Décision de la Commission des sanctions du 18 décembre 2020 à l'égard de la société DIGNE CONSEILS & GESTION et de M. Patrice DIGNE

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Sur la décision

Référence :
AMF, 18 déc. 2020, n° SAN-2020-13
Numéro : SAN-2020-13
Identifiant AMF : SAN-2020-13

Sur les parties

Texte intégral

La Commission des sanctions

COMMISSION DES SANCTIONS Décision n° 12 du 18 décembre 2020

Procédure n° 19-09 Décision n° 12

Personnes mises en cause :

 Digne Conseils & Gestion Société à responsabilité limitée Immatriculée au RCS de Lyon sous le numéro 799 152 798 Dont le siège social est situé 6, chemin du Grégoire – 69750 Dardilly Prise en la personne de son gérant, M. Patrice Digne Ayant élu domicile chez Maître Claire Sauty de Chalon du cabinet MirieuSauty, au 34, rue du Général Foy – 75008 Paris

 M. Patrice Digne Né le […] à […] Domicilié […] Ayant élu domicile chez Maître Claire Sauty de Chalon du cabinet MirieuSauty, au 34, rue du Général Foy – 75008 Paris

La 2ème section de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après : « AMF ») :

Vu la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et notamment son article 6 ;

Vu la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 et notamment son article 4 ;

Vu le code monétaire et financier et notamment ses articles L. 214-24, L. 214-24-1, L. 541-1, L. 541-8-1, L. 550-1, L. 550-3, L. 621-10, L. 621-15, L. 621-17, R. 550-1 et R. 621-38 à R. 621-40 ;

Vu le règlement général de l’AMF et notamment ses articles 143-5, 325-4, 325-7, 325-12-3, 421-1, 421-2, 421-13, 441-1 ;

www.amf-france.org 17 place de la Bourse – 75082 Paris cedex 2 – tél. 01 53 45 60 00 – fax 01 53 45 63 20

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Après avoir entendu au cours de la séance publique du 11 décembre 2020 :

— M. Lucien Millou, en son rapport ;

- Mme Lauriane Bonnet, représentant le collège de l’AMF ;

- La société Digne Conseils & Gestion, représentée par son gérant, M. Patrice Digne et assistée par son conseil Me Claire Sauty de Chalon du cabinet MirieuSauty ;

- M. Patrice Digne assisté par son conseil Me Claire Sauty de Chalon du cabinet MirieuSauty ;

Les mis en cause ayant eu la parole en dernier.

FAITS

Créée en 2014, la société à responsabilité limitée Digne Conseils & Gestion (ci-après, « DCG ») est dirigée par son gérant, M. Patrice Digne. Son capital est réparti entre M. Digne (51%) et son épouse, Mme Françoise Lagleyze (49%).

DCG est enregistrée depuis le 7 mai 2014 en tant que conseiller en investissements financiers (ci-après, « CIF ») sur le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance tenu par l’Organisme pour le registre des intermédiaires en assurance, banque et finance (ci-après, « Orias »). Elle est adhérente de l’Association nationale des conseils financiers-CIF (ci-après, « Anacofi-CIF »), association professionnelle agréée par l’AMF. DCG dispose également des statuts de courtier d’assurance ou de réassurance et de mandataire d’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement. M. Digne est l’unique conseil er pour l’ensemble des clients de la société. Celle-ci ne compte aucun salarié.

PROCÉDURE

Le 29 août 2017, le secrétaire général de l’AMF a décidé de procéder au contrôle du respect par DCG de ses obligations professionnelles.

Le rapport de contrôle, daté du 11 octobre 2018, a été adressé à DCG par lettre du 17 octobre 2018, l’informant qu’elle disposait d’un délai d’un mois pour présenter des observations.

Le 18 novembre 2018, DCG a présenté des observations en réponse au rapport de contrôle.

Le 23 juillet 2019, la commission spécialisée n°3 du collège de l’AMF a décidé de notifier des griefs à DCG et M. Digne.

Les notifications de griefs ont été adressées à DCG et M. Digne par lettres du 2 août 2019.

Il est reproché à DCG d’avoir proposé à des clients d’investir dans quatre produits alors qu’ils n’étaient pas admis à la commercialisation en France, manquant de ce fait à ses obligations de se comporter avec loyauté et d’agir au mieux des intérêts de ses clients ainsi qu’à son obligation d’exercer son activité dans les limites autorisées par son statut de CIF avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent au mieux des intérêts de ses clients, prévues aux 1° et 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier.

Il est également reproché à DCG d’avoir, en méconnaissance des dispositions du 4° de l’article 325-4 et de l’article 325-7 du règlement général de l’AMF, conseillé un cinquième produit à ses clients en omettant de leur remettre une lettre de mission, et sans, de surcroît, les informer des risques encourus par l’investissement proposé.

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Ces manquements sont également reprochés à M. Digne en sa qualité de gérant de DCG, sur le fondement du b) du III de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier et de l’article 325-12-3 du règlement général de l’AMF.

Le 2 août 2019, une copie des notifications de griefs a été transmise à la présidente de la commission des sanctions, conformément aux dispositions de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier.

Par décision du 3 septembre 2019, la présidente de la commission des sanctions a désigné M. Lucien Millou en qualité de rapporteur.

Par lettre du 12 septembre 2019, DCG et M. Digne ont été informés qu’ils disposaient d’un délai d’un mois, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander la récusation du rapporteur dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du code monétaire et financier.

Le 4 novembre 2019, DCG et M. Digne ont déposé des observations en réponse aux notifications de griefs, après qu’une prorogation du délai de réponse leur a été accordée.

Par lettres du 11 février 2020, DCG et M. Digne ont été convoqués à une audition par le rapporteur, qui les a successivement entendus le 11 mars 2020.

Le 13 mars 2020, DCG et M. Digne ont adressé au rapporteur des documents supplémentaires.

Le rapporteur a déposé son rapport le 27 octobre 2020.

Par lettres du 29 octobre 2020, auxquelles était joint le rapport du rapporteur, DCG et M. Digne ont été convoqués à la séance de la commission des sanctions du 11 décembre 2020 et informés qu’ils disposaient d’un délai de quinze jours pour présenter des observations en réponse au rapport du rapporteur, conformément aux dispositions du III de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier.

Par lettres du 6 novembre 2020, DCG et M. Digne ont été informés de la composition de la formation de la commission des sanctions appelée à délibérer lors de la séance du 11 décembre 2020 ainsi que du délai de quinze jours dont ils disposaient, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander, conformément aux articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code, la récusation d’un ou de plusieurs de ses membres.

Le 23 novembre 2020, DCG et M. Digne ont déposé des observations en réponse au rapport du rapporteur.

Le même jour, DCG et M. Digne ont, par courrier adressé à la présidente de la commission des sanctions, sollicité un report de la séance.

Par lettre du 27 novembre 2020 adressée au conseil des mis en cause, la présidente de la commission des sanctions a rejeté cette demande.

MOTIFS DE LA DÉCISION I. Sur les moyens de procédure soulevés par DCG et M. Digne 1. DCG et M. Digne ont soulevé plusieurs moyens de procédure qui seront successivement examinés.

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1. Sur la possibilité pour les mis en cause de se faire assister du conseil de leur choix pendant la phase de contrôle 2. DCG et M. Digne soutiennent que DCG n’a pas été mise en mesure de se faire assister par un conseil de son choix au cours du contrôle faute d’information sur cette possibilité, et d’information complémentaire des contrôleurs pour s’assurer de sa bonne compréhension de la procédure après avoir reçu la charte des contrôles. Ils ajoutent, dans leurs observations en réponse au rapport du rapporteur, que leur audition par le rapporteur et le recours à un conseil postérieurement à la notification de griefs ne sauraient remédier à une violation de leurs droits de la défense dès lors qu’ils ont été privés de la possibilité de soumettre au collège des « observations juridiquement étayées au rapport de contrôle et qu’en conséquence de nombreux griefs leur ont été notifiés ». 3. L’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après, « CSDH ») invoqué par les mis en cause stipule, en son troisième paragraphe, que « tout accusé a droit notamment à : […] c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ».

4. Le principe des droits de la défense, rappelé par ce texte, s’applique à la seule procédure de sanction ouverte par la notification de griefs par le col ège de l’AMF et par la saisine de la commission des sanctions, et non à la phase préalable des enquêtes et des contrôles réalisée par les agents de l’AMF, qui doit seulement être loyale de façon à ne pas porter une atteinte irrémédiable aux droits de la défense des personnes auxquelles des griefs sont ensuite notifiés.

5. En particulier, ni le principe général des droits de la défense ni aucune stipulation de la CSDH n’imposent l’assistance d’un avocat dans le cadre de la procédure.

6. En l’espèce, DCG a répondu au tableau des observations qui lui a été communiqué par les contrôleurs et a, le 18 novembre 2018, adressé une lettre en réponse au rapport de contrôle, accompagnée de 22 annexes, exposant sur plus de 16 pages ses observations sur les constats des contrôleurs.

7. Le 3 octobre 2019, DCG et M. Digne ont saisi un conseil et ont demandé, et obtenu, un délai pour déposer des observations en réponse aux notifications de griefs, ce qu’ils ont fait.

8. Les mis en cause ont en conséquence été mis en mesure de présenter leur défense en temps utile et ont, de surcroît, fait appel au conseil de leur choix.

9. Au demeurant, ils ont, à leur demande, été entendus par le rapporteur, ont déposé des observations en réponse à son rapport et étaient présents et assistés lors de la séance de la commission des sanctions.

10. Dans ces conditions, et dès lors que DCG a pu, dans le cadre de la procédure ouverte par les notifications de griefs, consulter l’entier dossier de la procédure et faire valoir ses observations en réponse, il n’a été porté aucune atteinte irrémédiable aux droits de la défense de DCG et M. Digne.

11. Ainsi, le moyen tiré de ce que la procédure suivie a méconnu le principe du respect des droits de la défense ne peut qu’être écarté.

2. Sur l’absence de formalisme de la restitution des constats faite à DCG par les contrôleurs 12. DCG et M. Digne indiquent que DCG n’a pas reçu de convocation formelle à une audition de restitution des constats par les contrôleurs, qui a pris la forme d’un entretien téléphonique et n’a pas donné lieu à l’établissement d’un procès-verbal permettant d’assurer la traçabilité et la preuve des propos tenus lors de

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cet entretien. Ils en déduisent qu’ils n’ont pas pu comprendre le déroulement de la mission de contrôle et, incidemment, assurer correctement leur défense, en violation de l’article 6 de la CSDH.

13. L’article 6 de la CSDH stipule, en son troisième paragraphe, que « tout accusé a droit notamment à :/ a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ; / b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ».

14. L’article L. 621-10 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur depuis le 28 juillet 2013, applicable au moment du contrôle et non modifiée dans un sens moins sévère sur ce point depuis, dispose que « les enquêteurs et les contrôleurs peuvent convoquer et entendre toute personne susceptible de leur fournir des informations ».

15. Ce texte prévoit ainsi une faculté, et non une obligation, pour les contrôleurs, d’entendre les personnes susceptibles de leur fournir des informations. Il en résulte que l’absence de tenue d’une audition de restitution des constats ne peut, en elle-même, constituer une irrégularité de la procédure.

16. Par ailleurs, l’audition de restitution des constats par les contrôleurs, qui est mentionnée par la charte des contrôles, n’est soumise à aucun formalisme particulier et peut notamment prendre la forme d’un « simple entretien » comme le prévoit ce document.

17. En l’espèce, il résulte des pièces du dossier que DCG a eu des échanges avec les contrôleurs tout au long de la procédure, répondant notamment à leurs demandes d’éléments ou d’informations.

18. En outre, conformément à l’article 143-5 du règlement général de l’AMF invoqué par les mis en cause, qui prévoit que « tout rapport établi au terme d’un contrôle est communiqué à l’entité ou la personne morale contrôlée », DCG a reçu, à l’issue de la phase de contrôle, une copie du rapport de contrôle, accompagnée d’un tableau recensant les constats des contrôleurs auxquels elle a répondu, avant de saisir un conseil et de répondre aux notifications de griefs.

19. Il n’est en conséquence pas établi que les mis en cause n’ont pas été en mesure de comprendre le déroulement de la procédure de contrôle et aucune atteinte irrémédiable aux droits de la défense ne peut être constatée du fait de l’absence de tenue formelle d’une audition de restitution des constats, de sorte que ce moyen sera écarté.

3. Sur la réception des notifications de griefs au début du mois d’août 2019 20. DCG et M. Digne indiquent que les notifications de griefs leur ont été adressées le 2 août 2019, soit au « début d’une période estivale pendant laquelle il ne peut raisonnablement être demandé à un CIF, gérant seul son activité, de répondre à une double accusation de son régulateur ».

21. Ni le code monétaire et financier ni le règlement général de l’AMF ne restreignent les périodes au cours desquel es le col ège peut décider d’adresser des notifications de griefs.

22. Au demeurant, en l’espèce, le rapporteur a, en réponse à leur demande, accordé à DCG et M. Digne un délai supplémentaire expirant début novembre 2019 pour répondre aux notifications de griefs et les mis en cause ont déposé des observations étayées dans ce délai, de sorte que le moyen doit être écarté.

4. Sur la compréhension des griefs par les mis en cause 23. DCG et M. Digne considèrent que « l’emploi systématique et trompeur du terme « commercialiser » par le Collège de l’AMF pour viser les services fournis par DCG alors même qu’en qualité de CIF elle ne délivre

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que des conseils […] ne met pas DCG en mesure de comprendre, sans difficulté, les griefs qui lui sont reprochés ».

24. Ainsi, DCG et M. Digne opposent la « commercialisation » à la délivrance de conseils par un CIF.

25. La commercialisation est définie, pour les fonds d’investissement alternatif (ci-après, « FIA »), à l’article 4, 1, x) de la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 (ci-après, « directive AIFM ») comme « une offre ou un placement, direct ou indirect, à l’initiative du gestionnaire ou pour son compte, de parts ou d’actions d’un FIA qu’il gère, à destination d’investisseurs domiciliés ou ayant leur siège statutaire dans l’Union ».

26. L’acte de commercialisation consiste, pour un CIF, à prendre l’initiative de présenter par différentes voies et notamment par la publicité, le démarchage, le placement ou le conseil, un instrument financier, ou un bien divers, en vue d’inciter un client ou un prospect à y souscrire ou à l’acheter. Cette définition est notamment reprise dans la position AMF 2014-04 intitulée « Guide sur les régimes de commercialisation des OPCVM, des FIA et autres fonds d’investissements en France », non modifiée sur ces points depuis, qui indique qu’un acte de commercialisation consiste en la présentation d’un produit par différentes voies (publicité, démarchage, conseil, etc.) en vue d’inciter un investisseur à le souscrire ou l’acheter.

27. Le terme de « commercialisation » est fréquemment employé, notamment par la commission des sanctions, pour désigner l’activité consistant à proposer à des clients d’investir dans des produits ou des placements dans le cadre d’une activité de CIF, ou à formuler un conseil, que celle-ci porte sur des produits soumis à la directive AIFM ou sur d’autres produits, comme des biens divers, qui n’y sont pas soumis.

28. Il résulte d’ailleurs clairement des observations de DCG et M. Digne en réponse aux notifications de griefs que ceux-ci ont compris que les manquements reprochés concernent l’activité de CIF de DCG consistant à conseiller à ses clients d’investir dans les produits en cause.

29. Ainsi, le moyen tiré de l’absence de compréhension des griefs par les mis en cause doit être écarté.

5. Sur l’instruction du rapporteur 30. DCG et M. Digne relèvent, dans leurs observations en réponse au rapport du rapporteur, « les nombreuses lacunes qui ressortent du Rapport [et qui ne permettent pas à la Commission des sanctions de statuer en parfaite connaissance de cause ». Ils affirment, à ce titre, qu’« aucun des arguments avancés par DCG et Monsieur Patrice Digne dans les Observations n’a été pris en compte et analysé par le Rapporteur ». Ils font référence à cet égard au résumé, selon eux, très bref de leurs observations dans le rapport du rapporteur ainsi qu’aux références « minimes voire inexistantes » qui sont faites aux pièces produites par leurs soins.

31. DCG et M. Digne ne tirent cependant aucune conséquence juridique de ces lacunes alléguées.

32. Au demeurant, l’article R. 621-39 du code monétaire et financier dispose que « le rapporteur consigne par écrit le résultat de ces opérations dans un rapport », mais aucun texte ne détaille en revanche le contenu du rapport du rapporteur.

33. En l’espèce, le rapport déposé par le rapporteur présente, de façon argumentée et étayée, les moyens de procédure soulevés par les mis en cause, ainsi qu’un résumé de leurs arguments sur les griefs notifiés, suivi de son analyse juridique et factuelle des manquements reprochés et de son avis sur leur caractérisation.

34. Le moyen tiré de l’instruction lacunaire du rapporteur ne peut qu’être écarté.

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II. Sur les griefs notifiés 1. Sur le grief tiré de la commercialisation par DCG des produits APC et Balsamico ainsi que des Parts CTI 9D et des Actions Viagetic 35. Les notifications de griefs exposent que, parmi les produits commercialisés par DCG, le produit désigné « APC », qui concerne des arbres déjà plantés ou à planter en Malaisie, acquis par les investisseurs auprès de la société de droit luxembourgeois APC Group SA, ainsi que le produit désigné « Balsamico », qui concerne des fûts de vinaigre balsamique stockés dans les Alpes, acquis par les investisseurs auprès de la société de droit suisse Realwerte Zentrum GmbH (ci-après, « RWZ »), peuvent respectivement être qualifiés de bien divers au sens du I de l’article L. 550-1 du code monétaire et financier (ci-après, « bien divers I ») et du II du même article (ci-après, « bien divers II »). Elles retiennent qu’en proposant à ses clients d’acquérir les produits APC et Balsamico, DCG a exercé l’activité de « conseil portant sur la réalisation d’opérations sur biens divers définis à l’article L. 550-1 » prévue au 4° de l’article L. 541-1 du code monétaire et financier et qu’elle aurait dû, au préalable, s’assurer que ces produits avaient fait l’objet d’un enregistrement auprès de l’AMF.

36. Les notifications de griefs indiquent que DCG a commercialisé deux autres produits, l’un désigné « Parts CTI 9D », qui sont les parts sociales de la société en commandite allemande Fünfte Cleantech Infrastruktur GmbH & Co. KG, ou des parts sociales d’une SARL Gmbh al emande agissant comme société fiduciaire intermédiaire, et l’autre désigné « Actions Viagetic », qui sont les actions de la société en commandite par actions à capital variable de droit français Viagetic Capital 3. Elles retiennent que, tant les Parts CTI 9D que les Actions Viagetic, peuvent être qualifiées de parts de FIA au sens de l’article L. 214-24 du code monétaire et financier et, en tant que telles, auraient dû faire l’objet d’un enregistrement ou être autorisées en France avant d’être proposées aux clients de DCG.

37. Les notifications de griefs, qui considèrent que DCG a commercialisé chacun de ces produits en les conseillant à ses clients, concluent que « en démarchant et/ou conseillant auprès de ses clients 4 produits financiers alors qu’ils n’étaient pas en l’état admis à la commercialisation en France, DCG pourrait avoir méconnu les dispositions de [l’article] L. 541-8-1 1° et 2° du code monétaire et financier qui exigent des CIF qu’ils exercent leur activité avec loyauté et compétence ».

38. DCG et M. Digne contestent les manquements reprochés. Ils réfutent la qualification d’« intermédiaire en biens divers », que retiennent, selon eux, les notifications de griefs pour les produits APC et Balsamico, et considèrent qu’el es ne pouvaient raisonnablement faire peser sur DCG les obligations des émetteurs des produits concernés alors qu’el e n’agissait qu’en tant que CIF et qu’à ce titre elle était seulement tenue de comprendre les produits conseillés et de mener des diligences raisonnables lui permettant de s’assurer de la qualité du produit.

39. Les mis en cause contestent encore la qualification de certains produits retenue par les notifications de griefs. Ils soutiennent notamment qu’en ne se livrant pas à une analyse in concreto des produits APC et Balsamico, les notifications de griefs n’ont pas pu déterminer si ces produits étaient des biens divers ou des placements atypiques, expression qui serait « sciemment utilisé par la doctrine dans un effort conscient de le distinguer de l’expression de « biens divers », de sorte qu’elle lui attribue un sens juridique spécifique », alors que de cette qualification découlent des obligations distinctes.

40. DCG et M. Digne rappellent en outre que le produit APC avait été qualifié par son émetteur de bien divers II, dont la commercialisation n’était, au moment des faits, pas subordonnée à un enregistrement préalable à l’AMF, et non de bien divers I, et indiquent à cet égard qu’APC ne disposait pas de pouvoir de gestion discrétionnaire des biens de ses clients.

41. Ils soulignent par ailleurs la bonne foi de DCG en indiquant que dès que les émetteurs du produit APC lui ont fait parvenir l’instruction d’en cesser la commercialisation ce produit n’a plus jamais été conseillé.

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42. S’agissant des Actions Viagetic, les mis en cause considèrent que l’AMF n’a pas apporté la preuve de la réunion des critères légaux de qualification d’un FIA et contestent cette qualification.

43. En tout état de cause, DCG et M. Digne soutiennent qu’il n’appartient pas aux CIF de remettre en question la qualification juridique qu’un émetteur confère à ses produits, ni même de lui conférer une qualification lorsque le produit n’en a pas reçu au préalable. Ils affirment au contraire que toute erreur dans la qualification juridique du produit ne peut qu’être imputable à l’émetteur et à la plateforme de distribution ayant délivré au CIF une formation censée lui permettre de comprendre les caractéristiques des produits.

44. Enfin, les mis en cause considèrent que DCG a agi de façon loyale et avec diligence au mieux des intérêts de ses clients, dans le respect des obligations qui s’imposent aux CIF. Ils soulignent à ce titre que DCG s’est livrée aux diligences et vérifications nécessaires et suffisantes lui permettant de comprendre les produits commercialisés en consultant toute la documentation sociale et commerciale obtenue des sociétés, en se renseignant, le cas échéant, sur le régime fiscal du traitement des revenus de certains produits, en s’étant parfois déplacée pour rencontrer les dirigeants ou équipes opérationnelles en charge de l’exploitation de certains de ces produits et en ayant suivi de multiples formations à leur sujet.

1.1. Sur les textes applicables 45. Les faits reprochés aux mis en cause se sont déroulés entre 2016 et 2017 et doivent donc être analysés à la lumière des textes alors applicables, sous réserve de l’entrée en vigueur postérieure de dispositions moins sévères.

46. L’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier, cité par les notifications de griefs comme fondement du manquement reproché, dispose, dans sa version en vigueur du 24 octobre 2010 au 2 janvier 2018, non modifiée dans un sens moins sévère depuis, que : « Les conseillers en investissements financiers doivent : / 1° Agir d’une manière honnête, loyale et professionnelle, servant au mieux les intérêts des clients ; / 2° Exercer leur activité, dans les limites autorisées par leur statut, avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent, au mieux des intérêts de leurs clients, afin de leur proposer une offre de service adaptée et proportionnée à leurs besoins et à leurs objectifs ; […] ».

47. Il convient également de mentionner les textes suivants :

— Sur les biens divers

— Sur la qualification de biens divers

48. Le 4° de l’article L. 541-1 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur depuis le 24 octobre 2010, non modifiée sur ce point depuis, dispose que : « I – Les conseillers en investissements financiers sont les personnes exerçant à titre de profession habituelle les activités suivantes : / […] 4° Le conseil portant sur la réalisation d’opérations sur biens divers définis à l’article L. 550-1 [devenu l’article L. 551-1 depuis le 24 mai 2019] ».

49. L’article L. 550-1 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 19 mars 2014 au 1er juillet 2016, non modifiée sur ces points jusqu’au 23 mai 2019, date à laquelle ses dispositions ont été transférées dans la même rédaction à l’article L. 551-1 du même code, dispose que : « I. Est un intermédiaire en biens divers : / 1° Toute personne qui, directement ou indirectement, par voie de communication à caractère promotionnel ou de démarchage, propose à titre habituel à un ou plusieurs clients ou clients potentiels de souscrire des rentes viagères ou d’acquérir des droits sur des biens mobiliers ou immobiliers lorsque les acquéreurs n’en assurent pas eux-mêmes la gestion ou lorsque le contrait leur offre une faculté de reprise ou d’échange et la revalorisation du capital investi ; / 2° Toute personne qui recueille des fonds à cette fin ; / 3° Toute personne chargée de la gestion desdits biens. / II. Est également un intermédiaire en

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biens divers toute personne qui propose à un ou plusieurs clients potentiels d’acquérir des droits sur un ou plusieurs biens en mettant en avant la possibilité d’un rendement financier direct ou indirect ou ayant un effet économique similaire ».

— Sur les démarches devant être réalisées préalablement à la commercialisation d’un bien divers en France

50. L’article L. 550-1 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur depuis le 19 mars 2014 et non modifiée sur ce point depuis, dispose que « V. – Les personnes mentionnées au I du présent article sont soumises aux articles […] L. 550-3 […] du présent code ». Un second alinéa, applicable à compter du 11 décembre 2016, a été ajouté à la suite de cette phrase, en application duquel « les personnes mentionnées au II du présent article sont soumises à l’article L. 550-3 du code monétaire et financier ».

51. L’article L. 550-3 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 19 mars 2014 au 10 décembre 2016, non modifiée dans un sens moins sévère depuis, dispose que : « préalablement à toute communication à caractère promotionnel ou à tout démarchage, un document destiné à donner toute information utile au public sur l’opération proposée, sur la personne qui en a pris l’initiative et sur les gestionnaires, doit être établi dans des conditions déterminées par décret. / Lorsque le client ou le client potentiel n’a pas reçu le document d’information préalablement à la conclusion du contrat, ou lorsque les clauses de ce contrat ne sont pas conformes au contenu du document d’information, le juge peut lui accorder des dommages-intérêts ou prononcer la résolution du contrat. / Les projets de documents d’information et les projets de contrat type sont déposés auprès de l’Autorité des marchés financiers qui exerce, dans les conditions fixées par le présent code, son contrôle auprès de l’ensemble des entreprises qui participent à l’opération et détermine si celle-ci présente le minimum de garanties exigé d’un placement destiné au public. / L’Autorité peut limiter ou préciser les conditions des communications à caractère promotionnel pour tenir compte de la nature des produits et des garanties offertes. / Elle dispose d’un délai de trente jours, qu’elle peut porter à soixante jours par décision motivée, à compter du dépôt, pour formuler ses observations. Les communications à caractère promotionnel ou le démarchage ne peuvent être entrepris que si les observations de l’Autorité ont été respectées. Une copie des documents diffusés est remise à l’Autorité des marchés financiers. […] ».

52. L’article R. 550-1 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur depuis le 22 mai 2009, non modifié avant d’être transféré, dans la même rédaction, à l’article R. 551-1 du même code à compter du 30 novembre 2019, dispose que : « Le document d’information qui doit être déposé par tout intermédiaire en biens divers préalablement à toute offre au public ou à tout démarchage pour proposer l’acquisition de droits ou de biens dans les conditions prévues à l’article L. 550-3 doit comporter toutes les indications utiles à l’information des épargnants. / Il décrit notamment la nature et l’objet de l’opération proposée. Il donne l’identité de son initiateur et des personnes qui seront chargées de la gestion des biens. / Il indique le montant des frais de toute nature qui seront supportés directement ou indirectement par l’épargnant. Il précise les modalités de revente des droits et des biens acquis. ».

53. L’article 441-1 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 21 décembre 2013 au 10 mai 2017, dont les dispositions ont ensuite été transférées, à compter du 11 mai 2017, à l’article 441-3 du règlement général de l’AMF sans les modifier dans un sens moins sévère, dispose que : « Les documents mentionnés aux articles L. 550-3 et R. 550-1 du code monétaire et financier sont complets et compréhensibles, et les informations qu’ils contiennent sont cohérentes. Ils comprennent toutes les informations nécessaires aux investisseurs pour fonder leur décision d’investissement. / Les documents déposés auprès de l’AMF sont notamment accompagnés des éléments suivants : / Un rapport établi par un expert indépendant et reconnu sur le marché considéré et offrant des garanties professionnelles suffisantes pour exercer efficacement sa fonction de valorisation. Dans ce rapport, l’expert : / a) Atteste l’existence des biens commercialisés ou des biens sur lesquels des droits sont proposés à la commercialisation ; / b) Donne un avis sur la liquidité des droits sur les biens ; / c) Donne un avis sur la valorisation mentionnée au 3° du I de l’article 441-2 et la procédure de valorisation mentionnée au 2° du II du même article ; / Les

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éléments justifiant du respect des obligations mentionnées aux articles 441-1 et 441-2 ; / Les projets de communications à caractère promotionnel, quel qu’en soit le support, mentionnées au III de l’article L. 550-1 du code monétaire et financier. […] ».

— Sur les FIA

— Sur la qualification de FIA

54. L’article L. 214-24 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur depuis le 28 juillet 2013 non modifiée sur ces points depuis, dispose que : « I. – Les fonds d’investissement relevant de la directive 2011/61/ UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011, dits « FIA » : / 1° Lèvent des capitaux auprès d’un certain nombre d’investisseurs en vue de les investir, dans l’intérêt de ces investisseurs, conformément à une politique d’investissement que ces FIA ou leurs sociétés de gestion définissent ; / 2° Ne sont pas des OPCVM. ».

— Sur les démarches devant être réalisées préalablement à la commercialisation d’un FIA en France

55. L’article L. 214-24-1 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur depuis le 4 janvier 2014, dispose que : « I. – Toute société de gestion de portefeuille française, toute société de gestion établie dans un Etat membre de l’Union européenne ou tout gestionnaire établi dans un pays tiers transmet, préalablement à la commercialisation en France de parts ou actions de FIA établis dans un Etat membre de l’Union européenne ou dans un pays tiers auprès de clients professionnels, avec ou sans passeport, une notification à l’Autorité des marchés financiers pour chaque FIA qu’il ou qu’elle a l’intention de commercialiser. Les conditions de cette commercialisation sont fixées par décret. Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers fixe les modalités de notification. / […] / III. – Toute société de gestion de portefeuille française, toute société de gestion agréée établie dans un Etat membre de l’Union européenne, ou tout gestionnaire établi dans un pays tiers, peut commercialiser en France, auprès de clients non professionnels, des parts ou actions de FIA qu’elle ou il gère établis dans un Etat membre de l’Union européenne ou dans un pays tiers dans les conditions définies par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers. ».

56. L’article 421-1 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur depuis le 21 décembre 2013, dispose que : « La notification mentionnée au I de l’article L. 214-24-1 du code monétaire et financier transmise par une société de gestion de portefeuille préalablement à la commercialisation en France de parts ou actions de FIA de l’Union européenne comprend pour chaque FIA qu’elle a l’intention de commercialiser : / a) Une lettre de notification, comprenant un programme d’activité identifiant les FIA que la société de gestion de portefeuille a l’intention de commercialiser et des informations sur le lieu où ces FIA sont établis ; / b) Le règlement ou les documents constitutifs du FIA ; / c) L’identification du dépositaire du FIA ; / d) Une description du FIA, ou toute information le concernant, mise à la disposition des investisseurs ; / e) Des informations sur le lieu où le FIA maître est établi si le FIA est un FIA nourricier ; / f) Toute information supplémentaire visée aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 214-24-19 du code monétaire et financier, pour chaque FIA que la société de gestion de portefeuille prévoit de commercialiser ; / g) Le cas échéant, des informations sur les dispositions mises en place pour empêcher que les parts ou les actions du FIA soient commercialisées auprès des clients non professionnels, y compris lorsque la société de gestion de portefeuille recourt à des entités indépendantes pour fournir des services en ce qui concerne le FIA ».

57. L’article 421-2 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur depuis le 21 décembre 2013, dispose que : « Au plus tard vingt jours ouvrables après réception d’une notification complète conformément au I de l’article L. 214-24-1 du code monétaire et financier, l’AMF indique à la société de gestion de portefeuille si elle peut commencer à commercialiser le FIA qui a fait l’objet de la notification. L’AMF ne s’oppose à la commercialisation du FIA que si la gestion dudit FIA par la société de gestion de portefeuille

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n’est pas ou ne sera pas conforme aux dispositions législatives et réglementaires applicables aux sociétés de gestion de portefeuille ou aux livres II et V du code monétaire et financier. En cas de décision positive, la société de gestion de portefeuille peut commencer la commercialisation du FIA en France dès la date de notification à cet effet par l’AMF. / Lorsque les autorités compétentes du FIA sont différentes de celle de la société de gestion de portefeuille, l’AMF informe également les autorités compétentes du FIA que la société de gestion de portefeuille peut commencer à commercialiser des parts ou des actions du FIA en France ».

58. L’article 421-13 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur depuis le 21 décembre 2013, dispose que : « I. – En application du III de l’article L. 214-24-1 du code monétaire et financier, toute société de gestion de portefeuille, toute société de gestion agréée établie dans l’Union européenne, tout gestionnaire établi dans un pays tiers doit préalablement à la commercialisation en France, auprès de clients non professionnels, de parts ou actions de FIA qu’il gère établis dans un État membre de l’Union européenne ou dans un pays tiers, soumettre une demande d’autorisation dans les conditions fixées par une instruction de l’AMF. […] ».

1.2. Sur la qualification des produits en cause et les conditions préalables à leur commercialisation en France 59. Les produits APC et Balsamico sont respectivement qualifiés par les notifications de griefs de bien divers I et bien divers II, tandis que les Parts CTI 9D et les Actions Viagetic sont qualifiés de FIA. Il convient de revenir sur la qualification de chacun de ces produits.

1.2.1. Sur la qualification de biens divers des produits APC et Balsamico et les conditions préalables à leur commercialisation en France 1.2.1.1. Sur la qualification de biens divers des produits APC et Balsamico 60. A titre liminaire, il convient d’observer que si les biens divers sont définis aux articles L. 550-1 et suivants du code monétaire et financier, les placements « atypiques » ne correspondent à aucune catégorie légale ou réglementaire.

61. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent CDG et M. Digne, il n’y a pas lieu de rechercher si les produits en cause pourraient s’analyser en de tels placements mais il faut uniquement vérifier s’ils appartiennent à l’une des catégories de bien divers.

i. Sur la qualification de bien divers I du produit APC 62. Le produit APC étant qualifié de bien divers I par les notifications de griefs, il convient de vérifier cette qualification. 63. Il résulte des dispositions du I de l’article L. 550-1 du code monétaire et financier précité que les opérations sur biens divers I supposent, d’une part, l’acquisition de droits sur des biens mobiliers ou immobiliers ou des rentes viagères et, d’autre part, soit l’absence de gestion desdits droits par l’acquéreur, soit l’octroi d’une faculté de reprise ou d’échange et la revalorisation du capital investi.

64. S’agissant de la première condition, en l’espèce, la souscription du produit APC est réalisée par la signature d’un document intitulé « bon de commande » portant sur l’achat d’arbres auprès de la société luxembourgeoise APC Group SA, à la suite duquel un virement correspondant au montant de la souscription est fait par l’investisseur à l’une des entités du groupe APC. Ensuite, chaque investisseur reçoit et signe plusieurs contrats : un contrat d’achat des arbres, dans lequel ces arbres sont identifiés, un contrat de sous-location de la parcelle de terrain sur laquelle ces arbres seront plantés/à planter et un contrat portant sur la gestion des arbres.

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65. Il résulte de l’article 528 du code civil que les arbres à planter sont des biens mobiliers, tandis que, en application de l’article 517 du même code, les arbres déjà plantés sont des biens immobiliers. 66. Le produit APC porte donc sur l’acquisition de droits, en l’occurrence des droits de propriété, sur des biens mobiliers ou immobiliers, de sorte que la première condition énoncée par l’article L. 550-1 du code monétaire et financier est remplie.

67. S’agissant de la seconde condition, la première branche de l’alternative, tient à l’absence de gestion des droits acquis par l’investisseur, tel est le cas notamment lorsque cette gestion ne peut, au regard de la nature ou des caractéristiques des biens en cause, être assurée que par des personnes aux compétences spécifiques et adaptées.

68. En l’espèce, le contrat de gestion auquel la souscription du produit APC est conditionnée est, aux termes du « bon de commande », « à conclure avec l’agent forestier professionnel suivant : Asia Plantation Capital Management Co. Ltd [ou] autre gestionnaire local de forêts professionnel ». 69. Les contrats de gestion, qui sont identiques pour les trois investisseurs concernés, à l’exception des stipulations qui leur sont propres, relatives notamment au prix et à l’identification des arbres sous gestion, sont conclus entre, d’une part, l’investisseur défini comme mandant, d’autre part, la société malaisienne APC Plantations SDN BHD, définie comme mandataire. 70. Ces contrats de gestion exposent en préambule que « le Mandant ne détient pas l’expertise ou l’expérience requise pour gérer, cultiver, entretenir, inoculer et récolter les Arbres » et « le Mandant souhaite désigner le Mandataire pour être responsable de la gestion et de l’entretien des Arbres pour son compte pendant la Durée du contrat ». 71. Ils stipulent ensuite que « le Mandant désigne par les présentes le Mandataire en tant que son mandataire pour la gestion, la culture, l’entretien, l’inoculation et la récolte des Arbres » et que « le Mandant reconnaît et accepte que le Mandataire est en droit de mettre en œuvre les décisions nécessaires relatives à la gestion et à l’entretien des Arbres et de mener à bien ces services comme il l’entend, tout en restant conforme à ses méthodes usuelles et/ou à la méthode du pays/de la région où se situe la Plantation. Néanmoins, le Mandant se réserve le droit de prendre la décision finale concernant ces questions et de donner les instructions au Mandataire en conséquence. Le Mandant et le Mandataire conviennent que lorsque le Mandataire donne des conseils quant aux fonctions à accomplir par le Mandataire en vertu du présent Contrat, le Mandant se réserve le droit à tout moment de prendre la décision finale ». 72. Cette clause prévoit que les investisseurs se réservent une faculté de décision quant à la gestion et l’entretien des arbres, de telle sorte qu’ils peuvent ne pas s’en charger, ce qui au demeurant correspond à ce qu’ils ont décidé en l’espèce, ayant du reste reconnu eux-mêmes, dans ces contrats, ne pas disposer des compétences nécessaires pour prendre de telles décisions. Elle ne peut donc s’interpréter comme prévoyant que les investisseurs assureront eux-mêmes la gestion des biens. 73. Ainsi, il résulte des contrats de gestion conclus dans le cadre de la souscription du produit APC que les investisseurs ayant acquis un droit de propriété sur les arbres n’en assuraient pas eux-mêmes la gestion, celle-ci étant assurée par une société du groupe APC, de sorte que la seconde condition, dans la première branche de son alternative, énoncée par l’article L. 550-1 du code monétaire et financier est remplie. 74. En conséquence, le produit APC doit être qualifié de bien divers I. ii. Sur la qualification de bien divers II du produit Balsamico 75. Le produit Balsamico étant qualifié de bien divers II par les notifications de griefs, il convient de vérifier cette qualification, qui n’est pas contestée par les mis en cause.

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76. Il résulte des dispositions du II de l’article L. 550-1 du code monétaire et financier précité que les opérations sur biens divers II portent sur l’acquisition de droits sur des biens pour lesquels la possibilité d’un rendement financier direct ou indirect ou ayant un effet économique similaire est mise en avant.

77. En l’espèce, la souscription au produit Balsamico se fait par la signature d’un document intitulé « commande et ordre de stockage » qui est remis à la société RWZ dans lequel le donneur d’ordres précise son identité, l’objet de l’achat, ainsi que la période et les conditions de stockage. 78. Préalablement à la souscription de l’investisseur concerné, DCG lui a remis une proposition d’investissement présentant une perspective de rendement à 5 ans de l’ordre de 12,74 % par an, qui indique donc une perspective claire de rendement antérieure à l’investissement, ce que confirme 79. Le document remis, après la souscription, à l’investisseur, intitulé « titre de propriété et attestation de stockage », indique que « les fûts sont garantis pendant la durée de stockage, y compris la valorisation de 5 % maximum. En cas de défaut, les fûts sont repris et la contre-valeur actuelle est remboursée. Les autres dispositions sont réglementées par les conditions générales de vente » ce qui implique que cette valorisation ait été exprimée en amont de l’investissement. 80. Il résulte de ce qui précède que l’investisseur a acquis un droit sur des biens, les fûts, et que la présentation de cet investissement s’est accompagnée de la mise en avant d’une possibilité de rendement direct, de sorte que l’acquisition du produit Balsamico constitue une opération sur biens divers au sens du II de l’article L. 550-1 du code monétaire et financier. 1.2.1.2. Sur la nécessité d’un enregistrement préalable à la commercialisation des produits APC et Balsamico 81. Il résulte de l’article L. 550-3 du code monétaire et financier précité que, préalablement à la commercialisation d’un bien divers, un document portant sur le produit ou l’opération en cause doit être enregistré auprès de l’AMF. 82. En application du V de l’article L. 550-1 du même code précité, cette obligation concerne, depuis le 19 mars 2014, les biens divers I et, depuis le 11 décembre 2016, les biens divers II, l’article 79 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ayant introduit un contrôle préalable de l’AMF sur les propositions d’investissement en biens divers II selon les mêmes modalités que celui exercé sur les opérations en biens divers I. 83. Jusqu’au 17 mai 2017, l’instruction de la commission des opérations de bourse (ci-après, « COB ») du 20 mars 1986 précisait en outre que « toutes les informations utiles au public relatives à l’opération proposée, à son promoteur, le cas échéant au gestionnaire des biens ou au garant des engagements pris à l’égard des souscripteurs, doivent être fournies dans le cadre d’un document d’information soumis au contrôle de la [COB] » et détaillait le contenu du dossier à déposer dans ce cadre auprès du régulateur. Le fait, relevé par les mis en cause, que ce ne soit qu’à compter du 17 mai 2017 que l’AMF a publié son instruction n° 2017-06 détaillant le contenu du dossier à soumettre à l’AMF en amont de la commercialisation des biens divers I et II, et remplaçant l’instruction de la COB du 26 mars 1986, est indifférent en l’espèce dès lors que l’unique souscription du produit Balsamico, qualifié par les notifications de griefs de bien divers II, qui est reprochée à DCG est postérieure à cette date, nonobstant le fait que le CIF indique avoir établi la documentation réglementaire idoine dès le mois de mars 2017. 84. En conséquence, tant les biens divers I, tel que le produit APC, que les biens divers II, tel que le produit Balsamico, étaient, au moment des faits, soumis à un enregistrement auprès de l’AMF préalablement à leur commercialisation.

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1.2.2. Sur la qualification des Parts CTI 9D et des Actions Viagetic et les conditions préalables à leur commercialisation en France 1.2.2.1. Sur la qualification des Parts CTI 9D et des Actions Viagetic i. Sur la qualification de parts de FIA des Parts CTI 9D 85. Les notifications de griefs retiennent que les Parts CTI 9D sont des parts de FIA. 86. Cette qualification, qui n’est d’ailleurs pas contestée par les mis en cause, résulte du prospectus d’offre au public de ce produit, approuvé par le régulateur allemand, document qui indique que les Parts CTI 9D sont des parts de FIA de droit allemand. 87. Au demeurant, dans une lettre publiée par l’Anacofi-CIF qui lui a été adressée par le secrétaire général de l’AMF le 30 octobre 2018, il est indiqué que les Parts CTI 9D « sont des FIA de droit allemand ». 88. En conséquence, les Parts CTI 9D peuvent être qualifiées de parts de FIA au sens de l’article L. 214-24 du code monétaire et financier, sans qu’il ne soit nécessaire d’examiner les critères énoncés par ce dernier. ii. Sur la qualification de parts de FIA des Actions Viagetic 89. Les notifications de griefs retiennent que les Actions Viagetic sont des parts de FIA. 90. Il résulte du I de l’article L. 214-24 du code monétaire et financier précité que les FIA sont (i) les « organismes de placement collectif », (ii) qui « lèvent des capitaux » auprès d’un « certain nombre d’investisseurs », (iii) conformément à une « politique d’investissement définie ». 91. Afin de déterminer si les Actions Viagetic correspondent à la définition de FIA retenue par les notifications de griefs, il convient de revenir successivement sur chacune des trois conditions prévues à l’article L. 214-24 du code monétaire et financier. 92. S’agissant de la première condition, tenant à la qualification d’organisme de placement collectif, la position AMF n° 2013-16, dans sa version applicable depuis le 13 octobre 2013 qui reprend les orientations de l’ESMA relatives aux notions essentielles contenues dans la directive sur les gestionnaires de FIA, indique notamment qu’une entité est un organisme de placement collectif si les caractéristiques suivantes sont remplies : « (a) l’entité ne poursuit pas un objet commercial ou industriel général ; / (b) l’entité mutualise des capitaux levés auprès de ses investisseurs aux fins d’un investissement réalisé en vue de générer un rendement collectif pour lesdits investisseurs ; et / (c) les porteurs de parts ou les actionnaires de l’entité – en tant que groupe collectif – n’exercent pas un pouvoir discrétionnaire sur les opérations courantes. Le fait qu’un ou plusieurs – mais pas l’ensemble – des porteurs de parts ou actionnaires susmentionnés se voient accorder un pouvoir discrétionnaire sur les opérations courantes ne permet pas d’établir que l’entité ne constitue pas un organisme de placement collectif. ». 93. Cette même position AMF n° 2013-16 précise que l’objet commercial ou industriel mentionné au a) de la citation du paragraphe précédent correspond à « la poursuite d’une stratégie d’entreprise se caractérisant, par exemple, par la conduite à titre principal : / d’une activité commerciale impliquant l’achat, la vente et/ou l’échange de biens ou de matières premières et/ou la fourniture de services non financiers ; ou / d’une activité industrielle impliquant la production de biens ou la construction d’immeubles ; / d’une combinaison de ces activités » et que le « pouvoir discrétionnaire sur les opérations courantes », mentionné au c) de la citation du paragraphe précédent, correspond à « une forme de pouvoir discrétionnaire direct et continu – que celui-ci soit exercé ou non – applicable aux questions opérationnelles relatives à la gestion courante des actifs d’une entité et dont la portée est substantiellement supérieure à celle du pouvoir discrétionnaire

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exercé de manière ordinaire lors du vote en assemblée générale sur des questions telles que les fusions ou liquidations, l’élection de représentants des actionnaires, la nomination d’administrateurs et de contrôleurs aux comptes ou la validation des comptes annuels ». 94. Ainsi, il convient de rechercher s’il existe en l’espèce les trois composantes, à savoir l’absence de poursuite d’un objet commercial ou industriel général, la mutualisation des capitaux levés auprès des investisseurs aux fins d’un investissement réalisé en vue de générer un rendement collectif pour lesdits investisseurs et l’absence d’exercice par les actionnaires d’un pouvoir discrétionnaire sur les opérations courantes. 95. D’une part, les statuts de la société Viagetic Capital 3 stipulent qu’el e a pour objet social « la constitution et le développement d’un patrimoine de biens immobiliers, par acquisitions en viager occupé par réinvestissements immobiliers ; le conseil, l’assistance et toutes prestations de service en lien avec cette activité ou des activités connexes ». Le bulletin de souscription aux Actions Viagetic mentionne en outre que « la société [Viagetic Capital 3] a pour objet social l’acquisition et la gestion d’un patrimoine immobilier en viager occupé destiné à la revente après libération de toute occupation » et indique « la société Viagetic Capital 3 est composée de biens achetés principalement en viager occupé (selon opportunité possible vente à terme). / Pour pouvoir bénéficier des conditions de performance maximale il convient de conserver les actions au minimum 8 à 10 ans ». Il résulte encore du document d’information de Viagetic Capital 3 que « cet investissement socialement responsable réalisé au sein d’une structure personne morale, en respectant des critères stricts, va permettre d’acheter des biens immobiliers sur la Côte d’Azur et Paris intra-muros en ayant la quasi-certitude de ne les payer que 50 % de leur valeur. Cela ayant pour effet, de générer des plus-values latentes sur des biens immobiliers encore « en stock » dans la société ou des dividendes au fur et à mesure des cessions ». 96. L’objet de Viagetic Capital 3 n’était donc pas limité à l’exploitation de biens immobiliers, déléguée à une société tierce qui lui fournissait des services de « property management », mais s’apparentait à la gestion d’un placement susceptible de générer des rendements financiers, de sorte qu’elle ne poursuivait pas, à titre principal, un objet commercial ou industriel général. 97. D’autre part, il n’est pas contesté et cela résulte de la documentation du fonds, notamment des bulletins de souscription et du document d’information remis aux investisseurs préalablement à leur souscription, que les capitaux levés étaient mutualisés aux fins d’un investissement réalisé en vue de générer un rendement collectif pour les investisseurs. 98. Enfin, il résulte de la documentation sociale de Viagetic Capital 3 que le droit de tous les investisseurs se limitait à l’exercice de leur droit de vote lors des assemblées générales de cette société. Si cinq actionnaires au plus, sur les quatre-vingt actionnaires potentiels, pouvaient, en application de ses statuts, accéder aux fonctions de membre du comité de surveillance, dont les pouvoirs sont plus étendus que ceux des actionnaires ordinaires sans pour autant que cet organe ait le pouvoir de s’immiscer dans la gestion de la société, ceux-ci ne disposaient pas directement de pouvoir de gestion de la société. Il est, en conséquence, établi que les actionnaires de Viagetic Capital 3, détenteurs de Parts CTI 9D, n’exerçaient pas de pouvoir discrétionnaire sur la gestion de cette société. 99. Ces trois composantes étant réunies, Viagetic Capital 3 est un organisme de placement collectif de sorte que la première condition de la définition d’un FIA est remplie. 100. S’agissant de la deuxième condition, tenant à la levée de capitaux auprès de plusieurs investisseurs, la position AMF n° 2013-16 précise que « une entité à laquelle son droit national, son règlement ou ses documents constitutifs ou toute disposition ayant un effet juridique contraignant n’interdisent pas de lever des capitaux auprès de plus d’un investisseur doit être assimilée à une entité levant des capitaux auprès d’un certain nombre d’investisseurs ».

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101. En l’espèce, les statuts de Viagetic Capital 3 indiquent que son capital peut être souscrit par quatre-vingt investisseurs au plus, de sorte que la deuxième condition prévue à l’article L. 214-24 du code monétaire et financier, relative à la levée de capitaux auprès d’un certain nombre d’investisseurs, est remplie. 102. S’agissant enfin de la troisième condition, tenant à la politique d’investissement définie, la position AMF n° 2013-16 indique que « les facteurs qui, isolément ou de manière conjointe, suggèrent l’existence d’une

[politique d’investissement définie] sont les suivants : / (a) la politique d’investissement est déterminée et fixée, au plus tard au moment où les engagements des investisseurs envers l’entité deviennent contraignants à leur égard ; / (b) la politique d’investissement est définie dans un document intégré ou mentionné dans le règlement ou les documents constitutifs de l’entité ; / (c) l’entité ou la personne morale responsable de sa gestion a l’obligation envers les investisseurs (quelles que soient les dispositions dont cette obligation découle) de se conformer à la politique d’investissement et à l’ensemble des changements qui y sont apportés et les investisseurs peuvent faire valoir le caractère contraignant de l’obligation en justice ; / (d) la politique d’investissement fait référence à des orientations en matière d’investissement incluant tout ou partie des critères suivants : / (i) investir dans certaines classes d’actifs ou se conformer à certaines restrictions en matière d’allocation des actifs ; / (ii) poursuivre certaines stratégies ; / (ii ) investir dans certaines zones géographiques spécifiques ; / (iv) se conformer à certaines restrictions en matière d’effet de levier ; / (v) respecter certaines périodes minimales de détention ; ou / (vi) se conformer à d’autres restrictions visant à diversifier les risques. ». 103. En l’espèce, le document d’information de Viagetic Capital 3 indique que « cet investissement socialement responsable réalisé au sein d’une structure personne morale, en respectant des critères stricts, va permettre d’acheter des biens immobiliers sur la Côte d’Azur et Paris intra-muros en ayant la quasi-certitude de ne les payer que 50 % de leur valeur. Cela ayant pour effet, de générer des plus-values latentes sur des biens immobiliers encore « en stock » dans la société ou des dividendes au fur et à mesure des cessions ». Ce document détaille ensuite l’affectation du capital et les frais de fonctionnement. Ainsi, ce document définit précisément, et préalablement à toute souscription, le type et la zone géographique des actifs dans lesquels les capitaux seront investis, ainsi que la manière dont les capitaux levés seront investis, ce qui a été rappelé dans le rapport annuel présenté à l’assemblée générale du 15 juin 2017, qui précisait qu’il s’agit d’ « affectations contractuelles du capital ». Le rapport annuel présenté à l’assemblée général de Viagetic Capital 3 le 15 juin 2017 indique en outre : « notre modèle économique est basé exclusivement sur l’achat de biens immobiliers en viager occupé, se situant sur la Côte d’Azur ou la région parisienne. Ces régions spécifiques restent porteuses, même en temps de crise. La validation d’un investissement repose sur 4 critères irrévocables : – l’emplacement ; – la qualité intrinsèque du bien ; – le potentiel de revente ; – les conditions financières d’acquisitions. / Les futures libérations de biens entraineront des reventes et la société réinvestira le produit de ces ventes ». 104. Il résulte de ces éléments que la politique d’investissement de DCG était fixée et communiquée aux investisseurs préalablement à leur souscription, de sorte que cette troisième condition est également remplie. 105. Les trois conditions de l’article L. 214-24 du code monétaire et financier étant remplies, les Actions Viagetic sont bien des parts de FIA au sens de ce texte. 1.2.2.2. Sur la nécessité d’un enregistrement ou d’une autorisation de l’AMF préalable à la commercialisation des Parts CTI 9D et des Actions Viagetic 106. Il résulte des dispositions précitées des articles L. 214-24 du code monétaire et financier ainsi que des articles 421-1, 421-2 et 421-13 du règlement général de l’AMF, que la commercialisation en France, auprès de clients professionnels, d’un FIA suppose, d’une part, que le FIA concerné soit géré par une société de gestion de portefeuille agréée conformément à la directive AIFM dans un Etat membre de l’Union européenne ou qu’il soit lui-même agréé dans ces conditions s’il s’agit d’un FIA autogéré, d’autre part, que

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la société de gestion ou le FIA autogéré ait, préalablement à la commercialisation, transmis à l’AMF une notification assortie des documents requis par les textes cités ci-dessus. 107. Pour la commercialisation d’un FIA auprès de clients non-professionnels, des conditions supplémentaires doivent, en application du III de l’article L. 214-24-1 du code monétaire et financier, être réunies et il faut notamment que l’AMF ait préalablement autorisé les FIA conformément à l’article 421-13 du règlement général de l’AMF. 108. Par ailleurs, en application de la position AMF n° 2014-04 dans sa version en vigueur depuis le 30 juin 2014 non modifiée sur ces points depuis citée par les notifications de griefs : « ne constitue pas un acte de commercialisation en France : 1. L’achat, la vente ou la souscription de parts ou actions d’OPCVM ou de FIA répondant à une demande d’un investisseur, ne faisant pas suite à une sol icitation, portant sur un OPCVM ou un FIA précisément désigné par lui ». Il existe donc une exemption à l’obligation d’enregistrement ou d’autorisation de l’AMF préalablement à la souscription de parts de FIA en France, pour autant que cette souscription émane exclusivement d’une demande de l’investisseur en dehors de toute prestation de conseil. 109. Ainsi, la commercialisation des Parts CTI 9D et des Actions Viagetic supposait, selon que ces produits étaient destinés à des investisseurs professionnels ou non-professionnels, un enregistrement ou une autorisation préalable de l’AMF, sauf pour les souscriptions émanant directement d’un investisseur en dehors de toute prestation de conseil. 1.3. Sur la caractérisation du manquement reproché 1.3.1. Sur l’activité au titre de laquelle le manquement est reproché 110. Les mis en cause soutiennent que les notifications de griefs sont ambigües, de sorte qu’ils ne sont pas en mesure d’identifier si les faits leurs sont reprochés en leur qualité de CIF ou en qualité d’intermédiaire en biens divers.

111. Pourtant, les notifications de griefs reprochent aux mis en cause un manquement aux dispositions de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier précité, qui est exclusivement relatif aux obligations des CIF. Ce texte est mentionné dans la section intitulée « caractérisation du grief », qui délimite la saisine de la commission des sanctions. Aucune référence à l’activité d’intermédiaire en biens divers n’y est, en revanche, mentionnée.

112. Les manquements reprochés à DCG le sont donc, sans équivoque possible, exclusivement du fait de sa qualité de CIF, qui n’est pas contestée en l’espèce et résulte de son inscription à l’Orias et de son adhésion à l’Anacofi-CIF, et non d’intermédiaire en biens divers.

113. Au demeurant, les mis en cause ont parfaitement appréhendé cette qualification dans la mesure où tant leurs observations en réponse aux notifications de griefs que celles en réponse au rapport du rapporteur portent sur les obligations incombant à DCG en tant que CIF.

1.3.2. Sur la commercialisation non autorisée des produits APC, Balsamico, des Parts CTI 9D et des Actions Viagetic 1.3.2.1. Sur la commercialisation du produit APC 114. DCG a remis, à trois de ses clients, une fiche intitulée « rapport de mission », à l’entête de DCG et présentant le logo de l’Anacofi-CIF. Ce document indiquait en première page : « vous nous avez mandaté pour investir un capital de […]. […] après étude par notre société de votre demande et présentation de nos préconisations, nous avons d’un commun accord et en toute connaissance de cause de votre part décidé d’acter les

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souscriptions et/ou décisions suivantes, en opérant un choix, au sein de nos différents partenaires, visant à répondre à vos objectifs et à votre situation patrimoniale » et présentait le produit APC au titre des préconisations. 115. Ainsi, DCG a fourni à ces trois clients un conseil portant sur la réalisation d’une opération sur bien divers, au sens du 4° de l’article L. 541-1 du code monétaire et financier, et ces derniers y ont souscrit entre le 29 juillet 2016 et le 7 juin 2017. 116. A ces dates, le produit APC n’avait pas fait l’objet d’un enregistrement auprès de l’AMF de sorte que sa commercialisation n’était pas autorisée. 1.3.2.2. Sur la commercialisation du produit Balsamico 117. DCG a remis à l’un de ses clients une fiche intitulée « rapport de mission », à l’entête de DCG et présentant le logo de l’Anacofi-CIF. Ce document indiquait en première page « vous nous avez mandaté pour investir un capital de 60.000 € […] après étude par notre société de votre demande et présentation de nos préconisations, nous avons d’un commun accord et en toute connaissance de cause de votre part décidé d’acter les souscriptions et/ou décisions suivantes, en opérant un choix, au sein de nos différents partenaires, visant à répondre à vos objectifs et à votre situation patrimoniale » et présentait le produit Balsamico au titre des préconisations. 118. Ainsi, DCG a fourni à l’un de ses clients un conseil portant sur la réalisation d’une opération sur bien divers, au sens du 4° de l’article L. 541-1 du code monétaire et financier, et ce dernier y a souscrit le 19 juillet 2017. 119. Cependant, à cette date, le produit Balsamico n’avait pas fait l’objet d’un enregistrement auprès de l’AMF de sorte que sa commercialisation n’était pas autorisée. 1.3.2.3. Sur la commercialisation des Parts CTI 9D 120. Le 17 novembre 2016, DCG a conclu une « convention d’apporteur » avec les sociétés Thomas Lloyd Global Asset Management GmbH, Cleantech Management GmbH et Cleantech Infrastruktur GmbH, qui visait notamment les Parts CTI 9D, aux termes de laquelle DCG « envisage d’indiquer aux fournisseurs de produits des partenaires commerciaux et/ou des investisseurs potentiels pour la souscription des produits d’investissement des fournisseurs de produits ». 121. Dans le cadre des trois souscriptions susmentionnées, DCG a remis à trois investisseurs un courrier prérédigé intitulé « lettre de demande d’informations », qui indique que l’investisseur a spontanément exprimé un intérêt quant à la possibilité d’investir dans des limited partnerships offrant une exposition à des projets diversifiés d’infrastructures en Asie et demande des informations détaillées tout en reconnaissant ne pas avoir été commercialement approché ou sollicité. 122. Les investisseurs avaient également, en amont de leurs souscriptions, confié à DCG un « mandat de recherche », visant, selon les cas, à diversifier leur patrimoine, valoriser un capital, investir dans des produits alternatifs, procéder à une optimisation fiscale/réduction d’impôts ou recevoir des revenus réguliers ou complémentaires. Ces mandats de recherche mentionnaient en outre dans quelle tranche s’inscrivaient les revenus annuels de ces investisseurs ainsi que le montant maximum souhaité pour l’investissement et sa durée. 123. De plus, DCG a remis aux trois investisseurs concernés, postérieurement à leurs souscriptions, un document intitulé « rapport de mission », à l’entête de DCG et présentant le logo de l’Anacofi-CIF, indiquant : « Vous nous avez mandaté […] Après étude par notre société de votre demande et présentation de nos préconisations, nous avons d’un commun accord et en toute connaissance de cause de votre part décidé d’acter les souscriptions et/ou décisions suivantes, en opérant un choix, au sein de nos différents partenaires, visant à répondre à vos objectifs et à votre situation patrimoniale. […] Nous avons retenu le

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contrat CTI9D géré par la société allemande THOMASLLOYD, spécialisée dans la conception et la construction de centrales à énergies renouvelables en Asie et implantée sur ce secteur en Asie depuis 2003

[…] ». 124. Il résulte de ces éléments que DCG a conseillé la souscription de Parts CTI 9D à trois clients, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par les mis en cause qui indiquent, dans leurs observations en réponse au rapport du rapporteur, que « DCG a parfaitement réalisé les diligences attendues d’un CIF avant de conseiller à ses clients […] les Parts CTI 9D ». Ces trois clients ont souscrit aux Parts CTI 9D entre le 17 mai et le 15 novembre 2017. 125. La remise par ces clients d’une lettre de demande d’information prérédigée par le CIF n’est pas de nature à faire obstacle à la qualification d’une commercialisation par DCG, dès lors que cette demande n’était pas spontanée et s’inscrivait dans le contexte d’un conseil prodigué, formalisé dans le « mandat de recherche » et le « rapport de mission ». 126. Ainsi, DCG a, en sa qualité de CIF, commercialisé les parts de CTI 9D auprès de trois clients. 127. Pourtant, au moment de ces souscriptions, les Parts CTI 9D n’avaient fait l’objet d’aucun enregistrement ni autorisation de l’AMF de sorte qu’el es n’étaient pas autorisées à la commercialisation en France, alors qu’elles auraient dû l’être en application des dispositions des articles L. 214-24-1 du code monétaire et financier et 421-1, 421-2 et 421-13 du règlement général de l’AMF précités et que, au demeurant, le prospectus des Parts CTI 9D précisait qu’il était « destiné uniquement aux investisseurs situés en République fédérale d’Allemagne ». 1.3.2.4. Sur la commercialisation des Actions Viagetic 128. Le 1er avril 2016, DCG a conclu une « convention d’apporteur d’affaires » avec la société Viagetic Capital 3 aux termes de laquelle DCG « présente à ses clients, dans le cadre de sollicitations expresses de ces derniers, formalisées par un mandat de recherche et/ou une lettre de mission, la possibilité de souscrire

[des Actions Viagetic] ». 129. Trois clients de DCG ont souscrit des Actions Viagetic entre le 22 avril et le 18 octobre 2016. 130. Postérieurement à leurs souscriptions, DCG a remis à chacun de ces clients un rapport de mission, à l’entête de DCG et présentant le logo de l’Anacofi-CIF, indiquant : « vous nous avez mandaté pour investir un capital de […]. Après étude par notre société de votre demande et présentation de nos préconisations, nous avons d’un commun accord et en toute connaissance de cause de votre part décidé d’acter les souscriptions et/ou décisions suivantes, en opérant un choix au sein de nos différents partenaires visant à répondre à vos objectifs et à votre situation patrimoniale […] préconisation retenue : Viagetic 3 ». 131. Il en résulte que DCG a, en sa qualité de CIF, commercialisé les Actions Viagetic auprès de trois clients. 132. Pourtant, au moment de ces souscriptions, les Actions Viagetic n’avaient fait l’objet d’aucun enregistrement ni autorisation de l’AMF de sorte qu’elles n’étaient pas autorisées à la commercialisation en France, alors qu’elles auraient dû l’être en application des dispositions des articles L. 214-24-1 du code monétaire et financier et 421-1, 421-2 et 421-13 du règlement général de l’AMF précités. 1.3.3. Sur la méconnaissance du 1° et du 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier 133. Le fait pour un CIF de conseiller un investissement dans des instruments financiers ou des biens divers sans s’être assuré au préalable que leur commercialisation était autorisée en France constitue un

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comportement nécessairement contraire à l’intérêt de ses clients, qui doivent bénéficier de conseils professionnels s’inscrivant dans le respect de la réglementation applicable. 134. La réalisation d’autres diligences concernant ce produit, l’absence alléguée de préjudice subi par ses clients ou encore le fait que le CIF ait pu croire que les produits commercialisés n’étaient pas soumis à un enregistrement ou une autorisation préalable à leur commercialisation en France, en se fondant notamment sur les éléments qui lui ont été communiqués par les émetteurs ou producteurs des produits ainsi que les plateformes de distribution, sont sans incidence sur la caractérisation du grief. 135. Ainsi, en recommandant à plusieurs de ses clients d’investir dans les produits APC, Balsamico, les Parts CTI 9D et les Actions Viagetic, alors que ceux-ci n’étaient pas autorisés à la commercialisation en France, DCG n’a pas exercé son activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent au mieux des intérêts de ses clients et, partant, a méconnu le 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier. 136. En revanche, les notifications de griefs ne précisent pas en quoi DCG aurait, à raison des mêmes faits, contrevenu également à l’obligation faite aux CIF de « se comporter avec loyauté et agit avec équité au mieux des intérêts de leurs clients » prévue au 1° du même article. La représentante du Collège indique que ce dernier abandonne ce grief. Dès lors, il n’y a pas lieu de retenir un manquement sur ce fondement. 2. Sur le grief tiré du non-respect par DCG de son obligation d’information des clients dans le cadre de leurs souscriptions de Parts Nov’Acces 137. Les notifications de griefs relèvent que DCG n’a pas remis de lettre de mission à ses clients préalablement à leurs souscriptions de Parts Nov’Acces, ce qui les a notamment privés d’informations sur les modalités de rémunération de DCG préalablement à leurs souscriptions. Elles retiennent également que DCG n’a pas informé ses clients des risques encourus dans le cadre de la souscription des Parts Nov’Acces, que ce soit dans son rapport de mission ou dans la documentation commerciale et contractuelle du promoteur ou gestionnaire. Elles en concluent qu’en omettant de remettre une lettre de mission à ses clients sans, de surcroît, les informer des risques encourus en souscrivant des Parts Nov’Acces, DCG pourrait avoir méconnu les dispositions des articles 325-4 et 325-7 du règlement général de l’AMF. 138. Les mis en cause soutiennent que les clients de DCG ont obtenu des informations relatives aux produits dans lesquels ils ont investi et ont compris les principaux risques qui y étaient associés ainsi que les modalités de sa rémunération. Ils produisent plusieurs attestations en ce sens émanant de leurs clients. 2.1. Sur les textes applicables 139. DCG a, en sa qualité de CIF, fait souscrire des Parts Nov’Acces à deux investisseurs entre le 29 juil et 2015 et le 17 mars 2017. 140. L’article 325-4 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 31 décembre 2007 au 7 juin 2018, non modifiée dans un sens moins sévère depuis le transfert de ses dispositions à l’article 325-6 du même règlement à compter du 8 juin 2018, dispose : « Avant de formuler un conseil, le conseiller en investissements financiers soumet à son client une lettre de mission, […] [qui] comporte notamment les indications suivantes : / […] / 4° Les modalités de la rémunération du conseiller en investissements financiers

[…]. ». 141. L’article 325-7 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur du 31 décembre 2007 au 7 juin 2018, non modifié dans un sens moins sévère depuis le transfert de ses dispositions à l’article 325-17 du même règlement à compter du 8 juin 2018, dispose : « Le conseil au client est formalisé dans un rapport écrit justifiant les différentes propositions, leurs avantages et les risques qu’elles comportent. / Ces propositions se fondent sur : / 1° L’appréciation de la situation financière du client et de son expérience en matière financière ; / 2° Les objectifs du client en matière d’investissements. / Ces deux éléments sont

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exposés, dans le rapport, de façon détaillée et adaptée à la qualité de la personne physique ou morale du client ». 2.2. Sur l’information des clients de DCG dans le cadre de leurs souscriptions des Parts Nov’Acces 2.2.1. Sur l’absence de remise de lettre de mission par DCG à ses clients 142. Le 4° de l’article 325-4 du règlement général de l’AMF précité impose aux CIF d’indiquer dans les lettres de mission, qu’ils remettent à leurs clients, les modalités de leur rémunération. 143. Ainsi, l’information doit figurer dans les lettres de mission elles-mêmes et non dans un autre document, tel le document d’entrée en relation. 144. En l’espèce, deux clients de DCG ont souscrit des Parts Nov’Acces entre le 29 juil et 2015 et le 17 mars 2017, sans qu’aucune lettre de mission ne leur ait été remise préalablement à leur souscription. 145. Si le mis en cause a indiqué au rapporteur lors de son audition avoir remis à ses clients des mandats de recherche qui sont équivalents aux lettres de mission, il n’a pas maintenu cette affirmation dans ses dernières observations, aux termes desquelles il précise que « si DCG ne prétend pas que ces attestations

[rédigées par ses clients à sa demande] se substituent à la remise d’une lettre de mission, il n’empêche qu’elle mettent en avant le fait que les clients ont obtenu des informations […] ». 146. Au demeurant, les mandats de recherche, qui ont été conclus avec les clients ayant souscrits des Parts Nov’Acces, ne contenaient aucune information sur la rémunération de DCG, de sorte qu’ils ne peuvent en tout état de cause s’apparenter à des lettres de mission. 147. Enfin, le fait que des informations sur la rémunération du CIF aient figuré dans un rapport de mission remis à ses clients postérieurement à leurs souscriptions, ou que l’un des clients du CIF ait déclaré avoir été informé du mode de rémunération du CIF, sont, au regard des textes et éléments mentionnés ci-dessus, indifférents à l’appréciation de la caractérisation du manquement. Il est donc caractérisé. 2.2.2. Sur l’information sur les risques 148. Aucun rapport écrit n’a été remis par DCG à ses clients ayant souscrit les Parts Nov’Acces préalablement à leur souscription. 149. Ni l’absence de réalisation effective des risques, ni l’absence de préjudice subi par ses clients, invoquées dans les attestations de clients de DCG, ne peuvent, en application des textes précités, avoir d’incidence sur la caractérisation du manquement en cause. 150. La circonstance que DCG ait remis, à l’un des deux clients concernés, un rapport de mission postérieurement à sa souscription est indifférente à la caractérisation du manquement. Ce document ne mentionnait, d’ail eurs, aucun risque, alors que la mission de contrôle avait notamment identifié un risque de défaillance du collecteur et gestionnaire des capitaux qui reçoit tous pouvoirs des investisseurs, un risque de défaillance des SCI notamment en cas de dépenses de rénovation excessives et un risque de requalification fiscale, peu important que ces risques n’aient pas été mis en lumière par l’émetteur du produit. 2.3. Sur la caractérisation du manquement 151. Il résulte de ce qui précède qu’en omettant de remettre une lettre de mission à ses clients sans les informer des risques encourus du fait de la souscription de Parts Nov’Acces, DCG a manqué aux dispositions des articles 325-4 et 325-7 du règlement général de l’AMF, de sorte que le manquement est caractérisé.

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III. Sur l’imputabilité des manquements à M. Digne 152. La notification de griefs adressée à M. Digne indique qu’en application du III b) de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, auquel renvoie l’article L. 621-17 du même code, ainsi que de l’article 325-12-3 du règlement général de l’AMF repris à l’article 325-12-5 puis à l’article 325-27 du règlement général de l’AMF, l’ensemble des manquements reprochés à DCG sont personnellement imputables à M. Digne du fait de sa qualité de gérant de cette société. 153. L’article L. 621-17 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur à compter du 7 mai 2005, non modifiée sur ce point depuis, dispose que « tout manquement par les conseillers en investissements financiers définis à l’article L. 541-1 aux lois, règlements et obligations professionnelles les concernant est passible des sanctions prononcées par la commission des sanctions selon les modalités prévues aux […] a et b du III […] de l’article L. 621-15 ». 154. Le b) du III de l’article L. 621-15 du même code, dans sa version en vigueur depuis le 22 février 2014, non modifiée depuis dans un sens moins sévère, énumère les sanctions applicables aux « personnes physiques placées sous l’autorité ou agissant pour le compte de l’une des personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12°, 15° à 17° du II de l’article L. 621-9 ». 155. Il en résulte que la commission peut infliger des sanctions, en raison de manquements à leurs obligations professionnelles, tant aux CIF personnes physiques ou personnes morales qu’aux personnes physiques placées sous l’autorité ou agissant pour le compte de ces dernières. 156. Par ailleurs, l’article 325-12-3 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur le 19 avril 2013 et dont les dispositions figurent, depuis le 8 juin 2018, dans la même rédaction, à l’article 325-27 du même règlement : « Lorsque le conseiller en investissements financiers est une personne morale, les personnes physiques ayant le pouvoir de gérer ou d’administrer ladite personne morale s’assurent qu’elle se conforme aux lois, règlements et obligations professionnelles la concernant ». 157. Ainsi, les manquements aux obligations professionnelles caractérisés à l’encontre d’un CIF sont imputables à son dirigeant, sans qu’il n’y ait lieu de démontrer « l’implication directe et personnelle des dirigeants mis en cause dans les manquements et infractions en cause » comme le soutiennent les requérants dans leurs observations en réponse au rapport du rapporteur. 158. En l’espèce, M. Digne était gérant de DCG à l’époque des faits, et au demeurant seul conseiller en fonction au sein de la société, de sorte que les manquements retenus à l’encontre de DCG lui sont imputables.

SANCTIONS ET PUBLICATION

1. Sur les sanctions 159. DCG a manqué à son obligation d’exercer son activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent au mieux des intérêts de ses clients ainsi qu’à l’obligation de remettre à ses clients une lettre de mission et de les informer, dans un rapport écrit, des risques encourus dans le cadre de leur souscription. Ces manquements se sont déroulés entre 2015 et 2017. 160. Les deux manquements retenus à l’encontre de DCG sont également imputables à M. Digne. 161. L’article L. 621-17 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur à compter du 7 mai 2005, non modifiée sur ce point depuis, dispose : « Tout manquement par les conseillers en investissements financiers définis à l’article L. 541-1 aux lois, règlements et obligations professionnelles les concernant est

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passible des sanctions prononcées par la commission des sanctions selon les modalités prévues aux […] a et b) du III […], IV et V de l’article L. 621-15 ». 162. Aux termes du III de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier qui détermine le montant des sanctions applicables, dans sa version en vigueur du 28 juillet 2013 au 11 décembre 2016 : « III.- Les sanctions applicables sont : a) Pour les personnes mentionnées aux 1° à 8°,11°,12°,15° à 17° du II de l’article L. 621-9, l’avertissement, le blâme, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des services fournis, la radiation du registre mentionné à l’article L. 546-1 ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ; / b) Pour les personnes physiques placées sous l’autorité ou agissant pour le compte de l’une des personnes mentionnées aux 1° à 8°,11°,12°,15° à 17° du II de l’article L. 621-9, l’avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des activités ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 15 millions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés en cas de pratiques mentionnées aux c à g du II ou à 300 000 euros ou au quintuple des profits éventuellement réalisés dans les autres cas ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne morale sous l’autorité ou pour le compte de qui agit la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ». 163. Depuis le 11 décembre 2016, le III de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier dispose : « III.- Les sanctions applicables sont : / a) Pour les personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12°, 15° à 17° du II de l’article L. 621-9, l’avertissement, le blâme, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des services fournis, la radiation du registre mentionné à l’article L. 546-1 ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d’euros ou au décuple du montant de l’avantage retiré du manquement si celui-ci peut être déterminé ; les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ; / b) Pour les personnes physiques placées sous l’autorité ou agissant pour le compte de l’une des personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12° et 15° à 17° du II de l’article L. 621-9, ou exerçant des fonctions dirigeantes, au sens de l’article L. 533-25, au sein de l’une de ces personnes, l’avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, l’interdiction temporaire de négocier pour leur compte propre, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des activités ou de l’exercice des fonctions de gestion au sein d’une personne mentionnée aux 1° à 8°, 11°, 12° et 15° à 17° du II de l’article L. 621-9. La commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 15 millions d’euros ou au décuple du montant de l’avantage retiré du manquement si ce montant peut être déterminé, en cas de pratiques mentionnées au II du présent article. Les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne morale sous l’autorité ou pour le compte de qui agit la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ». 164. Il en résulte que DCG encourt l’une des sanctions disciplinaires prévues au III a) de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur depuis le 11 décembre 2016, et, en sus ou à la place, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d’euros ou au décuple du montant de l’avantage retiré du manquement si celui-ci peut être déterminé. 165. M. Digne encourt, quant à lui, l’une des sanctions disciplinaires prévues au III b) de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur depuis le 11 décembre 2016, et, en sus ou à la place, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 15 millions d’euros ou au décuple du montant de l’avantage retiré du manquement si celui-ci peut être déterminé.

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166. Le III ter de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur depuis le 11 décembre 2016, définit comme suit les critères à prendre en compte pour déterminer la sanction : « Dans la mise en œuvre des sanctions mentionnées aux III et III bis, il est tenu compte notamment : – de la gravité et de la durée du manquement ; – de la qualité et du degré d’implication de la personne en cause ; / – de la situation et de la capacité financières de la personne en cause, au vu notamment de son patrimoine et, s’agissant d’une personne physique de ses revenus annuels, s’agissant d’une personne morale de son chiffre d’affaires total ; / – de l’importance soit des gains ou avantages obtenus, soit des pertes ou coûts évités par la personne en cause, dans la mesure où ils peuvent être déterminés ; – des pertes subies par des tiers du fait du manquement, dans la mesure où elles peuvent être déterminées ; / – du degré de coopération avec l’Autorité des marchés financiers dont a fait preuve la personne en cause, sans préjudice de la nécessité de veiller à la restitution de l’avantage retiré par cette personne ; / – des manquements commis précédemment par la personne en cause ; / – de toute circonstance propre à la personne en cause, notamment des mesures prises par elle pour remédier aux dysfonctionnements constatés, provoqués par le manquement qui lui est imputable et le cas échéant pour réparer les préjudices causés aux tiers, ainsi que pour éviter toute réitération du manquement ». 167. Les manquements de DCG à ses obligations professionnelles, qui sont également imputables à M. Digne, sont relatifs à la discipline des professionnels. Le premier a trait à la qualité de la commercialisation auprès des investisseurs, qui est l’essentiel de la mission de CIF. Il revêt, à ce titre, une particulière gravité. Le second constitue un manquement à plusieurs obligations d’information des clients. 168. Les manquements sont multiples, ont concerné cinq produits distincts et ont été répétés sur une période de deux ans. Les faits sont d’autant plus graves que quatre de ces produits n’étaient pas autorisés à la commercialisation en France et ont concerné des clients non professionnels. 169. Lors de son audition par le rapporteur, DCG a déclaré qu’aucun des cinq produits en cause n’avait été proposé à ses clients après le contrôle de l’AMF. Elle a précisé, en réponse au rapport du rapporteur et au cours de la séance de la commission des sanctions, avoir reçu une notification de l’émetteur, datée du 2 juin 2017, l’informant que la société APC ne procèderait à « aucune communication à caractère promotionnel ou […] démarchage concernant ses offres de placement, dans l’attente de leur mise en conformité conformément à l’article L. 550-3 du code monétaire et financier » et que si elle a réalisé une souscription de ce produit le 7 juin 2017, après la réception de cette notification, c’est, d’une part, que la documentation réglementaire avait été établie avant, dès le 27 mars 2017 et que la souscription avait été retardée pour des raisons indépendantes de sa volonté, et d’autre part, qu’APC lui avait affirmé que cette souscription, initiée avant l’instruction de l’émetteur, pouvait être acceptée. 170. Si DCG ne fait que commercialiser les produits en cause, son rôle reste déterminant dans la réalisation des souscriptions. 171. Les mis en cause ont fait preuve de collaboration avec l’AMF. 172. Rien ne permet d’établir, et il n’est du reste pas allégué, que des tiers auraient subi des pertes du fait des manquements constatés. Les souscripteurs ont au contraire manifesté leur satisfaction des services rendus par DCG. 173. DCG et M. Digne ont bénéficié de commissions sur la commercialisation des produits souscrits entre 5 % et 8 % ainsi que des commissions sur encours. 174. La commission dispose de peu d’éléments autres que leurs déclarations qui n’ont pas été vérifiées sur la situation et la capacité financière des personnes en cause.

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175. Dans leurs observations en réponse au rapport du rapporteur, les mis en cause indiquent qu’ils « disposent d’une clientèle conséquente (150 personnes environ) dont les relations sont caractérisées par un fort intuitu personae, pour un encours de 15 millions d’euros ». 176. Au cours de l’exercice clos le 31 décembre 2019, DCG a réalisé un chiffre d’affaires net de 94 054 euros et un résultat déficitaire de 9 210 euros contre un chiffre d’affaires de 89 963 euros et un résultat bénéficiaire de 2 227 euros pour l’exercice précédent. Il a produit la veille de la séance son compte de résultat au 31 octobre 2020 faisant apparaître un chiffre d’affaires net de 51 845 euros et un résultat déficitaire de 21 108 euros.

177. DCG a par ailleurs déclaré, dans ses observations en réponse aux notifications de griefs, que le chiffre d’affaires réalisé au titre de son activité de CIF est de l’ordre de 60 000 euros par an. 178. DCG insiste encore sur la dégradation du contexte économique causé par la crise sanitaire des derniers mois, qui lui fait craindre une dégradation de son résultat pour 2020. Elle indique envisager de recourir à un prêt garanti par l’Etat pour faire face à ses difficultés de trésorerie, sans étayer davantage ces éléments. Elle a évoqué en séance un projet de rapprochement avec un autre CIF. 179. M. Digne a déclaré disposer d’un unique placement financier en Loi Madelin d’environ […] euros. L’avis d’impôt 2019 sur les revenus de 2018 communiqué par ce mis en cause indique qu’il a, en 2018, perçu des salaires représentant […] euros. Il a par ailleurs déclaré, dans ses observations en réponse au rapport du rapporteur, avoir perçu la somme de […] euros entre le 1er janvier et le 30 octobre 2020. M. Digne souligne que « son patrimoine est surtout constitué de sa société qui traverse actuellement des difficultés financières qui se répercutent directement sur sa situation personnelle ». 180. Les mis en cause ajoutent que DCG a entrepris un « vaste chantier de mise à jour de ses procédures internes et de sa documentation réglementaire », qui porte notamment sur la mise à jour des documents d’entrée en relation, la prise de contact avec les clients, les lettres de mission et les rapports de mission, en faisant notamment appel à un prestataire externe pour l’assister dans cette entreprise. Le contrat conclu avec ce prestataire ainsi que plusieurs des documents mis à jour ont été versés au dossier. 181. Au regard de ces éléments, il convient de prononcer à l’encontre de DCG un blâme et une sanction pécuniaire de 10 000 euros et à l’encontre de M. Digne un blâme et une sanction pécuniaire de 10 000 euros. 2. Sur la publication 182. Les mis en cause font valoir que l’atteinte à leur réputation qui résulterait de la publication de la décision serait disproportionnée au regard des manquements reprochés qui, selon eux, ne remettent en cause ni leur intégrité ni leur loyauté. 183. Cependant, ainsi qu’il a été rappelé, les manquements caractérisés à l’encontre des mis en cause sont graves et multiples et ont concernés plusieurs produits sur une période de deux ans, dont certains interdits à la commercialisation en France. 184. En conséquence, la publication de la présente décision n’est ni susceptible de causer aux personnes mises en cause un préjudice grave et disproportionné, ni de nature à perturber gravement la stabilité du système financier ou encore le déroulement d’une enquête ou d’un contrôle en cours. La publication de la présente décision sera donc ordonnée, sans anonymisation.

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PAR CES MOTIFS,

Et ainsi qu’il en a été délibéré par Mme Marie-Hélène Tric, présidente de la commission des sanctions remplaçant M. Gaeremynck, président de la 2ème section de la commission des sanctions, par M. Didier Guérin, M. Christophe Lepitre, Mme Sophie Schiller, membres de la 2ème section de la commission des sanctions, en présence de la secrétaire de séance, la commission des sanctions :

— prononce à l’encontre de la société Digne Conseils & Gestion un blâme et une sanction pécuniaire de 10 000 euros ;

- prononce à l’encontre de M. Patrice Digne un blâme et une sanction de 10 000 euros ;

- ordonne la publication de la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers et fixe à 5 ans, à compter de la date de la présente décision, la durée de son maintien en ligne de manière non anonyme.

Fait à Paris, le 18 décembre 2020,

La Secrétaire de séance,

La Présidente,

Martine Gresser

Marie-Hélène Tric

Cette décision peut faire l’objet d’un recours dans les conditions prévues à l’article R. 621-44 du code monétaire et financier.

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Décision de la Commission des sanctions du 18 décembre 2020 à l'égard de la société DIGNE CONSEILS & GESTION et de M. Patrice DIGNE