Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-4, 21 mars 2019, n° 16/12472

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-4, 21 mars 2019, n° 16/12472
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 16/12472
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Grasse, 21 juin 2016, N° 14/1325
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 21 MARS 2019

N°2019/

GB/FP-D

Rôle N° RG 16/12472 – N° Portalis DBVB-V-B7A-64P3

SAS DREAM GOLF

C/

Y X

Société A B LTD

Copie exécutoire délivrée

le :

21 MARS 2019

à :

Me Eric AGNETTI, avocat au barreau de NICE

Me Jean-michel RENUCCI, avocat au barreau de NICE

Me Raymond RUDIO, avocat au barreau de GRASSE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRASSE – section E – en date du 22 Juin 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 14/1325.

APPELANTE

SAS DREAM GOLF venant aux droits de la SAS SOCIETE D’EXPLOITATION PROVENCAL GOLF (SEPG), demeurant […]

représentée par Me Eric AGNETTI, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Monsieur Y X, demeurant […]

représenté par Me Jean-michel RENUCCI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Lise KLINGUER, avocat au barreau de NICE

Société A B LTD, demeurant […]

représentée par Me Raymond RUDIO, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Charlène COLOMBAIN, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 09 Janvier 2019, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame C D-E.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2019.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2019

Signé par Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président et Madame C D-E, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE

Par lettre recommandée postée à une date non identifiable, réceptionnée au greffe de la cour le 30 juin 2016, la Société d’Exploitation du Provençal Golf (SEPG) a interjeté appel du jugement rendu le 22 juin 2016 par le conseil de prud’hommes de Grasse, prononçant la mise hors de cause de la société A B, et condamnant la société SEPG à verser à M. Y X les sommes suivantes :

25 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

166,60 euros en complément de l’indemnité légale de licenciement.

…/…

Par lettre recommandée postée à une date non identifiable, réceptionnée au greffe de la cour le 15 juillet 2016, M. X a provoqué l’appel contre la société A B.

…/…

La société SEPG, aux droits de laquelle vient la société Dream Golf, conclut à l’infirmation, en toutes ses dispositions, du jugement déféré à la censure de la cour, sans préjudice du paiement d’une indemnité à devoir par le salarié d’un montant de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

…/…

Au principal, M. X demande à la cour de juger que son contrat de travail a été transféré, de plein droit, de la société Dream Golf à la société A B ; subsidiairement, ce salarié demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a retenu que son licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse.

M. X poursuit la condamnation de la société Dream Golf, solidairement avec la société A B, à lui verser les sommes suivantes :

60 361,20 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

166,60 euros en complément de son indemnité légale de licenciement,

10 060,20 euros brut pour préavis, ainsi que 1 006,02 euros brut au titre des congés payés afférents,

3 500 euros pour frais irrépétibles.

…/…

La société A B conclut à la confirmation du jugement prononçant sa mise hors de cause, sans préjudice de l’allocation d’une indemnité d’un montant de 2 500 euros à devoir par M. X pour ses frais non répétibles.

…/…

La cour renvoie pour plus ample exposé au jugement déféré et aux écritures soutenues oralement par les parties à l’audience d’appel tenue le 9 janvier 2019, à laquelle furent évoquées les deux instances jointes.

MOTIFS DE LA DÉCISION

M. X a été engagé par la société Sophia Golf company, aux droits de laquelle viennent la société SEPG, puis la société Dream Golf, en dernier lieu en qualité de 'Head-Greenkeeper', statut cadre, comme tel chargé de l’entretien d’un parcours de golf situé à Biot (Alpes-Maritimes), en vertu d’un contrat de travail qui pris effet le 27 janvier 2010.

Courant 2014, la société SEPG, arguant de difficultés économiques, décidait d''externaliser’ son activité de maintenance du parcours de golf auprès de la société A B.

M. X soutient que cette activité de maintenance du parcours constituait une entité économique autonome dont le transfert auprès de la société A B emportait transfert, de plein droit, des contrats de travail de l’équipe des jardiniers chargés de l’entretien du parcours, dont faisait partie M. X.

L’article L. 1224-1 du code du travail, qui prévoit qu’en cas de modification dans la situation

juridique de l’employeur les contrats de travail subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise, s’applique toutes les fois qu’il y a transfert d’une entité économique autonome, cette entité économique devant être entendue, selon la directive CE 2001/23 du 12 mars 2001, comme un ensemble organisé de moyens en vue de la poursuite d’une activité économique, que celle-ci soit principale ou accessoire.

En droit, constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit une finalité économique propre, clairement identifiée, détachable des autres activités de l’entreprise avec une autonomie d’organisation au sein de celle-ci, caractérisée par des moyens et du personnel non polyvalent organisé de manière autonome.

La société SEPG ayant confié à une société extérieure une activité qu’elle exerçait jusqu’alors elle-même à titre accessoire de son activité principale d’exploitation du golf de Biot, une telle externalisation est susceptible, ainsi que le soutient le salarié, de donner lieu à l’application des dispositions de l’article L. 1224-1, à condition, toutefois, que l’activité concernée soit exercée par des moyens et du personnel non polyvalent organisé de manière autonome.

En l’espèce, aux termes de l’acte de cession du fonds de commerce, la société SEPG a acquis, le 27 juin 2014, 'un fonds d’activité et de pratique d’un parcours de golf de neuf trous avec practice et académie de golf, club house, connu sous l’enseigne 'Le Provençal Golf', et tous services liés directement ou indirectement à l’exploitation du golf situé sur la commune de Biot (…)'.

La maintenance de ce parcours était assurée par un personnel bénéficiant d’une qualification particulière et spécialement affecté à cette activité, constitué de jardiniers et 'd’un mécanicien jardinier', encadré par un 'greenkeeper’ en la personne de M. X.

S’il est exact que cette activité de maintenance du parcours de golf bénéficiait de moyens d’exploitation propres et que cette activité nécessite l’utilisation de machines d’entretien spécifiques (tondeuses, tracteur, pelle, balayeuse …), propriétés de la société SEPG, ces éléments, mis en avant par le salarié, sont toutefois insuffisants pour caractériser l’existence d’une entité économique autonome.

En effet, s’il n’est pas contesté que cette activité de maintenance était assurée par une équipe de jardiniers dédiés, l’avenant signé le 3 juin 2008 par M. X, modifiait sensiblement ses fonctions initiales, en lui confiant, en sus de sa fonction unique de jardinier spécialisé, celle de chef d’équipe, comme tel chargé du planning de travail de l’équipe des jardiniers, ainsi que la passation des commandes, produits et matériel, sous réserve d’une validation de la part du directeur du golf, puis la fonction de responsable de chantier, du ramassage des balles des parcours et practice, de l’ouverture et la fermeture des parcours et practice, et 'généralement, tous travaux liés à l’entretien et à l’intendance du terrain de Golf, des abords du Club House et du Golf.', ce qui démontre une polyvalence certaine de ses fonctions qui n’étaient plus exclusivement limitées à l’entretien du parcours.

Par ailleurs, il n’est pas démontré que l’activité d’entretien du parcours de golf poursuivait une finalité économique propre, clairement identifiée, détachable des autres activités de l’entreprise alors que, selon les éléments versés aux débats il s’agit d’une activité accessoire à l’activité principale d’exploitation du fonds de commerce, indispensable à cette exploitation et qui, concourant au même but, n’en est pas dissociable.

Il n’est d’ailleurs pas allégué que cette activité serait exercée au bénéfice d’une clientèle propre, ni qu’elle bénéficierait d’une autonomie budgétaire et comptable.

L’application de l’article L. 1224-1 du code du travail suppose, en outre, le transfert de moyens

d’exploitation significatifs nécessaires au maintien de l’activité.

Or, les tâches d’entretien des espaces verts du golf ne sont pour l’entreprise SEPG qu’une 'charge d’exploitation' au plan comptable.

Or encore, les éléments versés aux débats ne permettent pas de confirmer les dires du salarié affirmant que le matériel nécessaire à l’activité d’entretien du parcours aurait été transféré à la société A B alors que cette dernière, confirmée en cela par la société SEPG, soutient utiliser son propre matériel.

Ces éléments font que la cour rejettera la thèse que M. X soutient au principal tendant à faire constater le transfert de son contrat de travail auprès de la société A B.

Le salarié invoque également l’existence d’une collusion frauduleuse entre la société SEPG et la société de droit irlandais A B pour évincer le personnel français avant la passation du marché.

Pour soutenir que l’opération réalisée entre ces deux sociétés serait constitutive d’un 'dumping social', le salarié explique que le contrat de prestation de service a été conclu avec cette société de droit irlandais, sans prévoir le paiement de la TVA, que le montant de l’économie escomptée par la société SEPG (entre 80 000 et 86 000 euros) n’est pas clairement établi et que cette dernière société a ainsi tenté de contourner les législations fiscale et sociale françaises en vigueur.

Le salarié précise que la société A B a débuté son activité en France sans disposer d’établissement immatriculé sur le sol français, que ses propres salariés étaient en situation irrégulière et qu’il a fallu une intervention de la Dirrecte pour obtenir la création à la date du 30 mars 2015 d’un établissement régulièrement immatriculé, bien que son activité ait débuté le 1er octobre 2014.

M. X ne verse cependant à l’appui de cette thèse que le courrier adressé à son conseil par un inspecteur du travail, daté du 24 décembre 2014, selon lequel la société A B n’aurait pas déclaré d’établissement en France alors qu’elle y accomplirait l’essentiel de son activité, cet inspecteur précisant dans ce courrier que si ces informations venaient à être confirmées, il envisagerait de relever la fraude par voie de procès-verbal, ce qui n’est pas advenu.

En l’absence de tout autre élément d’appréciation, l’existence d’une collusion frauduleuse entre les sociétés SEPG et A B n’est pas démontrée.

La cour, en conséquence, confirmera le jugement déféré, par des motifs distincts, en ce qu’il a prononcé la mise hors de cause de la société A B.

…/…

Sur le licenciement, le contrat de travail ayant lié M. X à la société SEPG a été rompu le 1er octobre 2014 par son acceptation d’un contrat de sécurisation professionnelle (CSP).

Dans une lettre du 26 août 2014, énonçant le motif économique, la société SEPG posait à M. X la question suivante : 'Disposez-vous au sein de votre établissement d’un emploi pouvant convenir '', ce qui faisait reposer sur le salarié l’obligation de reclassement qui incombe exclusivement à son employeur.

S’agissant du motif économique stricto sensu, la société SEPG verse aux débats le bilan et le compte de résultat de l’exercice 2015 qui ne permet pas à la cour d’apprécier sa situation au moment de la rupture du contrat de travail de M. X.

Par ailleurs, sur son obligation de reclassement, la société SEPG ne verse aux débats aucun élément utile permettant de retenir que la recherche en interne fut menée avec loyauté, pas plus que la recherche au sein de la société A B que l’employeur prétend avoir menée en externe.

A ce titre, l’envoi aux propriétaires des différents golfs de la région de la lettre du 26 août 2014 précitée, sans nullement préciser l’ancienneté, la rémunération et la fonction de M. X ne peut être considéré comme une recherche de reclassement sérieuse et loyale.

La cour, en conséquence, confirmera le jugement déféré, par des motifs distincts, en ce qu’il a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. X.

…/…

Âgé de 34 ans au moment de la rupture de son contrat de travail, survenue en l’état d’une ancienneté de 7 ans et 5 mois au sein d’une entreprise occupant plus de 11 salariés, M. X a perdu un salaire mensuel de 3.353,40 euros brut dont le détail n’est pas contesté.

L’intéressé ne justifiant pas de sa situation professionnelle immédiatement après son licenciement, pas plus qu’il ne justifie avoir été obligé de déménager en Bretagne pour retrouver un emploi moins rémunéré, la cour arrêtera son exact préjudice à la somme de 20 500 euros.

En l’état d’une ancienneté de 7 ans et 8 mois (préavis inclus), sur la base de ce salaire de 3 353,40 euros, la cour confirmera le jugement allouant au salarié un complément de 166,60 euros au titre de son indemnité de licenciement selon le juste calcul développé par son conseil à la page 29 de ses écritures.

Le licenciement étant dépourvu de motif économique, le CSP auquel a adhéré le salarié devient sans cause, de sorte que l’employeur reste lui devoir son indemnité de préavis et les congés payés afférents, représentant les sommes de 10 060,20 euros et 1 006,02 euros.

…/…

La société Dream Golf supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile.

Confirme le jugement, par des motifs distincts, en ce qu’il dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. X et prononce la mise hors de cause de la société Evergreens B.

Le confirme en ce qu’il condamne la société Dream Golf, venant aux droits de la Société d’Exploitation du Provençal Golf, à verser au salarié un complément d’indemnité de licenciement de 166,60 euros.

Infirmant sur ce point, condamne la société Dream Golf à payer à M. X la somme de 20 500 euros à titre d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Y ajoutant, condamne la société Dream Golf, venant aux droits de la Société d’Exploitation du Provençal Golf, à verser à M. X la somme de 10.060,20 euros au titre de son préavis, ainsi que 1 006,02 euros au titre des congés payés afférents.

Rejette les demandes plus amples ou contraires.

Condamne la Société d’Exploitation du Provençal Golf aux entiers dépens.

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la Société d’Exploitation du Provençal Golf à verser à M. X une indemnité de 3 000 euros pour ses frais irrépétibles de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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