Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-7, 14 juin 2019, n° 18/15676

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-7, 14 juin 2019, n° 18/15676
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 18/15676
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Marseille, 11 septembre 2018, N° F15/1712
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7

ARRÊT AU FOND

DU 14 JUIN 2019

N° 2019/524

Rôle N° RG 18/15676 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BDEIL

M N

Syndicat CGT DES ENTREPRISES DE PROPRETE DES BOUCHES DU RHO NE

C/

SAS X SERVICES PROPRETE ET SANTE

Copie exécutoire délivrée

le : 14 juin 2019

à :

Me Roger VIGNAUD

Me Etienne DE VILLEPIN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de MARSEILLE – section C – en date du 12 Septembre 2018, enregistré au répertoire général sous le N°F 15/1712 .

APPELANTS

Madame M N, demeurant […] […] […]

représentée par Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

Syndicat CGT DES ENTREPRISES DE PROPRETE DES BOUCHES DU RHO NE, demeurant […]

représenté par Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS X SERVICES PROPRETE ET SANTE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis […]

représentée par Me Etienne DE VILLEPIN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 03 Mai 2019 , en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Corinne HERMEREL, Président de Chambre qui a fait le rapport oral avant les plaidoiries en vertu de l’article 785 du Code de Procédure Civile et Monsieur Yann CATTIN, Conseiller chargés d’instruire l’affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Corinne HERMEREL, Président

Mme Marina ALBERTI, Conseiller

Monsieur Yann CATTIN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2019.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2019.

Signé par Madame Corinne HERMEREL, Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

La société X Services Propreté et Santé (ci-après désignée X) a pour spécialité le nettoyage dans les établissements de santé et relève de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, étendue par arrêté du 23 juillet 2012, sous réserve de l’application des dispositions de l’article L. 2241-9 du code du travail.

Madame M N a été engagée en qualité d’agent qualifiée de service, le 1 mai 2014, par la société X pour travailler sur le site d’un établissement hospitalier, l’Institut Paoli Calmettes, à Marseille.

Se comparant à des salariés d’X affectés sur d’autres sites, Madame M N a saisi le 16 juin 2015 le conseil de prud’hommes de Marseille d’une demande de rappel de primes de 13e mois et de primes d’assiduité sur le fondement du principe de l’égalité de traitement.

Le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches- du-Rhône est intervenu volontairement à l’instance.

Selon jugement de départage prononcé le 12 septembre 2018, le conseil de prud’hommes de Marseille a :

*déclaré recevable l’intervention volontaire du syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône,

*déclaré recevable la demande de la salariée quant à la prime de 13e mois,

*débouté la salariée de ses demandes,

*dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

*condamné la salariée aux dépens de l’instance.

Madame M N et le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône ont interjeté appel de ce jugement le 1er octobre 2018.

Vu les conclusions notifiées le 24 avril 2019 par la société X,

Vu les conclusions notifiées le 17 avril 2019 par Madame M N,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 26 avril 2019.

PRETENTIONS DES PARTIES

Pour solliciter l’attribution de la prime de 13e mois, la salariée se compare à des salariés d’X affectés sur le site de la polyclinique de Narbonne et observe qu’alors qu’ils sont placés dans la même situation et exercent un travail égal ou de valeur égale, ils ont perçu une prime de 13e mois qui, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, n’a pas été mise en place par erreur par l’employeur mais résulterait selon elle d’un engagement unilatéral de ce dernier.

S’agissant sa demande de prime d’assiduité, la salariée se compare à des salariés bénéficiant de cet avantage, qui travaillaient antérieurement pour la clinique AXIUM à Aix-en-Provence, et qui ont, suite à une externalisation du marché de nettoyage, travaillé pour X à partir du 1 juin 2014, transfert à l’occasion duquel un nouveau contrat de travail a été signé.

La salariée fait valoir que tous les salariés issus de la clinique AXIUM ont été embauchés par X, par application volontaire et non de plein droit de l’article L.1224-1 du code du travail. Elle demande à la cour d’appel, de constater que la société X a accordé à ces salariés, par contrat, une prime d’assiduité, anciennement appelée de fidélité, d’un montant de 144,54 euros, versée mensuellement et de retenir que les salariés concluants qui ne bénéficient pas d’une telle prime, alors qu’ils travaillent dans des établissements de santé et exercent des fonctions de valeur égale, sont victimes d’une inégalité de traitement.

Madame M N demande en conséquence l’infirmation du jugement, le débouté des demandes formées par la société X et la condamnation de celle-ci à lui verser les sommes de :

* 3582,37 euros au titre du rappel de la prime de 13e mois de 2014 à 2018

* 5 445,48 euros au titre de la prime assiduité de juin 2014 à 2018.

* 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône demande la condamnation de la société X SERVICES PROPRETE à lui verser les sommes de :

*200 euros à titre de dommages et intérêts,

*50 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils demandent de dire que les sommes allouées porteront intérêts de droit à compter de l’introduction de la présente instance, en application de l’article 1153-1 du code civil et anatocisme, en application de l’article 1154 du code civil.

La société X expose que le versement de la prime de 13e mois aux salariés de la polyclinique de Narbonne résulte d’une erreur commise durant deux ans (à deux reprises s’agissant d’une prime annuelle), laquelle ne peut être considérée comme constitutive d’un droit acquis ou d’un usage. Elle expose également que si le versement de cette prime a été réitéré ensuite, c’est en raison de la décision de justice rendue par le conseil de prud’hommes de Narbonne le 5 janvier 2015 au profit des salariés auxquels l’appelante se compare.

Concernant le versement de la prime d’assiduité aux salariés affectés sur le site de la clinique AXIUM, la société X SERVICES soutient, à l’instar de ce qu’a décidé le premier juge, que le transfert des contrats de travail des salariés d’AXIUM au profit d’X est le fruit d’un transfert légal dans les conditions de l’article L 1224-1 du code du travail, et que l’obligation dans laquelle elle se trouvait de maintenir les avantages antérieurs constitue une raison objective justifiant la différence de traitement entre ces salariés et Madame M N.

La société X demande à la cour de :

— confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de dire irrecevables les demandes de la salariée dont le contrat de travail a été repris en application des dispositions de l’article VII de la convention collective des entreprises de propreté

— dire le syndicat CGT irrecevable à invoquer un préjudice résultant de l’application des accords collectifs auxquels il a participé, irrecevable également en son intervention volontaire pour les mêmes motifs,

— en tous cas, le débouter de ses demandes,

— de condamner le syndicat CGT à lui verser 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement critiqué et aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité des demandes de Madame M N

La société X SERVICES indique dans le dispositif de ses conclusions

'Vu l’article L. 1224-3-2 du code du travail

Constatant que les demandeurs ont vu leurs contrats de travail repris en application des dispositions de l’article VII de la convention collective des entreprises de propreté, dire et juger que leurs demandes sont irrecevables au regard des dispositions légales précitées et les débouter de l’ensemble de leurs demandes'.

Cette fin de non recevoir, soulevée dans le seul dispositif des conclusions, n’est pas même évoquée dans le corps des conclusions, de sorte qu’elle ne saurait en l’état être examinée utilement.

La cour observe toutefois que le présent litige ne concerne pas une action au titre des avantages maintenus par voie conventionnelle aux salariés transférés mais d’une action sur le terrain de l’égalité de traitement au titre d’avantages résultant d’un engagement unilatéral (13e mois) ou contractuel (prime assiduité).

Enfin, les dispositions de l’article au visa duquel l’irrecevabilité est soulevée ne sont applicables aux contrats de travail qu’à compter du 23 septembre 2017 (art. 40, IX, de l’ord. 2017-1387 du 22 septembre 2017).

La demande d’irrecevabilité ne saurait en conséquence prospérer.

Sur la recevabilité de la demande du syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône

La société X demande à la cour dans le dispositif de ses conclusions que le syndicat serait 'irrecevable à prétendre que la négociation collective à laquelle il a participé porterait un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’il représente, à défaut le déclarer irrecevable le débouter de son intervention volontaire à raison des mêmes motifs'.

Cette fin de non recevoir n’est pas évoquée dans les motifs des écritures.

Au surplus, le syndicat, sur le fond, reproche à l’employeur un manquement au respect du principe de l’égalité de traitement qui dépasse l’intérêt personnel de l’appelante et entre bien dans le cadre de la défense de l’intérêt collectif de la profession, la solution de ce litige pouvant avoir des conséquences sur l’ensemble des personnels de ces entreprises, peu important la participation du syndicat à une négociation collective auquel il aurait participé, sans autre précision.

Le syndicat ne se plaint nullement de l’impact sur l’intérêt collectif de la profession d’une quelconque négociation collective à laquelle il aurait participé.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a déclaré le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône recevable à agir

Sur la prescription

Bien que la salariée développe ses écritures pour établir que ses demandes ne sont pas prescrites, force est de constater que la société X ne soulève pas, en tout cas en cause d’appel, de fin de non recevoir tirée de la prescription et que le premier juge n’a pas été saisi non plus de cette fin de non recevoir.

Sur l’égalité de traitement

Le principe 'à travail égal, salaire égal', dégagé par la jurisprudence, oblige l’employeur à assurer une égalité de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale ou, du moins, à devoir justifier toute disparité de salaire. Cette règle est une application particulière du principe d’égalité de traitement entre les salariés. Elle s’oppose à ce que des salariés, placés dans une situation identique, soient traités différemment au regard de l’octroi d’une augmentation de salaire, d’une prime ou d’un avantage.

Ce principe implique donc une comparaison de situations entre salariés, de sorte que l’employeur n’est pas fondé à invoquer, dans le cadre d’un litige relatif à la relation individuelle de travail qui le lie à son salarié, les répercussions éventuelles que pourrait avoir la solution de ce litige sur la situation professionnelle d’autres salariés de l’entreprise. En conséquence, le moyen de la société X tiré de la règle selon laquelle 'nul ne plaide par procureur’sera rejeté.

Les salariés exercent un même travail ou un travail de valeur égale lorsqu’ils sont dans une situation comparable au regard de la nature de leur travail et de leurs conditions de formation et de travail.

Les différences de rémunération entre des salariés exerçant un travail égal ou de valeur égale sont licites dès lors qu’elles sont justifiées par des critères objectifs et pertinents, étrangers à toute discrimination.

Il appartient au salarié qui s’estime victime d’une inégalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait, loyalement obtenus, laissant supposer son existence. C’est à celui qui invoque une atteinte au principe d’égalité de traitement de démontrer qu’il se trouve dans une situation identique ou similaire, au regard de l’avantage considéré, à celui auquel il se compare de façon déterminée. Il incombe ensuite à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs et pertinents.

Une différence de traitement peut se justifier par l’application d’une disposition légale ou d’une décision de justice, voire d’une disposition conventionnelle. Dans certains cas, l’inégalité de traitement est présumée justifiée lorsqu’elle résulte d’un accord collectif ou d’un protocole de fin de conflit ayant valeur d’accord collectif. En revanche, si la différence de traitement découle d’une décision unilatérale de l’employeur, celui-ci doit nécessairement la justifier. En effet, l’employeur ne peut pas opposer son pouvoir discrétionnaire pour se soustraire à son obligation de justifier une inégalité de rémunération ou de traitement.

Aux termes de l’article L. 1224-1 du code du travail : ' Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.'.

En cas de transfert d’une entité économique, l’obligation à laquelle est légalement tenu le nouvel employeur, en application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, de maintenir au bénéfice des salariés qui y sont rattachés les droits qu’ils tiennent d’un usage au jour du transfert, justifie la différence de traitement qui en résulte par rapport aux autres salariés. Dans ce cadre, l’origine de l’avantage importe peu.

La demande relative à la prime de 13e mois

L’examen des bulletins de paie des salariés de l’entreprise ayant travaillé sur le site de la polyclinique de Narbonne révèlent le versement, en novembre 2012 (B), novembre 2013 (F, Y, Z, A, B), novembre 2014 (B), novembre 2018 (B) d’un 13e mois sur la base de 100 % du salaire mensuel brut de base (au prorata du temps de présence dans l’entreprise au cours de l’année).

Il n’est pas contesté que Madame O P ne perçoit pas cette prime de 13e mois et effectue un travail égal ou de valeur égale à celui occupé par les salariés auxquels elle se compare.

La différence de traitement ayant été mise en évidence par la salariée, il incombe dès lors à l’employeur de la justifier par des raisons objectives et pertinentes.

En l’espèce, il n’est pas contesté que l’attribution de la prime de 13e mois à ces salariés du site de la polyclinique de Narbonne ne résulte ni d’un transfert du contrat de travail en application d’une garantie d’emploi, en application de l’article 7 de la convention collective nationale des entreprises de propreté, ni d’un accord collectif négocié et signé par les organisations syndicales représentatives ou d’un protocole de fin de conflit ayant même valeur, ni du maintien d’une majoration de traitement consentie à certains salariés par un ancien employeur en application de l’article L. 1224-1 du code du travail.

La société X soutient que c’est par erreur que cette prime a été versée à deux reprises aux salariés auxquels Madame O P se compare et que c’est ensuite en raison d’une décision du conseil de prud’hommes en date du 5 janvier 2015, assortie de l’exécution provisoire, qu’elle a réitéré ce versement annuel.

C’est à tort que la société X considère que la charge de la preuve pèse sur la salariée qui devrait démontrer que l’employeur a eu une intention libérale ou que le paiement de cette prime constituait un usage d’entreprise.

En effet, c’est bien à l’employeur de justifier des motifs du versement de cette prime de 13e mois et pour cela de démontrer l’erreur qu’il allègue, afin d’expliquer et de justifier la différence de traitement qui en résulte entre ces salariés et la salariée appelante.

Pour démontrer l’existence de cette erreur, il est produit par la société X deux attestations :

— l’une, non datée, émane du responsable du centre de services partagés de la société X, Monsieur C, qui affirme que ladite erreur résulte d’un changement de programme informatique, le passage du système de paye Arcole au système Pléiades ne comportant pas de ligne PFA mais une ligne 13e mois,

— l’autre émane d’une responsable de site, Madame D, qui explique qu’après avoir été condamné à verser un rappel de cette prime à des salariés par le conseil de prud’hommes de Narbonne en avril 2012, l’employeur s’était exécuté mais avait en outre, par erreur, également versé la prime à d’autres salariés avant tout jugement les concernant.

Ainsi, l’explication donnée sur l’origine de l’erreur, humaine ou informatique, est différente selon les deux attestations versées.

Par ailleurs, il résulte des bulletins de salaire produits que cette prime de 13e mois a été attribuée non seulement en novembre 2012 (Madame B), mais aussi en novembre 2013 (Mmes B, Y, E, Z, M. A), novembre 2014 (Madame B), et ce alors même qu’aucune décision de justice ne l’imposait à l’employeur, le jugement du conseil de prud’hommes ayant accordé à ces salariés un rappel de primes de 13e mois ayant été prononcé seulement le 5 janvier 2015.

Cette réitération du versement de la prime entre 2012 et 2014 contredit la thèse de l’erreur avancée par X.

La société X ne démontrant pas avoir commis une erreur, le versement d’une prime de 13e mois effectué entre 2012 et 2014 au profit de quelques salariés de l’entreprise doit en conséquence être analysé comme un avantage alloué unilatéralement et discrétionnairement à certains employés affectés sur le site de la polyclinique de Narbonne, sans que l’employeur soit en mesure d’invoquer des raisons objectives et pertinentes justifiant la différence de traitement que ce versement a occasionné entre les salariés exerçant sur le site de la polyclinique de Narbonne et Madame M N.

Madame M N, dont il n’est pas contesté qu’elle se trouve dans une situation de travail de valeur égale aux 5 salariés affectés sur le site de la polyclinique de Narbonne auxquels elle se compare, est donc fondée à solliciter le versement de la prime de 13e mois pour la période précédant l’année 2015.

La société X soutient qu’à compter de l’année 2015, c’est en application d’une décision de justice, assortie de l’exécution provisoire de droit, qu’elle a accordé cet avantage aux salariés auxquels Madame M N se compare.

Il ressort du jugement du 5 janvier 2015 que le conseil de prud’hommes de Narbonne a fait droit à la demande de plusieurs salariés de la polyclinique de Narbonne et notamment à Mesdames B, Y, F, Z, M. A, lesquels avaient saisi la juridiction le 27 septembre 2012 pour réclamer un rappel de prime de 13e mois, sur le fondement de l’égalité de traitement, en se comparant à des salariés affectés sur le site du centre hospitalier LAPEYRONNIE à Montpellier.

Par ailleurs, 35 salariés exerçant au sein de la polyclinique de Narbonne avaient sur le même fondement, saisi aussi le conseil de prud’hommes de Narbonne en 2011 pour revendiquer la prime de 13e mois et avaient obtenu gain de cause par jugement du 2 avril 2012 confirmé sur ce point par arrêt de la cour d’appel de Montpellier rendu le 26 mars 2014.

Ainsi, le jugement prononcé le 5 janvier 2015, dont les dispositions visées par l’article R. 1454-28 du code du travail étaient assorties de l’exécution provisoire de droit, constitue bien une raison conjoncturelle, objective et pertinente justifiant l’octroi de la prime de 13e mois aux salariés B, Y, F, A et Z dans la période postérieure au 5 janvier 2015, et ce même si cette décision n’impose pas le versement de cette prime pour la période à venir.

La décision de justice dans un contexte de conflit individuels du travail et où, par ailleurs, 35 autres salariés du même site, et toujours dans le cadre de litiges entre chacun d’eux et leur employeur, venaient d’obtenir gain de cause à l’issue d’un jugement puis d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Montpellier constitue une raison objective et pertinente qui a conduit l’employeur à verser cette prime aux salariés auxquels Madame M N se compare et qui justifie la différence de traitement qui en a résulté.

L’inégalité de traitement étant ainsi justifiée par la société X, Madame M N sera déboutée de sa demande de rappel de primes pour les années postérieures au jugement du 5 janvier 2015.

Le jugement sera ainsi pour partie seulement, confirmé comme suit, par substitution de motifs.

La société X sera condamnée à verser à Madame M N un rappel de primes de 13e mois d’un montant de 747,59 euros correspondant à la somme qu’elle sollicite pour la période précédant l’année 2015. Madame M N sera en revanche déboutée de sa demande au titre des périodes postérieures au 5 janvier 2015.

La demande relative à la prime d’assiduité

Madame M N forme une demande de rappel de prime d’assiduité à compter du mois de juin 2014.

Fondant sa demande sur l’inégalité de traitement, Madame M N se compare aux salariés exerçant leur activité au sein de la clinique Axium, marché repris par la société X à compter du 1er juin 2014.

Madame M N fait valoir que chaque salarié travaillant dans la clinique Axium a signé avec la société X, le 31 mai 2014, un nouveau contrat de travail à durée indéterminée, avec reprise d’ancienneté, qui mentionne en son article 6 qu’outre la rémunération de base, une prime d’assiduité mensuelle qui varie de 80 euros à 158,09 euros par mois pour un temps plein, est versée au salarié.

Madame M N produit les bulletins de paye des salariées auxquelles elle se compare, à savoir les bulletins de Mesdames G,H,I,J,K, L, sur lesquels apparaît effectivement le versement d’une telle prime, d’un montant de 144,54 euros pour

la plupart de ces salariés, dès juin 2014.

Elle même ne perçoit pas cette prime d’assiduité.

Il n’est pas contesté que ces salariées effectuent un travail égal ou de valeur égale ou similaire à celui de Madame M N.

En cas de transfert d’une entité économique, l’obligation à laquelle est légalement tenu le nouvel employeur, en application des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, de maintenir au bénéfice des salariés qui y sont rattachés les droits qu’ils tiennent d’un usage au jour du transfert, justifie la différence de traitement qui en résulte par rapport aux autres salariés.

Les contrats de travail des salariées auxquelles Madame M N se compare, signés le 31 mai 2014, portent tous la mention suivante :

'suite à la reprise des prestations de bionettoyage et services hôteliers par la société X SERVICES PROPRETE ET SANTE, dans le cadre de l’article L. 1224-1 du code du travail, il a été proposé à Mme … de bénéficier d’un transfert de son contrat de travail au sein de la société X à compter du 1 juin 2014, ce transfert valant rupture d’un commun accord du contrat de travail d’origine de Madame … avec la société Clinique Axium et conclusion d’un nouveau contrat à durée indéterminée avec la société X.'

En l’espèce, c’est bien une entité économique qui a été transférée, s’agissant du transfert d’un ensemble de salariés de la clinique AXIUM, affectés à l’activité de bionettoyage de la clinique, au profit des usagers de la clinique, dans les locaux de cet établissement, soit un ensemble organisé de personnes utilisant un matériel destiné à l’activité de bio-nettoyage et affectées à des tâches spécifiques de nettoyage des locaux, et dont il n’est pas contesté qu’ils ont tous été repris par la société X, ainsi que l’indique la salariée dans ses conclusions, et qui poursuivent à l’identique l’activité antérieure au sein du même établissement.

Les salariées concernées, dont les contrats de travails étaient nécessairement poursuivis, étaient toutefois libres de signer, fut-ce de manière superflue, un nouveau contrat de travail reprenant notamment les conditions et avantages qu’elles détenaient avant le transfert, avec reprise de leur ancienneté, et il ne peut se déduire de l’existence d’un tel contrat que les conditions du transfert légal du contrat de travail n’étaient pas par ailleurs réunies. La référence à l’article L 1224-1 du code du travail mentionnée dans ce contrat de travail corrobore cette analyse et la signature de ce contrat a notamment permis de placer expressément la relation de travail entre la salariée et la clinique AXIUM jusqu’alors sous l’empire de la convention collective de l’hospitalisation privée, sous l’égide de la convention idoine.

Le contrat signé avec la société X stipule ainsi dans son article 3 que la relation de travail est régie par la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés.

Il résulte de cette analyse que la référence contractuelle à l’article L. 1224-1 du code du travail correspond en l’espèce à la réalité des conditions du transfert du contrat de travail et qu’en conséquence, l’octroi de la prime d’assiduité découle de l’obligation à laquelle était tenue la société

X de maintenir au bénéfice des salariés transférés les droits qui leur étaient reconnus chez leur ancien employeur à la date du 1 juin 2014.

En conséquence, l’inégalité de traitement est justifiée et le jugement sera confirmé en ce que la demande de rappel de prime d’assiduité a été rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône

La violation du principe de l’égalité de traitement quant à l’attribution d’une prime de 13e mois justifie que la société X soit condamnée à verser au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône la somme de 50 euros à titre de dommages et intérêts.Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur l’offre de consignation

La société X propose, le cas échéant, de consigner les condamnations qui seraient eventuellement prononcées par la cour d’appel, et ce conventionnellement, sous réserve de l’accord des appelants.

La cour observe que les appelants ne se sont pas exprimés en réponse et il n’appartient pas à la cour de statuer sur cette offre.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les considérations d’équité conduisent à condamner la société X à verser à Madame M N la somme de 600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de dire n’y avoir lieu à application de cet article au profit du syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône.

Madame M N, appelante, obtient pour partie gain de cause en appel. La société X qui succombe partiellement supportera la charge des entiers dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi, en matière prud’homale et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en ce qu’il a déclaré recevable l’intervention volontaire du syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône et déclaré recevable la demande de Madame M N quant à la prime de 13e mois et en ce que Madame M N a été déboutée de sa demande au titre de la prime d’assiduité,

Infirme le jugement pour le surplus,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Rejette les fins de non recevoir soulevées par la société X services propreté et santé,

Condamne la société X services propreté et santé à verser :

— à Madame M N la somme de 747,59 euros au titre du rappel de prime de 13 ème mois pour l’année 2014,

— au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône la somme de 50 euros à titre de dommages et intérêts,

Dit que les intérêts au taux légal avec capitalisation sont dus à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances salariales ayant fait l’objet de la saisine initiale du conseil de prud’hommes

Déboute Madame M N de sa demande de rappel de primes de 13e mois pour l’année 2015 et les années postérieures,

Condamne la société X services propreté et santé à verser à Madame M N la somme de 600 euros au titre des frais irrépétibles pour l’ensemble de la procédure,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit du syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société X services propreté et santé aux entiers dépens de l’instance .

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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