Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-4, 2 décembre 2020, n° 18/06907

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 2-4, 2 déc. 2020, n° 18/06907
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 18/06907
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Marseille, 4 avril 2018, N° 17/05273
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4

ARRÊT AU FOND

DU 02 DECEMBRE 2020

ALG

N°2020/237

Rôle N° RG 18/06907 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BCKIB

Y Z

C/

PROCUREUR GENERAL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Elie MUSACCHIA

Monsieur Thierry VILLARDO, substitut général

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 05 Avril 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/05273.

APPELANT

Monsieur Y Z

né le […] à X (MADAGASCAR), demeurant […]

représenté par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assisté par Me Bruno BOCHNAKIAN, avocat au barreau de TOULON

INTIME

Monsieur le PROCUREUR GENERAL, demeurant Cour d’Appel – Rue Peyresc – 13100 AIX-EN-PROVENCE

représenté par Monsieur Thierry VILLARDO, substitut général

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Octobre 2020 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :

M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Conseiller Rapporteur,

et Mme Annie RENOU, conseiller- rapporteur,

chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre

Mme Annie RENOU, Conseiller

Mme Annaick LE GOFF, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Décembre 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Décembre 2020.

Signé par M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. Y Z, né le […] à X (Madagascar), a sollicité à deux reprises la délivrance d’un certificat de nationalité française, refusée par le greffier en chef du tribunal d’instance de Saint Denis de La Réunion le 30 janvier 2003, puis par le greffier en chef du tribunal d’instance de Toulon le 23 janvier 2014, au motif qu’il avait perdu la nationalité française lors de l’indépendance de Madagascar, le 26 juin 1960.

Par acte d’huissier en date du 18 avril 2017, le Procureur de la République a fait assigner M. Y Z devant le tribunal de grande instance de Marseille afin qu’il soit dit qu’il n’a pas la nationalité française.

Par jugement en date du 5 avril 2018, le tribunal de grande instance de Marseille a constaté que le récépissé prévu par l’article 1043 du code de procédure civile a été délivré et dit que M. Y Z, né le […] à X (Madagascar) n’est pas français, dit n’y avoir lieu d’ordonner la mention prévue à l’article 28 du code civil et condamné M. Y Z aux dépens.

Le tribunal a relevé que, contrairement à ce que soutenait le demandeur, son père n’avait pas été naturalisé mais admis au statut de métropolitain, ce qui équivalait au statut de droit commun (décret du 13 janvier 1950). Par conséquent, ne lui était pas applicable l’article 92 de la loi du 30 juillet 1960 portant code de la nationalité malgache selon lequel les anciens étrangers naturalisés français domiciliés à Madagascar à la date du 26 juin 1960 pourront, dans un délai de six mois à compter du

26 juin 1960, opter en faveur de la nationalité malgache.

Dès lors, était applicable au père du demandeur l’article 90 du même code aux termes duquel les malgaches soumis au statut de droit moderne peuvent, jusqu’au 31 décembre 1960, décliner la nationalité malgache pour conserver la nationalité française.

Le tribunal a relevé que le demandeur ne démontrait pas que son père avait fait usage de cette disposition et n’établissait donc pas, par là même, qu’il était de nationalité française et que lui-même était français.

Les premiers juges ont, par ailleurs, dit n’y avoir lieu d’ordonner la mention prévue par l’article 28 du code civil, au motif que le demandeur n’était titulaire d’aucun acte de naissance établi à son nom par le service central de l’état civil à Nantes, le tribunal n’ayant pas le pouvoir d’ordonner qu’une mention soit apposée sur un acte d’état civil étranger.

Par déclaration reçue au greffe le 20 avril 2018, M. Y Z a formé appel de cette décision en ce qu’elle a dit qu’il n’était pas français et l’a condamné aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 24 avril 2018, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille a formé appel de ce jugement mais uniquement en ce qu’il a 'dit n’y avoir lieu d’ordonner la mention prévue par l’article 28 du code civil.'

Par ordonnance en date du 22 mai 2019, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des deux instances sous le numéro 18/06907.

Suivant dernières conclusions signifiées par voie dématérialisée le 20 juillet 2018, M. Y Z demande à la cour, en application de la loi n°60-752 du 28 juillet 1960 portant modification de certaines dispositions du code de la nationalité, notamment son article 1er, de l’article 30 du code civil et de l’article 92 de l’ordonnance n°60-064 du 22 juillet 1960 portant code de la nationalité malgache, de :

— infirmer le jugement rendu le 5 avril 2018 par le tribunal de grande instance de Marseille,

— débouter le ministère public de sa demande d’extranéité concernant M. Y Z,

— condamner l’Etat français à verser la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner l’Etat français à la charge des entiers dépens.

M. Y Z invoque l’article 92 de la loi du 30 juillet 1960 (ordonnance n°60-064 portant code de la nationalité malgache) qui prévoit que 'pourront dans le délai de six mois à compter du 26 juin 1960 opter en faveur de la nationalité française :

— les anciens étrangers naturalisés français domiciliés à Madagascar à la date du 26 juin 1960".

Or, il ressortirait des pièces du dossier que le père de M. Y Z a justement fait l’objet d’un décret n°20.568x49 du 13 janvier 1950 l’admettant au 'statut métropolitain'.

Ce décret émanant du Ministère de la santé publique et de la population (direction générale de la population et de l’entraide sous-direction des naturalisations) aurait permis à son père, considéré comme indigène, d’accéder à la qualité de citoyen français.

L’appelant reproche au tribunal d’avoir fait une distinction entre l’accession au statut métropolitain de son père et la naturalisation, alors qu’il s’agirait de la même démarche.

M. Y Z considère ainsi que, dans la mesure où son père a accédé au statut métropolitain, il s’agissait d’une naturalisation.

Suivant dernières conclusions signifiées par voie dématérialisée le 17 septembre 2018, le ministère public demande à la cour de :

— confirmer le jugement de première instance en tant qu’il a déclaré que M. Y Z, né le 0[…] à X (Madagascar), n’était pas francais,

— ordonner de porter la mention prévue par l’article 28 du code civil,

— laisser les frais irrépétibles (article 700 du code de procédure civile) et les dépens à la charge de l’intéressé.

Le ministère public rappelle que l’appelant n’étant pas titulaire d’un certificat de nationalité française, il lui incombe, en application de l’article 30 du code civil, de démontrer qu’il est français, le fait d’être titulaire d’une carte nationale d’identité francaise n’ayant pas pour effet de faire porter sur le parquet la charge de cette preuve.

Le ministère public invoque les dispositions combinées de l’article 13 du code de la nationalité francaise, institué par l’ordonnance du 19 octobre 1945 modifiée et la loi du 28 juillet 1960, les dispositions de l’article 9 de l’ordonnance n°60-064 du 22 juillet 1960 portant code de la nationalité malgache, les articles 90, 92 et 93 de la loi du 22 juillet 1960.

Il ressortirait du décret du 13 janvier 1950 que M. Y Z, né le […] à Isotry-Est (Madagascar), a été admis au statut français (ou statut métropolitain) et n’a pas été naturalisé francais.

Or, l’appartenance au statut métropolitain n’est pas un critère de conservation de la nationalité française.

M. Y Z, né le […] à X, mineur lors de l’accès à l’indépendance de Madagascar, s’étant vu attribuer la nationalité malgache pour être le fils légitime d’un père malgache ; il ne présenterait, dès lors, aucun titre à la nationalité française.

Enfin, M. Y Z, né le […], n’établirait, ni n’allèguerait que son représentant légal aurait souscrit, en son nom, avant le 31 décembre 1960 , une déclaration pour décliner la nationalité malgache, en application des articles 36, 45, et 91 de la loi du 30 juillet 1960 portant code de la nationalité malgache, du fait qu’il aurait conservé la nationalité francaise, ni encore qu’il ne se soit pas vu attribuer la nationalité malgache.

Enfin, il ne serait pas établi, ni même allégué que M Y Z, né en 1956, ou son père, né en 1922, auraient été d’ascendance métropolitaine.

Le ministère public en conclut donc que M. Y Z, né le […], a perdu la nationalité francaise lors de l’indépendance de Madagascar, en application de la loi du 28 juillet 1960.

C’est donc à tort qu’il serait titulaire d’une carte nationale d’identité française depuis 2013 et d’un passeport français depuis 2014 puisqu’il n’a pas la nationalité francaise.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 janvier 2020.

Sur ce,

- Sur le respect des dispositions de l’article 1043 du code de procédure civile :

Il convient de constater que le récépissé prévu par l’article 1043 du code de procédure civile a été délivré.

- Sur la nationalité française de M. Y Z :

En application de l’article 30 du code civil, en matière de nationalité française, la charge de la preuve incombe à celui dont la nationalité est en cause, sauf s’il est titulaire d’un certificat de nationalité française, délivré conformément aux articles 31 et suivants.

M. Y Z s’étant vu refuser à deux reprises la délivrance d’un certificat de nationalité française, il lui appartient de démontrer qu’il est bien de nationalité française.

Contrairement à ce que soutient l’appelant, sont inapplicables à la situation de son père, Y Z, les dispositions de l’article 92 de la loi du 30 juillet 1960 portant code de la nationalité malgache prévoyant que les anciens étrangers naturalisés français domiciliés à Madagascar à la date du 26 juin 1960 pourront, dans un délai de six mois à compter du 26 juin 1960, opter en faveur de la nationalité malgache.

Il ressort, en effet, d’un décret du 13 janvier 1950 que M. Y Z, né le […] à Isotry-Est (Madagascar), a été admis au statut français ou statut métropolitain, et n’a pas été naturalisé français.

Il était donc de nationalité française depuis sa naissance, en tant qu’originaire de Madagascar.

L’ampliation de ce décret précise également qu’il s’agit bien d’une admission au statut métropolitain.

L’admission de M. Y Z, né le […], à la qualité de citoyen de statut français par décret du 13 janvier 1950 correspond donc à une renonciation à son statut personnel au profit du statut métropolitain (ou statut de droit commun) mais en aucun cas à une naturalisation accessible aux seuls étrangers, qualité qu’il n’avait pas, étant rappelé qu’il était sujet francais jusqu’en 1946, puis ressortissant francais des territoires d’Outre-mer à compter de 1946, au sens de l’article 80 de la Constitution du 27 octobre 1946.

Il résulte d’ailleurs de la lecture du Journal Officiel de Madagascar et dépendances, p. 529, qu’il figure dans la liste des 'accessions à la qualité de citoyen de statut français’ et non dans la liste des naturalisés qui sont classés dans une autre catégorie.

L’article 90 de la loi du 30 juillet 1960 énonce que ' Les personnes nées de père et de mère d’origine malgache, quels que soient leur âge, leur domicile ou leur résidence à la date du 26 juin 1960, ont la nationalité malgache. Toutefois, ceux qui sont, à cette date, soumis au statut de droit moderne, pourront, jusqu’au 31 décembre 1960, décliner la nationalité malgache s’ils ont conservé la nationalité française au regard de la loi française.'

Il incombe donc à M. Y Z de rapporter la preuve que son père a décliné la nationalité malgache par déclaration, avant le 31 décembre 1960, pour conserver la nationalité francaise, ce qu’il ne fait pas.

M. Y Z, né le […] à X, mineur lors de l’accès à

l’indépendance de Madagascar, s’étant vu attribuer la nationalité malgache pour être le fils légitime d’un père malgache, ne présente, dès lors, aucun titre à la nationalité française.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que M. Y Z, né le […] à X (Madagascar) n’est pas français.

- Sur la mention prévue à l’article 28 du code civil :

Le jugement sera en revanche infirmé en ce qu’il a refusé de faire application des dispositions de l’article 28 du code civil. Statuant à nouveau et y ajoutant, il convient donc d’ordonner la mention prévue par les articles 28 du code civil, 1059 du code de procédure civile et par le décret n°65-422 du 1er juin 1965 portant création d’un service central au ministère des affaires étrangères.

Par ces motifs,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Constate que le récépissé prévu par l’article 1043 du code de procédure civile a été délivré.

Confirme le jugement rendu le 5 avril 2018 par le tribunal de grande instance de Marseille en ce qu’il a dit que M. Y Z, né le […] à X (Madagascar) n’est pas français.

L’infirme en ce qu’il a dit n’y avoir lieu d’ordonner la mention prévue par l’article 28 du code civil.

Statuant à nouveau sur ce seul point et y ajoutant,

Ordonne la mention prévue par les articles 28 du code civil, 1059 du code de procédure civile et par le décret n°65-422 du 1er juin 1965 portant création d’un service central au ministère des affaires étrangères.

Laisse les dépens à la charge de M. Y Z.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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