Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 25 novembre 2016, n° 15/01600

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 25 nov. 2016, n° 15/01600
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 15/01600
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Marseille, 17 décembre 2014, N° 13/3550

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 25 NOVEMBRE 2016

N°2016/

Rôle N° 15/01600

SAS UJA (UN JOUR AILLEURS), anciennement dénommée VETSOCA

M° Carole MARTINEZ, Commissaire à l’exécution du plan de la SAS UJA

M° X, Mandataire judiciaire de la SAS UJA

C/

Y Z épouse A

AGS – CGEA DE MARSEILLE – UNEDIC AGS – DELEGATION
REGIONALE SUD-EST

Grosse délivrée le :

à :

— Me Guillaume VERDIER, avocat au barreau de
PARIS

— Me Alain GUIDI, avocat au barreau de
MARSEILLE

— Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de
MARSEILLE – section C – en date du 18 Décembre 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/3550.

APPELANTES

SAS UJA (UN JOUR AILLEURS), anciennement dénommée VETSOCA, demeurant XXXXXXXXX PARIS

représentée par Me Guillaume VERDIER, avocat au barreau de PARIS

M° Carole MARTINEZ, Commissaire à l’exécution du plan de la SAS UJA, demeurant XXXXXXXXX PARIS

représenté par Me Guillaume VERDIER, avocat au barreau de PARIS

M° X, Mandataire judiciaire de la SAS UJA, demeurant XXX

Denis – 75479 PARIS CEDEX 10

représenté par Me Guillaume VERDIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Madame Y Z épouse A, demeurant XXX
SAINTE-TULLE

comparant en personne, assistée de Me Alain GUIDI, avocat au barreau de MARSEILLE

AGS – CGEA DE MARSEILLE – UNEDIC AGS – DELEGATION
REGIONALE SUD-EST, demeurant XXX.5 – 10 place de la
Joliette, BP 76514 – 13567 MARSEILLE
CEDEX 02

représenté par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de
Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 27 Octobre 2016, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Virginie PARENT, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Catherine LE LAY, Président de
Chambre

Madame Hélène FILLIOL,
Conseiller

Madame Virginie PARENT, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence
ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2016

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25
Novembre 2016

Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de
Chambre et Madame Florence
ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES
PARTIES

Suivant contrat à durée indéterminée du 1er septembre 1997, Y Z épouse A a été engagée par la société Un Jour
Ailleurs en qualité de conseillère des ventes à temps partiel. Le 1er juin 2002, elle a été promue responsable de magasin, après avoir assumé les fonctions de stagiaire adjointe à la responsable de magasin et adjointe à la responsable de magasin.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la Convention Collective Nationale des maisons à succursales de vente au détail d’habillement.

Après entretien préalable le 4 juin 2013, Y Z épouse
A a été licenciée par l’employeur pour insuffisance professionnelle par lettre recommandée avec accusé réception en date du 21 juin 2013 dans les termes ci-après reproduits :

'Par la présente, nous faisons suite à l’entretien préalable qui s’est tenu le 4 juin 2013 en présence de Madame Florence Chauchereau, représentante du personnel, Madame B C, Responsable
Réseau, Madame D E, Responsable régionale, au cours duquel nous vous avons rappelé les griefs nous ayant conduits à entreprendre la présente procédure.

Vous occupez un poste de Responsable de Magasin, et dans ce cadre vous devez optimiser les résultats quantitatifs et qualitatifs de votre magasin conformément aux objectifs et directives fixés par la Direction.

Pour cela, vous devez notamment manager et animer votre équipe, superviser la bonne tenue du magasin, assurer la mise en scène de la marque ainsi que la réalisation des indicateurs commerciaux.

Lors de divers entretiens, votre Responsable
Régionale, Madame E D, vous avait indiqué que vous deviez travailler votre merchandising, l’accueil clients, la captation clients, et ce, afin d’améliorer notamment les résultats de votre boutique.

Votre Responsable Réseau, Madame C, lors d’un entretien en date du 14 février 2013, vous avait demandé d’assurer un accueil client, d’être en vente conseil et de faire des propositions de vente complémentaire.

Or, lors d’une visite en date du 2 mai 2013, votre
Responsable Réseau a constaté qu’il n’y avait aucune amélioration de la situation précédemment constatée.

En effet:

— En vitrine, des affiches « promotion» ne correspondaient pas aux silhouettes;

— Des prix de produits exposés en vitrine n’étaient pas indiqués (ex:
foulard);

— Le magasin était mal entretenu ( poussière au niveau des colonnes, des entrées de vitrines, derrière les bornes antivol) ;

— Le réassort n’était pas effectué.

Vous ne faites toujours pas de ventes additionnelles et n’êtes pas en recherche du «besoin client ».
Pour exemple, le 2 mai 2013, votre Responsable Réseau a interrogé une cliente que vous veniez de servir pour savoir si elle était satisfaite de son achat.
Celle-ci lui a alors indiqué rechercher un tee-shirt rose. Il a alors été possible d’effectuer une vente additionnelle d’un tee-shirt rose.

Le mauvais entretien de la boutique n’est pas en adéquation avec l’image de marque de notre enseigne.

L’ensemble de ces faits démontre une gestion défectueuse du magasin dont vous avez la responsabilité.

Enfin, les résultats du magasin sont très insuffisants et ne cessent de baisser. Pour 2012, les résultats

étaient déjà en deçà de ceux du secteur et de la société. En 2013, vos indicateurs commerciaux sont encore en baisse. En effet, pour exemple, votre magasin classé à la 126ème place sur 147 boutiques 2012, est à la 136ème place sur 147 boutiques en 2013.

Aussi, l’ensemble de ces éléments caractérise une insuffisance professionnelle importante préjudiciable aux intérêts de l’entreprise.

Par la présente, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

La date de première présentation de cette lettre marquera le point de départ de votre préavis de deux mois.

Conformément à l’article 14 de l’Accord
National Interprofessionnel du 11 janvier 2008, vous bénéficiez du maintien des garanties des couvertures complémentaires santé et prévoyance appliquées dans "entreprise pendant votre période de chômage indemnisée pour une durée égale à la durée de votre dernier contrat de travail dans l’entreprise, appréciée en mois entiers, dans la limite de 9 mois de couverture. …'

La société VETSOCA employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, Y Z épouse A a saisi le 11 juillet 2013 le conseil des prud’hommes de Marseille .

L’employeur a fait l’objet d’une ouverture de sauvegarde par jugement du 3 juin 2013.Un plan de sauvegarde a été arrêté par jugement du 16 juin 2014.

Le conseil des prud’hommes de Marseille par jugement du 18 décembre 2015 a:

— dit que le licenciement de Mme Y Z épouse
A ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.

— condamné la Société VETSOCA, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à verser à Mme Y Z épouse A les somme suivantes:

* 38.000 à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1.200 au titre de l’article 700 du Code de Procédure
Civile.

— débouté les parties du surplus de leurs demandes fins et conclusions.

— dit que la moyenne des 3 derniers mois de salaire s’élève à 2.342

— condamné le défendeur aux entiers dépens.

Le 27 janvier 2015, la SAS UJA (Un Jour Ailleurs) anciennement dénommée VETSOCA a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, la SAS UJA,
Maître Carole MARTINEZ commissaire à l’exécution du plan de sauvegarde de la société UJA et Maître X, mandataire judiciaire, demandent de :

— déclarer la Société UN JOUR AILLEURS, anciennement dénommée VETSOCA, recevable et bien

fondée en son appel ;

— infirmer le jugement entrepris.

En conséquence,

— débouter Madame Y
A de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

— condamner Madame Y A à payer à la Société Un
Jour Ailleurs la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Subsidiairement,

— réduire à de plus strictes proportions les dommages et intérêts qui pourraient être alloués à Madame Y A.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, Y Z épouse
A demande de :

— condamner la société VETSOCA à lui payer les sommes de :

* 70 000 de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 30 000 de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

* 10 000 au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— dire que ces sommes porteront intérêts à compter de la demande en justice valant sommation de payer.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, le CGEA de l’Ile de
France Ouest demande de :

Vu la procédure collective ouverte contre UJA-VETSOCA
S.A.S: SAUVEGARDE 03.06.2013 convertie en plan de sauvegarde le 16.06.2014;

Vu les articles L. 620-1 et suivants et L. 625-1 et suivants du code de commerce, vu les articles L.
3253-6 et suivants du code du travail ;

Vu la mise en cause du CGEA IDF OUEST délégation
UNEDIC-AGS, devant la Cour en application de l’article L.625-3 du code de commerce;

— mettre hors de cause le CGEA ILE DE FRANCE délégation UNEDIC-AGS ;

Subsidiairement,

Vu l’absence de réunion des conditions de l’article L 3353-8 du code du travail;

— mettre hors de cause le CGEA ILE DE FRANCE délégation UNEDIC-AGS ;

— mettre hors de cause le C.G.E.A. IDF OUEST pour les demandes au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du CPC, des dépens, de l’astreinte, des cotisations patronales ou résultant d’une action en responsabilité;

— débouter toute partie de toute demande contraire.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

L’insuffisance professionnelle, qui se définit comme l’inaptitude du salarié à exécuter correctement les tâches et missions qui lui sont confiées, compte tenu de sa qualification, en vertu du contrat de travail, peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu’elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié. La preuve est partagée, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Si le juge ne peut se substituer au pouvoir directionnel de l’employeur et qu’il suffit à ce dernier d’invoquer le motif d’insuffisance professionnelle dans la lettre de licenciement pour que celle-ci soit recevable, encore faut-il que cette insuffisance professionnelle soit matériellement vérifiable, ce qui suppose que des éléments concrets soient communiqués pour procéder à cette appréciation.

Ensuite, si l’insuffisance de résultats ne peut constituer en soi une cause de licenciement, il appartient au juge de rechercher si les mauvais résultats procèdent d’une insuffisance professionnelle ou d’une faute imputable au salarié, étant précisé que les objectifs doivent être fixés de manière réaliste et que les résultats tenus pour insuffisants ne doivent pas trouver leur origine dans une cause étrangère à l’activité personnelle du salarié.

L’employeur expose avoir constaté que Mme A ne tenait pas compte des conseils donnés par ses supérieurs hiérarchiques et n’appliquait pas la politique commerciale du siège, qu’elle rencontrait d’importants problèmes relationnels avec les membres de son équipe, révélant des méthodes de travail inadaptées. Il souligne que ces difficultés ont eu des répercussions notables sur le chiffre d’affaires du magasin qui n’a eu de cesse de baisser régulièrement et de manière significative.

Il verse aux débats :

— un courrier de Madame F
E (responsable régionale) à la salariée en date du 14 octobre 2008 en ces termes :

« nous nous sommes rencontrés le 4 septembre dernier en présence de votre équipe et à la demande de celle-ci, afin de régler un certain nombre de problèmes de management vous concernant :

comportement difficile, autorité forte, propos disproportionnés, plannings fluctuants et toujours en votre faveur.

Nous avons donc décidé ensemble de mettre en place un plan d’action afin de redresser la situation du magasin et de vous revoir début octobre.

Lors de notre entrevue du 2 octobre dernier je n’ai malheureusement constaté aucune évolution quant aux engagements pris lors de notre dernier entretien

aussi, j’insiste par la présente sur les principaux points d’amélioration que nous vous souhaitons voir mettre en 'uvre des aujourd’hui :

'gestion plus soutenue du merchandising

'rendre compte de l’analyse de vos indicateurs boutiques

'manager davantage votre équipe

'aider vos conseillères de vente en traitant leurs dérives

'vous assurez de la bonne répartition des plannings… »

— un courrier adressé par Madame C (responsable réseau) à la salariée le 4 mars 2013 en ces termes :

«… je fais suite à notre entretien du 14 février 2013 afin de vous rappeler vos responsabilités missions en tant que responsable de magasin…

Votre responsable régional, Madame E, durant ses visites sur la boutique vous a expliqué à plusieurs reprises vos manques en termes de merchandising, captation des clients, ou encore de l’accueil clientèle tout en vous donnant les pistes d’amélioration..

Or à ce jour nous ne constatons pas d’amélioration. Pour exemple, lors de ma venue sur le magasin le 14 février dernier, aucune personne de votre équipe ne se trouvait en accueil client alors que vous étiez trois sur la surface de vente. Vous vous trouviez dans le fond magasin en train de faire du merchandising. Ce défaut d’accueil ne permet pas de capter les clientes et donc d’améliorer le taux de transformation.

De même ce jour je vous ai fait remarquer que tous les usage étaient mélangés et qu’il n’y avait plus aucune cohérence. Vous aviez voulu coordonner les couleurs.
Vous devez prendre des initiatives en termes de merchandising pour adapter le plan envoyé par la direction à votre surface de vente, mais vous ne pouvez pas tout mélanger et ne pas maintenir la cohérence des usages décidés par le siège.
Ce défaut de cohérence ne permet pas aux clients de visualiser correctement les produits.

De par ses insuffisances récurrentes, et malgré les conseils formulés par votre responsable régional, les résultats du magasin sont très insuffisants. En termes de résultats et indicateurs commerciaux, vous vous trouvez à la dernière place de votre secteur sur l’année 2012.

Vous avez reconnu vos faiblesses. Vous dites être impliquée mais de suivez pas les conseils de votre responsable régional et ne mettez rien en place pour améliorer vos résultats.

Nous attendons de votre part une réelle remise en question et que vous mettiez en place avec votre équipe les projets utiles pour améliorer vos résultats. Aussi à cette fin nous vous demandons d’assurer un accueil client, d’être en vente conseil et de faire des propositions de vente complémentaire. Madame E reste à votre écoute pour vous aider vous conseiller…
»

— des tableaux d’indicateurs performances pour les années 2008,2009,2010,2011, 2012 , 2013,2014 portant sur 16 magasins et un tableau pour la période du 1er septembre 2012 au 31 mai 2013

— un tableau de situation comparée des résultats de la boutique Marseille bourse avant et après le départ de la salariée

— des compte rendus d’entretien d’évaluation de 2009 et 2010

— des organigrammes.

Madame A conteste les faits reprochés et demande notamment à la cour :

— de constater que l’employeur ne verse aux débats aucun justificatif concernant ces griefs portant sur son magasin tel que prétendument constatés le 2 mai 2013

— que les entretiens de 2009 et 2010 de près de deux ans avant licenciement sont inopérants alors

même que l’entretien annuel d’évaluation de l’année 2012, qu’elle produit, a été satisfaisant pour la salariée l’employeur y relevant : «bonne évolution managériale de Y qui prend son rôle avec conviction»

— que la lettre d’octobre 2008 n’est pas un avertissement qu’il avait été convenu de faire un point en janvier 2009 lequel a permis de constater la satisfaction de l’employeur sur le comportement de sa salariée puisque aucun grief ne lui a été fait

— de dire que les tableaux informatiques établis unilatéralement par l’employeur n’ont aucune valeur probante

— de constater en tout état que ces chiffres ne permettent pas de dégager une responsabilité de la salariée dans une situation économique globale

— que la société a été confrontée à des difficultés financières ainsi qu’en atteste la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi ;

— que le magasin dont elle avait la responsabilité est installé au centre bourse centre commercial en proie à des difficultés économiques liées au centre-ville et à une concurrence accrue ;

— que les organigrammes produits par la société montrent une réduction du personnel du magasin ce qui démontre la volonté d’opérer des réductions de coûts

— que le document présenté par l’entreprise pour soutenir qu’une amélioration de la situation du magasin est intervenue après le départ de la salariée n’a aucune valeur probante, étant établi sur neuf mois hors période des soldes d’été, et ce magasin ayant fait l’objet d’une nouvelle direction dont on ignore tout quant à d’ éventuelles conditions avantageuses qu’elle a pu avoir à son installation.

Il est acquis que Y A exerçait les fonctions de responsable de magasin. La fiche de poste correspondant à ses fonctions mentionne:

— les missions du salarié sont de faire appliquer représenter la politique commerciale de la société, et d’optimiser les résultats quantitatifs et qualitatifs de son magasin dans le cadre des objectifs fixés par l’employeur .

— le responsable de magasin est rattaché hiérarchiquement au responsable régional

— ses fonctions sont définies en termes de management, mise en scène de la marque, de vente, de résultats commerciaux, de gestion du magasin bulle d’organisation du magasin, et de compétences et aptitudes.

Au vu de ces éléments, il est incontestable que le responsable magasin doit manager et animer son équipe, superviser la bonne tenue du magasin, assurer la mise en scène de la marque et la réalisation des indicateurs commerciaux, tel que rappelé dans la lettre de licenciement.

Dans la lettre de licenciement qui fixe l’objet du litige, l’employeur fait grief à la salariée :

— d’une gestion défectueuse du magasin dont elle a la charge

— de résultats du magasin très insuffisants, ne cessant de baisser

concluant que l’ensemble de ces éléments caractérise une insuffisance professionnelle importante préjudiciable aux intérêts de l’entreprise.

La société Un Jour Ailleurs ne peut valablement soutenir l’absence de grief tenant à une insuffisance de résultats, en soutenant que les mauvais résultats ne sont invoqués que pour illustrer les conséquences de l’insuffisance professionnelle, la lettre de licenciement faisant des résultats un des éléments caractérisant l’insuffisance professionnelle reprochée.

Sur l’insuffisance de résultats

Pour étayer ce grief la société Un Jour
Ailleurs verse aux débats des tableaux annuels d’indicateurs de performance relatifs à 16 magasins, sans entête; elle produit par ailleurs une attestation de
Stéphane FICAT responsable informatique qui précise que les tickets de vente saisis dans l’outil d’encaissement (logiciel Winstore) sont intégrés de façon automatisée dans le bac office commercial (logiciel Storeland) puis dans la comptabilité sans la moindre intervention humaine et que le système est protégé contre toute intervention manuelle au moyen d’un système de clés de cryptage totalement sécurisé.

La cour constate que les comptes rendus d’entretiens annuels d’évaluation versés aux débats par les parties (2009 et 2010 par l’employeur) et 2012 (par la salariée) reprennent certaines données chiffrées de ces tableaux.

Dès lors il n’y pas lieu d’écarter ces éléments, au motif allégué par la salariée qu’ils ne correspondent qu’à des données unilatéralement posées par l’employeur, dans la mesure où il n’est pas sérieusement contestable que ces tableaux sont issus du système informatique de l’entreprise, avec la garantie d’une impossibilité de toute manipulation.

Il n’est pas contesté le classement du magasin Marseille
Bourse dont Mme A était responsable (126ème place sur 147 boutiques en 2012 et 136ème place en 2013) tel que relevé par l’employeur.

L’appréciation des résultats de Mme A ne saurait toutefois être effectuée qu’au regard des objectifs qui lui ont été assignés.

Seuls les comptes rendus d’évaluation de 2010 et de 2012 font état d’objectifs. Ceux-ci fixent notamment à 1 million d’euros le chiffre d’affaires pour 2011 et de 1.1 million d’euros pour 2013 et le panier moyen à 165 +10% pour 2011 et 165 pour 2013.

Les tableaux de performance font apparaître une évolution du chiffre d’affaires du magasin Marseille
Bourse comme suit :

—  2008 : 957 331

—  2009 : 841 316

—  2010 : 904 156

—  2011 : 965 385

—  2012 : 822 293

— du 1er septembre 2012 au 31 mai 2013 : 613 267 ( alors que
N – 1 : 619 407 ).

Mme A fait observer à juste titre que si le chiffre d’affaires de son magasin a connu une baisse en 2009 de -12.12 % par rapport à 2008, 14 magasins sur 16 ont enregistré au cours de 2009 une baisse de leur chiffre et que d’autres magasins ont connu des baisses plus importantes (Cannes -19.12 %, Menton – 21.78 %, St Raphaël – 16.84%, Perpignan – 12.86 % , Cap 3000 – 13.80%).

La cour constate également qu’il y a eu une augmentation de son chiffre en 2010 et en 2011, et que Mme A démontre avoir presque réalisé ses objectifs en 2011, l’entretien d’évaluation 2012 mentionnant :CA 1 million Réa 968 k.

Il est relevé que si en 2012 , le chiffre d’affaires du magasin connaît une nouvelle baisse par rapport à l’année antérieure ( – 14.82 %), comme le souligne la salariée, tous les autres magasins figurant sur le tableau d’indicateur de performance ont également connu une baisse identique, en général d’ailleurs supérieure à celle enregistrée au magasin Marseille
Bourse ( allant de – 15.30 % à – 23.77 %) , seulement 4 magasins enregistrant une baisse de moindre importance ( Cap sud – 2.51%, Beziers 6 8.10 %, Aix en Provence – 11.56 % et Cap 3000 – 11.26 % .)

Mme A ayant été licenciée en juin 2013, aucune conclusion ne saurait être tirée du non respect de ses objectifs pour cette année. La cour observe que pour la période de septembre 2012 / mai 2013, elle avait réalisé toutefois un chiffre d’affaires de 613.267 .

S’agissant du panier moyen , les tableaux de performance font apparaître l’évolution suivante sur le magasin de Marseille Bourse:

—  2008 : 154,33

—  2009 : 134,83

—  2010 : 149,72

—  2011 : 150,49

—  2012 : 162,06

— du 1er septembre 2012 au 31 mai 2013 : 175,52 ( alors sur
N- 1 : 181, 59 )

La baisse du prix du panier moyen constatée en 2009 (- 12.64 %) dans le magasin tenu par Mme A n’est pas la seule, l’ensemble des 16 magasins enregistrant une baisse de cet indice , 5 magasins connaissant d’ailleurs une baisse plus significative.

Il est constaté ensuite une augmentation régulière de cet indice jusqu’en 2012 pour le magasin
Marseille Bourse. S’il est mentionné une baisse du panier moyen entre la période de septembre 2012/ mai 2013 et la période N-1, à la date de son licenciement, en juin 2013, Mme A justifiait cependant de la réalisation d’un panier moyen conforme aux objectifs fixés, puisque supérieur.

Si pour la période de septembre 2012/ mai 2013, derniers mois travaillés, le panier moyen national était de 191.61 , il ne saurait toutefois être tiré argument du résultat afférent au panier moyen dans le magasin de Mme A ( 175.52 ) inférieur de fait au résultat national, la preuve d’une insuffisance de la salariée, alors même que le panier moyen des autres magasins n’est supérieur au panier moyen national que pour 7 magasins sur 16.

Les mêmes observations peuvent être faites s’agissant de l’indice de recrutement (nouvelles clientes) , certes de – 36.92 % entre la période septembre 2012/ mai 2013 et la période N-1 pour le magasin
Marseille Bourse, dans la mesure où d’autres magasins enregistrent également une baisse conséquente (Cannes – 33.54 %, Antibes – 33.44%, Saint
Raphaël – 32.04%, Aix en Provence – 36.59 %, Perpignan – 23.71 % ) pour un indice national de – 20.16 %.

Les arguments développés par l’employeur, selon lesquels après le départ de Mme A, l’arrivée d’un nouveau responsable a permis de hisser le magasin de la 131ème à la 52 ème place , de voir le chiffre d’affaires augmenté de près 20 % doivent être écartés; en effet le tableau de performance pour

la période de septembre 2013/mai 2014, période postérieure au licenciement, révèle une augmentation nationale de l’indice de recrutement ( de 10.31 % ) témoignant d’une reprise générale de la consommation, profitant à tous les magasins; par ailleurs, il est constaté, au vu des organigrammes produits, un nombre de salariés moindre dans le magasin après le départ de Mme A ; la salariée fait justement observer que les conditions de l’installation de la nouvelle direction sont inconnues; ainsi, la comparaison entre les deux directions, celle de Mme A et celle de son successeur, n’apparaît pas probante pour démontrer les carences de Mme A.

Sur la gestion défectueuse du magasin

Ce grief s’articule autour de 3 séries des constatations de manquements :

— des observations faites par sa responsable régionale (Mme E) lors de divers entretiens

— plus particulièrement des remarques faites par la responsable réseau (Mme C) lors d’un entretien le 14 février 2013

— des manquements constatés le 2 mai 2013 par sa responsable réseau.

Il est démontré par les compte rendus d’entretien 2009 et 2010, et le courrier du 14 octobre 2008 que des reproches ont été faits à la salariée en terme de management et de méthode de travail lors des années 2008-2009;

La cour relève cependant, avec les premiers juges, que Mme A a fait l’objet d’une évaluation en 2012 par Mme E, qui conclut à une bonne évolution managériale de Y qui prend son rôle avec conviction.

Le compte rendu d’entretien d’évaluation 2012 montre ainsi plus particulièrement :

— qu’elle est notée systématiquement sur tous les critères d’évaluation soit comme 'qualifiée ' soit comme 'expert’ que ce soit dans ses compétences en management, en savoir faire-vente, en savoir faire-implication dans le développement commercial, dans ses compétences liées à sa fonction, dans le savoir être avec la clientèle, dans le relationnel interne et l’attitude générale

— qu’il est relevé que la salariée est plus sûre d’elle en management, qu’elle a retravaillé le développement des nouvelles clientes et travaillé un plan de vente, il est encore retenu un bon investissement dans la fonction, une bonne présentation avec aucun retour client, une très belle évolution dans le comportement à l’autre, un bon état d’esprit et une attitude constructive avec exemple pour grandir.

Cette évaluation de 2012 témoigne de la réelle et importante prise en compte par la salariée des remarques antérieures et de la satisfaction de son employeur.

L’entretien du 14 février 2013 avec Mme C, au cours duquel il a été demandé à la salarié d’assurer un accueil client, d’être en vente conseil et de faire des propositions complémentaires, rapporté dans la lettre de licenciement est effectivement évoqué dans un courrier du 4 mars 2013 de Mme B C à Madame A.

Il est fait grief à la salariée, malgré ces demandes, de n’avoir pas tenu compte de celles-ci, la lettre de licenciement reprochant à la salariée les manquements suivants:

— des affiches « promotion» en vitrine ne correspondant pas aux silhouettes;

— des prix de produits exposés en vitrine pas indiqués (ex: foulard);

— un magasin mal entretenu ( poussière au niveau des colonnes, des entrées de vitrines, derrière les bornes antivol) ;

— un réassort pas effectué.

— l’insuffisance de ventes additionnelles, la salariée n’étant pas en recherche du «besoin client »

— un mauvais entretien de la boutique, pas en adéquation avec l’image de marque de notre enseigne.

Il est à juste titre soutenu par la salariée que pour rapporter la preuve de ces manquements, qui auraient été constatés le 2 mai 2013 par la responsable réseau, l’employeur ne verse aux débats aucune pièce justificative, de sorte que ces griefs n’apparaissent pas matériellement vérifiables.

En conséquence, preuve est rapportée qu’en 2012, la salariée donnait satisfaction et avait évolué favorablement au regard de remarques antérieures; si la société Un Jour Ailleurs établit qu’en février 2013, des observations lui ont été faites de nouveau, elle ne démontre pas que Mme A n’en a pas tenu compte, et notamment ne rapporte pas la preuve des nombreux manquements prétendument constatés en mai 2013; l’employeur n’établit pas davantage que les résultats du magasin Marseille
Bourse dont la salariée avait la responsabilité, étaient la conséquence d’un manquement de Mme A à ses obligations.

Les premiers juges ont donc à bon droit retenu que n’était pas caractérisée l’insuffisance professionnelle reprochée à Y A et dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes indemnitaires

La salariée peut prétendre à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l’article 1235-3 du code du travail. Mme A justifie d’une ancienneté de 16 ans , elle avait 61 ans au moment du licenciement

Il n’est pas discuté la rémunération mensuelle moyenne brute de 2432 retenue par les premiers juges.

Y A justifie avoir été prise en charge par Pôle emploi à compter de septembre 2013 et que la fin de son indemnisation a été fixée au 11 octobre 2016 (courrier de pôle emploi du 12 septembre 2016), le montant de l’allocation de retour à l’emploi qui lui a été versée était d’environ 1300 par mois;

Elle justifie d’un arrêt de travail en date 27 juin 2013, quelques jours après la notification de son licenciement , d’un traitement depuis juin 2013 pour des troubles anxio-dépressifs durant les mois qui sont suivi la procédure de licenciement

La cour , au vu de ces éléments, infirme le montant des dommages et intérêts fixé par les premiers juges et condamne la société Un Jour Ailleurs au paiement d’une somme de 44 000 à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mme A sollicite en outre 30 000 pour licenciement vexatoire.

Il est justement rappelé par la société Un
Jour Ailleurs que le salarié qui invoque le caractère vexatoire de la rupture doit établir que son licenciement s’est déroulé dans des conditions humiliantes ou vexatoires et que cela lui a causé un préjudice distinct de celui occasionné par le licenciement.

L’affirmation de Mme A selon laquelle elle a été licenciée du jour au lendemain n’est

effectivement pas exacte, comme le souligne l’employeur, la procédure de licenciement ayant été respectée et la salariée ayant exécuté son préavis de deux mois.

La preuve du caractère vexatoire de la mesure n’est pas rapportée, et les premiers juges ont à juste titre rejeté cette demande d’indemnisation.

Sur la mise en cause du CGEA Ile de France
Ouest

La société Un Jour Ailleurs a fait l’objet d’une procédure de sauvegarde le 3 juin 2013, et d’un plan de sauvegarde le 16 juin 2014; la procédure de sauvegarde est exclusive de toute cessation des paiement. La garantie de l’AGS ne peut intervenir que pour les créances salariales dues au jour du jugement de redressement judiciaire. C’est donc à juste titre que le CGEA Ile de France Ouest sollicite sa mise hors de cause.

Sur les autres demandes

L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de Mme A. La cour lui alloue une somme de 1500 de ce chef.

La société Un Jour Ailleurs supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, en matière prud’homale,

Confirme le jugement rendu le 18 décembre 2014 par le conseil des prud’hommes de Marseille en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a condamné la société Un Jour Ailleurs au paiement d’une somme de 38 000 à Mme A à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Statuant à nouveau sur ce chef de demande infirmé et y ajoutant,

Condamne la société Un Jour Ailleurs à payer à Y A la somme de 44 000 à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Met hors de cause le CGEA de l’Ile de France
Ouest,

Condamne la société Un Jour Ailleurs à payer à Y A la somme de 1500 sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Un Jour Ailleurs aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 25 novembre 2016, n° 15/01600