Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 30 avril 2013, n° 12/00664

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 30 avr. 2013, n° 12/00664
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 12/00664
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Fréjus, 14 décembre 2011, N° 11/32

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

18e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 30 AVRIL 2013

N°2013/363

Rôle N° 12/00664

Y X

C/

SAS AGL

Grosse délivrée le :

à :

— Me Pierre MONTORO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

— Me Jean-Philippe SOLLBERGER, avocat au barreau de NICE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de FREJUS en date du 15 Décembre 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 11/32.

APPELANTE

Madame Y X, demeurant XXX – XXX – XXX

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2012/001267 du 27/01/2012 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

représentée par Me Pierre MONTORO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEE

SAS AGL, demeurant ZI La Roubine – XXX

représentée par Me Jean-Philippe SOLLBERGER, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 20 Mars 2013, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Guénael LE GALLO, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Gisèle BAETSLE, Président

Monsieur Guénael LE GALLO, Conseiller

Madame Fabienne ADAM, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme A B.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Avril 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Avril 2013

Signé par Monsieur Guénael LE GALLO, Conseiller, pour le Président empêché et Mme A B, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES

Engagée par la société AGL en qualité d’attachée commerciale à compter du 1er juin 2009, suivant contrat de travail à durée indéterminée soumis à la convention collective nationale de la navigation de plaisance, placée en arrêt de travail à compter du 5 octobre 2009, pour une rechute d’un accident du travail survenu le 22 août 2008 alors qu’elle se trouvait au service d’un précédent employeur, déclarée par le médecin du travail 'apte à un travail assis’ à l’issue de la visite de reprise du 22 octobre 2010, Madame Y X a été licenciée pour faute grave par lettre du 17 décembre 2010, au motif qu’elle avait été vainement mise en demeure de reprendre son poste.

Contestant son licenciement, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Fréjus, par requête reçue le 13 janvier 2011, afin de voir condamner l’employeur à lui payer un rappel de salaire, des indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre une indemnité pour frais irrépétibles.

Déboutée par jugement du 15 décembre 2011, Madame X a régulièrement interjeté appel de cette décision le 10 janvier 2012.

Dans ses conclusions écrites développées oralement à l’audience, soutenant que son absence n’était pas injustifiée puisqu’elle avait été déclarée par le médecin du travail inapte à son poste d’attachée commerciale, et faisant grief à l’employeur d’avoir manqué à son obligation de reclassement, l’appelante demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et de condamner l’intimée au paiement des sommes suivantes, outre à la remise des bulletins de paie et des documents de fin de contrat conformes, sous astreinte de 50 € par jour de retard :

' rappel de salaire 6.463,56 €

' congés payés afférents 646,36 €

' indemnité de congés payés 2.014,52 €

' indemnité de préavis 2.154,52€

' indemnité licenciement (art. L. 1226-14 du code du travail) 1.290,70 €

' dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 25.854,24 €

' article 700 du code de procédure civile 2.000,00 €

Répliquant dans ses écritures plaidées à l’audience, d’une part, que les dispositions protectrices des salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle sont inapplicables en la cause, dès lors que la suspension du contrat de travail était liée à la rechute d’un accident du travail survenu à l’occasion d’un emploi précédent, et d’autre part, qu’à l’issue de la visite de reprise, le médecin du travail n’a pas émis un avis d’inaptitude, mais un avis d’aptitude avec réserves, en sorte que le refus réitéré de la salariée de reprendre son poste de travail était constitutif d’une faute grave, la société intimée sollicite la confirmation du jugement déféré et la condamnation de l’appelante à lui payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L’ARRÊT

— sur le licenciement

Selon l’article R. 4624-31 du code du travail, sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude médicale du salarié à son poste de travail qu’après avoir réalisé deux examens médicaux de l’intéressé espacés de deux semaines.

Il résulte de l’article L. 1226-8 de ce code que, si le salarié est déclaré apte par le médecin du travail, il retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente.

Selon les dispositions de l’article L. 4624-1 du même code, le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de poste, justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, la résistance physique ou à l’état de santé physique et mentale des travailleurs. L’employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite. En cas de difficulté ou de désaccord, l’employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l’inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail.

En l’espèce, à l’issue de la visite de reprise du 22 octobre 2010, le médecin du travail a émis l’avis suivant : 'apte à un travail assis'.

Par lettre du 28 octobre 2010, l’employeur a sollicité le médecin du travail en ces termes : 'Vos préconisations ne semblent pas incompatibles avec les fonctions d’attachée commerciale exercées par notre salariée (P.J. contrat de travail). Si tel n’était pas le cas, je vous remercie à réception de m’en informer, de me préciser la nature des réserves et de prévoir une visite en entreprise dans le cadre d’une étude de poste'.

Ce médecin lui a fait la réponse suivante, par lettre du 3 novembre 2010 :

'(…) concernant la visite de reprise du 22/10/10 de Madame X Y, attachée commerciale à AGL MARINE. J’ai en effet noté : «apte à un travail assis». Elle est apte à un poste commercial SEDENTAIRE, ASSIS :

XXX

XXX

— XXX, sur les bateaux, par exemple.

Je pourrais, si vous le souhaitez, passer en ETUDE DE POSTE, en entreprise (etc…)'

Dans une nouvelle lettre adressée à l’employeur le 3 décembre 2010, le médecin du travail a fourni les précisions suivantes :

'Sur la demande d’une de vos salariées, Mme X Y, attachée commerciale, je vous précise son inaptitude actuelle au poste d’attachée commerciale à AGL MARINE, ce poste impliquant des contraintes physiques trop importantes pour cette salariée, avec fréquents déplacements et marches prolongées et répétées, c’est pourquoi j’avais noté «apte à un travail assis» lors de sa visite de reprise du 22/10/10.

Ainsi que je vous l’avais déjà précisé sur ma lettre recommandée du 3/11/10 : elle est apte à un poste commercial SEDENTAIRE, assis, sans marches répétées ni prolongées, sans port de charges, et sans montées sur des échelles, sur des bateaux, par exemple.

Je vous ai contacté à plusieurs reprises pour une étude de poste sur place, mais vous avez annulé.'

Contestant cette dernière affirmation par courrier du 6 décembre 2010, dans lequel il a fait valoir qu’il avait lui-même proposé au médecin du travail de venir dans l’entreprise, mais qu’en raison d’une intervention chirurgicale, il avait dû différer la seule date compatible avec leurs agendas respectifs, ce dont ce médecin avait été avisé, le gérant de la société a ajouté :

'Par mail et par courrier du 3 novembre, vous avez confirmé l’aptitude à la reprise en énonçant, cette fois, vos réserves dont nous avons tenu compte pour aménager le poste de travail de notre salariée afin qu’elle poursuive ses fonctions de commerciale au siège de l’entreprise après une période d’adaptation rendue nécessaire par une absence de plus d’un an.'

Parallèlement, par courrier recommandé adressé le 28 octobre 2010 et reçu le 30 octobre 2010, l’employeur, constatant que la salariée n’avait pas repris son poste de travail à l’issue de la visite de reprise, a mis celle-ci en demeure de se présenter au siège de l’entreprise le 2 novembre 2010, après lui avoir expressément rappelé qu’elle avait été déclarée apte à la reprise à un poste assis et qu’elle ne pouvait donc pas se placer sur le terrain de l’inaptitude et de l’obligation de reclassement.

La salariée lui ayant répondu, le 5 novembre 2010, qu’elle attendait une proposition de reclassement, l’employeur, par mail du 8 novembre 2010, l’a de nouveau invitée à rejoindre son lieu de travail, en lui indiquant que les précisions qu’il avait obtenues de la part du médecin du travail sur la nature des réserves et restrictions ne remettaient pas en cause son aptitude à la reprise.

Par lettre recommandée motivée, adressée le 9 novembre 2010 et reçue le 10 novembre 2010, l’employeur a réitéré cette demande.

Convoquée, par lettre du 2 décembre 2010, à un entretien préalable fixé au 14 décembre 2010, auquel elle ne s’est pas présentée, la salariée a été licenciée pour faute grave par lettre du 17 décembre 2010, ainsi motivée :

'Vous n’avez pas cru devoir vous présenter le 14 décembre 2010 à l’entretien préalable auquel vous avez été convoquée par lettre du 2 décembre 2010 reçue le 6 décembre 2010.

Nous ne pouvons que constater votre absence injustifiée depuis le 22 octobre 2010 malgré deux lettres recommandées AR en date des 28 octobre et 9 novembre 2010 vous invitant à rejoindre sans délai votre lieu de travail.

Nous vous rappelons en effet qu’à l’issue de la suspension de votre contrat de travail pour maladie consécutive à la rechute d’un accident du travail survenu chez votre précédent employeur, vous avez été examinée par le médecin du travail le 22 octobre 2010 dans le cadre de votre visite de reprise.

Le médecin du travail vous a déclarée «APTE A LA REPRISE à un travail assis». Cet avis d’aptitude imposait que vous vous présentiez sur votre lieu de travail dès le 22 octobre 2010 ce que nous vous confirmions le 28 octobre 2010.

Par lettre RAR du 9 novembre 2010, nous vous avons à nouveau rappelé que les réserves formulées par le médecin du travail avaient été prises en compte par notre Société vous permettant de poursuivre vos fonctions de commerciale au siège de l’entreprise, après une période d’adaptation et de remise à niveau sur les produits, les tarifs, la stratégie commerciale de la Société rendue nécessaire par votre absence de plus d’un an.

L’avis rendu par le médecin du travail est sans ambiguïté quant à votre aptitude à la reprise prononcée à l’occasion d’une seule et unique visite de reprise.

Cet avis s’impose à vous ainsi qu’à notre Société.

Nous ne pouvons que regretter que vous n’ayez pas tenu compte des mises en demeure des 28 octobre et 9 novembre 2010 et que vous n’ayez même pas jugé utile de nous rencontrer une seule fois depuis votre courrier.

Dans ces conditions , nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave qui prendra effet à la date de première présentation de ce courrier (…)'

Il résulte clairement de l’ensemble de ces éléments qu’à l’issue de l’unique visite de reprise du 22 octobre 2010, le médecin du travail a émis un avis d’aptitude avec réserves, dont il a précisé la portée dans ses courriers du 3 novembre et du 3 décembre 2010.

L’employeur était donc tenu de réintégrer la salariée à son poste de travail ou de lui fournir un poste similaire, sauf à prendre en considération les réserves et préconisations formulées par le médecin du travail.

Soutenant à tort que l’employeur aurait dû lui faire une proposition de reclassement suite à la constatation de son inaptitude, la salariée, qui s’est abstenue de se présenter à l’entreprise après la visite de reprise du 22 octobre 2010, à l’issue de laquelle elle avait été déclarée par le médecin du travail apte à la reprise avec des réserves, a dès lors été absente de son poste de travail sans motif légitime.

Cette absence injustifiée, qui a perduré en dépit des explications détaillées fournies par l’employeur et de deux lettres recommandées de mise en demeure, constitue une violation par l’intéressée de ses obligations contractuelles d’une importance telle qu’elle empêchait son maintien dans l’entreprise pendant la durée du préavis.

Son arrêt de travail à compter du 5 octobre 2009 ayant fait suite à la rechute d’un accident du travail survenu alors qu’elle était au service d’un précédent employeur, l’indemnité de congés payés dont elle a bénéficié a été exactement calculée par l’employeur sur sa période de travail effectif, en l’absence de dispositions conventionnelles plus favorables.

La faute grave étant par ailleurs privative des indemnités de préavis et de licenciement, le jugement qui l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes sera confirmé.

— sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les demandes des parties sur ce fondement seront également rejetées en cause d’appel et la salariée, qui succombe en son appel, en supportera les dépens, lesquels seront recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud’homale, par mise à disposition au greffe,

Reçoit l’appel,

Confirme le jugement déféré,

Rejette les demandes des parties sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne l’appelante aux dépens d’appel et dit que ceux-ci seront recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle.

LE GREFFIER. LE CONSEILLER,

POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ.

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 30 avril 2013, n° 12/00664