Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 19 décembre 2014, n° 13/21434

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 19 déc. 2014, n° 13/21434
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 13/21434
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Digne, 13 octobre 2013, N° 12/153

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 19 DECEMBRE 2014

N°2014/883

Rôle N° 13/21434

I AP AQ AZ

C/

SA SOCIETE CHANIS

Grosse délivrée le :

à :

Me Pascaline MOMOT, avocat au barreau d’AIX-EN-

PROVENCE

Me Virginie SAUVAT, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DIGNE-LES-BAINS – section C – en date du 14 Octobre 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/153.

APPELANTE

Madame I AP AQ AZ, XXX

représentée par Me Pascaline MOMOT, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SA SOCIETE CHANIS, XXX – XXX

représentée par Me Virginie SAUVAT, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 23 Octobre 2014, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame BL-Vianneytte BOISSEAU, Président de Chambre, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BL-Vianneytte BOISSEAU, Président de Chambre

Madame Pascale MARTIN, Conseiller

Mme Hélène FILLIOL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme AG AH.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Décembre 2014

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Décembre 2014

Signé par Madame Pascale MARTIN, Conseiller, en l’absence du Président empêché, et Mme AG AH, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Madame I AP AQ AZ a été engagée par la société CHANIS, qui exploite un supermarché à Les MEES (04190) sous l’enseigne d’INTERMARCHE, suivant contrat à durée indéterminée à compter du 11 octobre 1988, en qualité de caissière.

Elle a été promue au poste de chef caissière en 1990.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Par courriers recommandés du 19 novembre 2007, du 19 février 2009 puis du 15 juillet 2010, son employeur lui notifiait trois avertissements.

Madame AP AQ AZ était absente pour cause de maladie à compter du 27 juillet 2010.

A l’issue de deux visites de reprise passées le 5 et le 19 septembre 2011, le médecin du travail l’a déclarée 'inapte à tous postes dans l’entreprise. Serait apte sur un autre magasin'.

Par décision du 24 novembre 2011, l’inspecteur du travail a confirmé l’avis d’inaptitude définitif émis par le médecin du travail le 19 septembre 2011 et décidé que Madame I AP AQ AZ est 'inapte à son poste de travail et à tous postes dans la SA CHANIS – INTERMARCHE LES MEES'.

Par courrier recommandé du 29 novembre 2011, Madame I AP AQ AZ a été convoquée par son employeur à un entretien préalable fixé au 9 décembre 2011 puis licenciée par lettre recommandée du 13 décembre 2011 en ces termes exactement reproduits :

' Madame,

Comme suite à l’entretien que nous avons eu le 9 décembre 2011, au cours duquel vous étiez assistée par Monsieur C en qualité de représentant de salariés agréé, et en application de l’article L.1222-2 du code du travail, nous vous notifions par la présente, votre licenciement.

La première présentation de votre lettre de licenciement marquera le point de départ de votre préavis de 2 mois, au terme duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu. Toutefois compte-tenu que votre inaptitude vous l’empêche de l’exécuter , ce préavis ne vous sera pas rémunéré. Nous tenons toutefois dès à présent à votre disposition le solde de tout compte, votre certificat de travail, ainsi que l’attestation destinée au pôle emploi.

En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, il s’agit de ceux qui vous ont été exposés lors de l’entretien précité du 9 décembre 2011 à savoir votre inaptitude à tout emploi dans l’entreprise constatée en date du 19 septembre 2011 par le médecin du travail, confirmée par le médecin inspecteur régional du travail en date du 17 novembre 2011, et l’impossibilité de vous proposer un quelconque reclassement au sein de l’entreprise.

Nous vous indiquons par ailleurs que vous pouvez faire valoir les droits que vous avez acquis au titre du droit individuel à la formation …..'.

Contestant le bien fondé de la mesure de licenciement prise à son encontre, Madame I AP AQ AZ a saisi le 30 juillet 2011 la juridiction prud’homale.

Par jugement du 14 octobre 2013, le conseil de Prud’hommes de DIGNES LES BAINS a considéré ' les avertissements pris à l’encontre de Madame I AP AQ AZ disproportionnés et infondés', a demandé à La société CHANIS 'de lever les trois avertissement pris à l’encontre de Madame I AP AQ AZ en 2007, 2009 et 2010", a dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, a débouté la salariée de ses demandes, y compris celle présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens.

Ayant régulièrement relevé appel, Madame I AP AQ AZ conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a annulé les trois avertissements dont elle a fait l’objet en 2007, 2009 et 2010 et demande à la cour de réformer le jugement pour le surplus et à titre principal de dire que la dégradation de son état de santé est due aux inexécutions par l’employeur de son contrat de travail, d’annuler en conséquence le licenciement prononcé à son encontre, celui-ci trouvant son origine dans des faits de harcèlement moral imputables à l’employeur, à titre subsidiaire de dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, en conséquence en toute hypothèse de condamner La société CHANIS à lui verser les sommes suivantes :

-3166€ bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

—  316€ bruts au titre des congés payés y afférents,

—  28 494€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L.1235-3 (18 mois de salaire),

—  10 000€ à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

—  5000€ à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité et de résultat qui pèse sur l’employeur,

—  2000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

de dire que l’ensemble des condamnation porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine, par application de l’article 1153-1 et suivants du code civil.

L’intimée conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a prononcé l’annulation des trois avertissements et à la confirmation du jugement pour le surplus et réclame 2000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud’hommes et aux écritures déposées visées par le greffier, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les avertissements

Attendu que par courrier recommandé du 19 novembre 2007, la société CHANIS a notifié à Madame AP AQ AZ un avertissement en ces termes : ' Madame AI AZ I,

Le vendredi 16 novembre 2007 à 09h30, vous avez tenu à l’égard de Mme Y I, sur votre lieu de travail, des propos intolérables visant sa vie privée. Cette attitude nous conduit à vous notifier un avertissement. Nous espérons que de tels faits ne se reproduiront plus, dans le cas contraire nous serions contraints d’ envisager à votre encontre une sanction plus grave …' ;

Attendu que par courrier recommandé du 22 novembre 2007, Madame I AP AQ AZ a contesté le bien fondé de cette sanction disciplinaire : ' ….je n’ai prononcé aucune insulte et à aucun moment je n’ai porté atteinte à sa vie privée. Cette altercation n’était qu’un échange de mots assez vifs, qui peut se passer entre deux salariés, dans toute entreprise, et comme il s’en est passé plusieurs fois dans notre magasin. J’ai pu m’apercevoir que Mme Y I notamment a eu des comportements qui n’ont jamais été sanctionnés. Je me pose des questions sur cette manière de faire il me semble qu’il y a deux poids deux mesures….';

Attendu que par courrier du 26 novembre 2007, l’employeur a maintenu l’ avertissement ;

Attendu que l’employeur produit une lettre de Mme I Y en date du 16 novembre 2007 aux termes de laquelle celle-ci AX avoir eu le '16 novembre à 9h30 une altercation sur des désaccords professionnels avec Mme AP AQ … au cours de cet entretien Madame I AP AQ AZ a soudainement dirigé la conversation sur ma vie privée elle m’a dit exactement 'tu fais la belle ici parce que tu ne peux plus la faire chez toi. Je sais des choses’ ;

Attendu que la salariée, qui conteste avoir insulté Mme Y, relève à bon droit, que l’employeur aurait pu organiser une confrontation entre elles deux, avant de confirmer son avertissement compte-tenu des contestations qu’elle avait formulées dans son courrier du 22 novembre 2007 ;

Attendu que l’employeur ne produit pas les témoignages des salariés présents lors des faits, notamment le témoignage de Monsieur Z, directeur du magasin, auquel il est fait référence dans la lettre de confirmation d’avertissement du 26 novembre 2007 précitée ;

Attendu qu’aucun élément ne venant corroborer la version de Mme Y, le doute doit profiter au salarié ;

Attendu qu’il s’ensuit que les faits reprochés à Madame I AP AQ AZ n’étant pas établis, il y a lieu en confirmant le jugement, d’annuler l’avertissement du 19 novembre 2007 ;

Attendu s’agissant du second avertissement que par courrier recommandé du 19 février 2009, la société CHANIS a notifié à Madame I AP AQ AZ un second avertissement en ces termes : ' dans le cadre d’une remise d’espèce ensachée par vos soins le 27 janvier 2009 pour ramassage par la société EUROVAL le 28 01 2009, il s’avère qu’il manquait dans la pochette n° 256114.5 un billet de deux cents €.

L’écart et l’identification du manquant a pas été vérifié et constaté le 29 janvier 2009 suite à la vérification du relevé de banque et du fax que la société EUROVAL nous a envoyé le 04 02 2009 où il est stipulé l’absence du billet de 200 € dans la pochette n° 256114.5 . Malgré toutes les fouilles et vérifications dans le bureau des caisses du magasin , nous n’avons absolument pas retrouvé ce billet manquant.

Nous avons en parallèle demandé à la société EUROVAL une vérification approfondie chez eux du comptage de la remise ramassée le 28 janvier 2009 et la Direction de la société EUROVAL est totalement formelle quand à l’absence de ce billet dans la pochette concernée. Vous voudrez bien trouver en copie l’attestation de cette société, comportant toutes les procédures effectuées par la société EUROVAL.

Il s’avère qu’il n’y a aucun doute possible quand au manque de ce billet de 200 €. Ce fait correspond à un manquement grave de votre part et parfaitement inadmissible de la part d’une responsable adjointe de caisse dans le cadre de vos fonctions définies dans votre contrat de travail.

Nous vous informons qu’en cas de nouvelle erreur de cette nature, nous serions contraints d’envisager à votre encontre une sanction plus grave pouvant aller jusqu’à votre licenciement..' ;

Attendu que par courrier du 18 mars 2009 Madame I AP AQ AZ a contesté les faits qui lui étaient reprochés en invoquant les motifs suivants ' 1. Je n’ai su ce qui se passait par la comptable que 8 jours après (billet de 200€ manquant), 2. Je suis allée voir dès que je l’ai appris en vous précisant que pour moi la totalité de la pochette était bien partie 3. Le fait que le fax n’arrive que trop tard n’a pas permis que la caméra installée dans le local des caisses ne puisse prouver ma façon de procéder. ' ;

Attendu que par courrier du 27 mars 2009, l’employeur a maintenu cet avertissement ;

Attendu que la société de transport de fonds et valeurs EUROVAL, dans un courrier du 10 février 2009, a confirmé à la société CHANIS l’absence du billet de 200€ dans la pochette n°256114.5 et le respect des différentes procédures mises en place au sein du service comptage le jour des faits, notamment 'la vérification d’une ouverture frauduleuse du sac, appel d’une responsable de caisse pour valider la différence après contrôle de celle-ci (enregistrement video…';

Attendu qu’aux termes du contrat de travail liant les parties, Madame AP AQ AZ avait la responsabilité de l’enregistrement et de l’encaissement de ses ventes, l’article 3 du contrat précisant que 'toute erreur de caisse est susceptible d’être sanctionnée disciplinairement’ ;

Attendu que l’appelante, ne conteste pas sérieusement avoir 'ensaché’ le 27 janvier 2009 dans la pochette n° 256114.5« la remise d’espèce pour ramassage par la société EUROVAL le 28 01 2009 » ;

Attendu dès lors qu’elle ne peut valablement contester être responsable du’manque’ du billet de 200€ dans ladite pochette au motif énoncé dans ses conclusions 'qu’elle n’a pas été immédiatement mise en cause de sorte que la société de transport de fonds n’a pas été alertée aussitôt les faits produits ce qui n’a pas permis de visionner la vidéo installée dans le local des caisses ' alors qu’il est établi que la société EUROVAL a envoyé un fax le jour même à l’employeur mais que ce fax n’a été reçu que tardivement de sorte qu’aucune faute ne peut être reprochée à la société CHANIS ;

Attendu au vu de ce qui précède, que le fait reproché à Madame I AP AQ AZ justifiait le prononcé d’un avertissement ; qu’il y a donc lieu, en infirmant le jugement sur ce point, de rejeter la demande d’annulation de l’avertissement du 19 février 2009 ;

Attendu s’agissant du troisième avertissement, que par courrier du 15 juillet 2010, l’employeur a notifié à la salariée un avertissement en ces termes : ' Madame, nous sommes conduits à vous notifier par la présente un avertissement reposant sur les raisons suivantes : le jeudi 24 juin 2010, a été dérobé la somme de 480€ par une salariée de l’entreprise, hôtesse de caisse de surcroît, qui avait remarqué un caisson de caisse posé à même le coffre du bureau des caisses : l’hôtesse de caisse, une saisonnière embauchée pour la période estivale, avait fermé sa caisse le soir et retiré son caisson sans avoir effectué les derniers prélèvements de fin de journée. Cette absence de contrôle de la responsable présente, en l’occurrence vous même, a permis, à ce vol de prendre les proportions considérables que nous connaissons. De plus la porte blindée du bureau des caisses était fermée, le temps d’un instant ouverte, rendant le vol encore plus tentant. Vous aurez remarqué que la notification de l’avertissement n’a pour objet, ni le vol, ni la porte ouverte : ces deux faits n’étant pas directement de votre responsabilité’ ;

Attendu que l’appelante, qui ne conteste pas dans son courrier en réponse du 21 septembre 2010, ne pas avoir contrôlé les caisses à la fin de la journée du 24 juin 2010, notamment celle qui a fait l’objet d’un vol, ne peut sérieusement justifier son attitude par le fait qu’il était tard et qu’il y avait beaucoup de monde dans le magasin ;

Attendu en effet, qu’il n’est pas sérieusement discuté que Madame AP AQ AZ avait notamment comme fonction, en sa qualité de chef caissière, de contrôler les caisses des caissières placées sous sa responsabilité et que ce contrôle effectué en fin de journée, s’il avait été réalisé, lui aurait permis de constater qu’une des caissières avait fermé sa caisse et retiré son caisson sans avoir effectué les derniers prélèvements et que ce faisant, le vol de 480€ aurait pu être évité ;

Attendu qu’il importe peu, contrairement à ce que soutient l’appelante, que la somme de 480€ ait été retrouvée, et que le lendemain du vol, elle ait informé la responsable du magasin de la disparition des 480€, le seul fait qu’elle n’ait pas exercé le contrôle des caisses qui lui incombait en exécution de son contrat de travail, justifiant un avertissement ;

Attendu qu’il y a lieu, en infirmant le jugement, de rejeter la demande d’annulation de l’avertissement du 15 juillet 2010 ;

Sur le harcèlement moral

Attendu qu’aux termes de l’article L-1152-1 du code du travail ' aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ' ;

Que l’article L 1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement;

Attendu en l’espèce que l’appelante expose que les relations contractuelles avec son employeur se sont dégradées après son retour de congé maternité en février 2000 ; qu’ainsi, lors de la reprise de ses fonctions le 7 février 2000, son employeur l’a rétrogradée au poste de caissière ; qu’elle n’a pu retrouver son poste de chef caissière le 10 juillet 2000, soit après cinq mois de relances et de démarches auprès de l’inspection du travail ;

Attendu qu’elle soutient par ailleurs que son employeur ne va pas cesser par la suite de la harceler pour la pousser au départ ; que les pressions de celui-ci prendront notamment la forme de trois avertissements injustifiés, notifiés entre 2007 et 2010 alors qu’elle était déléguée du personnel adjointe ;

Attendu qu’elle reproche encore à son employeur dans les mois qui ont précédé le troisième avertissement, de lui avoir imposé une modification de ses horaires de travail de façon abusive et malveillante ;

Attendu qu’elle soutient en outre avoir été l’objet depuis 2007 et de façon récurrente de reproches injustifiés de la part de son employeur sur la qualité de son travail et d’une pression morale permanente de celui-ci qui prenait la forme de propos déplacés à son encontre ;

Attendu qu’elle conclut que le comportement de sa hiérarchie a eu des conséquences sur son état de santé ; qu’elle souffre depuis le 27 juillet 2010 d’un état dépressif réactionnel à ses conditions de travail ;

Attendu que pour étayer ses allégations, Madame I AP AQ AZ produit plusieurs attestations d’anciens salariés de l’entreprise :

— celle de Monsieur N O qui certifie ' avoir pu constater à différentes reprises Madame I AP AQ AZ en situation difficile avec le directeur de magasin depuis le 18 janvier 2010. Car celui-ci était en permanence dernière elle, de manière récurrente et injustifiée ceci dans le but de la déstabiliser pour la pousser à la faute et par conséquent qu’elle quitte elle même la société ' ; que Mme X AF AX :' … depuis l’arrivée de Monsieur E, directeur du magasin, je reconnais que Mme AP AQ a subi à plusieurs reprises des pressions de ses supérieurs devant moi même étant souvent en caisse avec Madame I AP AQ AZ, et je l’ai vue en pleurs stressée et souvent harcelée au téléphone. J’ai eu moi-même beaucoup de différends avec le chef caissier…' ;

— celle de Madame A AU qui déclare 'avoir travaillé à intermarché d’octobre 1988 à juin 2011 en qualité de responsable charcutière. Depuis 2000, quand Mme AP AQ est revenue de son congé maternité rétrogradée de son poste de chef caissière j’ai pu être témoin à maintes reprises des accusations fausses et injustifiées ainsi qu’un acharnement de la direction à son encontre… devant une telle pression il était de plus en plus difficile pour I de travailler sereinement sans crise de larme’ ;

— celle de Mme B U qui AX ' avoir été témoin à plusieurs reprises de confrontations entre la direction et Mme AI. Ces derniers étaient toujours au détriment de cette employée qui n’était en aucun cas responsable de ce dont on l’accusait. I était de plus en plus déprimée. Lors de convocations répétées par la direction elle en revenait sanglotante cette situation s’est aggravée lors de l’arrivée de la nouvelle direction … pour ma part j’ai du négocier une rupture conventionnelle de mon contrat…' ;

— celle de Monsieur AR AS qui témoigne en ces termes : ' j’ai travaillé à Intermarché les mees du 1er juin 2006 au 23 octobre 2009 en tant qu’employé frais libre service puis responsable fruit et légume. Durant cette période, j’ai pu être témoin à plusieurs reprises des différents problèmes que Mme AP AQ a subis dans l’entreprise du fait que nous avions le même bureau. En effet, j’ai constaté un harcèlement et une pression illégitime envers I et l’ai vue pleurer plusieurs fois’ ;

— celle de Monsieur D W qui certifie :' Madame I AP AQ AZ a été accusée à tort devant moi et la déléguée du personnel il a pu être démenti ces faits ..';

— celle de Madame BK BL-BM, hôtesse de caisse de juin 2007 au 31 mai 2010, qui atteste '…. j’ai pu constater qu’à plusieurs reprises I a été l’objet d’accusations et a subi des pressions de ses supérieurs …. La nomination de quelqu’un d’autre au poste de chef caissière début 2009 a fait beaucoup de mal à I car cette place lui revenait de droit et d’ancienneté. Tous ces faits ont contribué à nuire à sa santé et au moral d’I ' ;

— celle de Mme R S, caissière saisonnière de l’entreprise, qui atteste ' le 16 juin 2010 lors de la prise de mon fond de caisse, je constate que celle-ci n’est pas juste; je préviens immédiatement Madame I AP AQ AZ ma supérieur et procédons à une vérification et constatons une différence de 350€ environ. Mme AP AQ en réfère immédiatement à Monsieur G le directeur… je sais que seulement au bout de quelques jours l’argent a été retrouvé… il existait dans cet établissement une très mauvaise ambiance et Mme AP AQ faisait particulièrement l’objet de représailles injustifiées de la part de la direction ' ;

— celle de Monsieur AC AD, H, qui déclare : ' de octobre 1988 à fin janvier 1992 Madame I AP AQ AZ a toujours rempli sa mission de caissière puis de chef de caisse avec sérieux et loyauté. Elle nous a donné entière satisfaction ';

Attendu qu’elle produit également les attestations de 6 clients du magasin, Mademoiselle AN AO,Mme AA AB, Monsieur P Q , Madame AL K, Madame BN BL-BP, et Mme J K, qui témoignent notamment du’ comportement exemplaire’ de Madame AP AQ AZ à l’égard des clients du magasin, de son amabilité, et de 'son professionnalisme’ ; que Mme J K AX par ailleurs : ' un jour alors que nous partagions un café à la maison Madame I AP AQ AZ en pleurs qui se confiait à moi m’a expliqué ce qu’elle vivait à son travail qu’on l’accusait à torts d’avoir commis des actes malhonnêtes, vol d’argent etc… ';

Attendu qu’elle produit en outre :

— une lettre de Mme X AF (attestation précitée) en date du 20 janvier 2006, adressée à la direction de la société CHANIS et transmise en copie à l’inspection du travail de Digne, aux termes de laquelle celle-ci demande à son employeur de respecter un certain nombre de ses droits ;

— son courrier du 11 avril 2000 adressé à son employeur suite à sa reprise du 7 février 2000, aux termes duquel elle lui demande notamment 'de lui rendre sa place de chef caissière’ et un courrier joint non daté adressé à l’inspecteur du travail ;

— la réponse du contrôleur du travail en date du 12 mai 2000 lui proposant de prendre rendez vous auprès de son secrétariat,

— son courrier du 10 mai 2000 adressé à son employeur prenant acte 'de la confirmation formelle 'de celui-ci de la reprise de ses fonctions de responsable de caisse à compter du 10 juillet 2000, avec une formation préalable de deux mois aux nouvelles technologies ;

— les 3 avertissements précités du 19 novembre 2007, du 19 février 2009 et du 5 juillet 2010,

— ses trois courriers de contestation d’avertissement du 22 novembre 2007, du 18 mars 2009 et du 21 septembre 2010,

— son courrier recommandé du 4 mars 2011 dans lequel elle fait état de faits de harcèlement moral et la réponse de l’employeur du 29 mars 2011,

Attendu qu’elle produit enfin son avis d’arrêt de travail initial du 7 septembre 2010, un certificat médical du Docteur F, psychiatre en date du 22 septembre 2011 qui AX que Madame I AP AQ AZ 'souffre d’un état anxiodépressif réactionnel à ses conditions de travail, que cet état de santé nécessite un traitement antidépresseur et tranquillisant ainsi qu’une psychothérapie régulière de soutien, et la rend inapte définitivement à reprendre le travail dans l’entreprise qui l’emploie, avec risque de mise en danger immédiat et sans possibilité de reclassement', un certificat médical de ce même psychiatre en date du 16 septembre 2014 ainsi rédigé ' celle-ci souffre d’un état anxio-dépressif réactionnel d’après ses dires à ses anciennes conditions de travail. Cet état de santé a nécessité un arrêt de travail du 27 juillet 2010 au 3 septembre 201, suivi de son licenciement le 15 décembre 2011 pour inaptitude médicale et nécessite toujours un traitement antidépresseur et tranquillisant, ainsi qu’une spychothérapie de soutien', deux fiches d’aptitude médicale du 5 septembre et du 19 septembre 2011 du médecin du travail portant pour la première mention ' inapte 15 jours’ et pour la seconde’inapte à tout poste sur l’entreprise. Serait apte sur un autre magasin', la décision de confirmation de l’inspecteur du travail en date du 24 novembre 2011 ;

Attendu que la salariée établit ainsi l’existence matérielle de faits précis et concordants, qui, pris dans leur ensemble, pourraient permettre de présumer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre ;

Attendu que la société CHANIS, qui sollicite la confirmation du jugement de ce chef, réfute les allégations de Madame I AP AQ AZ et soutient que la preuve du moindre agissement qui caractériserait un harcèlement moral n’est pas rapportée ;

Attendu que force est de constater que la prétendue rétrogradation invoquée par l’appelante n’est pas établie ;

Attendu en effet qu’il ressort des éléments de la cause en particulier des échanges de courriers entre Madame I AP AQ AZ et la société CHANIS, qu 'en février 2000 lorsque la salariée a repris son activité professionnelle suite à son absence de 15 mois pour cause de congé maternité, la société CHANIS l’ a affectée temporairement à un poste de caissière afin qu’elle se forme aux nouvelles procédures mises en place durant son absence ; que la salariée, qui ne conteste pas le fait que de nouvelles technologies de gestion des caisses aient été mises en place durant son absence, ne peut sérieusement reprocher à son employeur de l’avoir affectée à un poste de caissière lors de sa reprise, dès lors qu’il s’agissait d’une affectation temporaire avec pour objectif sa formation et ce faisant sa remise à niveau et que son salaire restait celui d’une chef caissière comme en attestent ses bulletins de paye sur la période concernée ;

Attendu que l’appelante se contente d’affirmer sans produire aucun élément probant que son employeur lui aurait indiqué à son retour dans l’entreprise en février 2010 qu’elle ne retrouverait jamais son ancien poste de travail ;

Attendu qu’il n’est pas discuté qu’elle a retrouvé son poste de chef caissière à l’issue de cette période de remise à niveau, soit le 10 juillet 2000 ;

Attendu qu’il s’ensuit que ce premier grief n’est pas établi ;

Attendu ensuite s’agissant des avertissements, qu’il résulte de ce qui précède que deux des trois avertissements notifiés par la société CHANIS de 2007 à 2010 étaient justifiés ;

Attendu de plus que c’est à bon droit que l’employeur relève que la 'notification de trois avertissements en trois ans ne présente pas une fréquence exceptionnelle révélant un caractère insupportable’ ;

Attendu que la salariée invoque l’existence d’une discrimination syndicale sans produire aucun élément probant à l’appui de cette affirmation ;

Attendu que l’ avertissement injustifié du 19 novembre 2007 pris par l’employeur dans le cadre de l’exercice de son pouvoir disciplinaire, ne saurait être considéré comme constitutif d’un fait de harcèlement moral ;

Attendu s’agissant de la modification de ses horaires de travail (initialement le matin de 8H à 14H ou 15H/ puis fixé de 13H/13H30 à 19H/19H30) que la salariée, qui reconnaît que la modification des horaires de travail relève du pouvoir de direction de l’employeur, ne produit aucun élément établissant que cette modification de ses horaires de travail, lui aurait été imposée par la société CHANIS de façon abusive ou malveillante;

Attendu enfin s’agissant des reproches injustifiés et récurrents de son employeur sur la qualité de son travail et de la pression morale permanente pesant sur elle, que l’intimée produit 17 attestations de salariés de l’entreprise qui témoignent, comme le relève justement la salariée en des termes similaires, de l’absence de pressions ou de harcèlement moral de la direction sur les salariés de l’entreprise ;

Attendu qu’il ressort de la lecture des attestations de Mme X, de Monsieur A, de Monsieur B et de Monsieur D produites par la salariée, que ceux-ci ont quitté l’entreprise alors qu’ils étaient en conflit avec leur employeur ; que c’est donc à juste titre que l’employeur relève que cette situation permet de douter de l’objectivité de leurs témoignages ;

Attendu au surplus que ces attestations comme celles des autres anciens salariés de l’entreprise produites par l’appelante, sont rédigées en des termes généraux, aucun des témoins ne donnant de précisions notamment sur la date des faits relatés, le contenu des’ accusations’portées à l’encontre de Madame I AP AQ AZ, la nature 'des pressions’ exercées sur celle-ci, et l’identité du supérieur hiérarchique à l’origine des faits ; qu’il s’ensuit qu’elles ne peuvent être retenues comme élément de preuve d’un quelconque fait de harcèlement moral ;

Attendu de même que les attestations des clients du magasin dont le contenu a été ci-dessus rappelés, n’établissent nullement la réalité de faits de harcèlement moral, ces derniers se contentant de témoigner des qualités de Madame I AP AQ AZ ou, pour ce qui concerne Mme J AK, de rapporter les propos de l’appelante sans avoir été témoin des faits relatés ;

Attendu enfin, s’agissant de l’état de santé de Madame AP AQ AZ, que celle-ci ne peut pas plus valablement affirmer qu’elle a été placée en arrêt de travail à compter du 27 juillet 2010 en raison d’une dépression nerveuse liée au comportement de son employeur dès lors qu’elle ne verse aux débats aucun certificat médical contemporain de cette période, ni aucun élément corroborant ses dires ; que les éléments qu’elle produit datent de plus d’un an après son arrêt de travail initial ; que la fiche de reprise du médecin du travail du 11 octobre 2010 porte la mention’vu ce jour’ ; que les fiches de reprise du médecin du travail en date des 5 et 19 septembre 2011 se prononcent sur l’aptitude de la salariée mais ne fournissent pas d’élément sur sa maladie ; que les certificats médicaux du Docteur F précités en date du 22 septembre 2011 et du 16 septembre 2014 font état ' d’un état anxiodépressif réactionnel’ en lien ' d’après les dires de Madame I AP AQ AZ à ses anciennes conditions de travail’ mais ne permettent pas d’imputer cet état à l’employeur ou à un quelconque fait de ce dernier ; que le certificat médical du 16 septembre 2014 établit uniquement que Madame AP AQ AZ a toujours besoin d’un traitement antidépresseur et tranquillisant ainsi qu’une psychothérapie de soutien ;

Attendu en considération de ce qui précède que l’employeur démontre que les faits matériellement établis par la salariée sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral doit être rejetée ; que le jugement doit être confirmé sur ce point ;

Sur l’obligation de sécurité résultat de l’employeur

Attendu que la salariée n’apporte aucun élément établissant l’existence d’agissements de harcèlement moral dont elle aurait été victime et pour lesquels l’employeur aurait dû prendre les mesures nécessaires ;

Attendu en conséquence qu’elle doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour non respect de l’obligation de sécurité résultat sur le fondement de l’article L1152-4 du code du travail doivent en conséquence être rejetées ; que le jugement doit être confirmé sur ce point ;

Sur le licenciement

Attendu que c’est à bon droit que l’appelante fait valoir que l’avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout emploi dans l’entreprise ne dispense pas l’employeur de son obligation de reclassement ;

Attendu toutefois qu’il ressort des éléments de la cause que l’avis du médecin du travail confirmé par la décision de l’inspecteur du travail précités excluaient tout reclassement de Madame I AP AQ AZ au sein du supermarché des MEES ;

Attendu que c’est vainement que la salariée fait valoir qu’en effectuant dès le 19 octobre 2011 des démarches de reclassement auprès d’autres points de vente Intermarché, la société CHANIS ' a admis que son obligation de reclassement devait s’apprécier à travers l’ensemble des magasins à l’enseigne d’intermarché ' et qu’en limitant ses démarches à 5 points de vente elle n’a pas respecté son obligation de reclassement ;

Attendu en effet que la société CHANIS recensait lors du licenciement de Madame AP AQ AZ, un seul établissement actif, celui des MEES ; qu’étant une entreprise franchisée indépendante, elle ne faisait pas partie d’un groupe ; qu’en effectuant des demandes de reclassement auprès de cinq points de vente à l’enseigne INTERMARCHE, sociétés et entités juridiquement et économiquement autonome d’elle, elle démontre avoir accompli son obligation de reclassement même en externe ;

Attendu en conséquence qu’il y a lieu, sans qu’il soit nécessaire d’examiner d’autres moyens, de confirmer le jugement qui a déclaré le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté la salariée de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de ses demandes d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Attendu que le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Que la salariée qui succombe sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et condamnée aux dépens d’appel;

Attendu qu’il n’y a pas lieu en l’espèce de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’intimée ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu’il a annulé les avertissements des 19 février 2009 et 15 juillet 2010,

Statuant à nouveau sur ce seul chef infirmé,

Dit les avertissements des 19 février 2009 et 15 juillet 2010 justifiés,

Y ajoutant,

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

CONDAMNE Madame I AP AQ AZ aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 19 décembre 2014, n° 13/21434