Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 1er décembre 2016, n° 14/18950

  • Villa·
  • Travail·
  • Avertissement·
  • Licenciement·
  • Sociétés·
  • Harcèlement moral·
  • Employeur·
  • Client·
  • Salariée·
  • Courrier

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 17e ch. b, 1er déc. 2016, n° 14/18950
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 14/18950
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Grasse, 18 avril 2013, N° 11/1108
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 01 DÉCEMBRE 2016

N°2016/774

SP

Rôle N° 14/18950

X Y

C/

La Société PERSHORE COMERCIO
INTERNATIONAL

Grosse délivrée le :

à :

Me Agnès ALBOU, avocat au barreau de
GRASSE

Me Marine MONGES, avocat au barreau de
MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Arrêt de Conseil de prud’hommes – Formation de départage de GRASSE – section CO – en date du 19
Avril 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 11/1108.

APPELANTE

Madame X Y, demeurant XXX CANNES

représentée par Me Z
ALBOU, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me
Vanessa
CONSTANTINO, avocat au barreau de NICE

INTIMÉE

La Société PERSHORE COMERCIO INTERNATIONAL, demeurant XXXXXXXXX
ANTIBES

représentée par Me Marine MONGES, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Chloe
DUMOTIER, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de
Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 06 Octobre 2016, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sophie PISTRE, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Thierry VERHEYDE, président de chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Sophie PISTRE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Caroline
LOGIEST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Décembre 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01
Décembre 2016

Signé par Monsieur Thierry VERHEYDE, président de chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Mme X Y a été engagée selon contrat à durée indéterminée du 14 mai 2007, en qualité d’employée de maison, par la société LDA Pershore
Comercio Internacional, laquelle a pour objet la gestion de villas de luxe. Son lieu d’affectation était la villa Altaïr à Antibes Juan-les-Pins.

En juin 2008, une nouvelle équipe a pris la direction de la société employeur, comprenant notamment Mademoiselle A.

Madame Y a été victime d’accidents du travail les 22 janvier 2009 et 5 décembre 2009. En 2009 et 2010, elle a fait l’objet de différents arrêts de travail, pris en charge soit en accident du travail soit en maladie.

Elle a fait l’objet des mesures disciplinaires suivantes :

'2 août 2010 : un avertissement pour avoir fumé à l’entrée du personnel de la villa au lieu et place du bâtiment « connaught »

'13 septembre 2010 : rappel à l’ordre pour attitude négative au sein du groupe, interdiction de fumer, obligation d’en référer à la seule gérante

'22 septembre 2010 : un avertissement pour avoir contesté la demande de son superviseur d’exécuter de nouveau une tâche qui avait été mal exécutée (nettoyage frigo).

'22 octobre 2010, une mise à pied disciplinaire de 5 jours avec une retenue correspondante de salaire, après convocation par courrier du 27 septembre 2010, en vue d’un entretien fixé au 1er octobre 2010.

Par courrier recommandé du 26 octobre 2010, Madame Y a été convoquée à un entretien

préalable en vue d’un éventuel licenciement pour le 9 novembre 2010.

Selon courrier recommandé avec accusé réception du 1er décembre 2010, le licenciement a été notifié, pour cause réelle et sérieuse, avec dispense de préavis, en ces termes :

«Mademoiselle Y,

A la suite de notre entretien du 9 novembre 2010, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour les motifs suivants :

'insubordination : vous avez écrit directement à un de nos clients importants (lettre envoyée par e-mail, par vos soins datée du 16 octobre 2010) pour vous plaindre de votre situation personnelle et pour discréditer Mademoiselle A et répéter les prétendus agissements commis par la gérante de la SARL Pershore, votre employeur. Alors que suite à votre entretien préalable du 13 septembre 2010 il vous a été notifié verbalement et par écrit (lettre du 13 septembre 2010) « nous vous rappelons qu’il vous est formellement interdit de vous adresser directement aux clients séjournant sur site, ou par d’autres voies de communication ». Les explications que vous nous avez données lors de votre entretien préalable du 9 novembre 2010 ne nous ont en aucun cas convaincu de votre bonne foi, bien au contraire ;

'accusations non fondées et diffamations : nous ne pouvons que constater que vous êtes animée par la ranc’ur et l’amertume, vous déclarez : « Mademoiselle
A est une menteuse et elle abuse de ses pouvoirs » ou encore « je me suis sentie insultée par les agissements de Mademoiselle
Delagarde et j’ai voulu me défendre » ; propos tenus lors de l’entretien en présence de témoins (Madame B C, représentante de la direction du travail et Madame D Z, assistante de Mademoiselle A) et consignés en détails dans nos archives, pour bonne tenue du dossier. Nous ne pouvons accepter de pareilles accusations non fondées, d’autant plus que vous n’avez apporté aucune preuve et reconnaissez vous-même les « on dit », pour vous citer : « je n’ai fait que répéter ce que j’ai entendu ; des vérités que tout le monde pense tout bas ».

Votre comportement agressif constant envers vos supérieurs, comme en témoignent les sanctions prises à votre égard : mise à pied disciplinaire du 22 octobre 2010.

Pour rappel : vous avez déjà été sanctionnée pour votre refus d’obtempérer à exécuter une tâche de travail faisant partie de vos attributions, demandée par votre direction, constitutif d’un manquement aux obligations contractuelles, sanctionné d’un avertissement le 22 septembre 2010.

Pour rappel : vous avez reçu un avertissement pour avoir fumé sur site malgré l’interdiction de fumer sur la propriété. En effet vous avez été vue, assise, en train de fumer le lundi 2 août 2010 à 15h48 à l’entrée du personnel de la villa Altaïr par
Mademoiselle A.

Pour rappel : vous abusez des biens de la société à des fins personnelles en utilisant le téléphone portable professionnel qui vous a été confié pour votre travail. Selon les relevés SFR pour la période de janvier à septembre 2010 faisant foi.

Cette accumulation des faits et agissements de votre part décrits ci-dessus, entraîne une perte totale de notre confiance en vous. Malgré nos avertissements oraux et écrits la qualité de votre travail n’a fait que diminuer. Nous avons une clientèle « haut-de-gamme » d’une très grande exigence. Nous vous rappelons que votre niveau de salaire élevé (3271,54 euros bruts mensuels) pour une employée de maison, tient compte de ces exigences comme cela vous a été notifié à plusieurs reprises.

Ces faits mettent en cause la bonne marche de la société et lors de notre entretien du 9 novembre 2010, vous n’avez pas fourni d’explication permettant d’envisager un quelconque changement dans votre attitude. Nous entendons vous dispenser de votre préavis, votre rémunération vous étant

intégralement payée aux échéances habituelles. (') »

Contestant son licenciement, Madame Y a saisi le 20 janvier 2011 le conseil des prud’hommes de
Grasse, lequel par jugement de départage du 19 avril 2013, assorti de l’exécution provisoire, a constaté que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, a condamné la société
Pershore Comercio Internacional à régler à Mme Y la somme de 8000 à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, et celle de 1000 sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Le conseil des prud’hommes a en outre débouté les parties du surplus de leurs demandes, et mis les dépens à la charge de l’employeur.

Madame X Y a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt du 12 mai 2007, la cour d’appel de céans a ordonné la réouverture des débats, invité les parties et en particulier la société Pershore à produire une traduction par traducteur assermenté de la lettre électronique envoyée par Madame Y à M. E le 16 octobre 2010, invité les parties à s’expliquer sur l’éventuelle mise en 'uvre des dispositions des articles L 1152-2 et 1152-3 du code du travail, renvoyé la procédure à l’audience rapporteur du 6 octobre 2016 à 9 heures, dit que la notification du présent arrêt vaudrait convocation des parties à cette audience, et réservé l’ensemble des demandes et les dépens.

L’affaire a été rappelée à l’audience du 6 octobre 2016.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

L’appelante demande à la cour de réformer en partie le jugement entrepris, de juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et de condamner la société Pershore
Comercio
Internacional à lui régler les sommes suivantes :

'78 516,96 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif

'5040 au titre de la prime de panier

'4000 sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’appelante demande la confirmation du jugement en ce qu’il a déclaré fondé le harcèlement moral de Mademoiselle Y, mais d’augmenter le montant des dommages-intérêts et de les voir porter à la somme de 20 000 . L’appelante sollicite enfin la condamnation de la société Pershore Comercio
Internacional aux entiers dépens.

À cet effet, Madame Y expose qu’en réalité le véritable propriétaire des villas gérées par la société Pershore est Monsieur E milliardaire russe, sous les ordres directs duquel elle avait d’ailleurs travaillé avant d’être affectée à la villa Altaïr ; qu’à partir de l’année 2010, et suite à ses arrêts de travail pourtant justifiés, Mesdames
A et F lui ont rapidement fait sentir qu’elle était de trop dans l’entreprise ; que l’objectif de la nouvelle équipe était en outre de faire appel à des intérimaires moins rémunérées.

Madame Y fait valoir que l’attitude de Madame A était si odieuse, qu’elle est tombée rapidement en dépression, déjà fragilisée par ses accidents de travail successifs ; que le harcèlement moral s’est renforcé à partir du moment où elle a été dans l’obligation de demander un congé pour se rendre de toute urgence au Maroc auprès de son père malade ; qu’à la suite de l’avertissement du 2 août 2012, elle a été très choquée et a été en arrêt maladie pour 5 semaines ; que le 13 septembre elle a fait l’objet d’un rappel à l’ordre et que devant ces reproches, elle a réagi selon courrier du 21 septembre 2010 ; que pour toute réponse elle a reçu un nouvel avertissement le 22 septembre 2010,

puis a été convoquée le 27 septembre 2010 à un premier entretien préalable.

Outre qu’elle conteste les griefs, Madame Y fait valoir que l’employeur ne peut sanctionner 2 fois les mêmes faits ; que seul le grief tiré de l’envoi d’un mail à un client, en l’occurrence Monsieur E, n’a pas fait l’objet d’une sanction préalable. À cet égard, elle soutient qu’il ne s’agit pas d’un client ordinaire, mais du véritable propriétaire de la villa Altaïr, et que c’est à juste titre qu’elle lui a écrit pour dénoncer le harcèlement moral dont elle était victime de la part de Madame A depuis sa prise de fonction, ainsi que le trafic auquel se livrait l’intéressée ; qu’en outre les époux E étaient déjà au courant des griefs qu’elle a visés dans son mail ; qu’il est paradoxal que les faits de harcèlement aient été reconnus par le conseil des prud’hommes, qui en même temps, a reproché à Mademoiselle Y d’avoir adressé ce mail.

Madame Y conteste avoir jamais agressé Madame A et soutient qu’au contraire c’est elle qui n’a cessé de la harceler. Elle invoque à cet effet différents témoignages, ainsi que des certificats médicaux. Elle soutient établir l’existence de faits faisant présumer le harcèlement.

En ce qui concerne la décision de réouverture des débats, Mme Y fait valoir que c’est à juste titre que la cour a estimé nécessaire d’avoir communication de la lettre du 16 octobre 2010 adressée par elle aux époux E qui étaient les véritables propriétaires et principaux clients de la villa
Altaïr ; que pour des raisons financières elle n’est pas en mesure de produire une traduction par traducteur agréé, mais que devant l’inaction et le silence de l’employeur, elle produit sa propre traduction, étant « parfaitement bilingue ». Elle ajoute qu’à la lecture de ce courrier, il apparaît qu’elle a bien dénoncé des faits de harcèlement moral tels dénigrements et brimades, critiques injustifiées, mesures vexatoires, avertissements infondés et pression disciplinaire ; que ces faits sont établis tant par les éléments médicaux versés aux débats que par les attestations des collègues de travail qui ont subi les mêmes humiliations ou ont constaté les faits évoqués par Madame Y et que par conséquent, un tel licenciement est totalement injustifié.

La société Pershore Comercio Internacional (ci-après désignée « la société
Pershore »), intimée, demande à la cour de débouter Madame Y de l’ensemble de ses demandes, et de confirmer le jugement du conseil des prud’hommes qui a constaté que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, et qui a débouté l’intéressée de sa demande de dommages-intérêts pour indemnité de panier. La société intimée demande en outre la réformation du jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer 8000 de dommages et intérêts pour harcèlement moral, et demande à la cour de juger que Madame Y n’a pas fait l’objet de harcèlement moral, de condamner l’intéressée à rembourser la somme de 9000 versée au titre des condamnations de première instance, et à payer la somme de 3000 au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La société Pershore expose en substance qu’à compter de 2010 elle n’a pu que déplorer l’attitude sans cesse fautive de la salariée ; qu’un avertissement a été délivré le 2 août 2010 et un rappel à l’ordre le 13 septembre 2010 suite à une réunion après son retour d’un arrêt maladie ; que compte tenu du comportement de plus en plus difficile de l’intéressée, une médiation a été mise en place afin de trouver une solution laquelle n’a pas pu aboutir en raison du refus de la salariée d’accepter les propositions du médiateur ; qu’en outre, la société a été contrainte de sanctionner de nouveau la salariée le 22 septembre 2010, puis le 22 octobre 2010 (mise à pied disciplinaire) ; que pas moins de 4 jours après la notification de cette mise à pied, Madame Y était de nouveau convoquée à un entretien préalable en vue d’une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement. La société intimée soutient que la lettre de licenciement est « parfaitement motivée ». La société Pershore soutient que Madame Y n’a pas hésité à adresser un mail le 16 octobre 2010 à un client important où elle se permettait de tenir des propos totalement mensongers et diffamatoires contre la gérante de la société, alors qu’il avait été rappelé par courrier du 5 octobre 2010 qu’il était formellement interdit « de s’épancher sur sa vie privée ».
L’intimée affirme que le destinataire de l’e-mail n’est en aucun cas actionnaire de la société ou impliqué dans la gérance de celle-ci, et qu’un contrat de location existe entre le destinataire du message et la société
Pershore.

En ce qui concerne l’arrêt de réouverture des débats, la société Pershore soutient que les dispositions des articles L 1152'2 et 1152'3 du code du travail ne sont pas applicables au cas d’espèce ; qu’à la lecture de la lettre de licenciement, il n’a pas été question de licencier Madame Y pour avoir dénoncé un quelconque harcèlement moral mais bien en raison de nombreux faits fautifs ; que la salariée n’a jamais sollicité elle-même l’application de ces dispositions.

La société Pershore produit, à la suite de l’arrêt du 12 mai 2016, une traduction par traducteur assermenté de la lettre du 16 octobre 2010.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des demandes et moyens des parties, il convient de se référer aux écritures des parties, oralement reprises.

SUR CE

Sur le harcèlement moral

Mme Y verse aux débats les éléments suivants :

courrier du 12 octobre 2009 par lequel l’employeur, la société Pershore, informe Madame Y qu’une augmentation de 3 % net de son salaire de base mensuel lui est accordée

·

l’avertissement délivré par l’employeur le 2 août 2010 en ces termes « Il a été spécifié à tous les employés et cela à plusieurs reprises depuis la fin des travaux en avril/mai 2010 qu’il était interdit de fumer dans le domaine, et que le seul endroit où il était autorisé de fumer était devant le bâtiment connaught. Malgré cela, vous avez été vue, assise, en train de fumer aujourd’hui, lundi 2 août à 15h48, à l’entrée du personnel de la villa Altaïr. Cette attitude est d’autant plus inacceptable car nous avons des clients sur site et cela reflète un manque de professionnalisme »

·

rappel à l’ordre du 13 septembre 2010 en ces termes :
« pour faire suite à notre réunion du 13 septembre 2010 nous vous rappelons les points qui ont été soulevés :

·

nous ne sommes pas satisfaits de votre travail ainsi que de votre attitude négative au sein de l’équipe

nous vous rappelons qu’il est strictement interdit de fumer sur site

nous vous rappelons qu’il vous est formellement interdit de vous adresser directement aux clients séjournant sur site, ou par une autre voie de communication

que vous êtes employée de la société
Pershore et que la gérante ou votre responsable sont vos seules interlocutrices. Il est entendu que tout manquement ou non-respect des règles de travail entraîneront des sanctions »

courrier de réponse de la salariée du 21 septembre 2010 rappelant qu’elle n’a fait l’objet depuis son entrée dans l’entreprise en mai 2007 d’aucun reproche, et dans lequel elle indique respecter la décision de l’autoriser à fumer que dans le bâtiment connaught, et être contrainte de communiquer avec les clients dans le cadre de son travail, afin que cela ne soit pas considéré comme non-respect envers ceux-ci

·

réponse de l’employeur du 5 octobre 2010 en ces termes notamment : « quant à l’interdiction du fumer, comme vous le précisez dans votre lettre du 21 septembre 2010, il aura fallu un avertissement de travail pour que vous respectiez enfin les règles car vous avez été prise sur le fait accompli en train de fumer une cigarette le 2 août 2010 devant la villa Altaïr et non pas dans le bâtiment connaught seul endroit autorisé pour fumer »

·

avertissement délivré le 22 septembre 2010 par l’employeur en ces termes : « nous sommes au regret de devoir une nouvelle fois vous faire part de notre mécontentement quant à votre attitude négative, voire même agressive, lorsque une remarque vous est faite quant à la

·

qualité de votre travail ou la réalisation d’une tâche. En effet, aujourd’hui 22 septembre, votre superviseur a dû argumenter avec vous à plusieurs reprises avant que vous ne daigniez finalement accepter de refaire une tâche (laver le frigo et le sol de la cuisine) que vous aviez auparavant mal accomplie dans la cuisine de la villa Altaïr.
Ceci n’étant pas un incident isolé, la présente lettre constitue un avertissement supplémentaire qui sera versé à votre dossier »courrier de contestation de cet avertissement adressé le 30 septembre 2010 par Madame Y à la société Pershore, dans lequel la salariée conteste la matérialité des griefs, et indique avoir constaté que depuis le rendez-vous du 16 septembre 2010 avec le médiateur de la société, M. G, l’attitude sa supérieure Mme A a changé, le médiateur ayant expliqué lors du rendez-vous que Mme A voulait se séparer d’elle et avait proposé soit une rupture conventionnelle soit un licenciement pour faute grave

·

réponse de l’employeur par courrier du 7 octobre 2010 en ces termes : « nous accusons réception de votre courrier recommandé en date du 30 septembre 2010. Nous avons bien considéré votre réponse et vos contestations suite aux faits reprochés et nous tenons à vous expliquer à nouveau le fondement de nos remarques. Vous devez cesser votre comportement arrogant et agressif dès qu’une demande vous est faite, et si, vous avez été sanctionnée d’un avertissement le 22 septembre 2010 c’est à cause de votre réaction insolente envers notre conseil en management et votre contestation sur le fait d’exécuter une tâche que vous aviez mal effectuée à savoir le nettoyage de frigo. Vous devez cesser d’argumenter systématiquement les ordres transmis. Dans ce contexte tendu de part vos refus de coopérer, nous avons essayé d’ouvrir une discussion avec vous par l’intermédiaire de notre conciliateur Monsieur G de la société
Médiation conseil, le 16 septembre 2010, afin d’éviter toute sorte d’altercation avec vous car dès que nous tentons une mise au point, vous refusez le dialogue et vous vous mettez en arrêt maladie presque systématiquement ce qui perturbe comme vous le savez notre organisation. Lors de ce rendez-vous Monsieur G vous a en effet expliqué la possibilité d’envisager une rupture conventionnelle et vous a expliqué le déroulement d’une telle action mais à notre grande surprise vous avez exigé une indemnisation compensatrice à hauteur de 40 000 que nous avons bien entendu refusée.
Nous ne pouvons envisager une telle demande exorbitante. Nous regrettons vivement que vous vous employiez à dégrader la situation, et l’organisation de nos plannings et ne pouvons nous accommoder de vos courriers de contestation.(') Enfin nous approuvons l’idée d’une discussion avec vous »

·

Courrier de réponse le 5 octobre 2010 de l’employeur à la contestation du 21 septembre 2010

·

Mise à pied disciplinaire de 5 jours avec retenue de salaire, notifiée par courrier RAR du 22 octobre 2010, alors que l’intéressée était en arrêt maladie, en ces termes : nous avons à déplorer de votre part les faits fautifs suivants (') :

·

— comportement agressif refus d’autorité permanent :
à plusieurs reprises vous n’avez pas manqué d’avoir une attitude agressive envers votre responsable. Un exemple le 26 mai 2010 vous vous êtes fortement emportée envers moi alors que j’étais en réunion avec des clients très importants. J’ai dû vous demander à plusieurs reprises de vous calmer et de baisser le ton, mais vous n’avez cessé de crier et de hurler des insultes et ce jusqu’à votre sortie de l’établissement.

— votre refus d’exécuter une tâche de travail faisant partie de vos attributions, demandée par votre direction, constitutif d’un manquement aux obligations contractuelles, sanctionné d’un avertissement le 22 septembre 2010 à cause de votre réaction insolente envers notre conseil en management et votre contestation sur le fait de laver à nouveau le frigo que vous aviez mal nettoyé

— vous avez reçu un avertissement pour avoir fumé sur site malgré l’interdiction de fumer sur la propriété. En effet vous avez été vue, assise, en train de fumer le lundi 2 août 2010 à 15h48 à l’entrée du personnel de la villa Altaïr

— vous abusez des biens de la société à des fins personnelles en utilisant le téléphone portable

professionnel qui vous a été confié pour votre travail. Suivant les relevés SFR pour la période de janvier à septembre 2010 faisant foi.
»

Courrier du 3 novembre 2010 de contestation par la salariée de cette mise à pied disciplinaire.
La salariée conteste la matérialité des griefs et indique en ce qui concerne l’abus de téléphone portable « le téléphone portable mis à ma disposition me permet dans le cadre de mon travail de contacter mes collègues et certains fournisseurs. Il comporte aussi un numéro favori celui de ma collègue Brigitte H, numéro qui me permet de l’appeler gratuitement. Ainsi je n’ai jamais abusé de cette ligne téléphonique »

·

courrier du 17 novembre 2010 de maintien de la sanction disciplinaire

·

différents arrêts maladie pour « syndrome anxio-dépressif non stabilisé sur conflit professionnel » et « conflit professionnel troubles anxieux avec des signes de lâchage psychologique »

·

décision du conseil de prud’hommes du 19 mars 2012 ayant jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Madame H survenu le 26 octobre 2010

·

traduction du courrier électronique adressé le 16 octobre 2010 par Madame Y aux époux
E en ces termes notamment « je viens par la présente porter à votre connaissance des multiples abus de pouvoir, harcèlement et diverses intimidations professionnels subits de la part de Madame I A. Je travaille pour vous depuis 5 ans et demi (') pour ma part, mon travail quotidien est devenu un enfer. Chaque matin c’est avec beaucoup d’appréhension que je prends mes fonctions au sein de la propriété tant l’atmosphère qui y règne est devenue moralement toxique (') Le plus grave est ce harcèlement moral répétitif auquel je suis confronté depuis le 11 juillet 2010, date à laquelle j’ai dû demander un congé pour me rendre de toute urgence au Maroc auprès de mon père atteint d’un cancer de la prostate et victime d’une fracture de la hanche. À mon retour, déjà ébranlée par ce problème familial, j’ai été sous les feux permanents du harcèlement répété par Madame A.
Aux avertissements injustifiés se sont succédées les menaces de licenciement pour faute grave alors que rien ne le justifiait. Madame A a été très claire quant au fait que le licenciement était préférable plutôt que vous soyez mis au fait de ses agissements. Car j’ai demandé à vous rencontrer mais il m’a été formellement interdit de vous mettre au courant de ma situation. (') Toutes ces procédures infondées n’ont qu’un seul but : faire que la pression psychologique me pousse à accepter un licenciement abusif à tous points de vue et sans aucune compensation financière (') pour toutes ces raisons je souhaiterais Monsieur que vous m’accordiez un entretien permettant d’envisager un départ à l’amiable. »

·

Attestation de collègues de travail louant les qualités de Mme Y (Madame J, Mme K, Mme L, Mme M, Mme N)

·

Attestation de Mme M collègue de travail en ces termes « j’ai été assistante personnelle pour Madame E de février 2008 jusqu’au mois de mai 2010 (') je connais aussi Madame A I. Toute l’équipe a été malheureuse quand elle est arrivée car à mon avis c’est une personne qui se considère supérieure à nous autres, et cherche les problèmes où il n’existe pas. Elle n’a pas été capable de créer un sens de l’équipe, qui est très important dans ce type de travail. Je n’ai jamais été subordonnée à Madame A, mon boss était Mme E. Je suis d’accord que c’est une personne qui abuse de ses pouvoirs demandant des tâches pas raisonnables, par exemple l’été 2009 elle a demandé à Madame H Brigitte de porter des matelas très lourds toute seule. Je connaissais ces matelas et l’un d’entre eux est très grand et lourd il est impossible pour une femme seule.
Mademoiselle H a été virée pour quelques jours parce qu’elle n’a pas pu porter ce matelas. J’étais présente ce jour à la villa
Altaïr. Quelques semaines après son arrivée à la villa Altaïr, Madame A m’a demandé avec une manière agressive d’aller contrôler le travail des filles de maison en me disant « moi je suis très bien payée pour faire ça ! ».
Comme j’ai expliqué, elle était pas du tout mon boss et elle connaissait même pas mon salaire. Plusieurs fois j’ai été présente quand elle a hurlé aux filles, si elle avait raison ou pas, c’est pas une manière professionnelle de résoudre les problèmes. Malheureusement je suis fumeuse et j’avais l’habitude de fumer avec les autres fumeurs devant la porte du

·

personnel de la villa Altaïr. En plusieurs occasions Monsieur et Madame E sont passés, m’ont vu fumer, ce n’était pas un problème pour eux. Aussi, le lieu de travail c’est une maison de famille et à cause de ça, le rythme de travail dépend du mouvement de Monsieur et Madame (') sur le planning des employés dans le bureau de Madame A, elle m’a marqué comme femme de chambre. J’ai demandé plusieurs fois d’écrire mon statut « personal assistant » mais elle a refusé. C’était une manière de me dégrader. (') »Attestation de Madame O N collègue, en ces termes : « j’ai consolé Madame Larej à plusieurs reprises, fatiguée par la surcharge de travail et surtout par la pression que Madame A I mettait constamment’ j’ai travaillé aux côtés de Madame Larej pendant la période de mon contrat du 14 avril au 30 septembre 2009 en qualité d’employée de maison. Pendant la durée de mon contrat, j’ai également rencontré des problèmes avec Madame A et sa secrétaire Madame F (') »

·

Certificat médical du docteur Le Liboux du 23 septembre 2010 attestant que Mme Y présente « à nouveau ce jour des signes anxieux sévères avec pleurs téléphoniques et au cabinet, dévalorisation de soi, perte de courage, justifiant de ma part une mise au repos avec traitement anxiolytique et antidépresseur »

·

attestation en date du 20 janvier 2011 de Madame P psychologue clinicienne au sein de l’association du service de médiation et d’aide aux victimes, attestant recevoir Madame Y « suite au harcèlement moral sur son lieu de travail tel qu’elle nous le décrit » depuis le 20 octobre 2010 de manière hebdomadaire

·

attestation de cette même psychologue du 20 janvier 2011 en ces termes : « Madame Y présente une dépression réactionnelle liée à sa situation. Elle a décrit au cours de son suivi :
une humeur dépressive accompagnée d’une forte anxiété, une diminution marquée de l’intérêt pour presque toutes les activités, une perte de poids significative en l’absence de régime, une diminution de l’appétit, des insomnies avec réveils nocturnes malgré la prise de somnifères, une fatigue, une perte d’énergie, une diminution de l’aptitude à penser et à se concentrer. Les symptômes induisent une souffrance cliniquement significative »

·

mains courantes déposées les 21 et 27 septembre 2010 et 3 novembre 2010 par Madame Y au commissariat de Cannes en ces termes notamment« je viens de nouveau signaler que suite à un nombre conséquent de courriers émanant de la gérante/régisseur de la société
Pershore’ faisant état de multiples reproches, j’ai dû être en arrêt de maladie depuis 5 mois, fractionné de reprise de travail, suite à mon état dépressif. Mais le harcèlement constant de cette personne Madame A ne me permet de poursuivre dans des conditions normales de travail : je vous présente 4 courriers récents où elle me fait passer pour un monstre. (') »

·

La salariée apporte dès lors des éléments qui pris dans leur ensemble laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral, en ce que :

elle a fait l’objet de sanctions répétées, au moins partiellement injustifiées, en ce que certains faits ont été sanctionnés plusieurs fois, (avoir fumé le 2 août 2010 a été sanctionné par un avertissement le 2 août 2010 puis par la mise à pied disciplinaire le 22 octobre 2010, alors même que la salariée par courrier du 21 septembre 2010 indiquait respecter cette interdiction et que l’employeur dans son courrier du 5 octobre 2010, en indiquant qu’il avait fallu un avertissement, reconnaissait implicitement que l’interdiction était bel et bien respectée ; le refus d’exécuter une tache a été sanctionné d’un avertissement le 22 septembre 2010 puis visé à nouveau dans la mise à pied disciplinaire du 22 octobre), en ce que ces sanctions visaient des faits manifestement prescrits ( s’être emportée le 26 mai 2010 envers son supérieur, sanctionné dans la mise à pied du 22 octobre 2010)

·

des certificats médicaux attestent de l’existence d’une dépression réactionnelle qui peut être la conséquence d’une dégradation des conditions de travail

·

des collègues témoignent à la fois de la compétence de Madame Y, et de la dégradation des conditions de travail à la suite de l’arrivée de Madame A, Madame N précisant avoir consolé l’appelante fatiguée par la pression que Mme A mettait

·

constamment sur elle.

Il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement, et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La société Pershore fait valoir à cet égard que l’ensemble des sanctions était justifié ;
que l’employeur pouvait se référer à des précédents déjà sanctionnés pour démontrer la persistance de la salariée dans un comportement fautif ; que Mme Y n’est pas la seule à avoir été sanctionnée ;
que la médiation qui a été organisée n’avait pas pour but de mettre fin à la relation entre Mme Y et l’employeur mais de trouver une solution au comportement néfaste de la salariée ; que le prétendu « état dépressif » dans laquelle se trouve Madame Y ne peut être reproché à la société Pershore puisque l’intéressée reconnaît elle-même que la maladie de son père l’a énormément fragilisée ; que les mains courantes ne sauraient être prises en considération s’agissant des propres déclarations de la salariée et de son ressenti ; que le médecin du travail a toujours déclaré Madame Y apte et notamment lors des visites des 15 septembre 2010 et 1er décembre 2010.

L’employeur verse d’abord aux débats les attestations de
Mesdames D, A et Q
N respectivement gérantes et cogérante de la société Pershore. Ces attestations seront toutefois écartées compte tenu des fonctions exercées et de l’absence de garanties suffisantes d’impartialité.

L’employeur verse en outre :

' le PV du 27 décembre 2010 ayant acté la démission de Mme A de sa fonction de gérante et son remplacement par Mme D

' le courrier du 24 août 2009 adressé par l’inspection du travail à Madame R de la société
Pershore qui après enquête suite à la réclamation de Madame S indique que Madame T a vite « convaincu l’inspecteur de ses capacités à traiter avec compétence la gestion du personnel dans son ensemble »

' l’attestation de Madame U gérante d’une société de décoration qui a côtoyé Madame « V » pour un projet de fourniture de confection de rideaux, et qui atteste

« étant très souvent présente sur la propriété j’ai pu apprécier le très grand professionnalisme de Madame V ainsi que son dévouement et sa parfaite gentillesse vis-à-vis de son personnel travaillant sur place et moi-même en tant que sous-traitante.
J’affirme n’avoir reçu aucune pression ni contrainte de Mademoiselle V et je confirme pleinement son intégrité à mon égard (') j’ai également constaté combien Mademoiselle V a su gérer le personnel présent sur le site à cette époque-là, j’ai toujours vu Mademoiselle V parler à son personnel avec beaucoup de respect et de politesse. »

Il y a lieu de constater d’abord que le courrier du 24 août 2009 concerne une période et des personnes (manager Madame R, salariée plaignante : Mme S) différentes de celles concernées par le présent litige et n’a donc pas de portée dans celui-ci.

A la lecture de la mise à pied disciplinaire de 5 jours, la cour constate que l’employeur ne s’est pas contenté de se référer à des précédents déjà sanctionnés pour démontrer la persistance de la salariée dans un comportement fautif , mais a bel et bien reproché, sous la plume de Mme A, 4 griefs dont 2 avaient déjà été sanctionnés ce qu’elle ne pouvait ignorer. Le 3e était manifestement prescrit (faits du 26 mai 2010). En ce qui concerne le 4e grief, tiré de l’abus du téléphone portable mis à dispositions de l’employeur, celui-ci, qui ne verse pas les relevés téléphoniques, ne conteste pas que les appels passés à Mme H étaient en « illimité ». Dans ses conclusions oralement reprises, l’employeur affirme que Mme Y passait « tous les appels pendant ses heures de travail », mais ne

verse aucun élément pour en justifier.

La cour constate dès lors que le caractère répétitif et pour partie infondé des procédures disciplinaires caractérise un comportement de brimade, alors que la société Pershore ne peut justifier d’aucune remontrance avant aout 2010, et que simultanément elle a émis le souhait de se séparer de Mme Y (il résulte du compte rendu d’entretien produit par l’employeur lui-même qu’il n’a contesté ni l’intervention ni les propositions du médiateur en ce sens).

Les pièces médicales et les témoignages produits par Mme Y, non valablement combattus par le seul témoignage d’une sous-traitante, confirment que l’intéressée a subi des agissements répétés ayant eu pour objet la dégradation de ses conditions de travail de nature à altérer sa santé.

Les pièces versées par l’employeur sont inopérantes à démontrer que les agissements de Mme A gérante, sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Dans ces conditions, l’existence d’un harcèlement moral est établie.

Au vu des éléments versés par la salariée, la Cour accorde à Mme Y la somme de 4 000 à titre de dommages intérêts en réparation du harcèlement moral.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement vise les griefs suivants :

'insubordination : avoir écrit directement à un des clients les plus importants le 16 octobre 2010 pour se plaindre de sa situation personnelle, pour discréditer
Mademoiselle A et répéter les prétendus agissements commis par elle, alors pourtant qu’elle avait reçu notification de l’interdiction de s’adresser aux clients séjournant sur site

'accusations non fondées et diffamations contre
Mademoiselle A tenues lors de l’entretien en présence de témoins

'comportement agressif constant envers ses supérieurs, comme en témoignent les sanctions prises :
mise à pied disciplinaire du 22 octobre 2010

La lettre rappelle en outre les sanctions précédentes (avertissements des 2 aout et 22 septembre 2010) et le fait que la salariée abuse des biens de la société à des fins personnelles en utilisant le téléphone portable qui lui a été confié pour son travail.

1/ En ce qui concerne le « comportement agressif constant envers les supérieurs » la lettre se réfère uniquement à une précédente sanction en ces termes :
« comme en témoignent les sanctions prises à votre égard mise à pied du 22 octobre 2010 ».
Dès lors que la lettre ne fait pas état de faits nouveaux survenus depuis la mise à pied du 22 octobre, le grief ne peut fonder le licenciement s’agissant de faits déjà sanctionnés.

2/ En ce qui concerne les accusations non fondées et les diffamations envers Mademoiselle
A, la lettre de licenciement vise des propos qui auraient été tenus lors d’un « entretien » en présence de témoins, sans préciser ni la date ni l’objet de cet entretien.

A la lecture des conclusions oralement reprises, les témoins dont il s’agit à savoir Madame C
B (direction du travail) et Madame Z D assistante de Madame A, sont ceux qui ont assisté à l’entretien préalable à la mesure de licenciement. Aucun élément des conclusions oralement reprises ne permet de comprendre qu’il s’agirait d’un autre entretien que celui-ci.

Il ressort du compte rendu de cet entretien préalable du 9 novembre 2010, versé aux débats par l’employeur lui-même (pièce 14), que Madame Y, pour sa défense dans le cadre de la procédure de licenciement, a expliqué se sentir harcelée par l’intéressée, et a montré 6 lettres de réprimande, avertissements et convocation. En ce qui concerne la lettre qu’il lui est reproché d’avoir envoyé au client important de la société, Madame Y a expliqué les raisons pour lesquelles elle considérait que ce client était en réalité le propriétaire et n’était pas seulement un client. Les seuls propos rapportés dans ce compte rendu, émanant de Madame Y, susceptibles d’être qualifiés « d’accusations non fondées et de diffamations » sont les suivants :

(les accusations contenues dans la lettre) sont des vérités que tout le monde pense tout bas à propos de Madame I A »

·

« Madame A est une menteuse et elle abuse de ses pouvoirs ». Cette dernière phrase a été prononcée lorsque Madame Y a expliqué pourquoi elle maintenait que les époux
E étaient propriétaires et qu’elle était bien fondée à s’adresser à eux malgré l’interdiction qui lui en avait été faite par la gérante.

·

Les propos reprochés à Madame Y sont donc l’expression de sa défense face à la procédure de licenciement, et n’outrepassent pas sa liberté d’expression, de sorte que le grief est infondé.

3/ En ce qui concerne le grief tiré de l’envoi à des clients importants d’une lettre le 16 octobre 2010 pour se plaindre de sa situation personnelle et pour discréditer Mademoiselle A, alors pourtant qu’elle avait reçu notification de l’interdiction de s’adresser aux clients séjournant sur site, la société Pershore verse désormais aux débats, suite à l’arrêt de réouverture des débats, une traduction complète du document par traducteur assermenté, mettant ainsi la juridiction en mesure d’examiner le bien fondé du grief.

Le courrier litigieux ainsi rédigé :

« Madame, Monsieur,

Je souhaite par la présente porter à votre attention les multiples abus de pouvoir, les harcèlements et intimidation professionnelle variés que je subis du fait de Madame I A. Je travaille pour vous depuis 5 ans et jusqu’à maintenant, les employés qui ont quitté votre service sont toujours partis en bons termes avec vous. Mais, à l’heure actuelle, la situation au sein de votre propriété est devenue inacceptable depuis la prise de fonction de Madame A, qui multiplie le harcèlement moral sur le personnel pour le faire démissionner pour manquement professionnel.
Pour ma part, mon travail quotidien est devenu un enfer depuis des semaines. Chaque matin, c’est avec beaucoup d’appréhension que je prends mes fonctions dans la propriété parce que l’atmosphère qui y règne est devenue moralement toxique. Madame A m’a catégoriquement interdit de m’adresser à vous directement pour vous informer de la situation et m’a menacé de graves sanctions, mais les attaques que je subis depuis plusieurs semaines sont devenues intolérables. En 25 ans de carrière, je n’ai jamais eu le moindre reproche sur la qualité de mon travail, je n’ai jamais reçu le moindre avertissement ou blâme pour faute professionnelle, je suis exigeante et rigoureuse quant à la bonne exécution de mon travail, respectueuse de mes employeurs et toujours prête à m’investir et aider mes collègues ou mon supérieur. L’attitude de Mme A depuis plusieurs semaines m’a conduite à faire une dépression nerveuse. La progression des événements dans la société a empiré pour mes collègues et moi-même : aux avertissements injustifiés ont succédé 3 notifications de licenciement sans préavis, deux licenciements définitifs qui ont succédé à deux procédures ainsi qu’une visite de l’inspection du travail.

Voici un compte rendu de ma situation : Mme A m’humilie, ne me prévient plus du travail à accomplir et me contraint de façon récurrente à refaire le travail déjà effectué consciencieusement.

(') La liste est encore longue pour énumérer ses gaspillages quotidiens qui vous coûtent beaucoup

d’argent (commandes inutiles de matériel, dépenses de pressing). La sécurité qui semble pourtant primordiale dans une maison telle que la vôtre, à la vue des objets de valeur qui s’y trouve, est elle-même extrêmement laxiste (peu ou pas de surveillance, entrée sans contrôle). Mme Delagarde organise un trafic pour se faire de l’argent sur le dos de la propriété (commandes inutiles de marchandises aux seules fins d’obtenir les cadeaux qui y sont liés). Elle a également congédié financièrement certains fournisseurs de grande qualité (pressing de Madame U préféré à l’ancien bénéficiaire) au profit de connaissances de Madame A et sûrement en contrepartie des commissions qui lui sont directement versées. Je vous aurais écrit plus tôt si toutes ces violations de la loi contre votre propriété, et surtout tout ce harcèlement contre moi, ne m’avaient pas conduit à faire une dépression (voir l’attestation de la médecine générale ci-jointe), je suis effectivement traitée par mon médecin et par un psychologue qui m’aide à faire face à cette situation parce que je suis ce jour accusée à tort de faire mal mon travail et d’être préjudiciable au bon fonctionnement de la propriété. Car le plus grave est ce harcèlement moral répétitif auxquels je suis confrontée depuis juillet 2010, date à laquelle j’ai dû demander un court congé pour retourner de toute urgence au
Maroc pour voir mon père malade d’un cancer ('). Quand je suis revenue, déjà ébranlée par ce problème familial, je me suis retrouvée en permanence victime du harcèlement répété de la part de Madame A. Les avertissements injustifiés se succédaient, les menaces de licenciement pour faute grave également. Madame A était claire : un licenciement était préférable, plutôt que de vous mettre au courant de ses machinations. (') »

La société Pershore soutient que ce courrier a été adressé à l’un de ses plus gros clients.
Pour s’opposer à la thèse selon laquelle les époux
E ne sont pas des clients ordinaires, mais les propriétaires véritables de la villa Altair sous couvert de la société Pershore, l’employeur verse seulement aux débats un extrait des informations publiées sur societé.com, extrêmement limité ( sur lequel apparaissent seulement le siège social et le nom du gérant) , un contrat de location de la villa
Altaïr au profit de Monsieur E du 1er mai 2010 au 31 décembre 2010, et un contrat de location de la villa Olivier à Monsieur W. Ces documents ne sont pas de nature à exclure que les époux E seraient les véritables propriétaires de la villa, et la cour constate à cet égard qu’aucun élément n’est produit relatif à la composition de la société, et au nom des personnes physiques ou morales détentrice de droit propriété sur ce bien.

Mme Y verse aux débats quant à elle les éléments suivants :

attestation de Mme J en ces termes : « je soussignée déclare avoir travaillé d’avril à mai 2009 pour Pershore pour Monsieur et Madame E en qualité d’employée de maison (') ils étaient ainsi que leur famille les seules personnes sur le site. »

·

Attestation de Madame AA:
« ' dans le cadre de mon travail du 19 juin 2009 au 15 novembre 2009 à la villa Altaïr au Cap d’Antibes pour Monsieur et Madame E (')Monsieur et Madame E ont été les seules personnes que j’ai connues durant toute la saison et j’ai toujours entendu parler de Monsieur et Madame E par la direction comme les patrons de la propriété et non les clients(') »

·

Attestation de Mme M: « j’ai été assistante personnelle pour Madame Alexandra
Melnichenko de février 2008 jusqu’à mai 2010. Dans de nombreux voyages dans la propriété du Cap d’Antibes villa Altaïr de Monsieur et Madame E j’ai eu le plaisir de connaître et de travailler avec Madame Y X (') dans le domaine de la villa Altaïr, les E ne sont pas des clients mais ils sont chez eux, et même si c’est à travers de nombreuses sociétés, le salaire de Mademoiselle Y vient de la poche de Monsieur Melnichenko. À plusieurs reprises au cours de mes voyages avec les E, Madame Melnichenko m’a demandé d’appeler X pour beaucoup de questions concernant sa garde-robe et maison.(') »

·

Le menu du mariage des époux E à la villa Altaïr le 3 septembre 2005

·

un article de presse du magazine L’Expansion de novembre 2005 : « rien n’était visiblement trop beau pour les noces d’Andreï E, milliardaire russe de 33 ans, qui a épousé en grande pompe, début septembre, la séduisante Miss
Yougoslavie 2002. La réception s’est

·

déroulée 3 jours durant à la villa
Altaïr, l’une des somptueuses propriétés du marié au Cap d’Antibes ».

Les pièces versées aux débats par Madame Y sont de nature à confirmer sa thèse, et en tout cas à établir que l’intéressée pouvait légitimement penser s’adresser aux véritables propriétaires de la villa via la société Pershore, lorsqu’elle leur a écrit.

Dans la lettre du 16 octobre 2010, Madame Y dénonce expressément les faits dont elle se dit victime, précisant avoir fait l’objet de sanctions répétées injustifiées, et de menaces de licenciement, dans un contexte de harcèlement constitué notamment le fait de ne plus être prévenue du travail à a c c o m p l i r e t d ' ê t r e c o n t r a i n t e d e f a ç o n r é c u r r e n t e à r e f a i r e l e t r a v a i l d é j à e f f e c t u é consciencieusement.

Dans cette lettre Mme Y accuse en outre la gérante de la société Pershore de fautes de gestion et de malhonnêteté dont, selon elle, la société
Pershore se trouve victime.

L’employeur dans la lettre de licenciement n’a pas seulement fait grief à Mme Y d’avoir tenu des propos de nature à discréditer Mme A, mais a reproché expressément à Mme Y d’avoir enfreint l’interdiction qui lui avait été faite et de s’être plainte de sa situation personnelle.

Le licenciement d’un salarié pour avoir dénoncé une situation de harcèlement rend nécessairement ce licenciement illicite, sauf pour l’employeur à démontrer que cette dénonciation a été faite de mauvaise foi.

L’employeur n’apporte pas la preuve que la dénonciation a été faite de mauvaise foi, d’autant que la cour a retenu l’existence effective d’un harcèlement moral.

La société Pershore doit en conséquence indemniser Mme Y de ce licenciement illicite.

En ce qui concerne le préjudice, Madame Y soutient qu’elle est inscrite à Pole emploi et n’a toujours pas retrouvé de travail malgré ses nombreuses recherches. Elle réclame la somme de 78 516, 96 , représentant deux ans de salaires sur la base d’un salaire mensuel brut de 3271,54 euros.

L’employeur soutient qu''il s’agit d’une demande exorbitante, invoque un salaire brut de 3173, et conteste l’existence de recherches sérieuses d’emploi.

Les pièces versées aux débats par Mme Y établissent qu’à la suite du licenciement elle a été prise en charge par pôle emploi et a perçu l’allocation d’aide au retour à l’emploi au moins jusqu’au 31 décembre 2012, et qu’elle était toujours en recherche d’emploi en janvier 2013. Elle ne justifie pas de sa situation après cette date, sauf à produire des bulletins de salaire pour l’été 2016 dont il résulte qu’elle a été engagée à temps partiel en qualité d’employée familiale à cette période.

En ce qui concerne la recherche d’emploi elle produit seulement les photocopies de 2 cartes de visite, qui ne sont pas de nature à démontrer qu’elle a effectivement engagé des recherches emploi auprès de ces 2 employeurs potentiels, ainsi qu’un mail, rédigé en anglais, à propos d’un cv transmis à un autre.

En ce qui concerne le salaire perçu avant le licenciement, Madame Y verse aux débats le courrier du 12 octobre 2009 dont l’authenticité n’est pas contestée, qui établit que le salaire de l’intéressée est passé à partir du 1er octobre de 3176,23 euros à 3271,54 euros. C’est donc bien ce dernier montant qui doit être retenu comme constituant le salaire moyen de base de l’appelante.

En considération de l’âge de la salariée, comme étant née 1966, de son ancienneté 4 ans et 8 mois, et de ces éléments, il y a lieu d’allouer à Mme Y la somme de 23 000 .

Sur la prime de panier

Madame Y soutient qu’il est dû à chaque salarié une prime de panier dans la mesure où celui-ci prend ses repas sur le lieu de son travail et/ou le repas n’est pas fourni. Elle sollicite la somme de 5040 correspondant aux calculs suivants : 5,60 × 20 × 45 mois.

L’employeur répond n’être tenu à aucune obligation légale ni conventionnelle de verser une quelconque indemnité de panier au personnel de la société ; que la salariée ne fournit aucune justification des chiffres avancés ; qu’elle tente de faire croire qu’elle aurait travaillé 7 jours sur 7 pendant 45 mois sans tenir compte des congés payés, des périodes de maladie et des repos hebdomadaires. L’employeur ajoute enfin que les salariés ont à leur disposition une cuisine entièrement équipée, un coin repas avec terrasse et des denrées consommables ; que l’inspection du travail lors d’un contrôle avait validé la gestion de la rémunération et les conditions de travail des salariés.

* *

Le contrat de travail de Madame Y ne porte pas mention de l’engagement de l’employeur de rémunérer une indemnité de restauration. Par ailleurs l’appelante ne rapporte aucun élément de nature à établir que les conditions d’exercice de ses fonctions exigeaient qu’elle mange sur son lieu de travail, hors cantines, et que le temps de pause ne lui permettait pas de regagner son domicile. La demande doit en conséquence être rejetée.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il serait inéquitable de laisser supporter à Madame Y la charge des frais irrépétibles par elle exposée à l’occasion de la présente procédure.
La condamnation prononcée au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile par le conseil de prud’hommes sera confirmée. La société
Pershore sera en outre condamnée à payer la somme de 1500 au titre des frais irrépétibles d’appel.

La société Pershore qui succombe supportera les dépens de première instance et d’appel. Sa demande reconventionnelle tendant à voir Madame Y condamnée à lui rembourser la somme versée au titre des condamnations de première instance, est sans objet compte tenu des dispositions du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe,

contradictoirement et en matière prud’homale,

Reçoit les parties en leurs appels,

Sur le fond

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Grasse du 19 avril 2013 en ce qu’il a condamné la société Pershore Comercio Internacional à payer à Madame X Y des dommages et intérêts pour harcèlement moral, sauf à juger que ces dommages-intérêts s’élèvent à la somme de 4000 , et en ce qu’il a condamné la société Pershore à lui régler la somme de 1000 sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau sur les points infirmés

Condamne la société Pershore Comercio Internacional à payer à Madame X
Y la somme de 23 000 de dommages-intérêts pour licenciement illicite

Y ajoutant,

Condamne la société Pershore Comercio Internacional à payer à Madame X
Y la somme de 1500 sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne la société Pershore Comercio Internacional aux dépens de première instance et d’appel

Rejette toutes autres demandes.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 1er décembre 2016, n° 14/18950