Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 4 février 2022, n° 20/11161

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-8, 4 févr. 2022, n° 20/11161
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 20/11161
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Marseille, 19 octobre 2020, N° 18/01155
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 04 FEVRIER 2022

N°2022/.

Rôle N° RG 20/11161 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BGQWQ

Caisse CAISSE DE PREVOYANCE ET DE RETRAITE DU PERSONNEL D E LA SNCF


C/

Y X


Copie exécutoire délivrée

le :

à :


- Me Sylvanna GUGLIERMINE

- Me François GOMBERT

Décision déférée à la Cour :


Jugement du Pôle social du TJ de Marseille en date du 20 Octobre 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 18/01155.

APPELANTE

CAISSE DE PREVOYANCE ET DE RETRAITE DU PERSONNEL D E LA SNCF, demeurant […]

représentée par Me Sylvanna GUGLIERMINE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Madame Y X, demeurant […]

représenté par Me François GOMBERT, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR


L’affaire a été débattue le 23 Novembre 2021 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre Mme Catherine BREUIL, Conseillère

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.


Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Février 2022.

ARRÊT

contradictoire,


Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Février 2022


Signé par Madame Audrey BOITAUD-DERIEUX , Conseiller, pour Mme Dominique PODEVIN, Présidente de chambre empêchée et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme Y X a été employée en qualité de cadre permanent de la SNCF à compter du 5 juin 2001. Faisant l’objet d’une procédure de mise à la réforme engagée à l’initiative de son employeur, elle a cessé ses fonctions le 11 mai 2011 et perçu à ce titre une pension de réforme et une allocation de fin de carrière de la part de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (ci-après CPRPSNCF).

Mme X a contesté devant le conseil des prud’hommes de Marseille cette décision de mise à la réforme. Par décision du 21 janvier 2015, le conseil des prud’hommes de Marseille a requalifié la procédure de mise à la réforme en licenciement discriminatoire compte tenu de l’absence de recherche de solution de reclassement, en a prononcé la nullité et a ordonné sa réintégration au sein de la SNCF. En outre, il a déclaré l’intervention volontaire de la CPRPSNCF irrecevable.

Mme X ayant formé appel de cette décision, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a, dans un arrêt du 30 juin 2017, confirmé le jugement sauf sur le montant de l’indemnité d’éviction et sur le point de départ des intérêts.


Le 19 septembre 2017,1a CPRPSNCF a notifié à Mme X un indu des sommes versées au titre de la pension de réforme et de l’allocation de fin de carrière du fait de sa réintégration au sein des effectifs de la SNCF.


Le 27 septembre 2017, Mme X, par l’intermédiaire de son conseil, a saisi la commission de recours amiable de la CPRPSNCF afin de contester la notification d’indu. Par décision du 28 novembre 2017, la commission de recours amiable a confirmé la décision de la CPRPSNCF.


Le 2 février 2018, Mme X a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône afin de contester la décision de la commission de recours amiable en sa séance du 28 novembre 2017.


Par jugement du 20 octobre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a :

- infirmé la décision de la commission de recours amiable de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF du 28 novembre 2017 notifiée le 8 janvier 2018 à Mme X,

- dit que Mme X a le droit de conserver les sommes versées au titre de la pension de réforme et allocation de fin de carrière servies par la CPRPSNCF pendant la période comprise entre sa mise à la réforme du 11 mai 2011 jusqu’à réintégration effective de la SNCF dans les conditions prévues au jugement du conseil des prud’hommes de Marseille du 21 janvier 2015 confirmé par arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 30 juin 2017,

- débouté Mme X de sa demande en dommages et intérêts formée à l’encontre de la caisse de prévoyance et de retraite de la SNCF,

- condamné la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF à payer à Mme X la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

- débouté la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF de l’ensemble de ses prétentions,

- laissé les dépens à la charge de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF.


Par acte du 17 novembre 2020, la CPRPSNCF a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 4 novembre 2020.


Par courrier en date du 1er juin 2021, Mme X a sollicité le renvoi de l’affaire devant la formation collégiale de la chambre.


A l’audience du 23 novembre 2021, la CPRPSNCF reprend oralement les conclusions déposées à l’audience et demande à la cour de :


- infirmer le jugement prononcé par le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille le 20 octobre 2020,

et statuant à nouveau,


- prendre acte de la nullité du licenciement prononcée par le conseil des prud’hommes de Marseille et confirmée par la cour d’appel d’Aix-en-Provence dans un arrêt du 30 juin 2017,


- déclarer fondée la décision de la commission de recours amiable notifiée le 8 janvier 2018,


- débouter Mme X de toutes ses prétentions,


- condamner Mme X à lui reverser le montant de l’indu de pension ainsi que le montant de l’allocation de fin de carrière, soit la somme totale de 70 796,63 euros augmentée des intérêts légaux à compter de la décision à intervenir,


- condamner Mme X au paiement de la somme de 1.500 euros destinée à l’indemniser des frais exposés et qui n’entrent pas dans les dépens, en application de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.


A titre préalable, la caisse de prévoyance soutient, d’une part, avoir intérêt à agir au motif qu’elle est un organisme de sécurité sociale dotée de la personnalité morale, entité juridiquement distincte de la SNCF, et d’autre part, que la force de chose jugée invoquée par Mme X ne peut lui être opposée en ce qu’il existe une double différence d’objet et de partie.


Sur la nature juridique de l’indemnité d’éviction perçue par Mme X, elle affirme que ladite indemnité ne revêt pas le caractère de dommages et intérêts forfaitaires mais a une nature salariale, que dans le cadre d’un licenciement annulé, le salarié est considéré n’avoir jamais cessé son activité de sorte que la somme allouée est considérée comme étant versée à l’occasion du travail. Considérer que l’indemnité d’éviction revêt un caractère forfaitaire dans l’hypothèse où la nullité du licenciement est fondée sur la violation d’un droit ou d’une liberté fondamentale, comme l’a fait le tribunal, relève d’une appréciation abusivement large de la jurisprudence de la Cour de cassation qui ne statue pas sur les rapports entre l’organisme tiers et le salarié, d’une interprétation erronée de la motivation de l’arrêt de cour d’appel en date du 30 juin 2017 qui ne précise n’y avoir lieu à déduction du montant des pensions de l’indemnité d’éviction seulement pour permettre à la caisse de mener la procédure de recouvrement de l’indu et contredit la jurisprudence de la Cour de cassation qui considère l’indemnité d’éviction comme étant de nature salariale soumise à cotisations.


Sur la nature juridique de la pension de réforme versée par la caisse, celle-ci rappelle que la pension de réforme versée est une prestation de sécurité sociale et n’a donc pas la nature de rémunération.


La caisse sollicite la restitution des sommes indûment perçues par Mme X aux motifs, d’une part, que la décision de justice tendant à la nullité du licenciement a autorité de chose jugée et entraîne sa nullité rétroactivement, d’autre part, que la perception d’une indemnité d’éviction est l’une des manifestations de l’effet rétroactif de la nullité du licenciement, indemnité équivalente aux salaires que la salariée aurait dû percevoir de son employeur pendant la période considérée, puisque la salariée est considérée comme n’ayant jamais quitté son emploi, et enfin, que la jurisprudence posant le principe de l’absence de déduction des revenus de remplacement en cas de nullité du licenciement découlant de la violation d’une liberté fondamentale ne saurait lui être opposée, puisque la Cour statue sur l’appréciation des droits et obligations entre l’employeur et le salarié, et non sur le droit du tiers au contrat de travail à obtenir la restitution de l’indu. Ainsi, elle fait valoir que la mise à la réforme ayant été considérée comme n’ayant jamais existé, les conséquences de cette dernière, à savoir le versement d’une pension de réforme et de l’allocation de fin de carrière, ne sont pas dues.


Sur la prescription soulevée par Mme X, la caisse de prévoyance fait valoir sur le fondement de l’article 2224 du code civil que le délai de prescription ne court pas à compter du jour du versement de la pension mais à compter du jour où la mise à la réforme est annulée, de sorte que les sommes versées ont revêtu un caractère indu, le 30 juin 2017. Elle a notifié une demande de remboursement à Mme X le 19 septembre 2017 et suite à la saisine de la commission de recours amiable, l’introduction de l’instance, interruptive de prescription, devant le tribunal est intervenue le 29 janvier 2018, et l’affaire ayant été appelée le 8 septembre 2020, le délai de 5 ans n’était pas écoulé.


Sur le prétendu préjudice d’anxiété et l’appel en garantie, la caisse se prévaut de l’inopposabilité de l’autorité de la chose jugée rattachée à la décision de la cour d’appel en date du 30 juin 2017 et relève la mauvaise foi de Mme X. Elle ajoute que l’appel en garantie n’a pas lieu d’être puisque l’action en répétition de l’indu joue uniquement entre l’accipiens et le solvens, soit respectivement entre Mme X et la CPRPSNCF, cette dernière étant une personne morale distincte de la SNCF.

Mme X reprend oralement les conclusions déposées et demande à la cour de :


- confirmer la décision rendue par le jugement du 20 octobre 2020, sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts,


- constater la prescription de l’action de la CPRPSNCF en application de l’article L355-3 du Code de la sécurité sociale,
- débouter la CPRPSNCF de ses prétentions,


- condamner la CPRPSNCF au paiement d’une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice moral et d’anxiété subi,


- à titre subsidiaire, réserver ses droits à appeler en garantie devant le tribunal judiciaire la SNCF MOBILITES à laquelle le présent jugement devra être déclaré opposable,


- condamner la CPRPSNCF au paiement d’une somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.


Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir la prescription biennale de l’action de la CPRPSNCF en application de l’article L355-3 du Code de la Sécurité sociale et la mise à néant consécutive de sa contrainte. En outre, elle précise que la prescription n’a pu être interrompue que par l’audience du 8 septembre 2020, au cours de laquelle la CPRPSNCF a fait valoir ses prétentions en répétition de l’indu, la procédure antérieure n’ayant aucun effet interruptif au regard des dispositions du Code civil qui régissent les règles en matière de prescription quelle qu’en soit la durée, de sorte que seules les pensions ayant pu être versées à compter du 8 septembre 2018 peuvent être l’objet d’une répétition, si l’indu est effectif.


Sur le fond, elle considère que les pensions de réforme n’ont pas un caractère indu dans la mesure où elle a fait l’objet d’une réforme jugée discriminatoire en raison de son état de santé, cette réforme se heurtant, à une garantie constitutionnelle contenue dans le préambule de la Constitution.

Mme X fait valoir que l’annulation de son licenciement a pour conséquences une non déduction des revenus de remplacement pendant la période d’éviction, et une absence de droit de déduction, au bénéfice de l’employeur, des revenus qu’elle avait ainsi perçus. Elle relève que la réintégration ne peut avoir pour effet de la priver rétroactivement du bénéfice des pensions de réforme dans la mesure où celles-ci étaient la conséquence d’une mesure prononcée par la commission de réforme de la SNCF prévue aux statuts, parfaitement régulière en 2011, ce qui ne l’empêchait pas de pouvoir la contester, ce qu’elle a fait pour aboutir à l’arrêt du 30 juin 2017.


Elle soutient également qu’une indemnisation d’éviction lui a été allouée, et non un rappel de salaire, empêchant ainsi toute répétition des pensions qui ont été versées puisqu’il s’agit de dommages et intérêts forfaitaires, calculés au regard des salaires qu’elle aurait dû percevoir mais qui n’ont pas la nature de salaires.


En outre, elle se prévaut, d’une part, d’une réintégration non-rétroactive, de ce fait les pensions sont dues à partir de la réforme jusqu’à la réintégration, soit le 30 juin 2017, et d’autre part, de l’absence de preuve quant au versement indu par la caisse.


Elle argue d’un préjudice moral provoqué par le fait qu’elle pensait en avoir fini avec ce dossier, alors que la CPRPSNCF était partie à la procédure ayant donné lieu à l’arrêt du 30 juin 2017. Elle se prévaut ainsi d’un préjudice d’anxiété afférent à la procédure abusive menée par la caisse de prévoyance et ajoute qu’il revient à la caisse de se retourner contre la SNCF, auteure de la réforme prononcée.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prescription de la demande en répétition d’indu formée par la caisse

'Toute demande de remboursement de trop-perçu en matière de prestations de vieillesse et d’invalidité est prescrite par un délai de deux ans à compter du paiement desdites prestations dans les mains du bénéficiaire', selon l’alinéa 1er de l’article L.355-3 du Code de la sécurité sociale.
Toutefois, conformément au principe selon lequel la prescription ne court pas contre celui qui est empêché d’agir, le délai de prescription de la demande en répétition des arrérages de pension de mise à la réforme et de l’allocation de fin de carrière indûment versées, ne court pas à l’encontre de la caisse de prévoyance et de retraite qui est dans l’impossibilité d’agir en raison de la nullité de la décision de mise à la réforme requalifiée en licenciement discriminatoire, tant que cette nullité n’a pas été prononcée.


Or, ce n’est que par décision de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 30 juin 2017, confirmant le jugement du conseil de prud’hommes de Marseille du 21 janvier 2015, en ce qu’il a requalifié la mise en réforme de Mme X par la SNCF en date du 15 février 2011 en licenciement, annulé le licenciement comme discriminatoire, ordonné la réintégration de la salariée dans son emploi, condamné l’employeur à verser à la salariée les sommes qui auraient dû être versées à titre de salaires entre le 1er janvier 2015 et la réintégration effective de la salariée, que la caisse a été mise en mesure de réclamer des sommes qui se sont révélées indument versées.


Il s’en suit que l’ action en répétition de l’indu de la caisse n’encourt la prescription qu’à compter du 30 juin 2019.


Le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille ayant été saisi le 2 février 2018 d’une contestation de la demande en répétition de l’indu de la caisse et celle-ci ayant formulé sa demande devant la juridiction à l’audience du 8 septembre 2018 selon les propres conclusions

de Mme X, la demande de la caisse n’est pas forclose.

Sur le caractère indu des sommes versées au titre de la pension de réforme et de l’allocation de fin de carrière par la caisse


Il n’est pas discuté que Mme X a perçu des arrérages de pension de réforme du 12 mai 2011 au 31 août 2017 pour un montant total de 69.072,13 euros et une allocation de fin de carrière d’un montant de 1.724,50 euros versés par la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF suite à la décision de mise à la réforme de sa salariée par la SNCF.


Or, il a été dit plus haut qu’il ressort de la décision définitive de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 30 juin 2017, qu’elle a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes de Marseille du 21 janvier 2015, en ce qu’il a requalifié la mise en réforme de Mme X par la SNCF en date du 15 février 2011 en licenciement, annulé le licenciement comme discriminatoire, ordonné la réintégration de la salariée dans son emploi, condamné l’employeur à verser à la salariée les sommes qui auraient dû être versées à titre de salaires entre le 1er janvier 2015 et la réintégration effective de la salariée.


La cour d’appel a néanmoins infirmé le jugement du conseil de prud’hommes sur le montant de l’indemnité d’éviction au motif qu’il avait, à tort, déduit des salaires à verser par l’employeur à la salariée, le montant des pensions qui lui ont été servies, et a condamné la société employeur à verser une indemnité d’éviction représentant tous les salaires que la salariée aurait dû percevoir pendant la période comprise entre son éviction et sa réintégration.


Il s’en suit que la salariée a été indemnisée du préjudice découlant de l’entière perte de salaires due à son éviction et a été déboutée de sa demande en dommages et intérêts complémentaire par la cour d’appel faute de justifier d’un préjudice distinct de celui qui est indemnisé par l’indemnité d’éviction. L’indemnisation de son entier préjudice causé par la faute de son employeur est donc définitivement fixée.


Les arrérages de pension de mise à la réforme versée par la caisse de prévoyance et de retraite ont pour vocation de remplacer une rémunération perdue suite à la décision de mise à la réforme de l’employeur. Dès lors que par décision de la cour d’appel du 30 juin 2017 susvisée, la décision de mise à la réforme est annulée et la perte de rémunération consécutive à l’éviction est indemnisée par la condamnation de l’employeur à verser une indemnité d’éviction, l’organisme de sécurité sociale est bien-fondé à récupérer les arrérages de pensions de mise à la réforme qui se révèlent indus.

Mme X se prévaut en vain d’un arrêt de la Cour de cassation en date du 11 mars 2009 (n°07-43336) par lequel elle casse un arrêt de cour d’appel, considérant qu’en condamnant la salariée à rembourser à l’ASSEDIC une somme représentant l’allocation d’assurance perçue entre le licenciement et la réintégration et en condamnant la société employeur à verser à la salariée la même somme en complément de l’indemnité réparant le préjudice résultant de la nullité de son licenciement au motif que la salariée ne remplit pas les conditions requises pour bénéficier de l’allocation d’assurance pendant la période comprise entre son éviction et sa réintégration, elle a violé les articles 1376 du Code civil et L.351-3 al.1er ancien du code du travail.


En effet, cet arrêt n’est pas applicable à notre cas d’espèce, dès lors qu’il concerne l’indemnisation du préjudice de la salariée suite à l’annulation de son licenciement et non la seule répétition de l’indu de prestations servies par un organisme de sécurité sociale. Or, si l’allocation d’assurance chômage indue ne peut se cumuler avec les rémunérations qu’elle avait vocation à remplacer, elle peut, en revanche, se cumuler avec les indemnités de rupture du contrat de travail qui ont pour objet de réparer un préjudice, sous réserve que le salarié ne soit pas indemnisé deux fois pour le même préjudice de perte de salaires.


Dans notre cas, Mme X ne saurait obtenir une double indemnisation de la perte de rémunération sur la période comprise entre son éviction et sa réintégration en bénéficiant d’une indemnité d’éviction versée par son employeur et calculée par le conseil de prud’hommes puis par la cour d’appel dans la procédure opposant la salariée à son employeur d’une part, et de la conservation des arrérages de pension de mise à la réforme versée par l’organisme de sécurité sociale, demandée à la jurididtion de sécurité sociale dans les rapports entre une caisse de prévoyance et de retraite et son assurée .


De même, c’est en vain que Mme X se prévaut de l’atteinte à un droit ou une liberté fondamental garantie par la Constitution à l’origine de l’annulation de son licenciement, dans la mesure où il ne s’agit pas de statuer sur l’indeminité du préjudice découlant de l’annulation de son licenciement, mais sur la répétition de l’indu découlant de l’annulation judiciaire de la décision de mise à la réforme.


Enfin, Mme X se prévaut inutilement d’une réintégration à compter du 30 juin 2017 sans effet rétroactif, dans la mesure où le préjudice en résultant est indemnisé par le versement de l’indemnité d’éviction calculée en fonction des salaires qu’elle aurait dû percevoir sur toute la période comprise entre son éviction et l’effectivité de la réintégration décidée le 30 juin 2017. En outre, si le versement des arrérages de pension de mise à la réforme était en effet parfaitement fondé suite à la décision de la mise à la réforme de l’employeur, comme le prétend Mme X, en revanche, l’annulation de cette décision a supprimé tout fondement à leur perception par la salariée qui se trouve consécutivement dans l’obligation de les restituer.


En conséquence, c’est à tort que les premiers juges ont infirmé la décision de la commission de recours amiable du 28 novembre 2017 et dit que Mme X avait le droit de conserver les sommes versées au titre de la pension de réforme et d’allocation de fin de carrière servies par la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF du 11 mai 2011 à sa réintégration effective.


Le jugement sera infirmé sur ces points et Mme X sera condamnée à restituer à la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF la somme de 70.796,63 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Sur la demande en dommages et intérêts présentée par Mme X


En vertu de l’article 1240 du code civil et à défaut pour Mme X de justifier que le droit de la caisse de former appel d’une décision de justice a dégénéré en procédure abusive, elle sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts.

Sur la demande d’opposabilité du présent arrêt à la SNCF présentée par Mme X


Il ressort de la déclaration d’appel formée par la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF que le recours ne vise que Mme X à l’exclusion de la SNCF.


En outre, Mme X n’a formé aucun appel incident mettant en cause la SNCF et aucune demande n’est formée à l’encontre de celle-ci.


Il s’en suit que la SNCF n’est pas partie à la procédure de sorte que la demande tendant à déclarer l’arrêt opposable à la SNCF est irrecevable.

Sur les frais et dépens

Mme X, succombant, supportera les dépens de l’instance, étant précisé que l’article R 144-10 du code de la sécurité sociale a été abrogé par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale, dont l’article 17 III prévoit que les dispositions relatives à la procédure devant les juridictions sont applicables aux instances en cours.


En outre, condamnée aux dépens, Mme X, sera également condamnée à payer à la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF, la somme de 1.500 euros à titre de frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par décision contradictoire,


Infirme le jugement rendu le 20 octobre 2020, par le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille en toutes ses dispositions,


Statuant à nouveau,


Confirme la décision de la commission de recours amiable en date du 28 novembre 2017,


Condamne Mme X à restituer à la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF la somme de 70 796,63 euros augmentée des intérêts légaux à compter du présent arrêt, au titre des arrérages de pension de réforme et de l’allocation de fin de carrière servies par la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF du 11 mai 2011 à sa réintégration,


Déclare irrecevable la demande présentée par Mme X et tendant à déclarer le présent arrêt opposable à la SNCF,


Déboute Mme X de ses autres prétentions,


Condamne Mme X à payer à la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF la somme de 1.500 euros à titre de frais irrépétibles,


Condamne Mme X aux éventuels dépens de l’appel.
Le Greffier Le Conseiller pour le Président empêché
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