Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10 octobre 2012, n° 10/11352

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 10 oct. 2012, n° 10/11352
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 10/11352
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Marseille, 19 mai 2010, N° 08/02819

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 10 OCTOBRE 2012

N° 2012/392

Rôle N° 10/11352

F B

C/

H A

ONIAM – OFFICE NATIONAL D’INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUS DES AFFECTION IATROGENES

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE HAUTE CORSE

Grosse délivrée

le :

à :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 20 Mai 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 08/02819.

APPELANT

Monsieur F B

né le XXX à XXX – XXX – XXX

représenté par Me N-michel SIDER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE constitué aux lieu et place de la SCP SIDER, avoués,

assisté de Me François ROSENFELD, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Diane DELCOURT, avocat au barreau de MARSEILLE,

INTIMES

Monsieur H A

né le XXX à , XXX

représenté par la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avocats au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Bruno ZANDOTTI, avocat au barreau de MARSEILLE

ONIAM – Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, pris en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié, XXX

représentée par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocats au barreau d’AIX-EN-PROVENCE constituée aux lieu et place de la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués,

assistée de Me Sylvie WELSCH, avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE, prise en la personne de son Directeur en exercice y domicilié

XXX

assignée,

défaillant

PARTIE INTERVENANTE

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE HAUTE CORSE

demeurant 5 avenue N Zuccarelli – XXX

assignée en intervention forcée et déclaration d’arrêt commun,

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 05 Septembre 2012 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, Mme Brigitte VANNIER, Présidente, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Brigitte VANNIER, Présidente

Madame Laure BOURREL, Conseiller

Madame Patricia TOURNIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Octobre 2012

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Octobre 2012,

Signé par Mme Brigitte VANNIER, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

I – Exposé du litige :

Monsieur H A qui souffrait d’un angor d’effort s’est vu prescrire par son cardiologue le docteur C une coronarographie en ambulatoire.

Cet examen a été réalisé le 28 mai 2004 par le docteur F B.

La voie d’abord choisie par ce médecin a été celle de l’artère radiale droite.

Le lendemain monsieur A a présenté une thrombose longue de l’artère radiale s’étendant du tiers supérieur de l’avant-bras jusqu’au tiers inférieur.

Le patient a été en arrêt de travail consécutivement à cet accident médical pendant 15 mois et il a conservé une incapacité permanente sous forme de troubles ischémiques d’effort.

Monsieur A a obtenu en référé la désignation d’un expert qui a réalisé ses opérations au contradictoire du docteur B et de l’office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l’ONIAM) et qui a déposé son rapport le 17 juillet 2007.

Au vu de ce rapport, monsieur A a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Marseille l’ONIAM et le docteur B, en présence de la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches du Rhône, aux fins d’obtenir réparation des préjudices qu’il a subis au titre de la solidarité nationale et subsidiairement en raison du manquement du docteur B à son obligation d’information.

Par jugement du 20 mai 2010 le tribunal a :

— dit que le docteur B a manqué à son obligation d’information à l’égard de monsieur A

— condamné le docteur B à réparer la perte de chance subie par monsieur A évaluée à 80 % du préjudice corporel résultant de l’examen réalisé le 28 mai 2004

— condamné l’ONIAM à payer à monsieur A le complément de l’indemnisation du préjudice corporel subi et ayant pour seule origine un accident non fautif

— fixé le montant du préjudice corporel subi par monsieur A à la somme totale de 823.374 €

— condamné le docteur B à payer à monsieur A la somme de 658.699 € correspondant à 80 % du préjudice corporel subi

— condamné l’ONIAM à payer à monsieur A la somme de 164.679 € correspondant à 20 % du préjudice corporel subi

— condamné in solidum le docteur B et l’ONIAM à payer à monsieur A la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— ordonné l’exécution provisoire

— débouté les parties de leurs conclusions plus amples ou contraires

— condamné in solidum le docteur B et l’ONIAM aux dépens de l’instance en ce compris les frais du rapport d’expertise judiciaire.

Par déclaration déposée au greffe le 16 juin 2010 le docteur B a formé appel à l’encontre de cette décision.

Il demande à la cour à titre principal :

— de dire qu’il a souscrit à son obligation préalable d’information et en conséquence d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a retenu une faute d’éthique médicale à son encontre et en ce qu’il l’a condamné à indemniser 80 % des préjudices subis par monsieur A

— de dire que l’aléa thérapeutique présenté par ce patient est exclusif de toute responsabilité médicale

— de condamner l’ONIAM à indemniser intégralement le patient.

À titre subsidiaire, dans l’hypothèse où un défaut d’information serait retenu à son encontre, il demande à la cour :

— de dire que, dans cette hypothèse de coexistence entre une faute d’éthique et un aléa thérapeutique, l’indemnité allouée au patient au titre du défaut d’information doit avoir pour seul objet de réparer son préjudice moral ou un préjudice né d’une perte de chance d’éviter l’accident médical litigieux, perte de chance qui est toutefois nulle en l’espèce

— de dire en conséquence que les préjudices corporels subis par le patient découlent exclusivement d’un aléa thérapeutique dont les conséquences en terme de dommages corporels doivent être prises en charge intégralement par l’ONIAM

— d’allouer au patient une somme qui E saurait être supérieure à 3000 € en indemnisation de son préjudice moral.

À titre encore plus subsidiaire dans l’hypothèse où la cour conclurait à l’existence d’une perte de chance :

— de dire que cette perte de chance E peut excéder 10 %

— de réduire les prétentions indemnitaires du patient et en particulier de lui refuser toute indemnisation au titre d’un préjudice d’agrément, de réduire l’évaluation de ses souffrances endurées et de E pas lui allouer une somme supérieure à 132.609 € au titre de son préjudice professionnel.

En toute hypothèse il réclame la somme de 5000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et la condamnation de tout succombant aux dépens de première instance et d’appel.

L’ONIAM forme appel incident et demande à la cour :

— de dire que la responsabilité du docteur B est engagée sur le fondement des articles 1147 du Code civil, L.1110-5, L.1111-2 alinéa 1, R.4127-35du code de la santé publique

— de dire que les manquements commis par le docteur B (qu’il définit dans le corps de ses écritures comme la faute technique découlant du choix inapproprié de la voie d’abord radiale, opéré sans avoir mis le patient en mesure de faire un choix éclairé entre cette voie d’abord et la voie d’abord fémorale qui est la voie classique) sont à l’origine de l’entier préjudice de monsieur A

— de dire en conséquence que les conditions d’ouverture d’une indemnisation au titre de la solidarité nationale E sont pas réunies, de sorte qu’il doit être mis hors de cause.

Subsidiairement dans l’hypothèse où la cour E retiendrait qu’un manquement du docteur B à son obligation d’information :

— de dire que ce manquement a été à l’origine d’une perte de chance évaluée à 80 %

— de dire en conséquence que la part qui sera mise à la charge de la solidarité nationale E saurait excéder 20 % des préjudices du patient

— de constater que l’indemnisation par l’ONIAM doit être faite sous déduction des prestations des organismes sociaux

— de débouter en l’état M. A de ses demandes au titre de ses préjudices patrimoniaux en l’absence de production de ses déclarations fiscales professionnelles et personnelles entre 2001 et 2005 et en toute hypothèse de réduire sa demande au titre des préjudices patrimoniaux permanents à une somme qui E saurait excéder 132.609 €

— de confirmer la décision du tribunal en ce qui concerne les préjudices extra patrimoniaux.

En tout état de cause il réclame la condamnation du docteur B aux dépens.

Monsieur A a formé appel incident.

Il demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a constaté qu’il avait été victime d’un accident médical non fautif d’une part et d’un manquement à l’obligation d’information du docteur B d’autre part.

Cependant dans le corps de ses écritures, qui doit être considéré eu égard à la date de l’appel, il reproche au docteur B d’avoir commis une faute technique en choisissant la voie d’abord radiale.

À titre principal il demande à la cour de condamner l’ONIAM à l’indemniser de l’intégralité des chefs de préjudices qu’il a subis.

À titre subsidiaire il lui demande de dire qu’une partie du préjudice devra être prise en charge par le docteur B dans une proportion qu’il lui appartiendra de déterminer.

Il lui demande de condamner solidairement le docteur B et l’ONIAM au règlement de l’indemnisation de son préjudice corporel qu’il évalue à la somme de 1.333.400 €, à celui des frais d’expertise à hauteur de 2400 € et des frais d’assistance à expertise de son médecin-conseil à hauteur de 500 €.

Il réclame en outre la condamnation du docteur B au règlement d’une somme de 10'000 € en réparation du préjudice qu’il a subi du fait de la faute éthique tenant au manquement du médecin à son obligation d’information, mais, dans le corps de ses écritures, ils précise qu’il E formule cette réclamation que pour le cas où la cour suivrait l’argumentation du docteur B (et donc retiendrait que son manquement à son obligation d’information n’a fait perdre au patient une chance d’échapper au risque qui s’est réalisé).

En toute hypothèse il demande la condamnation solidaire du docteur B et de l’ONIAM à lui payer la somme de 5000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les entiers dépens.

Assignée à personne habilitée la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches du Rhône n’a pas comparu, mais par lettre du 15 juin 2012 elle a fait savoir que monsieur A n’était pas affilié à cette caisse mais à la caisse primaire d’assurance-maladie de Haute-Corse.

Monsieur A a donc appelé la caisse primaire d’assurance-maladie de Haute-Corse en intervention forcée et en déclaration d’arrêt commun par acte du 8 août 2012.

Assignée à personne habilitée, elle n’a pas comparu mais elle a fait savoir qu’elle était dans l’impossibilité de présenter une créance.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision critiquée et aux dernières conclusions déposées par les parties (par monsieur B le 11 juin 2012, par l’ONIAM le 30 novembre 2010, par monsieur A le 2 avril 2012).

II – Motifs :

Sur la charge de l’indemnisation

Monsieur A demande réparation de son préjudice consécutif de la thrombose extensive de l’artère radiale droite qui s’est produite dans les suites immédiates de la réalisation de la coronarographie du 28 mai 2004, thrombose dont l’expert décrit qu’elle a eu pour effet d’annuler ou de réduire le flux sanguin dans les branches collatérales à destination des muscles de l’avant bras, occasionnant au patient une douleur antébrachiale présente initialement même au repos, puis, au bout de deux mois, se manifestant lors des mouvements de prosupination.

L’ONIAM fait valoir à juste titre qu’en application de l’article L.1142-1 II du code de la santé publique, le préjudice d’un patient E peut, sous conditions, ouvrir droit à réparation au titre de la solidarité nationale que lorsque la responsabilité du professionnel de santé n’est pas engagée.

Il convient donc d’examiner en premier lieu si le docteur B est responsable du préjudice dont monsieur A demande réparation.

En application de l’article L.1142-1 I du code de la santé publique, applicable en raison de la date de l’acte incriminé, le médecin n’est responsables des conséquences dommageables des actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’il accomplit qu’en cas de faute.

Monsieur Y E reproche pas au docteur Z une faute technique dans la réalisation de son geste médical, mais, reprenant en cela les moyens de l’ONIAM, il lui reproche d’avoir fait le choix de procéder à la coronarographie par voie d’abord radiale alors que celle-ci aurait dû être exclue, pour respecter les dispositions de l’article L.1110-5 du code de la santé publique, en raison des risques qu’elle lui faisait courir.

Il verse aux débats le rapport d’expertise judiciaire duquel il ressort que la coronarographie, dont la réalisation était indispensable en l’état de l’angor d’efforts qu’il présentait, a été prescrite en ambulatoire par son cardiologue référent, le docteur C.

L’expert précise que la coronarographie peut être réalisée par voie fémorale ou par voie radiale, le docteur B réalisant la moitié de ses actes par une voie, l’autre moitié par l’autre voie et choisissant la voie radiale en première intention chez tous les patients programmés en ambulatoire.

L’expert a vérifié qu’avant de pratiquer la coronarographie par voie radiale le docteur B procédait au test d’Allen qui a pour objet d’apprécier le caractère adéquat de la circulation collatérale ulnaire pour la main en cas d’occlusion de l’artère radiale et qu’il E pratiquait la coronarographie par voie radiale qu’en cas de test positif.

Dans le cas de monsieur A, le test d’Allen s’était révélé positif, de sorte qu’était exclue l’existence d’une complication au niveau de la main en cas de thrombose de l’artère radiale.

Il E s’est d’ailleurs pas produit de complication au niveau de la main du patient, mais la thrombose de l’artère radiale qui s’est réalisée, qui était une thrombose longue s’étendant du tiers supérieur de l’avant-bras au tiers inférieur, a eu pour conséquence une ischémie de l’avant-bras qui s’est manifestée dans un premier temps par des douleurs intolérables permanentes même au repos, puis, plus tardivement, après que les parties proximale et moyenne de l’avant-bras s’étaient partiellement reperméabilisées, par des douleurs à l’effort gênant les mouvements de prosupination.

L’expert explique que c’est parce que l’occlusion a été longue, probablement par dissection de l’artère sur un long trajet, que les symptômes de l’avant-bras ont été majeurs.

À aucun moment l’expert E retient que la voie d’abord choisie était inadéquate, au contraire il conclut à l’absence de faute du docteur B après avoir souligné qu’en cas de thrombose de l’artère radiale, aucune séquelle n’était décrite dans la littérature médicale.

Pour compléter ces éléments d’information, le docteur B verse aux débats plusieurs articles de littérature médicale desquels il ressort que les coronarographies, traditionnellement réalisées par voie fémorale, ont été également exécutées par voie radiale à partir de l’année 1989 afin d’éviter les complications vasculaires majeures liées au site fémoral.

En effet, lors de l’approche par voie fémorale le taux de complications vasculaires majeures est de 3,71%, alors qu’il n’est que de 0,59% lors de l’approche par voie radiale.

Il ressort en particulier d’un article publié en avril 2003 dans les Annales de cardiologie et d’angéiologie par quatre médecins de l’hôpital du Val-de-Grâce, que si la voie fémorale restait à cette époque la voie d’abord privilégiée pour la réalisation des actes de coronarographie, l’utilisation de la voie radiale connaissait depuis plusieurs années un élan important en raison de la sécurité qu’elle apportait vis-à-vis des complications vasculaires rencontrées lors de cet acte invasif. Cet article précise que la voie d’abord radiale droite est retenue lors des examens programmés et qu’elle est réalisée après un test d’Allen positif.

Il ressort également de cet article qu’à cette date la complication la plus répandue de la coronarographie par voie d’abord radiale est connue et qu’il s’agit de l’occlusion artérielle radiale, avec une incidence évaluée alors entre 2 et 10 %.

Les quatre médecins qui ont étudié une population de 300 patients ont noté une occlusion de l’artère radiale dans quatre cas, avec une réimperméabilisation dans trois cas sur quatre, le quatrième patient ayant été perdu de vue.

Ils concluent que la voie d’abord radiale présente de nombreux atouts et notamment sa sécurité d’utilisation. Ils vantent l’innocuité de cette technique particulièrement en ce qui concerne le risque de l’occlusion qui est évalué à moins de 1 % à distance du geste médical.

Le dernier article produit par le docteur B, qui date du mois de janvier 2011, n’apporte pas de précisions complémentaires, si ce n’est qu’il conclut, encore à cette date, au caractère asymptomatique de l’occlusion artérielle radiale qui peut se produire au décours d’une coronarographie réalisée par voie radiale.

En l’état des connaissances scientifiques à la date de la coronarographie, il se déduit de ce qui précède que le docteur B n’a pas fait, pour monsieur A dont le teste d’Allen était positif, le choix d’une voie d’abord à risque en choisissant la voie d’abord radiale qui apparaissait comme étant la plus sûre dans ce cas.

Il E peut donc être retenu à son encontre aucune faute l’obligeant à réparer l’entier préjudice de son patient.

Monsieur A fait encore grief au docteur B de E pas l’avoir informé qu’il procéderait à la coronarographie par la voie d’abord radiale droite plutôt que par la voie fémorale traditionnelle, en violation des dispositions de l’article L.1111-2 du code de la santé publique, l’empêchant ainsi de prendre une décision éclairée concernant sa santé, droit qui lui est reconnu, en effet, par l’article L.1111-4 du même code.

Le docteur B, qui n’était dispensé de remplir son obligation d’information ni par le fait que le cardiologue ou l’anesthésiste pouvaient l’avoir donnée au patient, ni par la qualité de dentiste de ce patient, E justifie pas y avoir satisfait.

En effet les pièces extraites du dossier médical de monsieur A n’en portent pas trace, la fiche d’information du patient versée au dossier du docteur B n’est pas signée de monsieur A et le 'guide pour le patient’ que le docteur B prétend lui avoir fait remettre la veille de l’intervention, sans d’ailleurs en justifier, s’il mentionne l’existence de diverses voies d’abord, E décrit pas les risques attachés à chacune d’elles et donc pas le risque de thrombose artérielle qui s’est réalisé ni les conséquences possibles de cette thrombose.

Les conséquences de cette absence d’information sont fonction de ce qu’aurait été le contenu de cette information si elle avait été donnée de façon loyale et complète.

En l’état des connaissances scientifiques au jour de la réalisation de la coronarographie, le docteur B aurait dû expliquer à monsieur A qu’il existait deux voies d’abord possibles, la voie fémorale traditionnelle qui était source de complications vasculaires majeures dans 3,71% des cas et la voie d’abord radiale qui n’était source de telles complications que dans 0,59% des cas.

Il aurait dû l’avertir que, pour sa part, il utilisait en première intention la voie d’abord radiale droite lorsque la coronarographie était prescrite par le cardiologue référent en ambulatoire, comme c’était le cas pour monsieur A, mais que l’utilisation de cette voie d’abord était subordonnée à la réalisation d’un test d’Allen positif qui donnait l’assurance de ce qu’il E pourrait pas y avoir de séquelles au niveau de la main.

Il aurait dû lui dire également que, malgré tout, la voie d’abord radiale n’était pas exempte de possible complication, que cette complication consistait en un risque d’occlusion de l’artère radiale évalué entre 2 et 10 %, mais qu’en l’état actuel de la science cette occlusion n’était pas connue pour avoir eu de conséquences à terme, l’artère se reperméabilisant secondairement.

Il n’aurait en revanche pas pu décrire le mécanisme de l’ischémie d’effort qui a perduré dans le cas de monsieur A, puisque cette conséquence de la thrombose de l’artère radiale n’avait jamais été décrite.

Ainsi informé, monsieur A, qui est droitier, qui exerçait la profession de chirurgien dentiste qui nécessite une parfaite aisance dans la réalisation de gestes fins, est fondé à soutenir qu’il aurait hésité à choisir la voie d’abord radiale droite.

Il aurait dû alors choisir entre deux techniques dont l’une lui faisait courir un risque faible de thrombose de l’artère radiale, sans séquelles possibles au niveau de la main en raison de la positivité du test d’Allen et sans séquelles connues au niveau du bras, et dont l’autre, sans incidence possible, même transitoire, au niveau du bras, lui faisait courir un risque faible, mais six fois plus important que la première, de complications vasculaires majeures.

Dans ces conditions il E peut prétendre qu’il aurait assurément choisi la voie d’abord fémorale, ni même qu’il avait 80 % de chances de choisir cette voie.

Au regard des circonstances ci-dessus exposées sa perte de chance de choisir la voie d’abord fémorale et donc d’échapper au dommage qui s’est réalisé sera fixée à 25%.

Ce préjudice, distinct des aspects corporels de l’intervention, n’équivaut pas à l’intégralité des préjudices corporels subis par monsieur A mais E représente qu’une fraction, en l’espèce 25 %, des différents chefs de préjudice qu’il a subis par suite de la réalisation du risque, chefs de préjudices qui seront ci-après évalués.

Il n’oblige donc le docteur B à réparation que dans cette mesure.

*

Dès lors que monsieur A E réclame l’indemnisation du préjudice moral que lui a causé le manquement du docteur B à son obligation d’information que de façon subsidiaire, dans l’hypothèse où il E serait pas retenu que ce manquement lui a fait perdre la chance d’échapper à son dommage, sa prétention à ce titre n’a pas lieu d’être examinée, l’offre du docteur B de lui verser la somme de 3.000 € en réparation de son préjudice moral E valant quant à elle que pour le cas où il E serait pas condamné à réparer une perte de chance.

*

Monsieur A demande en outre que son préjudice corporel soit réparé par l’ONIAM en application de l’article L.1142-1 II du code de la santé publique.

L’expert retient en effet que son préjudice corporel est la conséquence de la thrombose de l’artère radiale qui s’est produite sans que la responsabilité du docteur B soit engagée.

Ce préjudice est donc directement imputable à l’acte d’investigation réalisé par le docteur B, l’expert ayant pris soin de répondre par la négative aux dires de ce médecin qui suggérait que le mécanisme d’ischémie d’efforts qui a perduré à distance de son geste médical pouvait trouver sa cause dans des pathologies présentées par monsieur A.

L’accident médical, qui laisse subsister un mécanisme d’ischémie d’effort de l’avant-bras droit du patient, a eu pour lui des conséquences anormales au regard de son état de santé et de l’évolution prévisible de celui-ci, l’examen E devant lui laisser aucune séquelle.

La complication a occasionné à monsieur A une incapacité temporaire de travail dont l’expert a fixé la durée à 15 mois, de sorte qu’est caractérisée la gravité exigée par l’article D.1142-1 du code de la santé publique pour ouvrir droit à réparation au titre de la solidarité nationale.

Toutefois E peut être mise à la charge de l’ONIAM que l’indemnisation du préjudice non réparé au titre de la perte de chance.

En effet, bien que le préjudice résultant de la perte de chance de refuser l’intervention par voie d’abord radiale droite et donc d’échapper au risque qui s’est réalisé soit un préjudice spécifique, dès lors qu’il représente une fraction des différents chefs de préjudice corporel que la victime a subis par suite de la réalisation du risque, celle-ci, qui E peut obtenir une réparation excédant celle de son entier dommage corporel, n’est fondée à demander à l’ONIAM que la réparation de la part non réparée de son préjudice corporel, en l’espèce 75 %.

Sur le montant de l’indemnisation.

Il ressort du rapport d’expertise que monsieur A, né le XXX, a souffert suite à la thrombose de l’artère radiale qui s’est produite le 29 mai 2004 d’une douleur permanente de l’avant-bras droit d’intensité extrême (10/10) pendant 15 jours, douleur qui est restée permanente mais a régressé peu à peu jusqu’à E plus survenir qu’à l’effort à partir du 1er août 2004.

Subsiste chez ce patient droitier une raideur de l’avant-bras combinée de la prosupination et de la flexion extension.

Cette douleur, qui est en lien certain direct et exclusif avec la thrombose, empêche monsieur A, qui est chirurgien-dentiste, d’exercer sa profession ; il a d’ailleurs dû cesser toute activité professionnelle alors qu’il était âgé de 56 ans et 10 jours.

Les conclusions du rapport d’expertise sont les suivantes :

— l’incapacité temporaire a été totale du 29 mai 2004 au 31 décembre 2006, dont 15 mois imputables au seul accident médical

— la consolidation est acquise le premier août 2004, moment où la douleur permanente de l’avant-bras a laissé place à une douleur uniquement à l’effort

— le déficit fonctionnel permanent est de 10 %

— le préjudice lié à la douleur est de 7/7

— le préjudice d’agrément a existé pendant 5 mois en raison de l’impossibilité où monsieur A s’est trouvé de conduire sa voiture.

La cour dispose ainsi des éléments lui permettant de déterminer le préjudice de monsieur A qui doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties.

Pour déterminer les sommes devant revenir à la victime il doit en outre, en application de l’article 31 de la loi 5 juillet 1985, être tenu compte des débours du tiers payeur, qui doivent être pris en considération poste par poste pour les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’il a pris en charge.

En l’espèce la CPAM de Haute Corse n’est en mesure de faire valoir aucune créance, mais dès lors que monsieur A E réclame aucune somme au titre de ses dépenses de santé actuelle et qu’aucune des parties E prétend que, praticien libéral, il a reçu de la caisse des indemnités journalières et une pension d’invalidité, cette carence E fait pas obstacle à la détermination du préjudice du patient ni à celle de la part prise en charge par l’ONIAM.

I- Préjudices patrimoniaux

— frais divers :

La décision du tribunal qui a alloué à ce titre à monsieur Y la somme de 500 € correspondant aux honoraires qu’il a versés au médecin qui l’assisté au cours des opérations d’expertise E fait pas l’objet de contestations.

C’est encore à bon droit que le tribunal a dit que les frais d’expertise, inclus dans les dépens, E faisaient pas partie des frais divers et étaient à la charge définitive de la partie condamnée aux dépens.

Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.

— pertes de gains professionnels actuels et futurs :

Le poste de la perte de gains professionnels actuels vise à compenser les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime jusqu’à sa consolidation, l’évaluation étant faite au regard de la preuve apportée par la victime de sa perte de revenus.

Celui de la perte de gains professionnels futurs vise à compenser la perte ou la diminution des revenus de la victime suite à l’incapacité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans sa sphère professionnelle à la suite du dommage.

Les parties se sont affranchies de cette distinction et demandent à la cour, comme elles l’avaient demandé au tribunal, de déterminer la perte de gains de monsieur A, non pas du 29 mai 2004, date de l’accident médical, au 1er août 2004, date de consolidation, mais d’une part pendant les 15 mois d’incapacité totale de travail imputable à l’accident médical, d’autre part après l’arrêt de l’activité professionnelle de monsieur A, alors qu’il était âgé de 56 ans.

En l’absence d’allégation de versement d’indemnités journalières et de rente d’invalidité, ce mode de calcul peut être retenu.

Les parties sont en désaccord sur le montant des ressources de monsieur A antérieures à l’accident médical.

Contrairement à ce que prétend l’ONIAM, celui-ci a fourni à la cour des documents fiscaux permettant de déterminer les dites ressources.

Il ressort de ces documents que monsieur A exerçait la profession de chirurgien dentiste au sein d’une société civile de moyens dans laquelle il était associé avec un autre praticien, chacun d’eux percevant en fin d’année 50 % du bénéfice net fiscal de la société.

En 2003 ce bénéfice s’est élevé à 200'350 €, de sorte que la part de bénéfices revenant à monsieur A était de 100'175 €.

Celui-ci fait valoir exactement que c’est à tort que le premier juge a déduit de ce résultat une somme correspondant au montant des avantages fiscaux que la loi Madelin lui accordait à l’époque en raison de frais qu’il devait assumer en sa qualité de praticien libéral.

Dans ces conditions il sera fait droit à la demande de monsieur A tendant à voir retenir que sa perte annuelle nette était de 72 '000 € par an, somme inférieure à sa perte de gains réelle.

Soit pour la période de 15 mois réclamée, une perte de 90.000 €.

La perte de gains réclamée par monsieur A a partir de son arrêt d’activité professionnelle (1er janvier 2007) s’étend jusqu’à la liquidation et s’établit à 367.400 €.

A partir de la liquidation sa perte doit être calculée par capitalisation de sa perte annuelle au moyen de l’euro de rente donné par la table opportunément retenue par le premier juge.

Toutefois ainsi que l’objectent pertinemment le docteur B et l’ONIAM, cette capitalisation E saurait être viagère. En effet, sans l’accident médical, monsieur A aurait cessé son activité professionnelle à une date que son expert-comptable, le cabinet N O, fixe en 2015, soit à son 65e anniversaire.

Sa perte de gains sera donc calculée à partir de l’euro de rente à 65 ans d’un homme âgé de 62 ans à la liquidation (2,868), soit 206'496 €.

Faute pour monsieur A de fournir quelque document que ce soit relatif à sa perte de retraite consécutive à cette perte de gains, il E sera pas alloué de somme complémentaire de ce chef.

II- Préjudices extra-patrimoniaux

A- Temporaires

— déficit fonctionnel temporaire:

Les parties s’accordent pour que soit confirmée la décision du premier juge qui a alloué à monsieur A la somme de 9000 €.

— souffrances endurées :

Ce poste de préjudice indemnise les douleurs physiques et morales endurées par la victime du fait de ses blessures et des soins qu’elle a subis depuis l’accident jusqu’à la consolidation, en l’espèce le 1er août 2004.

Permanentes et d’intensité maximale pendant 15 jours, ces souffrances, tout en restant permanentes, ont régressé au cours des deux mois suivant leur apparition.

Sachant que les douleurs permanentes qui ont perduré après la consolidation E sont pas indemnisables au titre des souffrances endurées mais sont prises en compte dans l’évaluation du déficit fonctionnel permanent, le docteur B fait valoir avec raison que compte tenu de la brièveté de la durée de ces souffrances extrêmes puis importantes, la somme de 20'000 € allouée par le tribunal E peut être approuvée.

Il sera alloué à monsieurChrestian la somme de 12'000 €.

B- Permanents

— déficit fonctionnel permanent :

Le déficit fonctionnel permanent inclut pour la période postérieure à la date de consolidation les atteintes aux fonctions physiologiques, la perte de la qualité de la vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence personnelles familiales et sociales.

Les parties s’accordent pour que soit confirmée la décision du premier juge qui a alloué à monsieur A la somme de 14.000 €.

— préjudice d’agrément :

Le préjudice d’agrément vise exclusivement à l’indemnisation du préjudice lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs.

Le docteur B fait valoir avec raison que le fait que monsieur A n’ait pas pu conduire sa voiture pendant cinq mois E caractérise par un préjudice d’agrément temporaire ni définitif, cette gêne dans les conditions normales d’existence ayant été prise en considération dans l’évaluation du déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent du patient.

Au total l’indemnisation du préjudice corporel de monsieur Y s’élève à 699.396 €.

Cette somme sera prise en charge à hauteur de 25 % par le docteur B et de 75 % par l’ONIAM.

Cette condamnation sera prononcée en deniers ou quittances pour tenir compte des sommes qui ont été versées à monsieur X en exécution du jugement déféré assorti de l’exécution provisoire, le présent arrêt, partiellement infirmatif, constituant le titre ouvrant droit à restitution des sommes trop versées par le docteur B en exécution du jugement.

L’équité E commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d’appel seront pris en charge à hauteur de 25 % par le docteur B et à hauteur de 75 % par l’ONIAM.

Par ces motifs :

LA COUR :

— Confirme le jugement déféré en ce qu’il a dit que le docteur B a manqué à son obligation d’information à l’encontre de monsieur A et en ce qu’il a retenu l’existence d’une perte de chance d’échapper au risque qui s’est réalisé, ainsi qu’en ce qu’il a condamné l’ONIAM à indemniser monsieur Y des conséquences corporelles ayant pour origine l’accident médical non fautif dont il a été victime et enfin en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens

— L’infirme pour le surplus

Statuant à nouveau des chefs infirmés

— Fixe à 25 % la perte de chance pour monsieur A d’échapper à son dommage consécutivement au défaut d’information du docteur B

— Fixe le montant du préjudice corporel de monsieur Y à la somme de 699.396€

— Dit que cette somme sera prise en charge à hauteur de 25 % par le docteur B et de 75% par l’ONIAM

— Rejette toutes demandes plus amples ou contraires

— Met les dépens d’appel à hauteur de 25 % à la charge du docteur B et à hauteur de 75 % à la charge de l’ONIAM et dit qu’ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10 octobre 2012, n° 10/11352