Cour d'appel d'Agen, Chambre civile, 3 mai 2021, n° 19/00540

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Agen, ch. civ., 3 mai 2021, n° 19/00540
Juridiction : Cour d'appel d'Agen
Numéro(s) : 19/00540
Décision précédente : Cour d'appel de Pau, 8 novembre 2017
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DU

03 Mai 2021

DB/CR


N° RG 19/00540

N° Portalis

DBVO-V-B7D-CWAA


SYNDICAT NATIONAL DES TRANSPORTS URBAINS CFDT (SNTU)

C/

S.A.S. KEOLIS GRAND TARBES


ARRÊT n° 238-2021

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Civile

LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1re chambre dans l’affaire,

ENTRE :

SYNDICAT NATIONAL DES TRANSPORTS URBAINS CFDT (SNTU) Agissant en la personne de son Secrétaire Général actuellement en exercice domicilié en cette qualité audit siège social

[…]

[…]

Représentée par Me Hélène GUILHOT, Avocate postulante inscrite au barreau D’AGEN

Représentée par Me Nelly PETRIAT, Avocate plaidante inscrite au barreau de PAU

DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION ordonné par l’arrêt rendu le 27 mars 2019 cassant et annulant un arrêt de la cour d’appel de PAU en date du 9 novembre 2017 sur l’appel d’un jugement du tribunal de TARBES en date du 1er février 2016

D’une part,

ET :

S.A.S. KEOLIS GRAND TARBES

[…]

[…]

Représentée par Me Frédérique POLLE, Avocate postulante au barreau D’AGEN

Représentée par Me Pascal GEOFFRION, Avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS

DEFENDERESSE

D’autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 13 Janvier 2021 devant la cour composée de :

Présidente : Claude GATÉ, Présidente de Chambre

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller qui a fait un rapport oral à l’audience

Jean-Yves SEGONNES, Conseiller

Greffier : Nathalie CAILHETON

ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

' '

'

FAITS :

La SAS Keolis Grand Tarbes exploite le réseau de transport urbain de l’agglomération tarbaise en tant que délégataire du service public.

Pour l’année 2008, le jeudi de l’Ascension correspondait avec le 1er mai.

Par lettre du 3 avril 2013, le syndicat national des transports urbains CFDT (le syndicat), a sollicité la récupération ou le paiement aux salariés d’un jour de congé supplémentaire correspondant au jeudi de l’Ascension 2008.

La SAS Keolis Grand Tarbes a refusé cette demande.

Le syndicat a saisi la juridiction prud’homale qui s’est déclaré incompétente au motif qu’il s’agissait d’un conflit collectif du travail et l’instance s’est poursuivie devant le tribunal de grande instance de Tarbes.

Par jugement rendu le 1er septembre 2015, rectifié le 18 février 2016, le tribunal de grande instance de Tarbes a :

— débouté le syndicat national des transports urbain (SNTU) CFDT de l’ensemble de ses demandes,

— condamné le syndicat national des transports urbain (SNTU) CFDT aux dépens et à payer à la société Keolis Grand Tarbes la somme de 1 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 11 avril 2016, le syndicat a régulièrement déclaré former appel du jugement devant la cour d’appel de Pau.

Par arrêt rendu le 9 décembre 2017, la Cour d’appel de Pau a :

— confirmé en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Tarbes du 1er septembre 2015,

— y ajoutant,

— confirmé le jugement rectificatif du 18 février 2016,

— condamné le syndicat national des transports urbain CFDT aux dépens ainsi qu’à payer à la société Keolis Grand Tarbes une indemnité de 1 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté le syndicat national des transports urbain CFDT de l’ensemble de ses prétentions, y compris celles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur pourvoi formé par le syndicat à l’encontre de cet arrêt, par arrêt rendu le 27 mars 2019, la Cour de cassation, chambre sociale, a :

— cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 9 novembre 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Pau,

— remis, en conséquence, les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d’appel d’Agen,

— condamné la société Keolis Grand Tarbes aux dépens et, vu l’article 700 du code de procédure civile, à payer au syndicat national des transports urbains CFDT la somme de 3 000 Euros.

L’arrêt de cassation est ainsi motivé :

'Vu l’article 32 de la convention collective des réseaux de transports publics et urbains de voyageurs du 11 avril 1986, ensemble l’article L. 3133-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, les agents ont droit en plus du congé annuel, à un nombre de jours payés correspondant aux fêtes légales actuellement au nombre de 10, à savoir : le 1er janvier, le lundi de Pâques, le 8 mai, l’Ascension, le lundi de Pentecôte, le 14 juillet, le 15 août, la Toussaint, le 11 novembre, Noël ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’en 2008, la fête de l’Ascension ayant coïncidé avec le 1er mai, le syndicat national des transports urbains CFDT a saisi la juridiction prud’homale d’une demande tendant à l’attribution ou au paiement aux salariés d’une journée de congé supplémentaire en récupération du jeudi de l’Ascension ainsi que des dommages-intérêts ;

Attendu que pour débouter le syndicat de ses demandes, l’arrêt retient que les dispositions conventionnelles n’octroient nul droit au salarié à bénéficier d’un jour de congé supplémentaire lorsque l’une des fêtes légales énumérées à l’article 32 coïncide avec celui du 1er mai qui est chômé et payé ; qu’en octroyant aux agents, en plus du congé annuel, un nombre de journées payées correspondant aux fêtes légales actuellement au nombre de dix, l’article 32 susvisé ne garantit pas un nombre de jours fériés déterminés ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’article 32 de la convention collective des réseaux de transports publics et urbains de voyageurs garantit expressément dix jours chômés correspondant aux jours de fêtes légales, auxquels s’ajoute le 1er mai régi par des dispositions propres, ce dont elle aurait dû déduire que les salariés pouvaient prétendre à un jour de congé supplémentaire, la cour d’appel, a violé les textes susvisés.'

Le syndicat a saisi la cour de renvoi par déclaration du 31 mai 2019.

Par arrêt rendu le 10 mars 2020, la chambre sociale de cette Cour a ordonné son dessaisissement au profit de la chambre civile, déjà saisie.

PRETENTIONS ET MOYENS :

Par conclusions récapitulatives notifiées le 7 décembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, le syndicat national des transports urbain CFDT présente l’argumentation suivante :

— La demande de condamnation au profit des salariés est recevable :

* l’article L. 2132-3 du code du travail permet aux syndicats d’obtenir l’exécution d’engagements contractés dans un accord collectif et même des dommages et intérêts.

* il n’exerce pas une action en paiement de sommes déterminées au profit de personnes désignées, mais l’application d’un accord au profit de l’ensemble des salariés.

— L’attribution du jour de congés payés pour le jeudi 1er mai 2008 est due :

* l’arrêt rendu par la Cour de cassation en a posé le principe.

* la jurisprudence antérieure allait également en ce sens.

Au terme de ses conclusions, il demande à la Cour de :

— déclarer la saisine recevable,

— débouter la SAS Keolis Grand Tarbes de ses contestations,

— infirmer le jugement,

— condamner la SAS Keolis Grand Tarbes à appliquer les dispositions de l’article 32 de la convention collective nationale des réseaux de transport public et urbain de voyageurs à la coïncidence du jour du 1er mai et du jeudi de l’Ascension au titre de l’année 2008, en ce qu’il implique l’attribution d’un jour de congé supplémentaire à l’ensemble des salariés de la SA Keolis Grand Tarbes,

— à créditer d’un jour de congé payé supplémentaire le compte de chacun des salariés présents dans les effectifs au 1er mai 2008,

— à verser en sus du salaire habituel le salaire d’une journée au titre du jeudi de l’Ascension de l’année 2008 à chacun des salariés présents dans les effectifs au 1er mai 2008 et sortis des effectifs de l’employeur au jour de la décision, pour quelque motif que ce soit, et ce sous astreinte,

— condamner la SAS Keolis Grand Tarbes à lui payer une somme de 15'000 Euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en raison de la non-application de l’article 32 de la convention collective, sur le fondement des dispositions de l’article 1231-1 du code civil,

— dire que les sommes qui lui seront allouées porteront intérêt au taux légal à compter de la citation en justice pour les créances de nature salariale et à compter de la réception de la notification de la décision à intervenir pour les créances de dommages-intérêts,

— condamner la SAS Keolis Grand Tarbes aux dépens, incluant les éventuels frais d’exécution forcée, ainsi que la somme de 5 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

*

* *

Par conclusions notifiées le 18 octobre 2019, auxquelles il est également renvoyé pour le détail de l’argumentation, la SAS Keolis Grand Tarbes présente l’argumentation suivante :

— Les demandes présentées au profit des salariés ne sont pas recevables :

* l’article L. 2132-3 du code du travail ne permet pas à un syndicat de demander le rappel de salaires au profit de salariés.

* seule une action devant le conseil de prud’hommes permet de répondre à des demandes formées dans le cadre de litiges individuels, selon les formes prévues à l’article L. 2262-9 du code du travail.

* la demande présentée par le syndicat devant le tribunal de grande instance revient à se substituer aux salariés

— Il n’existe aucun préjudice causé à l’ensemble de la profession ou au Syndicat.


MOTIFS :

1) Sur la recevabilité des demandes présentées par le syndicat :

L’article L. 2132-3 du code du travail dispose :

'Les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice.

Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.'

Il résulte de ce texte que les syndicats professionnels sont recevables à demander l’exécution d’une convention ou d’un accord collectif de travail, son inapplication causant nécessairement un préjudice à l’intérêt collectif de la profession.

Par conséquent, en l’espèce, dès lors que l’action du syndicat, et ses demandes telles que citées plus

haut, ne tendent pas au paiement de sommes déterminées à des personnes nommément désignées mais à l’application des clauses de la convention collective à tous les salariés compris dans son champ d’application, elle doit être déclarée recevable.

2) Au fond :

L’article 32 de la convention collective des réseaux de transports publics et urbains de voyageurs garantit expressément dix jours chômés correspondant aux jours de fêtes légales, auxquels s’ajoute le 1er mai régi par des dispositions propres.

Il en résulte que les salariés présents dans l’effectif de la SAS Keolis Grand Tarbes le 1er mai 2008 peuvent prétendre au jour supplémentaire réclamé.

Le jugement sera infirmé et il sera fait droit aux demandes présentées par le syndicat.

3) Sur la demande de dommages et intérêts :

Il y a lieu de condamner la SA Keolis Grand Tarbes à payer au syndicat, d’une part, la somme de 5 000 Euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice causé à l’intérêt collectif de la profession par le refus d’appliquer les dispositions de la convention collective et, d’autre part, la même somme en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La demande d’intérêts est toutefois sans objet compte tenu qu’ils sont dus de plein droit en application de l’article 1231-7 du code civil.

Enfin, la Cour n’a pas à se prononcer actuellement sur les dispositions de l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution dont l’application est hypothétique et nécessitera d’apprécier le caractère nécessaire ou non d’actes d’exécution.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

INFIRME le jugement rendu le 1er septembre 2015 en toutes ses dispositions,

STATUANT A NOUVEAU,

CONDAMNE la SAS Keolis Grand Tarbes à appliquer les dispositions de l’article 32 de la convention collective nationale des réseaux de transport public et urbain de voyageurs à la coïncidence du jour du 1er mai et du jeudi de l’Ascension au titre de l’année 2008, en attribuant un jour de congé supplémentaire à l’ensemble de ses salariés concernés ;

en conséquence, CONDAMNE la SAS Keolis Grand Tarbes à créditer d’un jour de congé payé supplémentaire le compte de chacun des salariés présents dans les effectifs au 1er mai 2008 ou à verser en sus du salaire habituel le salaire d’une journée au titre du jeudi de l’Ascension de l’année 2008 à chacun des salariés présents dans les effectifs au 1er mai 2008 et sortis des effectifs de l’employeur au jour de la décision, pour quelque motif que ce soit, et ce sous astreinte provisoire de 100 Euros par jour de retard à compter du 30e jour qui suivra celui de la signification du présent arrêt ;

CONDAMNE la SAS Keolis Grand Tarbes à payer au syndicat national des transports urbains CFDT la somme de 5 000 Euros en indemnisation du préjudice causé à l’intérêt collectif de la profession par le refus d’appliquer les dispositions de la convention collective ;

CONDAMNE la SAS Keolis Grand Tarbes à payer au syndicat national des transports urbains CFDT la somme de 5 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS Keolis Grand Tarbes aux dépens de 1re instance et d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Claude GATÉ, présidente de chambre, et par Nathalie CAILHETON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,

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Cour d'appel d'Agen, Chambre civile, 3 mai 2021, n° 19/00540