Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 15 janvier 2021, n° 18/02403

  • Prime·
  • Syndicat·
  • Site·
  • Salarié·
  • Vacances·
  • Sociétés·
  • Entreprise·
  • Égalité de traitement·
  • Travail·
  • Quantum

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-1, 15 janv. 2021, n° 18/02403
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 18/02403
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Marseille, 16 janvier 2018, N° 16/00437
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 15 JANVIER 2021

N° 2021/006

Rôle N° RG 18/02403 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BB5ZL

A X épouse B C

C/

SAS D E

Syndicat CGT DES ENTREPRISES DE E DES BOUCHES DU RHÔNE

Copie exécutoire délivrée le :

15 JANVIER 2021

à :

Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Emilie MILLION-ROUSSEAU de la SELARL RACINE, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de MARSEILLE en date du 17 Janvier 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 16/00437.

APPELANTE

Madame A X épouse B C, demeurant […]

représentée par Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

SAS D E, demeurant […]

représentée par Me Emilie MILLION-ROUSSEAU, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Hélène CHANTELOUBE, avocat au barreau de MARSEILLE, Me Yan-eric LOGEAIS, avocat au barreau de PARIS, Me Johanna FRANCELLE, avocat au barreau de PARIS

Syndicat CGT DES ENTREPRISES DE E DES BOUCHES DU RHÔNE, demeurant […]

représentée par Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Octobre 2020, en audience publique. Les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame O P, Conseiller faisant fonction de Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame O P, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Nathalie FRENOY, Conseiller

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Janvier 2021.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Janvier 2021

Signé par Madame O P, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Madame A B C a été employée en qualité d’agent de service, AS1A, par la SAS D E du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2016, son contrat de travail ayant été transféré à compter du 1er janvier 2017 au sein de la société SAMSIC II par application de l’article 7 de la Convention collective nationale des Entreprises de E.

Elle a saisi la juridiction prud’homale, par requête du 19 février 2016, de demandes en paiement de rappels de salaire au titre d’une prime de 13e mois, d’une prime de vacances, d’une prime de panier et d’une prime de trajet, sur le fondement du principe d’égalité de traitement. Le Syndicat CGT des Entreprises de E des Bouches-du-Rhône est intervenu volontairement à la procédure.

Par jugement de départage du 17 janvier 2018, le conseil de prud’hommes de Marseille a :

— déclaré recevable l’intervention volontaire du syndicat CGT des Entreprises de E des Bouches-du-Rhône,

— dit que D E n’avait pas respecté l’égalité de traitement,

— condamné la société D E à payer à A B C les sommes suivantes :

-1023,27 euros au titre de la prime de vacances,

-400 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné D E :

— à remettre à la salariée un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées,

— à régulariser la situation de la salariée auprès des organismes sociaux,

— condamné D E à payer au syndicat CGT des Entreprises de E des Bouches-du-Rhône les sommes suivantes :

-50 euros à titre de dommages-intérêts,

-50 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire des dispositions du jugement qui ne sont pas de plein droit exécutoires par provision,

— rejeté toute autre demande,

— précisé que les condamnations concernant des créances de nature salariale porteront intérêt au taux légal à compter de la demande en justice et que les condamnations concernant des créances de nature indemnitaire porteront intérêt au taux légal à compter du jugement,

— condamné D E aux dépens.

Madame A B C née X a interjeté appel du jugement de départage par déclaration d’appel du 12 février 2018.

Par conclusions d’appel notifiées par voie électronique le 4 février 2020, Madame A B C née X demande à la Cour de :

RECEVOIR l’appel de Madame B C née X et le dire bien fondé

INFIRMER le jugement déféré en ce qu’il a rejeté les demandes de Madame B C née X de rappels de prime de panier et trajet et a limité l’article 700 du CPC à la somme de 400 €.

CONFIRMER pour le surplus

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés

CONDAMNER la société D E à payer à Madame B C née X A la somme de 3778.80 € au titre de la prime de panier.

CONDAMNER la société D E à payer à Madame B C née X A la somme de 3046.51 € au titre de la prime de trajet,

En tout état de cause

DEBOUTER la société D E de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions.

CONDAMNER la société D E à payer à Madame B F la somme de 3000€ au titre de l’article 700 du CPC (1500 € de frais de première instance et 1500 € de frais d’appel) et aux entiers dépens

A titre d’indemnisation complémentaire, toutes les sommes allouées au demandeur produiront

intérêts de droit à compter de la demande en justice, avec capitalisation, (articles 1153-1 et 1154 du Code Civil).

La SAS D E demande à la Cour, aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées le 5 février 2020, de :

Déclarer la société D E recevable et bien fondée en ses conclusions d’appel,

Y faisant droit,

-INFIRMER le jugement du Conseil de prud’hommes de Marseille du 17 janvier 2018 en ce qu’il a condamné la société D E à verser à Madame B C :

-1.023,47 euros au titre de la prime de vacances

-400 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile

-INFIRMER le jugement du Conseil de prud’hommes de Marseille du 17 janvier 2018 en ce qu’il a condamné la société D E à verser au syndicat CGT des Entreprises du Bouches du Rhône, les sommes suivantes:

-50 euros à titre de dommages et intérêts

-50 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

-CONFIRMER le jugement du Conseil de prud’hommes de Marseille du 17 janvier 2018 en ce qu’il a débouté Madame B C de ses autres demandes

STATUANT A NOUVEAU :

A TITRE PRINCIPAL :

1/ Sur l’irrecevabilité de l’action du syndicat

-DIRE ET JUGER que l’action du syndicat CGT Bouches-du-Rhône est irrecevable.

2/ Sur la demande de rappel au titre de la prime de vacances

-DIRE ET JUGER que la prime de vacances en ce qu’elle résulte d’un avantage contractuel dont bénéficiait les salariés affectés sur le site de Cadarache préalablement au transfert de leur contrat de travail vers la société D E le 1er juin 2010, justifie la disparité de traitement par un élément objectif étranger à toute discrimination, à savoir le maintien d’un avantage acquis en application d’un transfert conventionnel de son contrat de travail par application de la convention collective des entreprises de E

-DIRE ET JUGER que la société D E était, par application de la loi, dans l’obligation de maintenir le bénéfice de cette prime à Madame I Z en raison de son embauche en contrat de travail à durée déterminée

-DIRE ET JUGER que la société D E était, par application de la loi, dans l’obligation de maintenir le bénéfice de cette prime à Madame K Y dès lors que l’ensemble des salariés du site affectés à Cadarache bénéficiaient d’une telle prime.

-DIRE ET JUGER que la société D E était en droit, dans le cadre de l’application de

l’article 7 de la convention collective nationale des entreprises de E et services associés d’étendre cette prime à l’ensemble des salariés affectés sur le site de Cadarache

-DIRE ET JUGER que la prime de vacances est versée aux salariés affectés sur le site de Cadarache pour des raisons objectives et pertinentes.

-DIRE ET JUGER que Madame B C ne subit aucune inégalité de traitement justifiant l’octroi de dommages et intérêts.

EN CONSEQUENCE :

-DEBOUTER Madame B C de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

-DEBOUTER le syndicat CGT Bouches-du-Rhône de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

A TITRE SUBSIDIAIRE :

-DIRE ET JUGER que Madame B C et le syndicat CGT Bouches-du-Rhône ne justifient pas du quantum de leurs demandes.

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

-DEBOUTER le syndicat CGT Bouches-du-Rhône de ses demandes, fins et conclusions.

-CONDAMNER respectivement Madame B C et le syndicat CGT des Bouchesdu-Rhône à verser à la société D E la somme de 500,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

-CONDAMNER Madame B C aux entiers dépens.

Le syndicat CGT des Entreprises de E des Bouches-du-Rhône, qui a constitué avocat le 6 avril 2018, n’a pas conlu.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 27 février 2020.

L’affaire, fixée pour y être jugée à l’audience du 2 mars 2020 à 9 heures, a été renvoyée à la demande des conseils des parties, en raison d’un mouvement de grève des avocats, à l’audience du 26 octobre 2020 à 9 heures.

SUR CE :

Sur la prime de 13e mois :

Madame A B C née X ne réclame plus, dans ses conclusions d’appelante, une prime de 13e mois. Il convient par conséquent de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de ce chef.

Sur les primes de panier et de trajet :

Alors que l’appelante invoque une inégalité de traitement et sollicite le paiement de primes de panier et de trajet versées aux agents travaillant sur le site de Cadarache, la SAS D E réplique que :

— sur la période antérieure au 1er novembre 2015 : la Cour constatera que l’appelante ne produit aucun justificatif du calcul du quantum de ses demandes et déboutera, par conséquent, l’appelante de ses demandes ;

— sur la période postérieure au 31 octobre 2015 : si les salariés de la société D E, affectés sur le site du CEA de Cadarache, bénéficiaient des primes de panier et de trajet, lesquelles étaient prévues contractuellement, ces salariés ont cependant quitté les effectifs de la société D E le 31 octobre 2015 et ont été repris, en application de l’article 7 de la convention collective des entreprises de la E par la société ONET ; l’appelante sollicite ainsi le paiement de primes de trajet et de panier pour une période postérieure à la reprise par la société ONET des salariés qui bénéficiaient desdites primes ; si, comme indiqué par la Cour de cassation (Cass. Soc. 5 juin 2019, n° 18-11.498), la présence des salariés ne fait pas le droit, il importe en revanche que le fondement du droit existe ; en l’espèce l’appelante ne démontre pas, pour la période postérieure au 31 octobre 2015, l’existence d’un fondement juridique ; les primes litigieuses ne trouvent leur source ni dans un accord collectif, ni dans une décision unilatérale de l’employeur ; elles ne trouvent pas non plus leur source dans un contrat de travail dès lors que les contrats qui accordaient le bénéfice de ces primes ont été repris par la société ONET à compter du 1er novembre 2015 ; Madame A B C ne dispose d’aucun point de référence pour la période postérieure au 31 octobre 2015 et ne justifie d’aucune preuve de l’identité de situation dans laquelle elle se trouve pour justifier de l’octroi des primes litigieuses; enfin, l’appelante ne produit aucun justificatif du calcul du quantum de ses demandes ; les rappels de primes sont prescrits antérieurement au 19 février 2013 eu égard à la saisine du conseil de prud’hommes le 19 février 2016 ; Madame B C doit être déboutée de ses demandes au titre de primes de panier et de trajet pour la période postérieure au 31 octobre 2015 et, en tout état de cause, ces primes sont exclues de l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés.

Madame A B C réplique que si la société D E a pu prétendre que les primes versées aux salariés du site du CEA de Cadarache seraient des avantages acquis, il convient toutefois de relever que tous les salariés, même les nouveaux embauchés, bénéficient de ces primes (comme Mme K Y embauchée le 04/11/2013, trois ans après la reprise du site du CEA par D ; comme Mme I Z recrutée en CDD du mois d’octobre 2014 au 31 octobre 2015), qu’elle est en droit de bénéficier du versement des primes au-delà de la perte de marché par D E le 31 octobre 2015 (Cass. Soc. 5 juin 2019), que la cause objective du versement de la prime de panier est la nécessité – pour tout salarié – de déjeuner au cours de la journée de travail, qu’il n’est donc pas sérieusement contestable que tous les salariés se trouvent dans la même situation au regard d’un avantage de nourriture, que la concluante verse des témoignages dont il ressort que les salariés affectés sur le site de Cadarache peuvent bénéficier des deux restaurants d’entreprise du CEA ou de points de restauration rapide et que la SAS D E ne peut prétendre que le versement d’une indemnité de panier serait prévu en l’absence de tout lieu de restauration sur le site de Cadarache, que certains salariés habitent à proximité du site et perçoivent malgré tout la prime de panier, de même, que la prime de trajet n’est pas versée pour compenser les frais exposés du fait de l’éloignement géographique du site alors qu’elle est établie forfaitairement, d’un montant identique pour l’ensemble du personnel indépendamment de la distance qui sépare le domicile des salariés du lieu de travail, les salariés pouvant par ailleurs prendre le bus mis gratuitement à leur disposition par le CEA de Cadarache, tel que cela ressort des témoignages versés, et que la concluante doit être accueillie en sa demande.

En premier lieu, Madame A B C a introduit son action devant le conseil de prud’hommes de Marseille le 19 février 2016, soit postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 sur la prescription de trois ans des salaires.

L’article 21 de la loi du 14 juin 2013 prévoit que la nouvelle prescription ne court qu’à compter de la date de promulgation de la loi nouvelle, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

A la date de la promulgation de ce texte, soit au 17 juin 2013, la prescription des salaires dus à compter du mois de juin 2008 n’était pas acquise et Madame A B C disposait donc d’un nouveau délai de trois ans pour exercer son action dans la limite de la prescription quinquennale.

Il s’ensuit que les demandes de la salariée en paiement de salaires dus à compter du mois de janvier 2013 ne sont pas prescrites.

En application du principe « à travail égal, salaire égal », il appartient à l’employeur de justifier par des raisons objectives et matériellement vérifiables la différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

En l’espèce, Madame A B C, employée en qualité d’agent de service AS2A et affectée sur le site de Pôle Emploi d’Avignon, se prévaut du fait que l’employeur a fait bénéficier tout le personnel affecté sur le site du CEA de Cadarache d’une prime de trajet d’un montant de 6,17 euros par jour travaillé en 2013, de 6,26 euros par jour en 2014 et de 6,38 euros par jour en 2015, ainsi que d’une prime de panier d’un montant de 7,60 euros par jour en 2013, de 7,71 euros par jour en 2014 et de 8,17 euros par jour en 2015.

Elle se compare à plusieurs salariés qui occupent le même emploi qu’elle et ont la même qualification d’agent de service AS1A (lors de son embauche) puis AS2A et elle verse l’ensemble de leurs bulletins de paie. Il ressort de ces bulletins de paie que ces salariés, affectés sur le site de Cadarache, perçoivent les primes de panier et de « transport » (trajet) et ce, qu’ils aient été embauchés avant ou après la reprise du site du CEA par la SAS D E le 1er janvier 2013.

L’employeur, pour justifier cette différence de traitement sur la période antérieure au 1er novembre 2015, ne développe aucun moyen, se contentant de soutenir que l’appelante ne produit aucun justificatif du calcul du quantum de ses demandes alors que tel n’est pas le cas, Madame B C produisant les bulletins de paie des salariés auxquels elle se compare ainsi qu’un tableau précis et détaillé des primes réclamées, dont le calcul n’est pas critiqué par la SAS D E.

S’agissant de la réclamation postérieure au 31 octobre 2015, la SAS D E ne peut prétendre que Madame B C ne saurait justifier d’une identité de situation avec des salariés travaillant sur le site de Cadarache au motif que lesdits salariés ne font plus partie de l’entreprise et ont été repris par la société ONET à la suite du transfert du marché du CEA de Cadarache, à compter du 1er novembre 2015. En effet, si la société D E n’avait pas manqué à son obligation de traiter de manière équivalente les salariés de son entreprise pour le versement des primes sollicitées, Madame B C aurait bénéficié du versement des primes de panier et de trajet dès leur mise en place et aurait continué à percevoir ces éléments de rémunération qui lui étaient dus en application du principe d’égalité de traitement, nonobstant la perte du site du CEA de Cadarache.

Contrairement à ce qui est prétendu par l’employeur, l’appelante produit les bulletins de paie des agents de service auxquels elle se compare ainsi qu’un tableau précis et détaillé, non critiqué dans son quantum, des primes réclamées.

Il s’ensuit que la société D E ne justifie pas que l’inégalité de traitement constaté pour la salariée, qui a effectué un travail identique ou de valeur égale au regard des avantages considérés, est fondée sur des raisons objectives et pertinentes.

Le jugement est donc réformé et il est fait droit aux demandes de la salariée au titre du rappel de prime de panier et du rappel de prime de trajet, selon le calcul présenté par l’intéressée que la Cour adopte expressément.

Sur la prime de vacances :

La SAS D E, qui a formé un appel incident dans ses conclusions d’intimée à l’encontre de la disposition du jugement l’ayant condamnée au paiement d’une prime de vacances, fait valoir que la salariée ne présente aucun élément susceptible d’établir une inégalité de rémunération, qu’elle ne peut valablement se comparer à la situation des salariés repris par la société D E le 1er juin 2010 dès lors que les primes dont bénéficiaient ces derniers (panier, vacances, transport) correspondaient à des avantages acquis dont ils bénéficiaient chez leurs précédents employeurs, que faute d’élément de comparaison, l’appelante ne peut donc faire valoir de demande au titre d’une quelconque rupture d’égalité de traitement antérieurement à la date du 1er décembre 2013, qu’elle ne peut faire valoir de demande au titre d’une quelconque rupture d’égalité de traitement au-delà du 31 octobre 2015, date à laquelle les contrats de travail des salariés affectés au CEA de Cadarache ont été transféré à la société ONET, que les rappels de salaire réclamés sont prescrits antérieurement au 19 février 2013 eu égard à la saisine du conseil de prud’hommes le 19 février 2016, en tout état de cause, que la demanderesse ne justifie pas du quantum de ses prétentions et que la prime de vacances doit être exclue de l’assiette de calcul de l’indemnité de congés payés.

Madame A B C rappelle que tous les salariés du site du CEA de Cadarache, même les nouveaux embauchés, bénéficient de la prime de vacances, (comme Mesdames Y et Z), qu’elle est en droit de bénéficier du versement de la prime de vacances au-delà de la date de la perte de marché par D E le 31 octobre 2015, que la société D E prétend que cette prime de vacances serait versée en raison de la fermeture du site aux périodes de vacances, ce qui n’est aucunement prouvé, que les nombreux bulletins de salaire produits aux débats démontrent que la réalité est tout autre, que l’on constate qu’à chaque fermeture du CEA, les salariés sont en absence payée, mais pas de façon systématique, que la prime de vacances allouée par l’employeur aux seuls salariés du site ne vient pas compenser un préjudice lié à la fermeture du site, que cette prime est donc un supplément de salaire venant augmenter le pouvoir d’achat des salariés durant leurs vacances, que des salariés viennent témoigner que la prime de vacances leur était versée sans condition de fermeture du CEA, que la SAS D E n’invoque pas de raisons objectives et pertinentes justifiant le versement de cette prime aux seuls salariés du site de Cadarache et que le jugement doit être confirmé de ce chef.

En premier lieu, comme rappelé ci-dessus, la prescription des salaires dus à compter du mois de janvier 2013 n’est pas acquise.

Madame A B C, employée en qualité d’agent de service AS1A puis AS2A et affecté sur le site Pôle Emploi d’Avignon, se prévaut du fait que l’employeur fait bénéficier tout le personnel affecté sur le site du CEA de Cadarache d’une prime de vacances d’un montant de 537,54 euros par an en 2013, de 545,60 euros par an en 2014 et de 556,51 euros par an en 2015.

Elle se compare ainsi à plusieurs salariés occupant le même emploi qu’elle et elle verse l’ensemble de leurs bulletins de paie. Il ressort de ces bulletins de paie que ces salariés, affectés sur le site de Cadarache, percevaient les primes de vacances et ce, qu’ils aient été embauchés avant ou après la reprise du site du CEA par la SAS D E le 1er janvier 2013, en sorte que la société intimée ne peut prétendre que la prime de vacances est un droit acquis maintenu par elle lors de la reprise du site.

La SAS D E ne développe aucun moyen de droit pour justifier cette différence de traitement sur la période antérieure au 1er novembre 2015, se contentant de soutenir que l’appelante ne produit aucun justificatif du calcul du quantum de ses demandes alors que tel n’est pas le cas, Madame B C produisant les bulletins de paie des salariés auxquels elle se compare ainsi qu’un tableau précis et détaillé des primes réclamées, dont le calcul n’est pas critiqué par la société D E.

S’agissant de la réclamation postérieure au 31 octobre 2015, la SAS D E ne peut prétendre que Madame B C ne saurait justifier d’une identité de situation avec des salarié

travaillant sur le site de Cadarache au motif que lesdits salariés ne font plus partie de l’entreprise et ont été repris par la société ONET à la suite du transfert du marché du CEA de Cadarache, à compter du 1er novembre 2015. En effet, si la société D E n’avait pas manqué à son obligation de traiter de manière équivalente les salariés de son entreprise pour le versement des primes sollicitées, Madame B C aurait bénéficié du versement de la prime de vacances dès sa mise en place et aurait continué à percevoir cet élément de rémunération qui lui était dû en application du principe d’égalité de traitement, nonobstant la perte du site du CEA de Cadarache.

Contrairement à ce qui est prétendu par l’employeur, l’appelante produit les bulletins de paie des agents de service auxquels elle se compare ainsi qu’un tableau précis et détaillé, non critiqué dans son quantum, des primes réclamées.

Il s’ensuit que la société D E ne justifie pas que l’inégalité de traitement constaté pour la salariée, qui a effectué un travail identique ou de valeur égale au regard de l’avantage considéré, est fondée sur des raisons objectives et pertinentes.

Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a accordé à la salariée la somme de 1023,27 euros à titre de prime de vacances, selon le calcul présenté par l’intéressée et vérifié par la Cour.

Sur l’intervention du syndicat CGT des Entreprises de E des Bouches-du-Rhône:

La SAS D E critique le jugement déféré en ce qu’il a déclaré le syndicat CGT des Entreprises de E des Bouches-du-Rhône recevable en son intervention, soutenant que le syndicat ne justifie pas de sa capacité d’agir en justice en ne versant pas le récépissé du dépôt de ses statuts et de la liste de ses dirigeants. La société D E soutient par ailleurs que rien n’établit que Monsieur M N ait agi conformément aux statuts du syndicat qu’il représente, de sorte que l’action du syndicat doit être déclarée irrecevable conformément aux dispositions de l’article 117 du code de procédure civile. Enfin, elle fait valoir qu’il résulte des dispositions des articles D.2135-2 à D.2135-4 du code du travail que les organisations syndicales et professionnelles sont tenues d’établir et de publier leurs comptes, que le non respect de ces règles empêche le syndicat d’exercer ses prérogatives, qu’en l’espèce, le syndicat CGT des Entreprises de E des Bouches-du-Rhône n’apporte pas la preuve de l’établissement et de la publication de ses comptes, qu’il ne saurait valablement exercer les prérogatives que la loi lui confère, de sorte que son action doit être déclarée irrecevable conformément aux dispositions de l’article 117 du code de procédure civile.

Le premier juge a constaté que le Syndicat CGT des Entreprises de E des Bouches-du-Rhône versait un « dossier pilote », constitué d’une copie de ses statuts, d’un récépissé de déclaration d’une modification de ses statuts auprès de la mairie de Marseille le 18 mai 2010, soit antérieurement à l’introduction de l’instance, ce dont il résultait que les statuts du syndicat avaient bien été déposés en mairie de Marseille. De même, le premier juge a relevé que l’article 10 des statuts disposait que "sur délibération de la Commission Exécutive ou du Bureau du syndicat, le syndicat a le droit d’ester en justice. Il pourra se porter partie civile, porter plainte, agir en dommages-intérêts, intervenir dans une procédure en diffamation conformément aux dispositions du code du travail« et a constaté qu’était produite la délibération des membres du bureau de la Commission exécutive du syndicat ayant donné »tous pouvoirs à Othmane BOUSSALA, secrétaire général, d’agir au nom et pour le compte du syndicat afin d’intervenir aux côtés des requérants", délibération en date du 2 mars 2017, étant rappelé que l’intervention volontaire est possible à tous les stades de la procédure.

Au vu des pièces produites par le Syndicat CGT des entreprises de E des Bouches-du-Rhône, celui-ci a donc justifié de sa qualité à agir en justice et à intervenir dans la cause.

Par ailleurs, aux termes de l’article L.2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice.

Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession.

En sollicitant l’extension à son profit d’avantages dont bénéficiaient certains de ses collègues, sur le fondement du principe d’égalité de traitement, la salariée soulève une question qui dépasse son intérêt personnel et entre dans le cadre de l’intérêt collectif de la profession, la solution à ce litige pouvant avoir des conséquences pour l’ensemble des personnels de l’entreprise.

Il s’ensuit que c’est à juste titre que le premier juge a retenu que le syndicat CGT était recevable à agir dans le cadre de la présente procédure.

La violation du principe « à travail égal, salaire égal » constitue une atteinte aux intérêts de toute une profession et donc aux intérêts du syndicat chargé de protéger et de défendre les principes essentiels du droit du travail.

En conséquence, la Cour confirme le jugement en ce qu’il a condamné la SAS D E à payer au Syndicat CGT des Entreprises de E des Bouches-du-Rhône la somme de 50 euros à titre de dommages-intérêts et la somme de 50 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’article 700 du code de procédure civile:

Il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif, au bénéfice de Madame A B C.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté Madame A B C de ses demandes en paiement de primes de panier et de trajet,

Statuant à nouveau sur ces points réformés,

Condamne la SAS D E à payer à Madame A B C née X :

-3778,80 euros de rappel de primes de panier,

-3046,51 euros de rappel de prime de trajet,

Condamne la SAS D E aux dépens et à payer à Madame A B C née X 1500 euros supplémentaire au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

O P faisant fonction

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 15 janvier 2021, n° 18/02403