Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5 novembre 2013, n° 12/08753

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 5 nov. 2013, n° 12/08753
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 12/08753
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nice, 19 avril 2012, N° 10/705

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 05 NOVEMBRE 2013

N°2013/

MR/FP-D

Rôle N° 12/08753

SOCIETE NATIONALE DES CHEMIN DE FER

C/

M J

Grosse délivrée le :

à :

Me Marie-anne COLLING, avocat au barreau D’AIX-EN-

PROVENCE

Me Valérie CUNHA, avocat au barreau de NICE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud’hommes – Formation de départage de NICE en date du 20 Avril 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 10/705.

APPELANTE

SOCIETE NATIONALE DES CHEMIN DE FER, prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant XXX – XXX

représentée par Me Marie-anne COLLING, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur M J, XXX

comparant en personne, assisté de Me Valérie CUNHA, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 18 Septembre 2013, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Martine ROS, Conseiller , chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller

Madame Martine ROS, Conseiller

Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Novembre 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Novembre 2013

Signé par Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller faisant fonction de Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur K J a été engagé le 29 décembre 1997 par la SNCF en qualité d’attaché opérateur position de rémunération 05.

Le 1er décembre 1998 il obtenait la position de rémunération 06,

le 1er octobre 1999 la position de rémunération 07,

le 1er décembre 2000 la position de rémunération 08,

le 1er avril 2001 il était nommé technicien administratif des ressources humaines échelon C position de rémunération 09,

en mars 2002 il était nommé responsable de facturation à l’établissement d’exploitation des Alpes-Maritimes,

le 1er juin 2003 il était nommé technicien administrateur des ressources humaines qualification E position de rémunération 16,

le 1er avril 2006 il était nommé coordinateur CPS (commande personnel sédentaire) chef de site position de rémunération 17.

En septembre 2007 il était élu délégué du personnel et le 1er janvier 2008 délégué de commission.

Le 3 août 2009 la SNCF lui annonçait la suppression de son poste laquelle devenait effective le 1er janvier 2010.

Sollicitant sa réintégration sur le poste de coordinateur CPS, chef de site ainsi que des dommages et intérêts pour discrimination syndicale, pour suppression injustifiée de poste et pour violation de l’accord pour accompagner la mobilité (RH910) M. J a saisi le 6 avril 2010 le conseil des prud’hommes de Nice.

PROCEDURE

Par lettre recommandée postée le 15 mai 2012 la SNCF a régulièrement relevé appel du jugement de départage rendu le 20 avril 2012 par le Conseil de Prud’hommes de Nice qui a condamné la SOCIÉTÉ NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANÇAIS à le réintégrer au poste de coordinateur CPS et chef de site CPS de l’établissement d’exploitation des Alpes-Maritimes qu’il occupait jusqu’au 31 décembre 2009, dans le délai d’un mois et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard passé le délai de deux mois, ainsi qu’à lui verser les sommes de :

15 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la suppression de son poste,

5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la violation de l’accord d’entreprise instituant des mesures d’accompagnement à la mobilité,

20 000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

a ordonné l’exécution provisoire et condamné la SNCF aux dépens.

La SNCF demande à la cour de dire et juger que les conditions de suppression de poste et de reclassement de M. J sont conformes à la réglementation applicable à la SNCF, en conséquence, de réformer le jugement déféré en ce qu’il a ordonné la réintégration de l’intéressé et a condamné la SNCF au paiement d’une indemnité de 15 000 € en réparation du préjudice causé par la suppression de poste et de 5 000 € pour violation de l’accord d’entreprise, de dire et juger inexistante la discrimination syndicale invoquée par M. J, en conséquence, de réformer le jugement en ce qu’il a prononcé la condamnation de la SNCF à ce titre, dire n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 au bénéfice de M. J et condamner ce dernier à lui verser la somme de 1800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir qu’à la fin de l’ année 2009 elle a procédé à une réorganisation des établissements ce qui a eu pour effet d’entraîner une baisse des charges de direction ainsi que la suppression d’un certain nombre de postes dont celui précédemment occupé par M. J avec effet au 1er janvier 2010 ; que cette situation a fait l’objet de plusieurs réunions d’information des agents et a justifié la mise en place de la procédure d’accompagnement prévue par les dispositions internes ; qu’ainsi M. J a fait l’objet d’un entretien exploratoire le 10 octobre 2009, au cours duquel il a souhaité intégrer l’ASTI au poste de technicien assistance et maintenance en informatique ; que ce n’était que dans l’attente d’un poste correspondant à ses compétences et à ses désirs qu’il lui avait été remis une lettre de mission le 15 janvier 2010 reprenant les tâches de son ancien poste, la lettre de mission lui permettant ainsi de demeurer dans une situation semblable à la précédente jusqu’à son reclassement effectif ; que ce n’est qu’ au mois de juin 2010 que le poste recherché avait pu lui être proposé ; que l’intéressé avait bénéficié du dispositif de reconversion professionnelle, avait validé sa formation et est à ce jour avec son accord exprès attaché à un poste de TAM à Nice qualification position 2 rémunération 19 ; qu’en ce qui concerne la discrimination syndicale, celle-ci n’est pas caractérisée ; qu’en effet les entretiens individuels d’appréciation peuvent être effectués tous les deux ans pour la catégorie d’emploi de M. J ; qu’un simple décalage de trois mois ne peut sérieusement s’analyser en un fait de discrimination syndicale ; que concernant l’avancement en position de rémunération il apparaît que l’évolution de M. J correspondait à l’avancement classique prévu dans le RH 292 ; que concernant le déroulement de carrière, M. J a bénéficié des promotions auxquelles il avait droit ; qu’en ce qui concerne la gratification, si M. LE METAIS ne l’a pas perçue en 2009 , il a en 2010 bénéficié de l’Aprime qui récompense les performances individuelles et collectives d’un agent.

M. J demande à la cour,

vu le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, RH 001 ,

vu l’accord pour accompagner la mobilité résultant des mesures d’organisation et d’évolution de l’emploi RH 0910,

vu les articles L.1226-6 et suivants du Code du travail;

vu l’article 1382 du Code civil

vu la Jurisprudence, les pièces versées au débat et le jugement de départage du 20 avril 2012 :

Sur la suppression de son poste : de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit et jugé que la suppression du poste de coordinateur CPS chef de site ne repose sur aucun fondement légal et est par voie de conséquence abusive, en ce qu’il a condamné la SNCF à lui verser la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts et l’infirmer en ce qu’il a ordonné sa réintégration sur son ancien poste de coordinateur CPS chef de site sous astreinte et statuant à nouveau sur ce point de condamner la SNCF à lui verser la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts en raison de l’impossibilité de réintégrer son ancien poste et du fait que ces fonctions ont été confiées à un autre agent qui s’est vu promu cadre, ce à quoi il aurait également pu prétendre ;

sur la violation de la procédure d’accompagnement résultant du RH 0910 : de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit et jugé que la SNCF avait violé la procédure d’accompagnement et de reclassement et l’infirmer en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués et statuant à nouveau sur ce point de condamner la SNCF à lui verser la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts ;

sur la discrimination syndicale : de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit et jugé que la SNCF s’était rendue responsable à son encontre d’une discrimination syndicale et rendue responsable de faits assimilables à une discrimination syndicale à compter de septembre 2007 en raison de:

— l’absence d’entretiens individuels annuels pendant trois ans,

— absence de propositions à la notation par la hiérarchie,

— exclusion de diverses gratifications auxquelles il aurait pu prétendre alors que tous les agents du pôle en bénéficient,

— de la suppression de son poste à compter du 1er janvier 2010 et de son maintien par la direction à ses fonctions en renfort,

— du blocage du processus de reconversion,

— des propos offensants tenus à son égard,

et de l’infirmer en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués et réformant à ce titre, condamner la SNCF à lui verser la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts,

de fixer son salaire moyen,

de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SNCF à lui verser la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et condamner la SNCF en cause d’appel à lui verser sur ce même fondement la somme de 4000 €.

Il fait valoir qu’il y a eu modification abusive de son contrat de travail, sans aucun motif d’ordre économique, sans consultation préalable des représentants du personnel et sans son avis préalable, que la SNCF a violé les règles relatives à l’accompagnement des agents du cadre permanent lors d’une restructuration induisant une suppression de leur poste ,que la légitimité de la suppression de son poste n’est pas démontrée , qu’il a été victime d’une discrimination syndicale grave qui lui a causé un préjudice important.

La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues par les conseils des parties à l’audience d’appel tenue le 18 septembre 2013.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de réintégration :

M. J ne sollicite plus cette réintégration , laquelle n’est plus d’actualité , de sorte qu’il y a lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a ordonné cette réintégration sous astreinte de 100 € par jour de retard ;

Sur la demande de fixation du salaire moyen :

M J ne chiffre pas sa demande, laquelle doit en conséquence être rejetée ;

Sur la suppression du poste :

Aucune modification de son contrat de travail ou changement de ses conditions de travail ne peut être imposée sans son accord à un salarié protégé et en l’espèce il apparait que la SNCF affirme mais n’en justifie pas qu’elle était contrainte de procéder à la réorganisation de l’établissement d’exploitation voyageurs des Alpes-Maritimes et de supprimer certains postes dont celui de coordinateur commande personnel sédentaire de M. J tout en reconnaissant avoir dès le 15 janvier 2010 ,soit 15 jours après la suppression alléguée du poste, remis à ce dernier une lettre de mission reprenant « les tâches de son ancien poste » , l’avoir maintenu « en charge des mêmes tâches que celles du poste supprimé, mais sorti du cadre d’organisation et mis en excédent » ce qui signifie qu’en réalité le contenu du poste n’a pas été supprimé mais seulement son intitulé, que M. J a vu supprimer son poste tout en continuant à être maintenu sur celui-ci, ce qui représente une situation contradictoire et en tout cas non conforme tant avec les règles légales de l’article L. 1222. 6 du code du travail relatives à la modification du contrat de travail pour motif économique qu’aux règles internes prévues par le RH 0910 applicable à partir du 1er novembre 2006 concernant l'« accord pour accompagner la mobilité résultant des mesures d’organisation et d’évolution de l’emploi » ;

En effet que la SNCF n’établit ni d’ailleurs n’allègue de motif économique de nature à justifier la modification imposée à M. J d’un élément essentiel de son contrat de travail, en l’espèce la suppression de son poste et ne justifie pas davantage avoir respecté les mesures prévues au chapitre 4 du RH 0910 relatif à l’accompagnement ;

Le texte susvisé prévoit notamment que « chacun des agents ainsi définis bénéficie d’un entretien exploratoire réalisé par la ligne hiérarchique et /ou assistée de la ligne RH », entretien exploratoire qui fait l’objet d’un compte-rendu dont un exemplaire est remis à l’agent et qui ne vaut pas engagement définitif ni pour l’agent ni pour l’entreprise, que l’agent peut ensuite poursuivre sa réflexion avec un conseiller référant identifié au sein du réseau et qu’enfin le projet « est validé lors d’un entretien d’orientation, au cours duquel l’agent peut, à sa demande, être accompagné par un représentant du personnel ou un représentant syndical de l’établissement » les modalités de la mobilité étant explicitées par écrit et étant accompagnées des aides et dispositifs prévus par l’accord ;

En l’espèce si M. J a bien bénéficié le 10 octobre 2009 d’un entretien exploratoire et si lors de cet entretien il a émis le désir d’intégrer l’ASTI sur un poste de technicien assistance et maintenance en informatique, il apparaît qu’il n’a pas bénéficié de l’entretien d’orientation au motif selon la SNCF que «l’Asti n’avait pas de visibilité budgétaire lui permettant de valider l’engagement », expliquant selon elle que dans cette attente il ait été remis à l’intéressé une lettre de mission reprenant les tâches de son ancien poste ;

Ainsi M. J a vu son poste supprimé sans que parallèlement lui soit proposé dans un délai raisonnable un entretien d’orientation de nature à « valider » son projet, la directrice d’établissement, Mme A ayant d’ailleurs reconnu dans un courrier adressé à M. J le 19 février 2010 que «concernant votre demande de mutation à l’ASTI et comme je vous l’ai dit lors d’un entretien avec Mme X le 16 février 2010, votre candidature n’a pas été retenue compte tenu de problématiques budgétaires. Concernant l’avancement de votre dossier de reclassement : je n’ai pas de poste à vous proposer dans la structure actuelle de l’établissement et je n’ai pas à ce jour suffisamment de visibilité sur les évolutions futures de l’établissement pour vous proposer un poste dans la nouvelle organisation, le projet d’évolution des EEV n’ayant pas encore été soumis aux instances régionales… Enfin vous écrivez que vous vous portez candidat au poste d’assistant organisation/site CPS de qualification F. Je ne peux pas vous proposer ce poste car vous n’avez ni la qualification requise ni le potentiel F » ledit courrier concrétisant en conséquence le fait que la procédure de reclassement n’a pas été respectée préalablement ou à tout le moins concomitamment à la suppression du poste précision faite que la circonstance que M. J ait ultérieurement bénéficié d’un poste de TAM à Nice qualification E position de rémunération 19 n’est pas de nature à légitimer rétroactivement la modification abusive du contrat de travail d’un salarié protégé ;

Il apparaît en outre que contrairement à ce que la SNCF affirme le mail que Mme E, conseillère mobilité, a adressé le 4 mars 2010 à M. B, responsable des ressources humaines, à savoir :

« en faisant le point sur le dossier de votre établissement, je retrouve la demande explicite de M. K J qui postule à un poste informatique.

Je ne sais pas s’il a finalement pu mettre en oeuvre ce projet.

Si ce n’est pas le cas, il serait peut-être intéressant de l’informer de la mise en place de formation informatique pour des postes à pourvoir à Paris, Lyon et Nantes.

… Il est évident que la formation s’adresse plutôt à des qualif. B/C/D mais l’opportunité d’un poste informatique est peut-être à étudier pour cet agent … »

démontre que rien n’a été fait par la SNCF pour reclasser M. J dont la situation semble être découverte le 4 mars 2010 soit deux mois après la suppression de son poste ;

Pour ces motifs et ceux non contraires des premiers juges qui ont à juste titre considéré que la suppression du poste de M. J a eu pour effet de le contraindre à accepter un nouvel emploi comportant des tâches différentes de celles exercées auparavant il y a lieu de confirmer le jugement qui a considéré qu’il y avait une modification du contrat de travail prohibé hors de toute acceptation expresse du salarié et une violation manifeste de l’accord d’entreprise prévoyant un reclassement préalable à la réorganisation à l’aide de mesures que la SNCF ne démontre pas avoir mises en oeuvre ;

M. J démontre en outre sans être sérieusement contredit que le dossier d’information du CER de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur du 2 mars 2010 visait deux postes de qualification E qui auraient pu lui être proposés et ne l’ont pas été, un poste d’assistant gestion des budgets et contrats prestataires et un poste d’adjoint administratif et que c’est finalement tout seul qu’il a retrouvé un nouveau poste lui permettant de continuer sa carrière ;

Il y a en conséquence lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a alloué à M. J la somme de 15 000 € en réparation du préjudice causé par la suppression de son poste et de 5 000 € en réparation du préjudice causé par la violation de l’accord d’entreprise, M. J ne justifiant pas d’un préjudice supérieur à celui déjà réparé par les sommes susvisées ;

Sur la discrimination syndicale :

Aux termes de l’article L1132-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable :

« Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l’Article L3221 3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap »

et de l’article L1134-1 du même code :

« Lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles » ;

En l’espèce M. J établit qu’entre le 1er avril 2006 date de sa nomination au poste de coordinateur CPS et le 8 janvier 2010 il n’a pas bénéficié d’entretien individuel d’appréciation, qu’il n’a pas été convoqué à certaines réunions, qu’il n’a pas perçu de gratification au titre de l’année 2009 et qu’il n’a pas bénéficié à la suite de la suppression de son poste d’un reclassement conforme aux procédures en vigueur ;

Ces éléments pris dans leur ensemble laissent présumer l’existence d’une discrimination syndicale puisque l’ensemble de ces faits sont postérieurs à la nominationde M. J en qualité de délégué du personnel et de délégué de commission respectivement en septembre 2007 et le 1er janvier 2008 ;

Concernant l’absence d’entretien individuel d’appréciation la SNCF fait valoir qu’un entretien avait été programmé le 12 octobre 2009 par sa supérieure hiérarchique, Mme X, mais qu’il a dû être décalé plusieurs fois en raison de contraintes d’emploi du temps de cette dernière et des absences de M. J et produit à ce titre l’agenda de Mme X qui d’une part ne saurait constituer une pièce probante s’agissant de la photocopie d’un agenda dont on ignore l’année et qui n’est en toute hypothèse pas de nature à justifier un report au 8 janvier 2010 , plusieurs dates étant disponibles, nonobstant les absences de M. J en novembre et décembre 2009, pour permettre à cet entretien d’appréciation de se tenir ;

Contrairement à ce qu’indique la SNCF ce n’est pas un simple décalage de trois mois qui est à relever mais un intervalle de deux ans et neuf mois entre l’entretien du 20 mars 2007 et celui du 8 janvier 2010, intervalle injustifié de nature nécessairement à nuire à la progression de carrière de M. J et ce ne sont pas les exemples donnés par la SNCF concernant d’autres salariés n’ayant pu bénéficier eux non plus d’entretiens réguliers qui sont de nature à justifier le retard pris à organiser celui de M. J ;

Il ressort d’un document produit par la SNCF relatif aux entretiens individuels que l’entretien individuel d’appréciation de développement « qui prépare l’évolution du collaborateur en composant son profil de compétences et en identifiant des hypothèses d’évolution professionnelle » est réalisé « a minima à tous les deux ans. Il prépare les décisions du comité de carrière » de sorte que la SNCF ne peut contester que le non-respect du délai minimum prévu est de nature à nuire à la carrière de M. J ;

Ainsi la SNCF ne démontre pas que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination puisqu’il est à noter que depuis son embauche en décembre 1997 M. J a bénéficié pratiquement chaque année d’un entretien d’appréciation et qu’à compter de sa nomination en qualité de délégué syndical en septembre 2007 il n’en a plus bénéficié jusqu’au 8 janvier 2010 ;

Le retentissement de cette absence d’entretien sur la carrière de M. J est concrétisé par la mention portée sur l’entretien individuel d’appréciation du 15 janvier 2010 réalisé par Mme X, à savoir : « en l’absence d’EIA depuis 2006, l’évaluation de K n’a pas pu se faire en fonction d’objectifs » l’entretien du 20 mars 2007 étant même oublié par la notatrice ;

Concernant l’avancement en position de rémunération la SNCF indique que l’attribution des positions et qualifications n’est pas automatique et doit être justifiée par les connaissances acquises et s’effectue hors des opérations de classement et de notation mais n’apporte aucun démenti à la situation décrite par M. J concernant M. C dont elle ne produit pas , malgré la demande qui lui en a été faite, le relevé de carrière ;

En effet que M. J indique au travers de deux documents intitulés « note salariale 2011 cadre permanent classement en position notations en niveau et qualification » et « revue de potentiel 2009» qu’un agent de maîtrise ne pouvait avoir son potentiel de cadre validé que s’il avait occupé au moins deux postes différents sur la qualification E et passé deux ans au moins sur le niveau 2 de la qualification E à la date de la réunion de revue de potentiel et que le cas de M. C démontre que celui-ci a eu une évolution de carrière sans que les normes ci-dessus aient été respectées, la SNCF se contentant d’indiquer que la notation se faisant au choix, « il n’y avait rien d’étonnant à ce que M. C, compte tenu de ces états de service, ait pu être noté avant M. J alors qu’il n’était que neuvième sur le listing de notation », sans répondre à l’argument de M. J concernant les préalables nécessaires à l’accession à la qualification supérieure ;

Par ailleurs que M. J établit au travers des attestations concordantes analysées par le jugement déféré émanant de Mme D, agent SNCF, et de Mme G, ex cadre commercial SNCF à Nice , non sérieusement contredites par les attestations de Mme A, directrice générale de l’établissement, de Mme Y, cadre SNCF et de M. I, cadre SNCF , que lors d’une réunion du 30 novembre 2009 ce dernier aurait indiqué, concernant la suppression du poste de M. J que ce n’était pas « un problème de poste mais de personne sur le poste », ce que le contexte global de la suppression alléguée du poste de M. J vient confirmer, puisque à défaut de motif réel justifiant la suppression du poste en question ce ne peut être qu’un motif autre, et nécessairement personnel, qui a motivé la suppression et l’absence de tout reclassement conforme aux procédures en vigueur ;

La SNCF ne conteste pas davantage que M. J n’a pas touché de gratification en 2009 sans en expliquer le motif , absence de gratification qu’elle justifie en vain et de façon inopérante par le fait que l’intéressé aurait bénéficié en 2010 de l’Aprime ;

M. J produit également un e-mail que lui a adressé M. H le 17 septembre 2008, à savoir :

« Gilbert me confirme que tu n’as pas été invité au séminaire. C’est un énorme loupé… Je voulais donc te demander de m’en excuser, je n’ai pas re- pointé les listes et je ne m’en suis pas aperçu lors de la préparation. Tu seras au prochain!!! » ainsi qu’un mail qu’il a adressé à M. H le 17 août 2009, non contesté, dans lequel il se plaint que « des modifications soient effectuées dans le système sans que mon assistante ou moi-même en soyons informés », ainsi qu’un autre mail qu’il a adressé le 17 mars 2009 à M. C et à Mme X dans lequel il se plaint de « certains changements d’affectations effectués sans qu’aucune personne ne soit avisée au préalable… avec les problèmes de gestion de personnel que cela peut engendrer » et indique qu’à l’ avenir « le site CPS et les opérateurs CPS souhaiteraient être avertis au préalable de chacune de ces modifications » ou fait encore valoir le fait que Mme A n’ait pas répondu à l’un de ses courriers du 30 novembre 2009 attendant le 22 janvier 2010 pour le faire ou encore le fait qu’il n’a pas été destinataire en copie de mails adressés en février 2010 par M. B, responsable ressources humaines ou par Mme F, adjointe relations sociales, dans des affaires concernant son service, ces documents étant de nature à démontrer une mise à l’écart qui prendra toute son ampleur par la suppression injustifiée de son poste ;

La SNCF ne justifiant pas que ses décisions soient justifiées par des motifs objectifs étrangers à toute discrimination c’est à juste raison que le jugement déféré a jugé que les décisions défavorables prises à l’égard de M. J constituaient des actes de discrimination syndicale ;

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré qui a alloué à ce titre à M. J la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts ;

L’indemnité de procédure :

Il y a lieu de confirmer le jugement qui a condamné la SNCF à payer à M. J la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner en cause d’appel à lui payer sur ce même fondement la somme de 2000 € ;

PAR CES MOTIFS

La cour,statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a ordonné sous astreinte la réintégration de M. J au poste de coordinateur CPS et chef de site CPS de l’établissement d’exploitation des Alpes-Maritimes,

Rejette toute demande plus ample ou contraire,

Condamne la SOCIETE NATIONALE DE CHEMINS DE FER FRANÇAIS aux dépens ainsi qu’à verser à M. K J la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT

G. BOURGEOIS

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