Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre a, 24 mai 2017, n° 16/22255

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 8e ch. a, 24 mai 2017, n° 16/22255
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 16/22255
Décision précédente : Tribunal de commerce de Marseille, 29 juin 2016, N° 2016L00056
Dispositif : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre A

ARRÊT

XXX

DU 24 MAI 2017

N° 2017/ 264

Rôle N° 16/22255

C B

C/

SAS LINKS

SCP J.P H & A. LAGEAT

PG

Grosse délivrée

le :

à :

Me B

Me BOISRAME

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 30 Juin 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 2016L00056.

DEMANDEUR A LA QUESTION PRIORITAIRE

Monsieur C B,

contrôleur de la liquidation judiciaire de la société LINKS

né le XXX à XXX, demeurant XXX – XXX

représenté par Me C B, avocat au barreau de MARSEILLE

DEFENDERESSES A LA QUESTION PRIORITAIRE

SAS LINKS,

dont le siége social est XXX

SCP J.P H & A. LAGEAT

représentée par Maître Jean-Pierre H, pris en sa qualité de Mandataire Judiciaire à la liquidation des biens de la STE LINKS,, demeurant XXX – XXX

représentée par Me Alexandra BOISRAME, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

assistée par Me Eric SEMELAIGNE, avocat au barreau de MARSEILLE,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 05 Avril 2017 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Madame Catherine DURAND, Conseiller rapporteur

Madame Anne CHALBOS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mai 2017

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Mai 2017,

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La SAS LINKS, société de production et de fourniture de programmes, dont Monsieur E F est le président, a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Marseille en date du 30 janvier 2014, Me G H étant désigné en qualités de mandataire judiciaire et Me X d’administrateur judiciaire.

Par ordonnance du 20 février 2014 le juge commissaire a désigné Monsieur Y en application de l’article L 621-9 alinéa 2 du code de commerce, en vue d’analyser les flux financiers entre la société LINKS et les associations A et Z, titulaires des fréquences de Radio Vitamine et liées avec la société LINKS par deux contrats de fourniture de programmes et de régie publicitaire, ainsi que toutes les autres entités liées au dirigeant. Il a fait état de relations anormales entres les entités liées constitutives d’une confusion de patrimoine.

Monsieur C B, désigné par ordonnance du juge commissaire du 6 mars 2014 en qualité de contrôleur de la procédure collective ouverte à l’encontre de la société LINKS, a assigné, par exploits des 4 et 5 février 2015, les associations Z et A en extension de la procédure collective de la société LINKS.

Par assignation du 17 février 2015 Me X, ès qualités, a également engagé une procédure d’extension de la procédure de redressement judiciaire de la société LINKS à l’encontre des deux associations.

Le 1er octobre 2015 la cour d’appel d’Aix-en-Provence a infirmé le jugement du 20 avril 2015 les ayant déboutés de ces demandes et, constatant la confusion de patrimoines entre la société LINKS et les deux associations Z et A, a ordonné l’extension de la procédure collective ouverte à l’encontre de la société LINKS aux deux associations.

Par décision du même jour la cour a déclaré irrecevable l’appel interjeté par Monsieur B, en qualité de contrôleur à la procédure de redressement judiciaire de la société LINKS, à l’encontre du jugement du tribunal de commerce de Toulon du 20 avril 2015 l’ayant débouté de sa demande de remplacement de l’administrateur judiciaire Me X et l’ayant condamné au paiement de la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et celle de 1 euros à titre de dommages et intérêts.

La cour a condamné le contrôleur à payer une somme de 1.500 euros à la SCP Douhaire et X et aux dépens d’appel.

Parallèlement le 27 juillet 2015 le tribunal de commerce de Marseille a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire et a désigné la SCP G H et A Lageat en qualité de mandataire judiciaire, le juge commissaire, par ordonnance du 10 septembre 2015, désignant Monsieur C B comme contrôleur des opérations de la procédure.

Par arrêt du 21 avril 2016 la cour d’appel de céans a confirmé le jugement du 27 juillet 2015.

Monsieur C B a demandé le 7 octobre 2015 au juge commissaire d’autoriser le liquidateur judiciaire à prélever sur les fonds consignés au nom de la société LINKS les sommes nécessaires au remboursement des frais des procédures engagées en qualité de contrôleur directement à lui-même et à Me Sophie B son avocate.

Il a assigné le 5 janvier 2016 la SCP G H & A Lageat, ès qualités aux mêmes fins devant le tribunal de commerce considérant que le juge commissaire n’avait pas statué dans un délai raisonnable, l’ordonnance étant intervenue le 21 décembre 2015.

Le tribunal, par deux jugements du 30 juin 2016 a :

— sur l’assignation du 5 janvier 2016, déclaré irrecevable cette voie de recours et condamné le contrôleur au paiement d’une somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

— sur l’opposition formée le 6 janvier 2016 à l’ordonnance du 21 décembre 2016, fait partiellement droit à ses demandes en autorisant le mandataire judiciaire à lui régler sur les fonds de la société LINKS, la somme de 289,80 euros au titre des frais de procédure d’extension et celle de 6.031,26 euros en remboursement des frais irrépétibles exposés au titre de la procédure (honoraires d’avocat).

Monsieur C B a interjeté appel de ces deux décisions le 7 juillet 2016, enrôlés sous les numéros 1612827 et 1612828.

Le 2 décembre 2016 il a saisi par un mémoire distinct et motivé la cour d’appel de la Question Prioritaire de Constitutionnalité suivante : 'La dernière phrase de l’article L 621-11 du code de commerce qui édicte que les fonctions du contrôleur (dans une procédure collective) sont gratuites, est-elle conforme à la constitution de 1958, et aussi ou ainsi à la déclaration des droits de 1789, spécialement son article 13, et la déclaration européenne des droits de l’homme, spécialement son article 4 ''.

Il soutient que la question est bien applicable au présent litige portant sur le remboursement des débours de procédure et honoraires d’avocat à qui le contrôleur a dû faire appel dans sa fonction, qu’elle n’est pas dénué de caractère sérieux, qu’il n’a pas à supporter au nom de la gratuité de sa fonction la charge de loyaux débours et honoraires d’avocat exposés dans l’intérêt commun de la procédure collective.

Par conclusions déposées et signifiées le 13 février 2017 la SCP G H et A Lageat, ès qualités, demande à la cour de :

• Vu l’article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958,

• Vu les articles 126-1 et suivants du code de procédure civile,

• Vu les articles 23-1 et suivants de l’Ordonnance n° 58-1067 du 5 novembre 1958 issus de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009,

• Constater que la Question Prioritaire de Constitutionnalité soulevée par Monsieur C B ne remplit pas les conditions prévues par l’article 61-1 de la Constitution,

• Constater que la Question Prioritaire de Constitutionnalité est dépourvue de caractère sérieux et ne remplit pas les conditions de transmission prévues par l’article 126-1 et suivants du code de procédure civile et par les articles 23-1 et suivants de l’Ordonnance n° 58-1067 du 5 novembre 1958 issus de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009,

• En conséquence,

• Débouter Monsieur C B de sa demande de transmission de la QPC à la Cour de cassation pour renvoi au Conseil constitutionnel.

Elle précise que le Conseil constitutionnel n’exerce pas le contrôle de conventionnalité des lois et que le grief tiré de la non conformité de l’article L 621-11 du code de commerce à l’article 4 de la CEDH, qui prohibe l’esclavage et le travail forcé, ne justifie pas la transmission de la question par la cour de cassation au Conseil constitutionnel, et que l’exercice d’une fonction non

obligatoire suite à une démarche volontaire ne peut être assimilé à de l’esclavage ou un travail forcé.

Elle ajoute que la fonction de contrôleur est un choix volontaire et que l’avocat choisi par le contrôleur pour le représenter est rémunéré par ce dernier, que les frais et débours exposés ne sont pas des créances privilégiées.

Elle fait valoir enfin que le grief tiré de la non conformité de l’article 13 de la DDHC de 1789 qui pose le principe de l’égalité des citoyens devant l’impôt et les charges publiques et d’administration n’est pas sérieux.

Par conclusions communiquées par rpva le 24 février 2017 le procureur général dit n’y avoir lieu à transmettre à la Cour de cassation la Question prioritaire de constitutionnalité soulevée, non nouvelle et dépourvue de caractère sérieux.

Les parties ont été convoquées par courriers RAR du 27 janvier 2017 à l’audience du 5 avril 2017, la SAS Links n’ayant pas été jointe l’arrêt sera rendu par défaut.

MOTIFS

Attendu qu’aux termes du premier alinéa de l’article 61-1 de la Constitution : «Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ;

Attendu que la Question Prioritaire de Constitutionnalité est ainsi posée :

'La dernière phrase de l’article L 621-11 du code de commerce qui édicte que les fonctions du contrôleur (dans une procédure collective) sont gratuites, est-elle conforme à la constitution de 1958, et aussi ou ainsi à la déclaration des droits de 1789, spécialement son article 13, et la déclaration européenne des droits de l’homme, spécialement son article 4 '' ;

Attendu que l’article L 621-11 dispose que : 'Les contrôleurs assistent le mandataire judiciaire dans ses fonctions et le juge-commissaire dans sa mission de surveillance de l’administration de l’entreprise. Ils peuvent prendre connaissance de tous les documents transmis à l’administrateur et au mandataire judiciaire. Ils sont tenus à la confidentialité. Les fonctions de contrôleur sont gratuites' ;

Attendu que la disposition contestée en ce qu’elle prévoit que les fonctions de contrôleur sont gratuites est applicable au litige, étant invoquée par le la SCP G Lageat &A Lageat, ès qualités, au soutien de ses conclusions tendant au débouté de Monsieur B de ses demandes ;

Attendu qu’elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu que la question, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle ;

Attendu en premier lieu que si Monsieur B soutient que la gratuité des fonctions des contrôleurs prévue à l’article L 621-11 du code de commerce est contraire à l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et des citoyens qui dispose 'Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.', cet article, qui pose le principe de la répartition de la charge des dépenses publiques entre tous les citoyens ne peut s’appliquer aux frais et honoraires des procédures collectives qui ne sont pas engagés pour l’entretien de la force publique ni pour les dépenses d’administration publique et ne peuvent donc être répartis entre tous les citoyens ;

Attendu en second lieu qu’il fait valoir que l’article L 621-11 est contraire à l’article 4 'Interdiction de l’esclavage et du travail forcé' de la Convention Européenne des Droits de l’Homme qui dispose que 'Nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude, Nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire…' ;

Attendu que s’il incombe au Conseil constitutionnel de contrôler de conformité des lois à la Constitution, le contrôle de leur compatibilité avec les engagements internationaux ou européens de la France incombe aux juridictions administratives et judiciaires ; qu’ainsi, le moyen tiré du défaut de compatibilité d’une disposition législative à la Convention Européenne des Droits de l’ Homme, qui relève du contrôle de conventionnalité, ne saurait être regardé comme un grief d’inconstitutionnalité comme le fait valoir justement le mandataire judiciaire ;

Attendu au surplus que le contrôleur étant désigné par le juge-commissaire parmi les créanciers en faisant la demande, donc parmi ceux ayant choisi d’assister le mandataire judiciaire dans ses fonctions et le juge-commissaire dans sa mission de surveillance de l’administration de l’entreprise, la gratuité de ces fonctions ne saurait permettre de considérer le contrôleur comme étant en esclavage, en servitude ou astreint à un travail forcé ou obligatoire ;

Attendu que la question prioritaire de constitutionnalité n’étant pas sérieuse il n’y a pas lieu de la transmettre à la Cour de Cassation ;

Attendu que Monsieur C B est condamné aux dépens de cette instance ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par mise à disposition au greffe, par défaut, sur Question Prioritaire de Constitutionnalité,

Vu l’appel interjeté par Monsieur C B à l’encontre du jugement du Tribunal de commerce de Marseille en date du 30 juin 2016 n° 2016L00056 ayant, sur l’assignation du 5 janvier 2016, déclaré irrecevable cette voie de recours et condamné le contrôleur au paiement d’une somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Dit n’y avoir lieu à transmettre à la Cour de cassation la Question Prioritaire de Constitutionnalité posée par Monsieur C B,

Condamne Monsieur C B aux dépens.

LA GREFFIERE. LE PRESIDENT.

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