Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 15 septembre 2020, n° 20/01487

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 15 sept. 2020, n° 20/01487
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 20/01487
Décision précédente : Tribunal correctionnel de Nice, 26 avril 2020, N° 20086000001

Sur les parties

Texte intégral

FAC 22 OCT. 2020 2 ARRÊT N° 2020/ 163 Chambre 5-1

COUR D’APPEL

D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre correctionnelle 5-1

Prononcé publiquement le MARDI 15 SEPTEMBRE 2020, par la chambre des RG n° 20/01487 appels correctionnels de la cour d’appel d’Aix-en-Provence,

Sur appel d’un jugement du Tribunal Correctionnel de NICE du 27 AVRIL 2020, (N° parquet: 20086000001). Chambre 5-1

PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR:

ARRÊT AU FOND G X-F

Née le […] à SARREGUEMINES, MOSELLE (057) Fille de G Félix et de BURTSCH Marthe

De nationalité française

Pharmacienne

Jamais condamnée

Libre (O.C.J. du 26/03/2020), demeurant […]

Par: Comparante, assistée par Maître BAUDOUX Gérard, avocat au barreau de NICE G M. A Prévenue, appelante

POURVOI Le: 21.09.2020 MINISTÈRE PUBLIC Par:

Appelant incident CONSEIL NATIONAL

DE L’ORDRE DES

PHARMACIENS PARTIE CIVILE

SIGNIFICATION LE 20 novembre, 2020 CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES PHARMACIENS […] A personne habilitée AR Non comparant, Non représenté COUT Partie civile, appelant Aix, le 17/12/20

GROSSE DÉLIVRÉE

LE:

à Maître:

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(

ARRÊT N° 2020/ 163 Chambre 5-1

RAPPEL DE LA PROCÉDURE :

LA PRÉVENTION :

G X-F est prévenue :

d’avoir à NICE (Alpes-Maritimes), du 13 mars 2020 au 23 mars 2020, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, commis une pratique commerciale trompeuse, reposant sur des allegations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, en l’espèce sur les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel, ayant pour objet de donner l’impression que la vente d’un produit ou la fourniture d’un service est illicite alors qu’elle ne l’ai pas, en l’espéce en proposant à la vente des masques de protection faisant l’objet de réquisitions de l’autorité publique par décret 2020-247 du 13 mars 2020 modifié par les décrets 2020-281 du 20 mars 2020 »

infraction prévue par les articles L.132-2 AL.1, L. 121-2, L. 121-3, L. 121-4, L. 121-5, L.132-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 132-2, L. 132-3 AL. 1, AL. 2, L. 132-4, L. 132-8 du Code de la consommation

d’avoir à NICE (Alpes-Maritimes), le 24 mars 2020, en tout cas sur le territoire Mel

national et depuis temps non couvert par la prescription, commis une pratique commerciale trompeuse, reposant sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, en l’espéce sur les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel, ayant pour objet de donner l’impression que la vente d’un produit ou la fourniture d’un service est illicite alors qu’elle ne l’ai pas, en l’espèce en proposant à la vente des masques de protection faisant l’objet de réquisitions de l’autorité publique par décret 2020-293 du 23 mars 2020 »

infraction prévue par les articles L.132-2 AL.1, L. 121-2, L. 121-3, L. 121-4, L. 121-5, L. 132-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 132-2, L. 132-3 AL. 1, AL. 2, L. 132-4, L. 132-8 du Code de la consommation

d’avoir à NICE (Alpes-Maritimes), du 13 mars 2020 au 23 mars 2020, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, violé les mesures prescrites par le décret 2020-247 du 13 mars 2020 modifié par les décrets 2020-281 du 20 mars 2020, du premier ministre relatif aux requisitions nécessaires dans le cadre de la lutte contre le virus COVID-19, ordonnant que soient réquisitionnées les masques de protection de type FFP2, FFP3, N95, N99, N100, P95, P100, R95, R99, R100 et les masques anti-projections respectant la norme EN 14683, en l’espèce en vendant ou en mettant à la vente des masques concernés par le

< décret '> et destinés a être remis aux autorités administratives »,

infraction prévue par les articles L.3136-1, L.3131-8, L.3131-9 du Code de la santé publique et réprimée par l’article L.3136-1 du Code de la santé publique

d’avoir à NICE (Alpes-Maritimes), le 24 mars 2020, en tout cas sur le territoire

-

national et depuis temps non couvert par la prescription, violé les mesures prescrites par le décret 2020-293 du 23 mars 2020 du premier ministre relatif aux réquisitions nécessaires dans le cadre de la lutte contre le virus COVID-19, ordonnant que soient réquisitionnées les masques de protection de type FFP2, FFP3, N95, N99, N100, P95, P100, R95, R99, R100 et les masques anti-projections respectant la norme EN 14683, en l’espece en vendant ou en mettant à la vente des masques concernés par le décret et destinés a être remis aux autorités administratives

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infraction prévue par les articles L.3136-1, L.3131-8, L.3131-9 du Code de la santé publique et réprimée par l’article L.3136-1 du Code de la santé publique

-d’avoir à NICE (Alpes-Maritimes), du 1° Février 2020 au 24 Mars 2020, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, par quelque moyen qu’il soit, trompé le client sur la nature de la composition et sur la teneur en principes utiles de marchandises, en l’espèce en fabriquant du gel hydro alcoolique par ses propres moyens en ne respectant pas les normes énoncées et les produits à utiliser avec cette circonstance que les faits ont été commis à l’aide de manoeuvres ou procédés tendant à fausser les opérations de dosage, dosage de mesurage ou à modifier frauduleusement la composition du produit, infraction prévue par les articles L.454-1, L.441-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L.454-1, L.454-4, L.454-5 AL.1, L.454-7 du Code de la consommation

d’avoir à NICE (Alpes-Maritimes), du 1er février 2020 au 24 mars 2020, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, commis une pratique commerciale trompeuse reposant sur des allegations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, en l’espèce en commercialisant, en lieu et place d’articles homologués par l’autorité sanitaire, des gels hydroalcooliques dont la provenance est inconnue et transitant par un moyen de communication dont l’origine licite n’est pas établie,

infraction prévue par les articles L.521-21 §111 °, L.521-1 II du Code de l’environnement, l’article 4 §4 du Règlement. CE DU 16/12/2008, les articles L. 1343-42 °, L. 1342-2 du Code de la santé publique et réprimée par les articles L.521-21 §I AL.1, L.173-5, L.173-7 du Code de l’environnement

LE JUGEMENT :

Par jugement rendu le 27 avril 2020, le tribunal correctionnel de Nice a déclaré X-F G coupable des faits de la prévention et l’a condamnée à la peine d’un an d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 10 000 euros.

Ont été également prononcées une peine d’interdiction d’exercer la profession de pharmacienne pour une durée d’un an et l’interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle de diriger administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pendant un an. L’affichage de la décision à la porte de la pharmacie pour une durée d’un mois aux frais de la condamnée a été ordonnée, outre la publication de la décision une fois, dans toutes les éditions du matin dans le journal Nice Matin aux frais de la condamnée sans que le coût excède 1 000 euros

Le tribunal correctionnel a ordonné enfin, la restitution des scellés 2, 5, 8, 9 et 14 constitués par les gants, non concernés par les poursuites

Sur l’action civile, le tribunal correctionnel a déclaré recevable la constitution de partie civile du Conseil national de l’ordre des pharmaciens, déclaré X-F G responsable du préjudice subi par la partie civile et l’a condamnée à verser au conseil national de l’ordre des pharmaciens, la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 800 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

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LES APPELS :

X-F G a interjeté appel du jugement le 04 mai 2020, et le Ministère public a relevé appel incident le même jour.

La partie civile a interjeté appel des dispositions civiles le 4 mai 2020.

DÉROULEMENT DES DÉBATS:

L’affaire a été appelée à l’audience publique du Mercredi 08 juillet 2020,

A l’audience de la cour, X-F G était présente et assistée et le Conseil national de l’ordre des pharmaciens, non présent et non représenté a déposé par voie de télécopie des observations écrites faisant état de ses demandes.

la présidente l’a informé de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire et a présenté le rapport de l’affaire,

La prévenue G X-F, après avoir exposé sommairement les raisons de son appel, a été interrogée et a présenté ses moyens de défense,

Il a été donné lecture des demandes de la partie civile,

Le Ministère Public a pris ses réquisitions,

La prévenue ayant eu la parole en dernier,

La Présidente a ensuite déclaré que l’arrêt serait prononcé à l’audience du MARDI 15 SEPTEMBRE 2020.

DÉCISION:

Sur la forme :

Les appels ayant été interjetés, selon les formes et dans les délais prescrits par le code de procédure pénale, sont déclarés recevables.

Au fond,

Sur la culpabilité :

En pleine pandémie du Covid 19 et à la suite d’une dénonciation, les fonctionaires de police se rendaient le 24 mars 2020 dans la pharmacie située 19 Avenue Saint-Sylvestre à Nice et prenaient contact avec la gérante de la pharmacie, X-F G, qui déclarait qu’elle n’avait vendu aucun masque et avait distribué ceux qui lui étaient parvenus par la Mairie de Nice, soit un paquet, et par l’Etat, au personnel médical, de manière gratuite. Elle présentait à cet effet une pochette contenant les copies des pièces d’identité et cartes professionnelles de personnels médicaux, avec les dates et les quantités distribuées. Alors qu’ils quittaient les lieux, une des employées se trouvant sur place, A Z épouse Y, se présentait à la patrouille de police et déclarait que la responsable de l’officine vendait non seulement des masques achetés de manière illicite mais également des gants en latex et des gels hydroalcooliques à des prix prohibitifs, bien supérieurs aux prix

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Chambre 5-1

de vente fixés par l’Etat durant la période d’état d’urgence sanitaire. Elle ajoutait que la responsable de l’officine refusait la distribution de masques, gants et gels, aux personnels soignants, prétextant ne plus en disposer.

Une perquisition était réalisée à 11h30 dans les locaux de la pharmacie mettant à jour du gel hydroalcoolique de fabrication artisanale, divers masques et gants, masques dont la gérante de la pharmacie aurait refusé la remise gratuite à des personnels soignants, pour les vendre à clients, de même que des flacons de gels hydroalcooliques vendus à un prix excédant le tarif autorisé et fixé par les pouvoirs publics.

Le 25 mars 2020, A Z épouse Y contactait les fonctionnaires de police et les informait qu’elle avait retrouvé, après leur passage, des masques et du gel hydro-alcooolique dissimulés dans l’officine. A leur arrivée elle désignait derrière une étagère de l’arrière boutique, dix paquets de cinq masques chacun, de couleur verte, de type chirurgicaux. Etaient découverts dissimulés derrière une étagère de l’officine, 4 cartons non référencés, contenant chacun six flacons de gel hydro-alcolique de marque Manuseptil, contenance 300 ml et un bidon contenant une substance bleue ayant l’odeur de gel hydro alcoolique.

L’ensemble de la facturation clients du 15 février 2020 au 24 mars 2020, les justificatifs des ventes de gel hydro alcollique, masques et gants pour la période du 16 au 24 mars 2020, leur était remis.

L’audition des employés était réalisée.

Z épouse Y A, employée de la pharmacie Saint Sylvestre en tant que secrétaire et chargée du suivi administratif de plusieurs Epadh depuis décembre 2019, expliquait que plusieurs clients en institut avaient demandé à partir de la mi-février 2020, à pouvoir bénéficier de masques chirurgicaux et de gel hydroalcollique, mais lorsqu’elle en a demandé à X-F G, celle-ci lui a répondu que les masques étaient en vente à 3 euros et les gels de 100 ml à 5 euros. Lorsque la pharmacie s’est retrouvée en rupture de stock, X-F G a commencé à en fabriquer au sein de la pharmacie pour en vendre. Elle expliquait qu’un client était venu se plaindre à la pharmacie qu’on avait vendu à sa femme deux masques pour 9 euros. Elle précisait que la pharmacie disposait d’un stock de masques qu’elle avait elle meme

commandé pour les Epadh (3 boites de 50) entreposés dans la réserve, nont retrouvés au cours de la perquisition. Bien qu’ayant des masques dans son bureau fermé à clé, X F G en refusait la distribution aux Epadh, déclarant ne plus en disposer. Concernant les tarifs des masques, elle précisait que la boite de 50 masques revenait à l’achat à 5 euros et étaient revendus sur les instructions de X-F G, à 3 euros, l’unité, tarif selon elle totalement disporportionné. Elle ignorait le prix d’achat du gel, mais soulignait que depuis les ordonnances Covid, le gel à 100ml était fixé à 2 euros. Elle confirmait qu’à plusieurs reprises, X-F G avait confectionné du gel hydro alcoolique, soit par elle-même, soit par les préparatrices, à partir d’une formule qu’elle avait vraisemblablement trouvée sur internet. Les flacons ne précisent pas la composition du gel.

Réentendue le 25 mars 2020, elle confirmait que l’ARS avait signalé le samedi 21 mars 2020 à X-F G une plainte pour la vente de masques à des particuliers, plainte déposée auprès de l’ordre des pharmaciens. Depuis cet appel, X-F G avait demandé de cacher les flacons sous l’évier et les masques dans son bureau sous clé dont elle seule avait les clés.

Elle indiquait que le service de répression des fraudes était venu faire une visite également mais elle a été dans l’incapacité de fournir un historique détaillé des ventes de gels. Elle confirmait que X-F G leur avait demandé de vendre ces flacons de gel à des prix supérieurs à ceux pratiqués et que les prix avaient augmenté à partir du 6 mars.

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Elle confirmait que la préparation des gels s’effectuait sans instruments précis, avec des pipettes, dans un seau, dans des conditions non réglementaires, et maintenait que le personnel de la pharmacie recevait de X-F G des instructions, à chaque fois qu’une personne demandait un masque, d’en fournir ou non, si c’était gratuit ou payant, ainsi que le tarif appliqué à la vente.

B C, apprentie préparatrice en pharmacie, depuis le 1er juillet 2018, confirmait s’agissant du gel hydroalcoolique et des masques, la pratique de prix supérieurs à la normale surtout depuis l’épidémie de covid 19. Au départ, les gels étaient à 8,90 € les 100 ml et après la parution du décret, ils étaient vendus à 4 ou5 € les 75 ml au lieu des 3 € imposés,

< à la tête du client '>.

Lorsque la pharmacie s’est retrouvée en rupture de stocks, X-F G a recherché la formule de gel et leur en a fait faire, leur indiquant qu’il s’agissait de la formule de l’OMS et que c’était autorisé. Elle en a elle même fabriqué en petite quantité. Elle confirmait avoir vendu les masques et les flacons de gel hydro alcoolique dépourvus de la liste des ingrédients, qui ont saisis en perquisition. Concernant les masques, elle déclarait qu’ils avaient été acheté à des livreurs, « au black » au début de la crise, soit un sachet de 140 masques à 1,40 pièce, qui ont été proposés à la vente à 4,50 euros pièce. S’agissant de la mise à disposition des masques provenant de dotation de l’Etat, qui ne devaient pas être mis en vente, mais réservés pour être distribués gratuitement aux professionnels, il est arrivé que X-F G refuse d’en fournir au personnel soignant, dans le but de les vendre aux clients à 4,50 euros.

Mme D E, pharmacienne employée au sein de la Pharmacie Saint-Sylvestre, déclarait que X-F G exagérait sur les prix fixés, revendait les masques, les gants et les gels à des prix supérieurs aux prix marché et profitait de la situation liée à la crise sanitaire liée au Covid 19 pour augmenter les prix, à des prix bien supérieurs à ceux pratiqués avant la parution du décret et depuis, continuait à les vendre aux prix antérieurs: les gants étaient proposés à la vente à 2 euros la paire, les masques à 4,50 euros l’unité et les gels hydroalcooliques à 100 ml à 4 euros et les 250 ou 300 ml à 8,90 euros. Elle confirmait la fabrication par X-F G, ou par des préparatrices, de gel hydro alcoolique, dont la composition n’était pas inscrite sur les bidons, leur indiquant qu’il s’agissait d’une formule officielle. Elle identifiait les flacons saisis lors de la perquisition et déclarait qu’il s’agissait bien des flacons confectionnés par X-F G, proposés à la vente et confirmait en avoir vendus à plusieurs reprises au prix de 4 euros le flacon.

Concernant les masques, elle déclarait qu’il n’étaient plus en vente mais distribués au personnel médical. Elle indiquait que la pharmacie ne disposait que d’une petite quantité, à l’instar du gel hydro alcoolique, et n’en avait vu qu’une trentaine.

Mme H A, pharmacienne assistante, employée depuis le […], responsable de toutes les délivrances, de la gestion des stocks de stupéfiants, précisait quant au chiffre d’affaires de la pharmacie, que la pharmacie ne marchait pas bien, et recourait à des pratiques irrégulières pour stabiliser le chiffre d’affaires à 8000 euros par jour, ceci afin d’asseoir sa solvabilité auprès des banques. Elle expliquait que si elle, ne le faisait pas, d’autres employées étaient contraintes de le faire. X-F G a fait l’objet d’une dénonciation à la sécurité sociale, mais cela n’a jamais été plus loin. Elle confirmait avoir été informée depuis les décrets Covid, qu’il était interdit de vendre des masques qui étaient prioritairement réservés au personnel médical et soignant, mais que X-F G continuait à les vendre au public à 4,50 euros, depuis début mars. Elle mentionnait qu’informatiquement, la transaction était passée sous un code < .. » Ou

< .4 », avec parfois l’indication « masque », parfois sans aucune indication.

Concernant le gel hydro alcoolique, elle mentionnait que la pharmacie avait quatre types de produits, un gel hydro-alcoolique limpide, provenant d’un jerrycan de 5 litres puis

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reconditionné en petits flacons, par une apprentie et une autre préparatrice, à la demande de X-F G. Le flacon de 75 ml était vendu fin février-début mars à 7,90

€, puis, à 4 euros parfois à 5 €. Le second était du gel hydro-alcoolique fait à base de gel pour échographie et d’alcool et huile essenteille de ravintsara auquel on rajoute de l’eau pour allonger. Ce gel artisanal, interdit à la vente car ne répondant pas aux normes de fabrication réquises, a été fabriqué à la demande de X-F G par les apprenties. Le troisième était solution hydro-alcoolique fabriquée d’après la formule officielle disponible sur Legifrance et conforme aux normes sanitaires. Elle précise toutefois que la pharmacie ne disposait pas du matériel et d’instruments suffisamment précis pour un dosage minutieux et que les règles d’hygiènes n’étaient pas optimales. Quant au quatrième produit, il s’agissait d’un « raté », et n’était pas offert à la vente, car non présentable. Concernant l’étiquetage des gels et solutions, celui-ci n’était pas conforme à la réglementation, car ne précisait pas les ingrédients, ce qui avait été signalée à X-F G qui n’avait toutefois rien voulu entendre. Le numéro d’ordonnancier n’avait pas non plus été reporté sur les flacons, alors que c’était obligatoire, étant une préparation pharmaceutique. Il manquait en outre la mention « ne pas avaler » sur certains conditionnement, ce qui était irrégulier. En fin d’audition, elle déclarait « c’est n’importe quoi que d’être un professionnel de santé et d’en arriver là. Il est temps qu’elle soit sanctionnée pour les irrégularités quotidienne depuis des années »

I X, étudiante, auteur de la dénonciation par un courriel en date du samedi 21 mars 2020 déclarait qu’elle n’avait pas été témoin direct des faits, mais avait relayé ce que sa mère lui avait dit : un infirmier qui s’était vu opposé par X-F G que la pharmacie Saint-Sylvestre n’avait pas été fournie en masque et qu’elle ne pouvait donc lui en fournir, avait été ensuite rappelé par une préparatrice de cette même pharmacie qui l’avait informé qu’en réalité les masques étaient bien là mais que la « patronne » les réservait pour les vendre au public. Cet infirmier en a parlé à sa mère, préparatrice en pharmacie travaillant dans une autre pharmacie.

X-F G, responsable titulaire de la pharmacie Saint-Sylvestre a été placée en garde à vue le 24 mars à 11h 55 et la perquisition des locaux a été effectuée en sa présence. Ont été retrouvés, notamment :

51 flacons de gel hydroalcoolique sous un évier, près de l’évier, un bidon vide de 5 litres avec la mention « gel anti bactérien », le tout dans l’arrière boutique, 41 masques dans la salle de repos du premier étage, 8 boite de masques FFP2 et chirurgicaux dans la réserve, Les documents saisis confirment la présence de masques chirurgicaux provenant des stocks d’Etat, suivant facture du 06 mars 2020 et d’autres de la Région, selon facture du 19 mars 2020.

Le mars, 10 paquets de masques chirurgicaux seront saisis derrière une étagère de l’arrière boutique, 24 flacons de gel de 300 ml derrière une autre étagère ainsi qu’un bidon contenant une substance bleue en haut d’une étagère, derrière des cartons.

La perquistion réalisée à son domicile, […] à Nice, ne révélait pas d’éléments intéressant la procédure en cours. Elle était entendue à trois reprises sans l’assistance d’un avocat, en raison de l’état d’urgence sanitaire. Pharmacienne titulaire du diplôme d’état de pharmacien, elle est à son compte depuis 1978, et dans la pharmacie Saint-Sylvestre depuis 2003. Elle déclare une rémunération mensuelle de 5 000 euros, à laquelle s’ajoute sa retraite de pharmacienne de 2 000 euros et les dividendes enfin d’année, soit un total mensuel de l’ordre de 8000 à 9000 euros. La pharmacie compte 9 employés et apprentis. Concernant la vente de masques, elle déclarait en avoir vendu à des patients devant faire des visites en milieu hospitalier et en avoir donné à d’autres patients dits vulnérables. Il s’agissait de masques ordinaires qui lui restaient d’un petit stock de l’ancienne pandémie (25 masques environ), pour 3 à 4 euros le masque. Dès

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janvier ou février 2020, elle n’en avait plus. Concernant les 45 masques retrouvés en perquisition, elle déclarait les avoir oubliés. Elle déclarait avoir vendu du gel hydro alcoolique aux clients qui en demandaient, entre janvier et février 2020, entre 3,50 et 4 euros, selon la taille du flacon, puis la pharmacie a arrêté d’en vendre. Elle admettait qu’après avoir épuisé les stocks, en avoir confectionné, pour « rendre service à la population désemparée », mais les avoir retirés de la vente et rangés sous l’évier, 8 à 10 jours avant la perquisition. Elle avait arrêté d’en fabriquer car, entre le prix du flacon et celui de la solution, elle n’arrivait pas à en produire à 2 €, prix maximal à la vente fixé par le gouvernement. Elle conseillait toutefois à la clientèle de la pharmacie d’autres modes de désinfectant, comme la biseptine et la diosiseptine. Elle reconnaissait avoir donné des instructions à son personnel pour la fabrication de gel hydro alcoolique conditionné dans les flacons retrouvés en perquisition et saisis. Elle admettait qu’il n’y avait pas d’étiquette dessus, ni de numéro d’ordonnancier mais déclarait qu’ils n’étaient pas destinés à la vente, le temps de recevoir les étiquettes avec la composition exacte. Si elle en a vendu quelques uns au départ, c’était dans un contexte d’urgence. Elle déclarait n’avoir fait aucun profit dessus, en raison du côut de la matière première et du conditionnement. Les bidons de gel de 300 ml commandés étaient pour les Epadh.

S’agissant des masques, ils étaient exclusivement réservés aux personnels de santé, avec une distribution de 18 masques tous les 15 jours pour les médecins et les infirmiers, la dotation de la pharmacie étant de 500 masques par semaine. Elle déclarait en avoir vendu 25 ou 30 au maximum, à 4 euros ceux avec lanières et 4,50 euros, ceux à élastiques à des patients qui allaient se faire soigner à l’hopital de jour.

Concernant la dotation des masques par l’Etat, elle confirmait qu’il lui était arrivée d’en refuser de distribuer à des soignants prétextant ne plus en avoir alors qu’ils étaient vendus à des clients au prix de 4,50 euros. « Parce que les soignants ne veulent pas acheter, ils veulent tout gratuit. Au départ j’en ai donné puis j’en avais plus et j’en vendais plus depuis le lundi 16 mars 2020 ». « L’infirmier qui s’est présenté, voulait des masques gratuits, il ne voulait pas payer, il en voulait au moins 18. Je n’avais plus de masques gratuits de l’Etat. Il me restait des masques périmés, anciens. Je n’aurais pas dû le faire ». Elle déclarait < je voudrais m’excuser vis à vis de la France pour les manquements que j’ai eus car je suis très respectueuse de mon prochain et j’ai bon cœur ».

L’exploitation des facturations de la pharmacie, du 16 au 21 mars, a fait apparaître des ventes de gel et de masques sous ces appellations ou sous d’autres références, et des écritures susceptibles de se rattacher à ces produits au regard de leur prix. Ainsi, des ventes ont bien été réalisées le 16/03/2020 : un masque, le 20/03/2020, 4 x 3 € = 12 € et 20 x 4,5

€.

Devant la Cour, X-F G soutient que les flacons de gels saisis n’étaient plus offerts à la vente et avaient été retirés et remisés derrière le guichet, elle avait cessé d’en fabriquer car cela lui revenait trop cher et avait orienté sa clientèle vers d’autres modes de désinfection tout aussi efficaces et peu coûteux, qu’elle n’a jamais vendu les masques provenant de la dotation de l’Etat qui étaient remis gratuitement aux soignants et que s’agissant des stocks qui étaient dans la pharmacie, ils dataient de la dernière épidémie et qu’elle n’était pas alors totalement informée quant à la réglementation concernant leur vente et n’avait pas mesuré toute la portée de ce qu’impliquaient les réquisitions.

La défense de X-F G sollicite la relaxe s’agissant des infractions portent sur le gel hydroalcoolique dans la mesure où le gel saisi n’était pas proposé à la vente mais retrouvé entreposé à l’arrière de la pharmacie, en outre, aucune analyse n’a été effectuée pour en connaître la composition et qualifier celle-ci d’origine douteuse ou pas.

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Chambre 5-1

Sur quoi, la Cour,

Il ressort des éléments objectifs du dossier de la procédure que la pharmacie Saint-Sylvestre dont X-F G était la responsable titulaire, détenait et vendait jusqu’au 23 mars 2020, du gel et des masques chirurgicaux faisant l’objet de réquisition de l’autorité publique, par décret 2020-247 du 13 mars 2020 modifié par les décrets 2020-281 du 20 mars 2020 et par décret 2020-293 du 23 mars 2020, constitutifs du délit de pratique commerciale trompeuse reposant sur des allégations, indications ou présentation fausses ou de nature à induire en erreur quant aux qualités, aptitudes et droits du professionnel ayant pour objet de donner l’impression d’un produit ou la fourniture d’un service illicite, en vendant des masques de protection faisant l’objet des dites réquisitions, ces faits tombant par ailleurs sous le coup des dispositions des articles L 3136-1, L3131-8, L 3131-9 du code de la santé publique.

La vente des dits masques de protection ayant donné lieu à une dénonciation par un témoin ayant eu connaissance des déclarations d’un personnel soignant qui s’est vu refuser la délivrance gratuite de masques sous le faux prétexte que la pharmacie Saint-Sylvestre n’en disposait plus est confirmée par les témoignages concordants des employées de la pharmacie et par les éléments de comptabilité du qui retracent ces transactions sur la période du 16 au 21 mars 2020.

Lors de ses premières déclarations, X-F G ne contestait d’ailleurs pas avoir réalisé les ventes incriminées, s’agissant des masques chirurgicaux, dans des termes non équivoques « j’en ai vendu à quatre euros ou quatre euros cinquante l’un, selon les modèles avec lanières ou élastiques" précisant qu’elle pensait pouvoir écouler de vieux stocks non concernés par les réquisitions, et avoir refusé d’en délivrer à des professionnels de santé en précisant que c’était « parce que les soignants ne veulent pas acheter, ils veulent tout gratuit»>.

Concernant la connaissance lacunaire qu’elle prétendait avoir des dispositions règlementaires lors de cette période particulièrement troublée, il y a lieu de relever qu’outre le fait que les décrets et arrêtés étaient publiés et relayés largement dans la presse, l’ordre des pharmaciens a émis, entre février et mars 2020, de nombreuses alertes sanitaires adressées aux pharmaciens, leur donnant les explications sur les masques, leurs bénéficiaires, la fabrication et la vente du gel alcoolique, informations et recommandations que les employées de la pharmacie ont déclaré elles-même connaître.

En ce qui concerne la vente ou le fait de proposer à la vente des flacons de gel hydroalcoolique dont l’étiquetage est dépourvu de toute mention relative à la composition et au mode d’emploi, comme l’absence de report sur certains flacons du numéro figurant dans l’ordonnancier détaillant la préparation et le contenu, ces faits constituent l’infraction de tromperie du client sur la nature de la composition et sur la teneur en principes utiles du gel hydroalcoolique fabriqué par ses propres moyens, avec la circonstance que les faits ont été commis à l’aide de procédés ne garantissant pas les dosages, ou à modifier frauduleusement la composition des produits dont X-F G, pharmacienne titulaire, doit en être tenue pour responsable pénalement

La déclaration de culpabilité sera par conséquent confirmée sur ces chefs de prévention.

En revanche, le dossier de la procédure n’établit pas de manière suffisante, en l’absence de toute analyse réalisée sur les gels et substances saisis, l’infraction de pratique commerciale trompeuse reposant sur des allégations indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, en l’espèce en commercialisant en lieu et place d’articles homologués par l’autorité sanitaire, des gels hydroalcooliques dont la provenance est inconnue et transitant par un moyen de communication dont l’origine licite n’est pas caractérisée, de sorte que la relaxe de X-F G sera prononcée sur ce chef de la prévention et le jugement infirmé sur ce point.

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ARRÊT N° 2020/ 163 Chambre 5-1

Sur la peine

En application des articles 132-1 du code pénal et 485-2 du code de procédure pénale, en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée au regard de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle.

X-F G n’a jamais été condamnée. Toutefois, il sera tenu compte de la gravité des faits au regard du contexte particulier de l’état d’urgence sanitaire, de la réquisition des masques de protection, alors en nombre très insuffisants, afin qu’ils soient réservés aux personnels sanitaires et aux personnes les plus vulnérables, ces impératifs étant liés par la nécessité de protection des professions de santé en contact avec les malades, par priorité sur toute autre considération, notamment d’ordre financier ou de rentabilité économique.

La peine d’emprisonnement, assortie en totalité du sursis, sera donc confirmée mais son quantum ramené à 6 mois, de même que la peine d’amende dont le quantum sera porté à 15 000 euros, montant qui est proportionné à la gravité des faits et aux ressources de la prévenue.

Les peines complémentaire d’interdiction d’exercice de la profession de pharmacien et de gérer prononcées par les premiers juges seront en outre confirmées, étant relevé que le contrôle judiciaire comportant l’interdiction d’exercice de cette activité n’a pas eu pour effet de mettre en péril l’entreprise dont la gestion a été assurée par un pharmacien titulaire remplaçant.

Sur les intérêts civils

L’ordre national des pharmaciens, partie civile appelante, justifie compte tenu de la publicité que cette affaire a suscité au plan local, d’un préjudice d’atteinte à l’image de la profession de pharmacien, qui sera réparé à hauteur de la somme de 3 000 euros. Réformation sera donc prononcée sur le quantum de l’indemnité allouée à la partie civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la partie civile les frais qu’elle a exposés en cause d’appel et de condamner par conséquent X-F G à payer à l’Ordre national des pharmaciens la somme de 1 000 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l’égard de X-F G et par arrêt contradictoire à signifier à l’égard du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens,

Déclare recevable les appels,

Infirme le jugement sur la déclaration de culpabilité s’agissant du chef de prévention de pratique commerciale trompeuse reposant sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, en l’espèce, en commercialisant en lieu et place d’articles homologués par l’autorité sanitaire, des gels hydroalcooliques dont la provenance est inconnue et transitant par un moyen de communication dont l’origine n’est pas licite ;

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ARRÊT N° 2020/ 163 Chambre 5-1

Statuant à nouveau, relaxe X-F G de ce chef de prévention ;

Confirme le jugement entrepris quant à la déclaration de culpabilité de X-F G pour le surplus, l’affichage de la décision à la porte de la pharmacie pour une durée d’un mois et la restitution des scellés 2, 5, 8, 9 et 14,

Confirme le jugement sur la peine d’emprisonnement avec sursis mais ramène le quantum de celle-ci à six mois;

Confirme le jugement sur la peine d’amende prononcée mais fixe le montant de l’amende à laquelle X-F G est condamnée à 15 000 euros;

Confirme le jugement quant aux peines complémentaires prononcées d’interdiction d’exercice de la profession de pharmacienne pour une durée d’un an et d’interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pendant une durée d’un an ;

Infirme le jugement sur les dispositions civiles, à l’exception de l’article 475-1 du code de procédure pénale,

Statuant à nouveau, condamne X-F G à payer à l’Ordre national des pharmaciens, la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice

Ordonne la publication du dispositif du présent arrêt aux frais de la condamnée, une fois, dans toutes les éditions du matin du journal Nice Matin, sans que le coût puisse excéder

1 000 euros.

Le tout conformément aux articles visés au jugement, au présent arrêt, et aux articles 512 et suivants du Code de Procédure Pénale.

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT: Madame KEROMES Gwenael

CONSEILLERS : Madame J K
Monsieur L M

MINISTÈRE PUBLIC: Monsieur GAURY Pierre-Jean, Avocat Général

GREFFIER : Madame ARNAUD Nathalie

Le Président et les assesseurs ont participé à l’intégralité des débats et au délibéré.

L’arrêt a été lu par le Président conformément à l’article 485 dernier alinéa du Code de Procédure Pénale en présence du Ministère Public et du Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

La presente décision est assuettie à un droit fixe de procédure d’un montant de 169 euros donde recevable le condamné.

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 15 septembre 2020, n° 20/01487