Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 15 janvier 2021, n° 19/11358

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-8, 15 janv. 2021, n° 19/11358
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 19/11358
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Nice, 23 mai 2019, N° 15/00956
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 15 JANVIER 2021

N°2021/

Rôle N° RG 19/11358 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BETDY

Z X

C/

Etablissement CPAM DES ALPES MARITIMES

SAS SEPHORA

Copie exécutoire délivrée

le :

à

 : Z X

Me Stéphane CECCALDI

Me Emmanuel LAMBREY

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Nice en date du 24 Mai 2019,enregistré au répertoire général sous le n° 15/00956.

APPELANTE

Madame Z X, demeurant […]

non comparante

INTIMEES

Etablissement CPAM DES ALPES MARITIMES Organisme privé chargé de la gestion du service public des prestations de l’Assurance maladie, pris en la personne de son représentant légal domicilié et demeurant au siège de la caisse, demeurant […], […]

représentée par Me Stéphane CECCALDI de la SELASU SELASU CECCALDI STÉPHANE, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Pauline COULON, avocat au barreau de MARSEILLE

SAS SEPHORA représentée par son Président en exercice, demeurant […]

NEUILLY-SUR-SEINE

représentée par Me Emmanuel LAMBREY, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Novembre 2020, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président de chambre

Madame Marie-Pierre SAINTE, Conseiller

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Janvier 2021.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Janvier 2021

Signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame Z X, directrice de magasin en contrat à durée indéterminée au sein de la société par actions simplifiées (SAS) Sephora, a été victime le 3 avril 2013 d’un accident au temps et lieu de son travail. En descendant l’escalier, elle a glissé au sein de la boutique de Cannes en rénovation et non encore rouverte au public. Le certificat médical initial daté du même jour a fait état d’une luxation patellaire médicale droite spontanément réduite et d’un traumatisme de la cheville droite.

Cet accident a été pris en charge par la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) des Alpes-Maritimes au titre de la législation sur les risques professionnels. Mme X a ainsi perçu des indemnités journalières du 4 avril 2013 au 12 janvier 2014 et son état a été consolidé le 9 avril 2014, après une intervention chirurgicale datée du 20 juin 2013 et une rééducation.

Le 30 janvier 2014, elle a repris le travail mais le 28 juillet 2014, a adressé une déclaration de rechute à la CPAM avec un certificat médical faisant état d’une luxation de la rotule du genou droit.

Par décision du 20 août 2014, la CPAM lui a notifié un refus de prise en charge de la rechute au titre de la législation sur les risques professionnels.

Les arrêts maladie de Mme X ont par la suite été renouvelés jusqu’au 1er janvier 2015.

Par courrier du 30 mars 2015, son employeur lui a notifié son licenciement pour inaptitude faute de reclassement possible.

Contestant la position de la CPAM confirmée par décision de la commission de recours amiable du 16 février 2015, Mme X a saisi le 24 avril 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Alpes-Maritimes et a été déboutée de sa demande de prise en charge de cette rechute de l’accident du travail du 3 avril 2013 par jugement du 22 novembre 2018 devenu définitif en l’absence d’appel interjeté.

Contestant le caractère réel et sérieux de son licenciement, elle a saisi en vain le Conseil de Prud’hommes de Nice, puis la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence qui par un arrêt du 12 septembre 2019 a partiellement infirmé le jugement prud’homal en estimant que la SAS Sephora avait manqué à son obligation de reclassement.

Par requête du 5 juin 2015, elle a également saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur à l’origine de son accident du travail.

Par jugement du 24 mai 2019, le tribunal de grande instance de Nice ayant repris l’instance, l’a déboutée de sa demande.

Par déclaration au greffe de la cour du 12 juillet 2019, Mme X a régulièrement interjeté appel de la décision.

Par conclusions déposées à l’audience du 5 novembre 2020, auxquelles elle se réfère, Mme X demande à la Cour de :

— infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nice le 24 mai 2019,

— dire que l’accident du travail dont elle a été victime le 3 avril 2013 est dû à la faute inexcusable de son employeur, la SAS Sephora,

— désigner tel expert qu’il plaira aux fins de l’examiner selon mission habituelle en pareille matière et notamment de :

— de se faire remettre l’ensemble des pièces médicales ayant trait aux conséquences des blessures dont elle a été victime,

— l’examiner, dire et décrire les conséquences qui ont résulté pour elle de l’accident du travail selon mission habituelle, de dresser rapport,

— condamner la SAS Sephora à lui verser la somme de 10.000,00 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de son entier préjudice,

A titre subsidiaire, si la Cour ne s’estimait pas suffisamment éclairée quant à la faute inexcusable de la SAS Sephora,

— condamner la SAS Sephora, à produire aux débats, et au besoin sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard :

— la déclaration de sinistre auprès de son assureur de responsabilité civile,

— les comptes rendus de chantier,

— le procès-verbal de réception des travaux,

— les plans d’architecte,

— le classeur des bons d’intervention,

— le compte rendu de la commission des travaux

— condamner la SAS Sephora à lui payer la somme de 5.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, Mme X fait valoir que :

— le décollement d’un nez de marche est à l’origine de sa chute, or ce dernier avait été fixé de manière précaire, simplement collé avec du scotch, de sorte que les marches n’étaient pas en conformité avec les règles de sécurité,

— la directrice régionale de la SAS Sephora ainsi que d’autres personnes de l’entreprise avaient été informées de cette situation de dangerosité de l’escalier,

— les marches des escaliers sont soumises à des réglementations prévues à l’article R. 4216-12 du code du travail,

— en matière d’escalier sur un lieu de travail, l’escalier de type hélicoïdal (colimaçon) est à éviter car particulièrement à risque,

— de même le choix des nez de marche est important et en matière de prévention, il convient d’éviter les revêtements collés, car la surépaisseur est dangereuse en cas de décollement,

— l’employeur n’a pas pris les mesures qui s’imposaient pour faire intervenir une entreprise afin de réparer les nez de marche,

— la SAS Sephora ne démontre pas qu’elle a pris les mesures nécessaires à assurer la sécurité de salariés travaillant dans une boutique en chantier et fermé au public,

— son état s’est aggravé du fait de la pénibilité de son travail et en l’absence d’aménagement de son poste par son employeur,

— il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais exposés dans le cadre de la présente instance en raison des manquements de la SAS Sophora.

Par conclusions déposées à l’audience auxquelles elle se réfère, la SAS Sephora, demande de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par tribunal de grande instance de Nice en date du 24 mai 2019 en toutes ses dispositions, et débouter Mme X de l’intégralité de ses prétentions.

Au soutien de ses prétentions, la SAS Sephora fait valoir que :

— Mme X n’a pas démontré une faute inexcusable lui étant imputable et ne procède que par voie d’affirmations,

— il est tout à fait concevable qu’une chute accidentelle puisse se produire en l’absence d’anomalie des marches de l’escalier,

— la salariée n’a jamais informé l’employeur de conditions de travail dangereuses, n’a pas saisi d’instance représentative du personnel pour faire part d’un risque particulier en lien avec l’utilisation de cet escalier pendant les travaux, ni même l’inspection du travail ou la médecine du travail,

— l’appelante ne produit aucun élément de nature à confirmer que sa chute est liée directement et exclusivement au décollement d’une bande de revêtement antidérapant maintenue par du ruban adhésif sur l’une des marches,

— l’attestation que Mme X fournit pour elle-même n’est pas conforme à l’article 202 du code de procédure civile et ne comporte aucun élément complémentaire à ses écritures,

— celle de son ex-mari qui n’a pas été témoin de l’accident ne repose que sur des suppositions,

— les dispositions des articles 10 et 11 du code de procédure civile ne sauraient permettre de suppléer la carence probatoire de l’appelante,

— concernant le préjudice de l’appelante, l’inaptitude ayant entraîné son licenciement n’est pas d’origine professionnelle, contrairement à ce qu’elle soutient dans ses écritures, la CPAM a ainsi refusé la prise en charge de son arrêt de travail du 28 juillet 2014 selon la législation sur les risques professionnels.

Par conclusions déposées à l’audience auxquelles elle se réfère, la CPAM des Alpes-Maritimes précise s’en rapporter à la sagesse de la Cour sur la recevabilité de l’appel et l’existence de la faute inexcusable invoquée par l’appelante ainsi que les conséquences de droit subséquentes telles que la majoration de la rente à son taux maximum et le montant des préjudices.

En cas d’infirmation du jugement querellé, elle sollicite de la Cour :

— la condamnation de la SA Sephora à lui rembourser les sommes dont elle aura fait l’avance conformément aux dispositions de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale,

— que l’arrêt soit opposable à l’assureur de responsabilité civile de l’employeur,

— la condamnation de la partie succombant à lui payer la somme de 2.000,00 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité, notamment en ce qui concerne les accidents du travail, et le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article précité, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

La charge de la preuve de la faute inexcusable incombe au salarié qui l’invoque.

En l’espèce, il n’est pas discuté que Mme X a été victime d’un accident du travail le 3 avril 2013 à 10h30 alors qu’elle descendait les escaliers du magasin Séphora, elle a glissé et a subi un traumatisme au genou droit et à la cheville droite, selon la déclaration d’accident du travail produite.

Mme X prétend que sa chute est due à une défection de l’escalier du magasin en cours de rénovation. Mais les pièces médicales qu’elle produit sont inopérantes. En outre, dans la mesure où quiconque ne saurait se constituer de preuve à soi-même, sa propre attestation ne saurait revêtir une quelconque force probatoire. Seule l’attestation de M. Y, ex-époux de Mme X, peut permettre de retenir ces circonstances de l’accident : il indique qu’en ramenant Mme X sur son lieu de travail pour récupérer des documents concernant l’accident du travail, il a pu constater que ' l’escalier visiblement n’était pas encore fini, toutes les réglettes ou buttoirs du bout de chaque marche n’étaient pas fixés, certains étaient décrochés ou avaient glissé dans le vide, la 4e marche en partant du bas de l’escalier était plus endommagée car le contrefort (…) était arraché, complètement décroché et pendait dans le vide, signe évident et preuve indéniable de la chute de Madame X Z.'

Néanmoins, aucune des pièces versées aux débats ne permet de dire que l’employeur de Mme X avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposée Mme X en travaillant au remplissage des produits dans le magasin deux jours avant sa réouverture au public.

En effet, si M. Y, ex-époux de Mme X atteste avoir fait la réflexion à la directrice régionale en charge du magasin, présente lors de sa venue suite à l’accident, 'il est trés dangereux de travailler chez Séphora', ces propos ont été tenus postérieurement à l’accident et Mme X ne justifie pas avoir averti la responsable régionale ou la responsable des travaux avant la survenue de l’accident comme elle le prétend dans son attestation.

En conséquence, à défaut pour Mme X de démontrer que son employeur avait ou aurait dû avoir conscience du risque de chute qu’elle encourait en travaillant dans le magasin lors de la finition des travaux de rénovation, la faute inexcusable de son employeur à l’origine de son accident du travail ne peut être retenue.

Mme X sera déboutée de l’ensemble de ses prétentions et le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Mme X, succombant à l’instance, en supportera les dépens, étant précisé que l’article R 144-10 du code de la sécurité sociale a été abrogé par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale, dont l’article 17 III prévoit que les dispositions relatives à la procédure devant les juridictions sont applicables aux instances en cours.

En outre, elle sera déboutée de sa demande en frais irrépétibles conformément à l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour statuant publiquement, par décision contradictoire,

Confirme le jugement rendu le 24 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Nice, en toutes ses dispositions,

Déboute Mme X de l’ensemble de ses prétentions,

Condamne Mme X au paiement des dépens de l’appel.

Le Greffier, Le Président,

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