

Le 27 avril 2016, le secrétaire général de l’AMF a décidé de procéder au contrôle du respect par Amadeis de ses obligations professionnelles.

Le contrôle a donné lieu à l’établissement d’un rapport du 6 octobre 2016.

Le rapport de contrôle a été adressé à Amadeis par lettre du 25 octobre 2016 l’informant qu’elle disposait d’un délai d’un mois pour présenter des observations.

Le 25 novembre 2016, Amadeis a déposé des observations.

La Commission spécialisée n°1 du collège de l’AMF a décidé, le 31 mars 2017, de notifier des griefs à Amadeis en lui proposant d’entrer en voie de composition administrative.

Par lettre du 10 avril 2017, la notification de griefs accompagnée d’une proposition d’entrée en voie de composition administrative a été adressée à Amadeis.

Il est reproché à Amadeis de ne pas :

— avoir mis en place une procédure écrite permettant d’encadrer la col ecte d’informations avant de formuler un conseil en investissement, en violation du 3° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier et des articles 325-10 et 325-11 du règlement général de l’AMF ;

— avoir procédé à un recueil complet et formalisé des informations relatives à ses clients avant de leur adresser un conseil en investissement, de manière à pouvoir leur recommander des opérations, instruments et services adaptés à leur situation, en violation du 4° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier ;

— avoir soumis à son client, avant de formuler un conseil en investissement, une lettre de mission comprenant l’ensemble des mentions requises, en violation du 2° de l’article 325-4 du règlement général de l’AMF ;

— avoir formalisé les conseils donnés à ses clients dans des rapports écrits contenant les risques et avantages des produits conseillés, la situation financière du client, son expérience en matière financière ainsi que ses objectifs d’investissement, en violation de l’article 325-7 du règlement général de l’AMF ;

— avoir transmis des supports de conseils à des personnes habilitées à représenter le client dans

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les décisions de gestion financière, en violation du 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier ;

— avoir encadré l’activité du consultant externe APCI, auquel Amadeis a recours pour la prestation de conseil en investissement auprès de ses clients, en violation de l’article 325-10 du règlement général de l’AMF ;

— s’être dotée de moyens suffisants et de procédures écrites lui permettant de prévenir efficacement deux risques de conflits d’intérêts, en violation de l’article 325-8 du règlement général de l’AMF ;

— avoir mentionné, dans le document d’entrée en relation, l’identité des sociétés de gestion de portefeuille (ci-après « SGP »), qui gèrent les fonds qu’Amadeis conseille à ses clients, avec lesquelles celle-ci entretient des relations commerciales régulières et significatives et qui sont susceptibles d’affecter son indépendance vis-à-vis de ses clients, en violation du 4° de l’article 325-3 du règlement général de l’AMF ;

— avoir informé ses clients du montant ou du mode de calcul de la commission qu’elle perçoit d’ABN AMRO Investment Solutions (ci-après « AAIS »), en méconnaissance du a) du 2° de l’article 325-6 du règlement général de l’AMF.

Un accord de composition administrative n’ayant pu être conclu entre le secrétaire général de l’AMF et Amadeis dans le délai prévu par l’article R. 621-37-3 du code monétaire et financier, le président de l’AMF a transmis la notification de griefs à la présidente de la commission des sanctions par lettre du 6 septembre 2017, conformément aux dispositions des articles L. 621-14-1, R. 621-37-5 et R. 621-38 du code monétaire et financier. Par courrier du même jour, le président de l’AMF en a informé Amadeis.

Par décision du 26 septembre 2017, la présidente de la commission des sanctions a désigné Mme Anne-José Fulgéras en qualité de rapporteur.

Par lettre du 12 octobre 2017, Amadeis a été informée qu’el e disposait d’un délai d’un mois, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander la récusation du rapporteur dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code.

Le 7 novembre 2017, Amadeis a présenté des observations en réponse à la notification de griefs.

Par lettre du 14 mars 2018, elle a demandé à être entendue par le rapporteur.

Amadeis a été entendue par le rapporteur le 12 septembre 2018 et, à la suite de son audition, a transmis des éléments complémentaires le 19 septembre 2018.

Le rapporteur a déposé son rapport le 19 octobre 2018.

Par lettre du 19 octobre 2018 à laquelle était joint le rapport du rapporteur, Amadeis a été convoquée à la séance de la commission des sanctions du 5 décembre 2018 et informée qu’el e disposait d’un délai de quinze jours pour présenter des observations en réponse à ce rapport, conformément au III de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier.

Par lettre du 5 novembre 2018, la mise en cause a été informée de la composition de la formation de la commission des sanctions appelée à délibérer lors de la séance du 5 décembre 2018 ainsi que du délai de quinze jours dont elle disposait, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander, conformément aux articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code, la récusation d’un ou de plusieurs de ses membres.

Le 5 novembre 2018, Amadeis a présenté des observations en réponse au rapport du rapporteur.

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MOTIFS DE LA DÉCISION

I. À titre liminaire, sur les activités exercées par Amadeis

La notification de griefs indique qu’Amadeis exerce auprès de ses clients l’activité de conseil en investissement prévu au 1° de l’article L. 541-1 I du code monétaire et financier, ainsi que celle de conseil portant sur la fourniture de services d’investissement prévue au 3° du même article. Elle reproche à Amadeis de n’avoir pas respecté ses obligations professionnel es dans le cadre de l’exercice de ces activités.

Il convient, à titre liminaire, de rechercher si Amadeis exerçait bien les activités susvisées.

1. Textes applicables

Le I de l’article L. 541-1 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 24 octobre 2010 au 7 avril 2017, non modifiée depuis sur ces points, dispose que : « I.- Les conseillers en investissements financiers sont les personnes exerçant à titre de profession habituelle les activités suivantes : / 1° Le conseil en investissement mentionné au 5 de l’article L. 321-1 ; / 2° (Abrogé) ; / 3° Le conseil portant sur la fourniture de services d’investissement mentionnés à l’article L. 321-1 ; […] ».

L’article L. 321-1 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 1er novembre 2007 au 2 janvier 2018, non modifiée depuis sur ces points dans un sens moins sévère, énonce que : « Les

services d’investissement portent sur les instruments financiers énumérés à l’article L. 211-1 et comprennent les services et activités suivants : […] / 4. La gestion de portefeuille pour le compte de tiers ; / 5. Le conseil en investissement ; […] ».

L’article L. 211-1 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 10 janvier 2009 au 1er octobre 2016, non modifiée depuis sur ces points dans un sens moins sévère, dispose que : « I. – Les instruments financiers sont les titres financiers […]. II. – Les titres financiers sont : / 1. Les titres de capital émis par les sociétés par actions ; / 2. Les titres de créance […] ; 3. Les parts ou actions d’organismes de placement collectif. […] ».

Le 5 de l’article D. 321-1 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur depuis le 1er novembre 2007 et non modifiée depuis sur ces points dans un sens moins sévère, précise que : « Constitue le service de conseil en investissement le fait de fournir des recommandations personnalisées à un tiers, soit à sa demande, soit à l’initiative de l’entreprise qui fournit le conseil, concernant une ou plusieurs transactions portant sur des instruments financiers. […] ».

L’article 314-43 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur depuis le 21 octobre 2011 et non modifiée depuis dans un sens moins sévère indique que : « En application du 5 de l’article D. 321-1 du code monétaire et financier, une recommandation est personnalisée lorsqu’elle est adressée à une personne en raison de sa qualité d’investisseur ou d’investisseur potentiel, ou de sa qualité de représentant d’un investisseur ou investisseur potentiel. / Cette recommandation doit être présentée comme adaptée à cette personne, ou fondée sur l’examen de la situation propre de cette personne, et doit recommander la réalisation d’une opération relevant des catégories suivantes : / 1° L’achat, la vente, la souscription, l’échange, le remboursement, la détention ou la prise ferme d’un instrument financier particulier ; […] / Une recommandation n’est pas réputée personnalisée si elle est exclusivement diffusée par des canaux de distribution ou destinée au public ».

Le 4 de l’article D. 321-1 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 1er novembre 2007 au 3 janvier 2018, non modifiée depuis dans un sens moins sévère, dispose que : « Constitue le service

de gestion de portefeuille pour le compte de tiers le fait de gérer, de façon discrétionnaire et individualisée, des portefeuilles incluant un ou plusieurs instruments financiers dans le cadre d’un mandat donné par un tiers ».

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2. Sur l’exercice de l’activité de conseil en investissement

Il résulte des textes précités que le conseil en investissement se caractérise par la fourniture, à un investisseur ou à un investisseur potentiel, de recommandations personnalisées qui concernent une ou plusieurs transactions portant sur un instrument financier.

Les conseils fournis par Amadeis aux clients issus des échantillons sélectionnés par les contrôleurs ont porté sur des parts d’organismes de placement collectif, des obligations et des titres de créance, qui sont des instruments financiers au sens de l’article L. 211-1 du code monétaire et financier.

Si l’exacte conformité aux règles en vigueur du recueil, en l’espèce, des informations relatives à la connaissance des clients est mise en cause par la notification de griefs, il n’en ressort pas moins du dossier qu’Amadeis a procédé à un examen de la situation propre de ses clients et leur a présenté des propositions d’investissements qu’elle estimait être en adéquation avec cette situation.

Il suit de ce qui précède qu’Amadeis a fourni à ses clients des recommandations personnalisées portant sur des instruments financiers. Elle a donc exercé l’activité de conseil en investissement au sens du 1° du I de l’article L. 541-1 du code monétaire et financier.

3. Sur l’exercice de l’activité de conseil portant sur la fourniture de services d’investissement

La notification de griefs indique qu’Amadeis a exercé l’activité de conseil portant sur la fourniture de services d’investissement « lorsqu’elle [a] propos[é] des recommandations d’investissement dans le choix de sociétés de gestion de portefeuille (« SGP ») à l’issue d’un appel d’offres ». Le rapport de contrôle précise que trois clients, issus des échantillons sélectionnés par les contrôleurs, auraient bénéficié de ce conseil.

Toutefois, ni la notification de griefs, ni le rapport de contrôle, ne comportent de précisions sur les conseils dont il s’agit ni d’éléments permettant de vérifier que le service rendu correspond à la définition donnée par l’article D. 321-1 du code monétaire et financier.

Il résulte toutefois du dossier de l’un de ces clients, le CGOS, qu’Amadeis a recueil i ses objectifs d’investissements et lui a proposé de souscrire des instruments financiers répondant à ses attentes. Amadeis a donc bien fourni à ce client une recommandation personnalisée portant sur des instruments financiers et exercé ainsi auprès de lui l’activité de conseil en investissement.

En ce qui concerne les deux autres clients, en l’absence d’éléments permettant de qualifier l’activité exercée par Amadeis auprès d’eux dans le cadre des dispositions des 1° et 3° du I de l’article L. 541-1 du code monétaire et financier, ceux-ci seront écartés de l’échantillon.

II. Sur le recueil d’éléments de connaissance client préalablement à la fourniture de conseils

1. Sur l’absence de procédure écrite pour le recueil d’éléments de connaissance client

La notification de griefs relève qu’Amadeis ne dispose ni d’une procédure écrite concernant la connaissance client ni d’un questionnaire destiné à recueil ir les informations relatives aux clients. Elle en déduit qu’en violation du 3° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier et des articles 325-10 et 325-11 du règlement général de l’AMF, Amadeis n’a pas « mis en place de procédure écrite permettant d’encadrer la col ecte d’informations relatives à la connaissance et à l’expérience du client en matière d’investissement, ainsi qu’à sa situation financière et à ses objectifs d’investissements et ce, avant de formuler un conseil en investissement ».

Amadeis conteste ce grief. Si elle reconnait l’absence de questionnaire dédié au recueil des informations auprès de ses clients, elle soutient toutefois être dotée d’une procédure écrite de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme qui lui permet de recueillir des éléments de connaissance

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client. De plus, elle affirme procéder à un audit systématique de portefeuille de ses clients avant la délivrance de conseils puis d’un « reporting ». Elle argue également de ce que ses trente clients sont exclusivement institutionnels et ainsi que les informations les concernant sont publiées sur Internet ou au journal officiel. Enfin, Amadeis souligne avoir désormais établi un questionnaire type.

1.1. Textes applicables

Les faits reprochés se sont déroulés entre le 27 avril 2013 et le 27 avril 2016.

Le 3° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 24 octobre 2010 au 2 janvier 2018, non modifiée depuis dans un sens moins sévère, énonce que : « Les conseillers en investissements financiers doivent : […] 3° Etre dotés des ressources et procédures nécessaires pour mener à bien leurs activités et mettre en œuvre ces ressources et procédures avec un souci d’efficacité ; ».

Le 4° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 24 octobre 2010 au 2 janvier 2018, non modifiée depuis dans un sens moins sévère, énonce que : Les conseillers en investissements financiers doivent : […] 4° S’enquérir auprès de leurs clients ou de leurs clients potentiels, avant de formuler un conseil mentionné au I de l’article L. 541-1, de leurs connaissances et de leur expérience en matière d’investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d’investissement, de manière à pouvoir leur recommander les opérations, instruments et services adaptés à leur situation. Lorsque les clients ou les clients potentiels ne communiquent pas les informations requises, les conseillers en investissements financiers s’abstiennent de leur recommander les opérations, instruments et services en question ».

L’article 325-10 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en en vigueur du 31 décembre 2007 au 7 juin 2018, non modifiée depuis dans un sens moins sévère, prévoit que : « Le conseiller en investissements financiers doit, en permanence, disposer de moyens et procédures adaptés à l’exercice de son activité, et notamment : / 1. De moyens techniques suffisants ; / 2. D’outils d’archivage sécurisés. ».

L’article 325-11 du règlement général de l’AMF, dans la même rédaction et non modifiée depuis dans un sens moins sévère, précise que : « Dès lors que le conseiller en investissements financiers emploie plusieurs personnes dédiées à l’exercice de son activité, il se dote d’une organisation et de procédures écrites lui permettant d’exercer son activité en conformité avec les dispositions législatives, réglementaires et déontologiques. ».

1.2. Sur l’appréciation du manquement

Il résulte de la combinaison des textes précités qu’un CIF, qui emploie plusieurs personnes pour l’exercice de son activité, doit se doter d’une procédure écrite afin de mener son activité conformément aux dispositions législatives, réglementaires et déontologiques.

Cette procédure écrite doit notamment organiser la collecte d’informations relatives à la connaissance des clients et de leur expérience en matière d’investissement, à leur situation financière et à leurs objectifs d’investissement, prévue au 4° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier.

En l’espèce, Amadeis, qui employait, au 30 avril 2016, six personnes dédiées à l’exercice de son activité de CIF, était tenue de disposer d’une telle procédure écrite.

S’il ressort du dossier qu’Amadeis avait mis en place une procédure écrite de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, cette procédure ne portait ni sur les connaissances des clients et leurs expériences en matière d’investissement, ni sur leur situation financière et leurs objectifs d’investissement.

Amadeis ne peut davantage se prévaloir ni de ses audits, dont la réalisation à l’égard de l’ensemble de ses clients n’est pas établie, ni de la qualité d’institutionnel de ses clients dès lors que les règles précitées relatives à l’obligation de s’enquérir des connaissances et expériences des clients ainsi que de leur

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situation financière et de leurs objectifs s’imposent au CIF sans introduire de distinction ou de modulation selon la qualité de sa clientèle. De même, la circonstance que ses clients ont eux-mêmes rendu publiques certaines données les concernant ne dispense pas le CIF de se doter d’une procédure écrite pour collecter ces informations.

Il résulte de ce qui précède ainsi que de l’analyse des pièces du dossier qu’Amadeis ne disposait pas d’une procédure écrite de recueil des informations relatives à la connaissance de ses clients.

Enfin, la circonstance qu’Amadeis a mis en place une telle procédure après la période sur laquelle a porté le contrôle n’est pas de nature à faire obstacle à la caractérisation du manquement.

En conséquence le grief tiré de la violation du 3° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier et des articles 325-10 et 325-11 du règlement général de l’AMF est caractérisé.

2. Sur l’absence de recueil complet et formalisé des informations relatives aux clients avant de leur adresser un conseil

La notification de griefs reproche à Amadeis, sur le fondement du 4° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier, de ne pas avoir procédé dans chaque cas à un recueil complet et formalisé d’informations auprès de sept de ses clients, avant de leur adresser un conseil. Plus précisément, elle relève que pour l’un de ces clients, Amadeis ne disposait d’aucune information sur son niveau de connaissance et d’expérience en matière d’investissement et que pour les six autres, les informations collectées étaient insuffisantes.

Amadeis, qui se prévaut d’une clientèle uniquement professionnelle, prétend qu’el e était en droit d’appliquer les présomptions prévues aux articles 314-45 et 314-54 du règlement général de l’AMF, dans leurs versions en vigueur du 21 octobre 2011 au 2 janvier 2018, qui permet à un prestataire de service d’investissement (ci-après « PSI ») de présumer que son client, catégorisé en tant que professionnel, possède notamment l’expérience et les connaissances suffisantes pour recevoir un conseil en investissement. Elle fait valoir à cet égard plusieurs arguments.

Elle avance en premier lieu que le principe de proportionnalité, issu de la directive 2004/39/CE du 21 avril 2004 concernant les marchés d’instruments financiers (MIF I) et selon lequel le recueil d’informations auprès des clients doit porter sur les informations nécessaires et pertinentes, s’applique à toute personne qui fournit le service de conseil en investissement. Selon elle, ce principe de proportionnalité a conduit à l’adoption de mécanismes de présomption dans la directive 2006/73/CE (portant mesures d’exécution de la directive MIF), qui ont été précisés par les orientations n°2012/387 du 25 juin 2012 de l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) ainsi que par la position AMF n°2012-13 et repris aux articles 314-45 et 314-54 précités du règlement général de l’AMF. En se prévalant de propos tenus à l’époque par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, el e ajoute qu’il n’a jamais été envisagé, lors de la transposition de la directive MIF I, de soumettre les CIF à des obligations plus contraignantes que celles applicables aux PSI.

Elle soutient en deuxième lieu que, selon la position AMF n°2013-02 portant sur « le recueil des informations relatives à la connaissance du client », ces présomptions bénéficient tant aux PSI qu’aux CIF.

Elle prétend en troisième lieu qu’en matière de gouvernance des produits, la directive 2014/65/UE (MIF II), précisée par les orientations n°35-43-620 du 5 février 2018 de l’ESMA et la position AMF n°2006-23 (modifiée le 23 octobre 2018), et transposée au 2° de l’article L. 541-8 et au 6° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier, prévoit des présomptions en faveur des PSI et des CIF en présence de clients professionnels.

Elle reconnait enfin avoir pris conscience « qu’un certain nombre de ses procédures et méthodes étaient insuffisantes au regard des exigences actuel es de l’AMF » et y avoir à présent remédié en se dotant notamment d’un logiciel pour collecter les informations requises auprès des clients et les archiver de manière informatique.

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2.1. Texte applicable

Le 4° de l’article L. 541-8-1 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 24 octobre 2010 au 2 janvier 2018 et non modifiée depuis dans un sens moins sévère, dispose que : « Les conseillers en investissements financiers doivent : […] 4° S’enquérir auprès de leurs clients ou de leurs clients potentiels, avant de formuler un conseil mentionné au I de l’article L. 541-1, de leurs connaissances et de leur expérience en matière d’investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d’investissement, de manière à pouvoir leur recommander les opérations, instruments et services adaptés à leur situation. Lorsque les clients ou les clients potentiels ne communiquent pas les informations requises, les conseillers en investissements financiers s’abstiennent de leur recommander les opérations, instruments et services en question ».

2.2. Sur l’appréciation du manquement

Le 4° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier impose au CIF, préalablement à tout conseil, de « s'enquérir auprès de leurs clients ou de leurs clients potentiels, avant de formuler un conseil mentionné au I de l’article L. 541-1, de leurs connaissances et de leur expérience en matière d’investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d’investissement ». Ni cet article ni aucune autre disposition du code monétaire et financier n’instaurent de présomption en ce qui concerne les connaissances et l’expérience des clients des CIF lorsque ces clients sont qualifiés de professionnels.

Par ailleurs et contrairement à ce que soutient Amadeis, les nouvelles dispositions en matière de gouvernance des produits issues de la transposition de la directive MIF II, figurant au 6° de ce même article L. 541-8-1, dans sa version applicable depuis le 3 janvier 2018, n’ont pas non plus introduit une telle présomption au profit des CIF et ne modifient en rien les obligations pesant sur ces derniers, résultant des dispositions précitées du 4° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier.

Amadeis ne peut pas plus se prévaloir des dispositions des articles 314-45 et 314-54 du règlement général de l’AMF qui instaurent, en leur version applicable du 21 octobre 2011 au 2 janvier 2018 des présomptions de la nature de celles mentionnées ci-dessus lorsque le client est catégorisé en tant que professionnel. Ces dispositions ne sont en effet applicables qu’aux seuls prestataires de services d’investissement, ce que relève également la position AMF n°2013-02 selon laquelle « Les prestataires de services d’investissement sont fondés à présumer qu’en ce qui concerne les instruments, les transactions et les services pour lesquels le client est catégorisé comme professionnel, il possède l’expérience et les connaissances nécessaires pour comprendre les risques inhérents à ces instruments, transactions et services ».

Il résulte de ce qui précède qu’Amadeis ne bénéficie pas, en sa qualité de CIF, de présomptions s’appliquant à ses clients et qu’elle était pleinement soumise à l’obligation édictée par le 4° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier.

Sur les sept clients de l’échantillon visé par la notification de griefs, deux clients doivent être écartés dès lors qu’il n’est pas établi qu’Amadeis leur a fourni un conseil mentionné au I de l’article L. 541-1 du code monétaire et financier (ainsi que cela résulte des développements figurant au I.3 ci-dessus).

Pour les cinq clients restants, il résulte des pièces du dossier que les informations recueillies par Amadeis sur leurs connaissances et leurs expériences en matière d’investissement sont incomplètes pour quatre d’entre eux. En outre, Amadeis dispose d’informations insuffisantes sur la situation financière de trois d’entre eux. Enfin, elle n’a recueil i des informations sur les objectifs d’investissement que pour un seul de ces cinq clients.

Ainsi, la société Amadeis n’a pas recueilli de manière complète les informations requises et au demeurant reconnaît cette insuffisance.

Enfin, la date de collecte par Amadeis des informations relatives à ces cinq clients ne figure pas dans les

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éléments du dossier.

Comme précédemment indiqué, les mesures, prises après les faits, pour pallier ces lacunes, sont indifférentes pour la seule caractérisation du grief.

Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la violation du 4° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier est caractérisé à l’égard de cinq des sept clients de l’échantil on.

3. Sur l’absence dans les lettres de mission de certaines mentions obligatoires

Selon la notification de griefs, la lettre de mission, remise aux sept clients de l’échantillon, ne mentionne pas les indications réglementaires sur la description de la prestation adaptée à la qualité de personne morale du client ainsi qu’à ses caractéristiques et motivations principales. La notification de griefs relève également qu’Amadeis n’a pas remis à l’un de ces sept clients une lettre de mission préalablement à la fourniture du conseil. Elle en déduit qu’Amadeis n’aurait pas respecté les dispositions du 2° de l’article 325-4 du règlement général de l’AMF.

La mise en cause conteste ce grief. Elle affirme que les lettres de mission litigieuses sont parfaitement conformes et souligne que le modèle de lettre de mission, émis par l’ACIFTE, était inadapté à son activité de conseil aux institutionnels.

3.1. Texte applicable

Le 2° de l’article 325-4 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 31 décembre 2007 au 7 juin 2018, non modifiée depuis, sur ces points, dans un sens moins sévère, énonce que : « Avant de formuler un conseil, le conseiller en investissements financiers soumet à son client une lettre de mission, rédigée en double exemplaire et signée par les deux parties. La lettre de mission […] comporte notamment les indications suivantes : […] 2° La nature et les modalités de la prestation, en adaptant la description de celle-ci à la qualité de personne physique ou morale du client ainsi qu’à ses caractéristiques et motivations principales ; ».

3.2. Sur l’appréciation du manquement

Sur les sept clients de l’échantillon visé par la notification de griefs, deux d’entre eux doivent être écartés dès lors qu’il n’est pas établi qu’Amadeis leur a fourni un conseil mentionné au I de l’article L. 541-1 du code monétaire et financier (ainsi que cela résulte des développements figurant au I.3 ci-dessus).

S’agissant des lettres de mission remises aux cinq autres, celle fournie à CGOS cite en annexe de nombreux éléments du cahier des charges établi par ce client, notamment ses objectifs concernant le montant de l’investissement souhaité, sa nature, le calendrier, et mentionne précisément au sein de son organisation l’organe en charge de ces investissements de sorte que la description de la prestation était adaptée à ce client, à ses caractéristiques et motivations principales.

La prestation décrite dans la lettre de mission fournie à l’ASDA apparait également adaptée à ce client dès lors que, dans un paragraphe liminaire, Amadeis indique qu’il s’agit d’ « une nouvelle proposition de services » qui a été modifiée « afin d’intégrer au mieux [ses] remarques ». A titre d’il ustration, pour le suivi de la prestation, il est précisé qu’à la demande du client, « Amadeis pourra venir deux fois par an à Auxerre présenter et commenter les résultats réalisés par le portefeuille », ville où est située cette association.

La lettre de mission remise à la mutuelle CNG-MG rappelle les motivations du client (« à la suite de la réorganisation de la structure de ses placements financiers intervenue en 2003, la CNG- MG a demandé à Amadeis son assistance pour suivre et contrôler la gestion financière de ses réserves ») et ses caractéristiques (l’existence d’une Commission des Finances au sein de la mutuelle pour les questions d’investissement, le détail de ses investissements financiers) et décrit la prestation proposée, de sorte que la description de la prestation était adaptée au client, à ses caractéristiques et motivations

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principales.

Il en est de même pour la lettre de mission dédiée à la Fondation Napoléon, qui décrit la prestation à la lumière des caractéristiques de ce client (compte tenu du « legs de Martial Lapeyre […] et de revenus générés par la Fondation Lapeyre », Amadeis « recommande une structure simple, articulée autour d’une sélection de fonds dont les parts seront directement déposés sur le compte-titres de la Fondation ») et de ses motivations (« piloter son portefeuille d’actifs financiers en transposant les orientations d’investissement (structure, allocation d’actifs, OPCVM) définies dans le cadre de la gestion mise en œuvre par cette fondation sous égide de la Fondation de France »).

Enfin, la lettre de mission remise à Prepar-Vie décrit la prestation envisagée en trois phases ce qui permet de l’adapter aux caractéristiques et motivations de ce client considéré comme « institutionnel ».

Ainsi, les lettres de mission remises à ces cinq clients décrivent la nature et les modalités de la prestation de manière adaptée à la qualité de personne morale du client, à ses caractéristiques et à ses motivations principales, conformément au 2° de l’article 325-4 du règlement général de l’AMF.

Il ressort toutefois des éléments du dossier que concernant Prepar-Vie, la lettre de mission ne lui a été remise par Amadeis que postérieurement à la fourniture du conseil, comme elle l’a reconnu en audition devant les contrôleurs.

La circonstance que le modèle de lettre de mission, établi par l’association professionnelle à laquelle Amadeis adhérait, soit inadapté à son activité et à ses clients est inopérant puisqu’il n’est pas reproché à Amadeis de ne pas s’être conformée à ce modèle, mais de ne pas avoir respecté les exigences prescrites par le 2° de l’article 325-4 du règlement général de l’AMF.

Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la violation par Amadeis des dispositions du 2° de l’article 325-4 du règlement général de l’AMF est caractérisé en raison seulement de la remise à l’un de ses clients d’une lettre de mission postérieurement à la fourniture du conseil, l’omission, également reprochée par la poursuite, des mentions obligatoires dans les lettres de mission n’étant pas établie.

III. Sur la formalisation et l’encadrement de la fourniture de conseils

1. Sur l’absence de rapport écrit ou leur caractère incomplet

Il est fait grief à Amadeis, d’une part, sur un échantillon de sept conseils, de ne pas avoir élaboré de rapport pour formaliser deux conseils fournis à l’un de ses clients et, d’autre part, d’avoir établi, pour vingt recommandations d’investissement, des rapports ne présentant pas les risques et avantages des produits conseillés, la situation financière du client, son expérience en matière financière et ses objectifs d’investissement, en violation de l’article 325-7 du règlement général de l’AMF.

La mise en cause expose que les documents d’informations clés pour l’investisseur, systématiquement remis à ses clients, mentionnaient les avantages et risques inhérents aux produits conseillés et indique dresser pour chacun de ses clients des « reportings » consolidant l’ensemble de leurs actifs. Elle prétend rassembler aujourd’hui l’ensemble des données requises dans ses rapports de conseils.

1.1. Texte applicable

L’article 325-7 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 31 décembre 2007 au 7 juin 2018, non modifiée depuis dans un sens moins sévère, énonce que : « Le conseil au client est formalisé dans un rapport écrit justifiant les différentes propositions, leurs avantages et les risques qu’elles comportent. / Ces propositions se fondent sur : / 1° L’appréciation de la situation financière du client et de son expérience en matière financière ; / 2° Les objectifs du client en matière d’investissements. / Ces deux éléments sont exposés, dans le rapport, de façon détaillée et adaptée à la qualité de personne physique ou morale du client. ».

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1.2. Sur l’appréciation du manquement

Sur le défaut d’établissement d’un rapport écrit :

Il résulte de l’analyse des pièces du dossier que pour deux conseils fournis par Amadeis à l’un de ses clients ayant conduit à des souscriptions dans deux SCPI, Amadeis a formalisé une gril e d’analyse qui rassemble des informations de présentation de ces dernières. Ce document ne saurait toutefois s’analyser en un rapport écrit, au sens de l’article 325-7 du règlement général de l’AMF, dès lors qu’il n’apporte aucune justification sur les propositions, leurs avantages et les risques qu’elles comportent. Il en résulte que le grief tiré de la violation des dispositions prévues à l’article 325-7 du règlement général de l’AMF est caractérisé pour les deux conseils issus de l’échantillon relevés par la notification de griefs.

Sur le caractère incomplet du rapport écrit :

S’agissant ensuite du caractère exhaustif des mentions figurant dans les rapports écrits, les contrôleurs ont examiné un échantillon de vingt conseils.

Cet échantillon comprend d’abord les deux conseils précédemment examinés au titre du défaut d’établissement d’un rapport écrit. Or, dès lors qu’il a été établi qu’aucun rapport écrit n’avait été rédigé, en violation de l’article 325-7 du règlement général de l’AMF, ces deux conseils doivent être exclus de l’échantillon examiné au titre de caractère incomplet des rapports écrits.

L’échantillon comprend ensuite deux conseils dont il n’est pas établi qu’il s’agit de conseils portant sur la fourniture de services d’investissements mentionnés au I de l’article L. 541-1 du code monétaire et financier (ainsi que cela résulte des développements figurant au I.3 ci-dessus). Ces deux conseils seront dès lors également exclus de l’échantillon.

Enfin, l’un des conseils compris dans l’échantillon porte sur un titre de créance indexé sur le CAC 40. Or, l’analyse du dossier client relatif à ce conseil, et notamment du courriel adressé par Amadeis à son client, ne permet pas d’établir que cette dernière a recommandé à son client de souscrire à l’instrument financier concerné. Dès lors, faute d’élément permettant d’établir qu’Amadeis a fourni un conseil en investissement à son client, ce conseil sera écarté du présent échantillon.

Il en résulte que l’échantil on de vingt conseils sera, en conséquence, réduit à quinze pour l’examen du présent manquement.

Il ressort des pièces du dossier qu’aucun des rapports établis à l’occasion de ces quinze conseils par Amadeis n’expose la situation financière du client. L’expérience du client en matière financière, ses objectifs en matière d’investissements ainsi que les avantages et risques que comportent les différentes propositions n’y sont respectivement mentionnés qu’à trois reprises.

La circonstance, à la supposer établie, qu’Amadeis ait transmis à ses clients des documents d’informations clés pour l’investisseur, établis par les sociétés de gestion, décrivant les avantages et risques des produits, est inopérante pour la caractérisation du présent manquement dès lors que l’article 325-7 précité impose aux CIF de rassembler eux-mêmes l’ensemble des informations requises dans un document unique.

Par ailleurs, les « reporting », dont se prévaut Amadeis, consistent en des tableaux de suivi détaillant les placements financiers effectués par le client, et, partant, ne décrivent pas de manière complète la situation financière de ses clients, ce qui n’apparait pas non plus conforme aux dispositions de l’article 325-7 précité.

Enfin, l’intégration par Amadeis de l’ensemble des éléments requis dans ses rapports écrits établis postérieurement au contrôle, qui n’est au demeurant pas démontrée, est inopérante pour apprécier la caractérisation du manquement.

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Il apparait ainsi, après examen des quinze conseils de l’échantil on, que les rapports n’intègrent pas l’ensemble des mentions prévues par l’article 325-7 du règlement général de l’AMF, de telle sorte que le grief est caractérisé.

Par suite la violation par Amadeis des dispositions de l’article 325-7 du règlement général de l’AMF est caractérisée du fait de l’absence, d’une part, de rapport écrit lors de la fourniture de deux conseils et, d’autre part, de l’intégralité des mentions requises dans les rapports établis à l’occasion de quinze conseils.

2. Sur la transmission de supports de conseils par Amadeis à des personnes non habilitées à représenter leur client dans les décisions de gestion financière

La notification de griefs reproche à Amadeis, sur le fondement du 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier, d’avoir transmis deux supports de conseil à des personnes non habilitées à représenter la Fondation Napoléon, cliente d’Amadeis, dans les décisions de gestion financière. Le rapport de contrôle précise que le premier support de conseil a été envoyé notamment à M. Jean-Pierre Lefranc, et le second à M. Nicolas Walewski.

Amadeis, qui conteste ce manquement, explique que les informations sur ses clients institutionnels, qui sont publiées sur internet, au Journal Officiel de la République française ou sur infogreffe sont présumées être fiables. Elle prétend également s’être toujours adressée à des personnes habilitées pour représenter ses clients, tels que M. Laforge (directeur financier de Prepar-Vie) et M. Branda (responsable du service patrimoine de la Fondation Napoléon).

2.1. Texte applicable

Le 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 24 octobre 2010 au 2 janvier 2018, non modifiée depuis dans un sens moins sévère, énonce que : « Les conseillers en investissements financiers doivent : […] 2° Exercer leur activité, dans les limites autorisées par leur statut, avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent au mieux des intérêts de leurs clients, afin de leur proposer une offre de services adaptée et proportionnée à leurs besoins et à leurs objectifs ; ».

2.2. Sur l’appréciation du manquement

À titre liminaire, l’argument, développé par la mise en cause, selon lequel M. Branda et M. Laforge bénéficiaient d’une habilitation pour représenter Prepar-Vie et la Fondation Napoléon, est hors de propos, puisqu’il n’est pas reproché à Amadeis d’avoir adressé des supports de conseils à ces deux personnes mais d’avoir transmis des supports à MM. Lefranc et Walewski.

Il ressort par ailleurs du dossier que dès l’origine de ses relations commerciales avec la Fondation Napoléon, Amadeis a été en contact avec trois interlocuteurs pour les questions d’investissement : le responsable du service patrimoine de la Fondation Napoléon (M. Branda), le trésorier de cette fondation et qui en est également administrateur (M. Walewski) ainsi que le directeur financier de la Fondation de France, fondation abritant la Fondation Napoléon (M. Lefranc).

Amadeis a pu raisonnablement déduire des fonctions occupées par MM. Walewski et Lefranc qu’ils étaient compétents pour étudier les opportunités d’investissements financiers de la Fondation Napoléon et, le cas échéant, décider de leur mise en œuvre.

En outre, il est établi que lorsque des opportunités d’investissement étaient proposées, Amadeis était informée des échanges intervenus à ce sujet entre MM. Walewski, Lefranc et Branda.

Ainsi, au regard des fonctions de MM. Walewski et Lefranc, de la relation de ces derniers avec le responsable du service patrimoine, dont Amadeis avait connaissance, et des échanges réguliers intervenus entre Amadeis et ces trois personnes, depuis l’origine, il ne peut être reproché à la mise en cause d’avoir manqué à son obligation d’agir avec diligence, au sens du 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier, en adressant deux supports de conseils respectivement le 21 janvier 2014 à

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M. Walewski et le 16 octobre 2015 à M. Lefranc, pour des investissements recommandés à la Fondation Napoléon, sans avoir, au préalable, procédé à des vérifications sur l’habilitation de ces personnes à la représenter dans les décisions de gestion financière.

Il en résulte que le grief tiré de la violation par Amadeis des dispositions du 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier n’est pas caractérisé.

3. Sur l’absence d’encadrement par Amadeis de l’activité de son consultant externe

Il est reproché à Amadeis, sur le fondement de l’article 325-10 du règlement général de l’AMF, de faire appel à un consultant externe, la société APCI (ci-après « APCI »), pour l’exercice de son activité de conseil en investissement auprès de ses clients, sans encadrer cette intervention par un contrat ou une procédure. La notification de griefs relève que, lors de la fourniture de conseils pour le compte d’Amadeis, ce consultant agissait seul, hors la présence d’Amadeis, et organisait également des réunions avec l’un des clients en son absence. Elle note par ailleurs qu’APCI n’a pas fourni de rapports de conseil aux clients ayant bénéficié de ses conseils.

Amadeis ne conteste pas ce grief mais soutient y avoir à présent remédié en concluant le 29 septembre 2016 une convention de partenariat avec ce consultant et précise être seule responsable de la relation avec ses clients et de la formalisation par écrit des conseils fournis.

3.1. Texte applicable

L’article 325-10 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur du 31 décembre 2007 au 7 juin 2018, non modifiée depuis dans un sens moins sévère, prévoit que : « Le conseiller en investissements financiers doit, en permanence, disposer de moyens et procédures adaptés à l’exercice de son activité, et notamment : / 1. De moyens techniques suffisants ; / 2. D’outils d’archivage sécurisés. ».

3.2. Sur l’appréciation du manquement

Comme précédemment indiqué, un CIF doit, en application de l’article 325-10 du règlement général de l’AMF, disposer en permanence de moyens et procédures adaptés à l’exercice de son activité.

La mise en place de moyens et de procédures adaptés implique, dans l’hypothèse où le CIF fait appel à un consultant externe agissant pour son compte, que la relation entre le CIF et ce consultant soit formalisée de manière à s’assurer que ce dernier exerce son activité dans le respect des dispositions légales et réglementaires.

En l’espèce il ressort du dossier qu’APCI organisait des réunions avec un client d’Amadeis, en l’absence de cette dernière et lui fournissait, dans ce cadre, pour le compte d’Amadeis, des conseils en investissement.

Or il n’est pas contesté que les modalités d’intervention d’APCI auprès des clients d’Amadeis n’étaient pas formalisées dans une procédure ou dans un contrat, de sorte qu’Amadeis n’était pas en mesure de s’assurer qu’APCI fournissait, pour son compte des conseils dans le respect des dispositions légales et réglementaires.

La conclusion d’un contrat entre Amadeis et APCI pour gérer leur relation, intervenue postérieurement à l’époque des faits examinés, est indifférente à la caractérisation du grief.

Ainsi, à défaut d’avoir encadré l’activité de son consultant externe, auquel elle a eu recours pour délivrer une prestation de conseil en investissement à l’un de ses clients, Amadeis a méconnu les dispositions de l’article 325-10 du règlement général de l’AMF.

L’absence de transmission, par le consultant, de rapports aux clients ayant bénéficié de ses conseils, qui

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est soulignée par la poursuite, ne peut être sanctionnée sur le fondement de l’article 325-10 du règlement général de l’AMF, cette obligation relevant, comme il a été vu, de l’article 325-7 du règlement précité.

IV. Sur la prévention et la gestion des conflits d’intérêts et l’information des clients quant à la rémunération liée à l’exercice des activités de CIF

1. Sur l’absence de mesures adéquates pour prévenir efficacement les risques de conflits d’intérêts

La notification de griefs reproche à Amadeis, sur le fondement de l’article 325-8 du règlement général de l’AMF, de ne pas s’être dotée des moyens et procédures écrites lui permettant de prévenir, gérer et traiter tous conflits d’intérêts pouvant porter atteinte aux intérêts de ses clients.

Elle relève, d’abord, que dans le cadre de la perception de rétrocessions, les taux étant différents selon les fonds ou les SCPI, Amadeis était en mesure de recommander à un client d’investir sur un support plutôt qu’un autre pour augmenter sa rémunération sans rechercher l’intérêt du client.

Ensuite, la notification de griefs souligne que la mise en cause se trouvait simultanément porteur, pour compte propre, de parts du fonds Rendement Diversifié et fournisseur de conseils à la société de gestion de ce fonds (AAIS), contre une rémunération notamment calculée sur l’encours du fonds. En outre, Amadeis fournissait des conseils à ses clients pour investir dans ce fonds. Ainsi, la notification de griefs relève qu’Amadeis pouvait être incitée à orienter ses conseils à ses clients ou à AAIS en privilégiant ses propres intérêts.

Amadeis soutient qu’el e avait parfaitement identifié le premier risque de conflit d’intérêts tiré de la perception des rétrocessions, et avait pris des mesures, notamment de transparence, pour ses collaborateurs et ses clients afin de le traiter. Elle ajoute qu’il n’a pas été établi par les contrôleurs que, dans les faits, elle avait abusivement orienté ses clients vers les supports les plus rémunérateurs au détriment de leurs intérêts.

En ce qui concerne la seconde situation de conflit d’intérêts relevée par la notification de griefs, Amadeis soutient que la détention des parts d’un fonds qu’elle conseille à ses clients était un gage d’alignement d’intérêts. Elle précise toutefois avoir finalement cédé cette participation. Elle soutient également avoir été totalement transparente sur la fourniture de conseils à AAIS dès lors que cela était mentionné dans le prospectus agrée par l’AMF. Elle ajoute avoir finalement dénoncé ce contrat de conseil. Enfin, elle avance que la recommandation de ce fonds à ses clients était neutre pour sa rémunération.

1.1. Texte applicable

L’article 325-8 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 31 décembre 2007 au 7 juin 2018 et non modifiée depuis dans un sens moins sévère énonce que : « Le conseiller en investissements financiers doit se doter des moyens et des procédures écrites lui permettant de prévenir, gérer et traiter tous conflits d’intérêts pouvant porter atteinte aux intérêts de son client. ».

1.2. Sur l’appréciation du manquement

Amadeis disposait d’une procédure interne écrite de prévention et de gestion de conflit d’intérêts qui prévoyait que « Le mode de rémunération des collaborateurs ne comprend aucune clause susceptible de générer des comportements non conformes aux intérêts des clients. » et indiquait également qu’« Amadeis refuse les missions, notamment pour le compte d’établissements financiers, qui la placent dans une situation de conflits d’intérêts ».

Pour apprécier la caractérisation du grief, il convient de vérifier si cette procédure écrite était pertinente pour prévenir, gérer et traiter les conflits d’intérêts susceptibles de résulter de l’activité d’Amadeis et, en particulier, de l’existence de taux de rétrocessions différents selon les produits financiers conseil és ainsi que de ses interventions à plusieurs titres auprès du fonds Rendement Diversifié et de sa société de

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gestion.

— Sur la situation de conflits d’intérêts générée par la différence de taux de rétrocessions

Les écarts de taux de rétrocessions sont faibles au sein d’une même classe d’actifs (par exemple plusieurs OPC), les contrôleurs ayant par exemple relevé que les OPC « gérés par Sycomore AM, Métropole Gestion, Oddo AM et Mandarine Gestion » et « dont les indicateurs de profil de risques ont une cotation égale ou supérieure à 6 (sur un maximum de 7) » donnent lieu pour Amadeis à des taux de rétrocessions compris entre 1% et 1,1%, de sorte qu’ils ne sont pas susceptibles d’inciter Amadeis à recommander à ses clients d’investir dans un produit financier plutôt que dans un autre.

En revanche, les écarts de taux de rétrocessions peuvent être significatifs d’une classe d’actifs à une autre (par exemple des parts d’OPC et des parts de SCPI), pouvant ainsi générer des conflits d’intérêts. Néanmoins, et s’agissant tout particulièrement de clients institutionnels, ces produits ne sont pas substituables en termes de risques, de rendement, de liquidité et d’horizon d’investissement. Les traitements comptables et prudentiels varient également chez ces clients institutionnels en fonction de la nature des actifs. Amadeis était ainsi sollicitée par ses clients institutionnels avant tout pour identifier le meil eur véhicule d’investissement au sein de chaque classe d’actifs

Aussi, en l’espèce, les différences de taux de rétrocessions n’étaient pas de nature à générer des risques de conflit d’intérêts et la procédure écrite précitée de prévention et de gestion des conflits d’intérêts apparaît pertinente.

— Sur la situation de conflits d’intérêts générée par le fonds Rendement Diversifié

Il ressort du dossier qu’Amadeis était simultanément porteur pour compte propre de parts du fonds commun de placement Rendement Diversifié, conseiller en investissements financiers de la société de gestion gérant ce fonds puisqu’ayant conclu avec la société de gestion AAIS une convention de conseil en investissement et aussi apporteur d’affaires dès lors qu’elle pouvait recommander à ses propres clients d’investir dans le fonds Rendement Diversifié.

Si cette situation peut apparaître comme génératrice de conflits d’intérêts, il est établi qu’en l’espèce Amadeis était rémunérée par la société de gestion AAIS au titre de sa prestation de conseil en investissement, en fonction de l’encours du fonds Rendement Diversifié, mais avait expressément renoncé à sa rémunération en sa qualité d’apporteur d’affaires. En l’absence de double rémunération, Amadeis pouvait sans générer de conflits d’intérêts agir en sa double qualité de CIF du gérant du fonds et d’apporteur d’affaires.

La détention par Amadeis de parts du fonds Rendement Diversifié n’apparait pas non plus de nature à remettre en cause cette appréciation.

Ainsi, en l’espèce, cette situation ne générait pas de risques de conflit d’intérêts et la procédure écrite précitée de prévention et de gestion des conflits d’intérêts peut être considérée comme suffisante.

Il résulte de ce qui précède que le manquement fondé sur l’article 325-8 du règlement général de l’AMF n’est pas caractérisé.

2. Sur l’absence de mention, dans le document d’entrée en relation, de l’existence des relations commerciales significatives entretenues par Amadeis avec des SGP

La notification de griefs relève que, dans son document d’entrée en relation, Amadeis n’informe pas ses clients de l’existence de relations commerciales régulières et significatives entretenues avec les SGP qui gèrent les fonds qu’elle leur conseille et qui sont susceptibles d’affecter son indépendance vis-à-vis de ses clients, en violation du 4° de l’article 325-3 du règlement général de l’AMF. La notification de griefs souligne que cette disposition est éclairée par le point 4.2 de la position-recommandation AMF n°2006-23 qui prévoit qu’ « Un CIF a une relation significative avec un établissement promoteur de produits financiers

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dès lors qu’il a une relation commerciale régulière ou un lien capitalistique susceptible d’affecter son indépendance vis-à-vis du client ».

La mise en cause prétend que les contrôleurs ont fait une lecture erronée de la position-recommandation précitée et considère qu’il ne suffit pas que la relation commerciale soit régulière pour être significative mais doit en outre être « susceptible d’affecter l’indépendance du CIF vis-à-vis du client ». Elle ajoute que les SGP avec lesquelles elle entretient des relations sont parfaitement interchangeables et substituables sans aucune incidence sur son chiffre d’affaires. Amadeis souligne que selon l’ACIFTE, « un CIF entretient une relation significative de nature capitalistique ou commerciale à partir de 40% de son CA au-delà d’un exercice comptable », ce qui n’est pas son cas, selon Amadeis, puisque son chiffre d’affaires réalisé individuellement avec une SGP est très inférieur à ce seuil de 40%.

Amadeis fait enfin valoir que ce grief manque en fait et en droit étant donné qu’en dépit de ses demandes, les contrôleurs n’ont jamais communiqué aucun nom d’établissement, ni aucune date, ni aucun montant au titre de ce manquement.

2.1. Texte applicable

Le 4° de l’article 325-3 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 31 décembre 2007 au 7 juin 2018 et non modifiée depuis dans un sens moins sévère énonce que : « Lors de l’entrée en relation avec un nouveau client, le conseiller en investissements financiers lui remet un document comportant les mentions suivantes : […] 4° Le cas échéant, l’identité du ou des établissements promoteurs de produits mentionnés au 1° de l’article L. 341-3 du code monétaire et financier avec lesquels il entretient une relation significative de nature capitalistique ou commerciale ; ».

2.2. Sur l’appréciation du manquement

Il doit être noté à titre liminaire que les éléments factuels sur lesquels se fondent les notifications de griefs figurent en annexe au rapport de contrôle du 6 octobre 2016 et, plus précisément, à l’annexe 11 qui présente la liste des conventions de rétrocessions conclues par Amadeis avec des SGP, à l’annexe 28 constituée de tableaux récapitulant les rétrocessions facturées chaque semestre de 2013 à 2015 par Amadeis à ces SGP, ainsi qu’à l’annexe 41 qui comporte des fichiers détail ant le chiffre d’affaires réalisé de 2013 à 2015 par Amadeis et décomposé selon chaque client , de sorte que l’argument d’Amadeis selon lequel ce grief manque en fait doit être écarté.

Selon le 4° de l’article 325-3 du règlement général de l’AMF, le document d’entrée en relation doit mentionner, parmi d’autres éléments, l’identité des établissements promoteurs de produits, incluant les SGP, avec lesquels le CIF entretient une relation significative de nature commerciale.

Une relation significative de nature commerciale s’entend, au sens de ce texte, d’une relation commerciale régulière qui contribue de manière notable au chiffre d’affaires du CIF.

En l’espèce Il ressort du dossier, qu’entre 2013 et 2015, trente-quatre des cinquante-six conventions de rétrocessions conclues par Amadeis avec des SGP ont donné lieu pendant au moins un an à des rétrocessions facturées chaque trimestre par celle-ci aux SGP. Parmi ces trente-quatre conventions, quinze ont donné lieu à des rétrocessions versées par deux SGP de manière ininterrompue pendant trois ans et ont généré les rétrocessions les plus élevées. Ces deux SGP ont ainsi contribué respectivement à hauteur de 4,04% et 3,30% en 2013, 4,50% et 4,83% en 2014, 4,23% et 4,6% en 2015 du chiffre d’affaires d’Amadeis.

Il apparaît ainsi qu’Amadeis entretenait avec de nombreuses SGP des relations commerciales certes régulières, mais générant individuellement des montants représentant moins de 5% de son chiffre d’affaires, insuffisants pour caractériser une relation significative de nature commerciale au sens du 4° de l’article 325-3 du règlement général de l’AMF.

Les pourcentages précités sont au demeurant inférieurs aux seuils de 10% et 40% du chiffre d’affaires, retenus respectivement par l’ANACOFI et l’ACIFTE, associations professionnelles agréées et consultées

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par Amadeis, pour caractériser une relation significative de nature commerciale.

A défaut de relation significative de nature commerciale au sens du 4° de l’article 325-3 du règlement général de l’AMF, entretenue par Amadeis avec des SGP, le présent manquement est écarté.

3. Sur l’absence d’information des clients quant à l’existence, le montant et le mode de calcul de la rémunération perçue par Amadeis au titre de la prestation de conseil fournie à AAIS

La notification de griefs reproche à Amadeis, en violation du a) du 2° de l’article 352-6 du règlement général de l’AMF, de s’être abstenue d’informer ses clients de la rémunération qu’el e perçoit d’AAIS au titre de sa prestation de conseil, et du montant ou du mode de calcul de cette rémunération, ce qui n’a pas permis à ses clients de prendre leur décision d’investissement en connaissance de cause.

La mise en cause avance que l’existence de cette rémunération est totalement transparente dans la mesure où Amadeis apparait dans le prospectus comme prestataire du fonds, mais regrette qu’il n’ait pas été possible d’y préciser la clé de répartition entre AAIS et elle. La mise en cause prétend qu’el e communiquait systématiquement à l’oral à ses clients cette clé de répartition et soutient la mentionner à présent dans ses rapports de conseil.

3.1. Texte applicable

Le a) du 2° de l’article 325-6 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 31 décembre 2007 au 7 juin 2018 et non modifiée depuis dans un sens moins sévère énonce que : « Le conseiller en investissements financiers est considéré comme agissant d’une manière honnête, loyale et professionnelle qui sert au mieux les intérêts d’un client lorsque, en liaison avec la prestation de conseil à ce client, il verse ou perçoit une rémunération ou une commission ou fournit ou reçoit un avantage non monétaire suivant : […] / 2. Une rémunération, une commission ou un avantage non monétaire versé ou fourni à un tiers ou par celui-ci, ou à une personne agissant au nom de ce tiers ou par celle-ci, lorsque les conditions suivantes sont réunies : / a) Le client est clairement informé de l’existence, de la nature et du montant de la rémunération, de la commission ou de l’avantage, ou lorsque ce montant ne peut être établi, de son mode de calcul. Cette information est fournie de manière complète, exacte et compréhensible avant que la prestation de conseil ne soit fournie. Le conseiller en investissements financiers peut divulguer les conditions principales des accords en matière de rémunérations, de commissions et d’avantages non monétaires sous une forme résumée, sous réserve qu’il s’engage à fournir des précisions supplémentaires à la demande du client et qu’il respecte cet engagement ; […] ».

3.2. Sur l’appréciation du manquement

Il résulte du a) du 2° de l’article 325-6 du règlement général de l’AMF que le client doit être clairement informé par le CIF de l’existence, de la nature, du montant ou du mode de calcul de sa rémunération.

Il peut être relevé que les lettres de mission remises par Amadeis à deux clients ayant investi sur ses conseils dans le fonds Rendement Diversifié, dont la société de gestion est AAIS, mentionnent uniquement l’existence d’une rémunération au profit d’Amadeis dans le cadre de contrats de mise en relation conclus avec des sociétés de gestion d’OPCVM, sans évoquer ni le versement par AAIS de commission à Amadeis au titre des conseils qu’elle lui fournit ni son montant ou ses modalités de calcul.

Si Amadeis apparait en tant que conseiller du fonds dans le prospectus du fonds Rendement Diversifié, ce document ne renseigne pas quant à l’existence d’une rémunération à son profit et encore moins son montant ou son mode de calcul.

Enfin, il n’est pas établi qu’Amadeis communiquait oralement à tous ses clients la clé de répartition de sa rémunération perçue d’AAIS

Il en résulte qu’Amadeis a manqué à l’obligation d’informer ses clients, prévue au a) du 2° de l’article 325-6 du règlement général de l’AMF, quant à l’existence d’une rémunération qu’elle perçoit d’AAIS au titre de la prestation de conseil qu’elle lui délivre, de son montant ou du mode de calcul de cette

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rémunération, ce qui n’a pas permis à ses clients de prendre leur décision d’investissement en connaissance de cause.

SANCTION ET PUBLICATION

Sur la sanction

En conclusion, sont caractérisés les deux premiers griefs en matière de connaissance du client préalablement à la fourniture de conseils, à savoir l’absence de procédure écrite permettant d’encadrer la collecte d’informations avant de formuler un conseil en investissement, en violation du 3° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier et des articles 325-10 et 325-11 du règlement général de l’AMF ainsi que le caractère incomplet et non-formalisé du recueil des informations auprès des clients avant de formuler un conseil en investissement, en violation du 4° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier. Le troisième grief tiré de la violation par Amadeis des dispositions du 2° de l’article 325-4 du règlement général de l’AMF est caractérisé en raison seulement de la remise à l’un de ses clients d’une lettre de mission postérieurement à la fourniture du conseil.

S’agissant de la formalisation et l’encadrement de la fourniture de conseils, deux griefs sont établis en raison de l’absence, d’une part, de rapport écrit ou leur caractère incomplet, en violation de l’article 325-7 du règlement général de l’AMF et, d’autre part, d’encadrement par Amadeis de l’activité de son consultant externe APCI en violation de l’article 325-10 du règlement général de l’AMF. En revanche, est écarté le grief pris de la transmission de supports de conseil par Amadeis à des personnes non habilitées à représenter les personnes morales conseillées dans les décisions de gestion financière sur le fondement du 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier.

En matière de prévention et de gestion de conflits d’intérêts et de l’information des clients quant à la rémunération liée à l’exercice des activités de CIF, sont écartés les deux premiers griefs pris de l’absence, d’une part, de mesures adéquates adoptées par Amadeis pour prévenir efficacement les risques de conflits d’intérêts, en violation de l’article 325-8 du règlement général de l’AMF et, d’autre part, de mention dans le document d’entrée en relation de l’existence de relations commerciales significatives entretenues par Amadeis avec des sociétés de gestion de portefeuille, en violation du 4° de l’article 325-3 du règlement général de l’AMF. Seul le troisième grief relatif à l’absence d’information des clients quant à l’existence, le montant et le mode de calcul de la rémunération perçue par Amadeis au titre de la prestation de conseil fournie à AAIS est établi sur le fondement du a) du 2° de l’article 325-6 du règlement général de l’AMF.

Les manquements ont eu lieu du 27 avril 2013 au 27 avril 2016.

Il résulte de l’article L. 621-17 du code monétaire et financier dans ses versions successivement en vigueur entre le 7 mai 2005 et le 11 décembre 2016, non modifié depuis dans un sens plus favorable que : « Tout manquement par les conseillers en investissements financiers définis à l’article L. 541-1 aux lois, règlements et obligations professionnelles les concernant est passible des sanctions prononcées par la commission des sanctions selon les modalités prévues aux I, a et b du III, IV et V de l’article L. 621-15

[…] ».

Aux termes de l’article L. 621-15 III a) et b) du même code, dans ses versions successivement en vigueur entre le 24 octobre 2010 et le 5 juin 2016 applicables à l’époque des faits, non modifié depuis dans un sens moins sévère : « III.- Les sanctions applicables sont : / a) Pour les personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12°, 15° à 17° du II de l’article L. 621-9, l’avertissement, le blâme, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des services fournis, la radiation du registre mentionné à l’article L. 546-1 ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés […] ».

En conséquence, Amadeis encourt, en sus ou à la place des sanctions disciplinaires, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d’euros ou au décuple des profits

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éventuellement réalisés.

Le III ter de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur depuis le 11 décembre 2016, définit comme suit les critères à prendre en compte pour déterminer la sanction : « III ter. - Dans la mise en œuvre des sanctions mentionnées aux III et III bis, il est tenu compte notamment : - de la gravité et de la durée du manquement ; / - de la qualité et du degré d’implication de la personne en cause ; / - de la situation et de la capacité financières de la personne en cause, au vu notamment de son patrimoine et, s’agissant d’une personne physique de ses revenus annuels, s’agissant d’une personne morale de son chiffre d’affaires total ; / – de l’importance soit des gains ou avantages obtenus, soit des pertes ou coûts évités par la personne en cause, dans la mesure où ils peuvent être déterminés ; / - des pertes subies par des tiers du fait du manquement, dans la mesure où elles peuvent être déterminées ; / - du degré de coopération avec l’Autorité des marchés financiers dont a fait preuve la personne en cause, sans préjudice de la nécessité de veil er à la restitution de l’avantage retiré par cette personne ; / - des manquements commis précédemment par la personne en cause ; / - de toute circonstance propre à la personne en cause, notamment des mesures prises par elle pour remédier aux dysfonctionnements constatés, provoqués par le manquement qui lui est imputable et le cas échéant pour réparer les préjudices causés aux tiers, ainsi que pour éviter toute réitération du manquement. ».

Les manquements d’Amadeis à ses obligations professionnelles sont multiples, tant en ce qui concerne la documentation requise (absence de rapport écrit et caractère incomplet des mentions figurant dans les rapports écrits, remise d’une lettre de mission postérieurement à la fourniture du conseil) que les procédures à suivre (absence de procédure de connaissance client ou d’encadrement de son consultant externe). Ces manquements révèlent un manque de formalisme de la part d’Amadeis et revêtent ainsi une particulière gravité.

Toutefois, des mesures correctives ont été prises par Amadeis, dont certaines apparaissent satisfaisantes à l’instar de la mise en place d’un questionnaire de connaissance client et la conclusion d’un contrat pour régir ses relations avec son consultant externe APCI.

Il ressort des états financiers produits par Amadeis que son chiffre d’affaires et son bénéfice s’élevaient au titre de l’exercice clos au 31 décembre 2017, à respectivement 3 293 912 € et 1 140 978 €.

Il sera en conséquence prononcé à l’encontre d’Amadeis une sanction pécuniaire de 50 000 euros.

Sur la publication de la présente décision

Amadeis indique dans ses observations qu’une publication non anonymisée de la présente décision lui causerait un grave préjudice de réputation étant donné que « les fondations, mutuelles et associations qui recourent à ses services sont particulièrement sensibles, dans le choix de leur partenaires et fournisseurs, aux questions d’éthiques, de probité et de conflits d’intérêts. » et qu’une décision de sanction pourrait les dissuader de poursuivre leur collaboration avec Amadeis. Elle ajoute que son préjudice serait disproportionné au regard de sa bonne foi, de sa coopération avec les services de l’AMF et des remédiations prises par ses soins à la suite du contrôle.

Amadeis demande en conséquence que les sociétés Alain Pivert Consultant Immobilier (APCI), ABN AMRO Investment Solutions (AAIS) ainsi que le fonds Rendement Diversifié soient anonymisés « dans la mesure où ces sociétés n’entraient pas dans le périmètre de la mission de contrôle de l’AMF et partant, n’ont reçu aucune notification de griefs ».

Le seul fait que la publication soit de nature à préjudicier aux intérêts de la mise en cause ne constitue pas un motif suffisant pour décider, en application du texte précité, d’anonymiser la présente décision. Les mesures correctrices qu’elle a mises en œuvre et sa collaboration avec l’AMF dans la présente procédure sont également inopérantes à cet égard.

Par conséquent, la publication de la présente décision n’est ni susceptible de causer à Amadeis un préjudice grave et disproportionné, ni de nature à perturber gravement la stabilité du système financier ou

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encore le déroulement d’une enquête ou d’un contrôle en cours.

La publication sera donc ordonnée sous forme nominative à l’égard d’Amadeis.

S’agissant des tiers à la procédure et notamment les sociétés Alain Pivert Consultant Immobilier (APCI), ABN AMRO Investment Solutions (AAIS) et le fonds Rendement Diversifié, Amadeis n’a pas qualité pour les représenter et demander la publication sous forme anonymisée de la décision à leur égard. Au demeurant, leur mention sous forme nominative est nécessaire à la compréhension de la présente décision.

La publication de la décision sera donc ordonnée sous forme nominative à l’égard des tiers.

PAR CES MOTIFS,

Et ainsi qu’il en a été délibéré par M. Jean Gaeremynck, Président de la 2ème section de la commission des sanctions, par Mme Patricia Lazard Kodyra et MM. Christophe Lepitre et Lucien Millou, membres de la 2ème section de la commission des sanctions, et par Mme Edwige Belliard, membre de la 1ère section suppléant M. Didier Guérin en application du I de l’article R. 621-7 du code monétaire et financier, en présence du secrétaire de séance, la commission des sanctions :

— prononce à l’encontre de la société Amadeis une sanction pécuniaire de 50 000 € (cinquante mille euros) ;

— ordonne la publication de la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers et fixe à cinq ans, à compter de la date de la présente décision, la durée de son maintien en ligne de manière non anonyme.

Fait à Paris, le 28 décembre 2018

Le Secrétaire de séance,

Le Président,

Marc-Pierre Janicot

Jean Gaeremynck

Cette décision peut faire l’objet d’un recours dans les conditions prévues à l’article R. 621-44 du code monétaire et financier.

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Décision de la Commission des sanctions du 28 décembre 2018 à l'égard de la société Amadéis