Cour d'appel d'Amiens, 1ère chambre civile, 16 décembre 2016, n° 15/01000

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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, 1re ch. civ., 16 déc. 2016, n° 15/01000
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 15/01000
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRET

SA CNP ASSURANCES

C/

X

Y

SARL CRIGIME

SL/GG

COUR D’APPEL D’AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU SEIZE DECEMBRE DEUX MILLE
SEIZE

Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : 15/01000

Décision déférée à la cour :
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SENLIS
DU DIX SEPT FEVRIER DEUX MILLE QUINZE

PARTIES EN CAUSE :

SA CNP ASSURANCES, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié XXXXXXXXX

XXX

XXX

Représentée par Me Isabelle BLANC-BOILEAU, avocat au barreau de SENLIS

APPELANTE

ET

Monsieur Z X

né le XXX à XXX

XXX

XXX

XXX

Madame A Y épouse X

née le XXX à XXX

XXX

XXX

XXX

Représentés par Me Rémi GILLET, avocat au barreau de SENLIS

INTIMES

SARL CRIGIME, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié XXXXXXXXX

XXX

XXX

Représentée par Me Rémi GILLET, avocat au barreau de SENLIS

PARTIE INTERVENANTE

DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :

L’affaire est venue à l’audience publique du 15 septembre 2016 devant la cour composée de M. Philippe COULANGE, Président de chambre, Mme B C et M. D E,
Conseillers, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

A l’audience, la cour était assistée de Mme Charlotte RODRIGUES, greffier.

Sur le rapport de Mme B
C et à l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré et le président a avisé les parties de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 novembre 2016, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

PRONONCÉ :

Les parties ont été informées par voie électronique du prorogé du délibéré au 15 décembre 2016 puis au 16 décembre 2016 et du prononcé de l’arrêt par sa mise à disposition au greffe.

Le 16 décembre 2016, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Philippe COULANGE, Président de chambre, et Mme Charlotte RODRIGUES, greffier.

*

* *

DECISION :

Monsieur Z X et Madame A
Y, son épouse, ainsi que la société
CRIGIME, celle-ci exploitant un fonds de commerce de pâtisserie dont le gérant était Monsieur X, ont souscrit plusieurs prêts auprès de la Caisse d’Epargne de Picardie et ont adhéré à

l’assurance groupe contractée pour garantir ces prêts auprès de la société Caisse Nationale de
Prévoyance (CNP) Assurances, ainsi :

—  1° prêt numéro 6473803 : souscrit le 22 octobre 2003 à hauteur de 50 690 euros par Monsieur X, qui a adhéré le 12 septembre 2003 (contrat d’assurance n° 7501 D) à l’assurance groupe souscrite par la Caisse d’Epargne auprès de la CNP pour les risques « décès, perte totale et irréversible d’autonomie (PTIA) et incapacité totale de travail »,

—  2° prêt numéro 7089083 : souscrit le 30 novembre 2006 à hauteur de 83 520 euros par la société
CRIGIME,

—  3° prêt numéro 70889084 : souscrit le 30 novembre 2006 à hauteur de 194 880 euros par la société
CRIGIME, les époux X-Y s’étant portés caution de ces deux prêts et ayant adhéré le 4 novembre 2006 à l’assurance « prêt professionnel » souscrite par la caisse d’Epargne auprès de la
CNP Assurances, celle-ci les garantissant (contrat d’assurance n° 7044 G) pour les risques « décès, perte totale et irréversible d’autonomie, invalidité totale et définitive, et incapacité totale de travail »,

—  4° prêt numéro 7544875 : souscrit par la société CRIGIME à hauteur de 50 000 euros en juin 2009, Monsieur X ayant adhéré le 29 mai 2009 à l’assurance groupe CNP Assurances, laquelle le garantissait (contrat d’assurance n°7044G) contre les risques « décès, perte totale et irréversible d’autonomie, invalidité totale et définitive et incapacité totale de travail »,

—  5° prêt numéro 7735071 : souscrit le 11 juin 2010 à hauteur de 136 379,88 euros par Monsieur et Madame X-Y,

—  6° prêt numéro 7735072 : souscrit le 11 juin 2010 à hauteur de 163 620,12 euros par Monsieur et Madame X-Y, les époux X-Y ayant adhéré le 11 juin 2010 à l’assurance groupe souscrite par la Caisse d’Epargne auprès de la CNP Assurances (contrat d’assurance n°9882 R) laquelle devait les garantir relativement à ces deux prêts contre les risques « décès, perte totale et irréversible d’autonomie, incapacité totale de travail).

Monsieur X a été victime d’un grave accident survenu sur son lieu de travail le 28 décembre 2008.

La société CNP Assurances a pris en charge les échéances de ces six prêts, au titre de la garantie « incapacité totale de travail ».

Le Régime Social des Indépendants (RSI) auquel est affilié Monsieur Z X a notifié à ce dernier l’attribution d’une pension d’invalidité partielle à effet du 1er janvier 2012, et la CNP a indiqué par lettre du 6 décembre 2012 que pour ce motif elle ne prenait plus en charge le remboursement des prêts portant les numéros 6473803, 7735071 et 7735072 à compter du 1er janvier 2012 ; elle a toutefois ultérieurement accepté « à titre exceptionnel » de ne pas réclamer à M. X le remboursement des sommes versées entre le 1er janvier 2012 et le 30 juin 2012 .
Dans son courrier du 6 décembre 2012 la CNP indiquait qu’elle poursuivait en revanche sa prise en charge des trois prêts consentis à la société
CRIGIME, selon les dispositions contractuelles ; cette prise en charge a toutefois cessé à la suite d’une « erreur informatique », puis a repris, une fois l’erreur décelée.

Les époux X-Y ont attrait devant le juge des référés la CNP, aux fins de voir condamner celle-ci à continuer à prendre en charge les prestations dues au titre du risque « incapacité totale de travail » relative aux trois prêts portant les numéros 6473803, 7735071 et 7735072 à compter du 1er juillet 2012 ; par une ordonnance en date du 15 octobre 2013, le juge des référés a dit n’y avoir lieu à référé.

Par acte en date du 22 janvier 2014 les époux X-Y ont fait assigner la CNP devant le tribunal de grande instance de Senlis aux fins de voir celle-ci condamnée à prendre en charge à compter du 1er juillet 2012 les prestations dues au titre du risque « incapacité totale de travail » pour les trois prêts portant les numéros 6473803,7735071 et 7735072.

La société CRIGIME est intervenue volontairement à la procédure.

Aux termes de leurs conclusions Monsieur X, Madame Y et la société CRIGIME sollicitaient du tribunal, pour l’essentiel, la condamnation de la société CNP Assurances à régler sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir, entre les mains des époux X-Y les prestations dues au titre du risque incapacité totale de travail pour les trois prêts numérotés 6473803 , 7735071 et 7735072, et ce rétroactivement du 1er juillet 2012 au 2 juillet 2014, et à payer à la société CRIGIME des échéances non réglées au titre de trois contrats : 5003,88 euros pour le prêt n° 7544875, 6224,75 euros pour le prêt n° 7089083 et 13 353,35 euros pour le prêt n° 7089084.

La société CNP Assurances demandait le débouté des époux X-Y et de la société
CRIGIME.

Par jugement contradictoire en date du 17 février 2015, le tribunal de grande instance de Senlis a :

— condamné la compagnie d’assurance CNP Assurances à verser à Monsieur Z
X et Madame A Y, épouse X, les prestations dues au titre de la garantie incapacité totale de travail relative aux prêts n° 6473803 , 7735071 et 7735072, et ce du 1er juillet 2012 au 2 juillet 2014,

— condamné la compagnie d’assurance CNP Assurances à payer à Monsieur X et Madame A Y épouse X la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la compagnie d’assurance CNP Assurances à payer à la société CRIGIME la somme de 4088,33 euros au titre de la garantie incapacité totale de travail relative aux prêts n° 7089083 et 7089084,

— condamné la compagnie d’assurance CNP Assurances à payer à la société CRIGIME la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté Monsieur Z
X, Madame A F, épouse
X et la société
CRIGIME du surplus de leurs demandes,

— débouté la compagnie d’assurance CNP Assurances de ses demandes,

— condamné la compagnie d’assurance CNP Assurances aux entiers dépens,

— ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 3 mars 2015, la SA CNP Assurances a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de conclusions récapitulatives notifiées suivant la voie électronique le 8 avril 2016, expressément visées, elle demande à la Cour, au visa de l’article L341 – 4 du code de la sécurité sociale et de l’article 5 du code de procédure civile, de

— infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Senlis le

17 février 2015,

— débouter par conséquent les époux X et la SARL CRIGIME de toutes leurs demandes,

— les condamner au titre de l’article 700 du code de procédure civile à lui verser une indemnité de 3000 euros, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel et de première instance.

Aux termes de conclusions récapitulatives (n°2), expressément visées, Monsieur Z X et Mme A Y, et la société CRIGIME, SARL, sollicitent de la Cour qu’elle :

— dise et juge l’appel interjeté mal fondé, le rejette,

— confirme en conséquence le jugement entrepris au titre de la garantie ITT relative aux prêts 6473803, 7735071 et 7735072 comme au titre des condamnations aux dépens et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— l’infirme pour le surplus et condamne la compagnie d’assurance CNP Assurances à payer à la société CRIGIME la somme globale de 7805,69 euros,

— condamne la société CNP Assurances aux dépens d’appel ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 5000 euros au bénéfice tant des époux X que de la société CRIGIME sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 29 juin 2016, et l’affaire renvoyée à l’audience du 15 septembre 2016 pour plaidoiries.

MOTIFS :

Sur la demande formée par M. X et Mme Y :

— s’agissant de la garantie incapacité totale de travail relative au contrat de prêt n°6473803 :

Il est constant que Monsieur X a le 22 octobre 2013 accepté une offre de prêt consentie par la Caisse d’Epargne pour un montant en capital de 50 690 euros et adhéré à l’assurance groupe souscrite par celle-ci auprès de la CNP, sa police d’assurance le garantissant à 100 % contre les risques décès, perte totale et irréversible d’autonomie et incapacité totale de travail.

A hauteur d’appel les époux X-Y ne discutent plus que les « Principales dispositions du contrat d’assurance » (pièce 15 de la CNP) régissent leur contrat (n°7501D) et leur sont opposables.

Il résulte des écritures des parties que celles-ci s’accordent sur le fait que M. X est un assuré assujetti à un régime similaire au régime général de la Sécurité
Sociale.

Sous le titre « La garantie intervient », l’article 2 des « Principales dispositions du contrat d’assurance » prévoit :

« Sous réserve des cas d’exclusion précisés dans l’article 3 et selon l’option choisie, l’assurance couvre les « risques suivants :

« '……..

« L’incapacité totale de travail (ITT) :
»

et définit celle-ci en ces termes : « L’assuré est en état d’ITT lorsque, à l’expiration d’une période d’interruption continue d’activité de 90 jours (dite délai de carence) il se trouve, à la suite d’une maladie ou d’un accident, dans l’obligation d’interrompre totalement toute activité professionnelle (ou, s’il n’exerce pas intitulé « prestations garanties » ou n’exerce plus d’activité professionnelle') ».

Portant le titre « Prestations garanties », l’article 8 indique, s’agissant de la « fin des prestations » que

« Pour tous les assurés :

« Les prestations sont versées aussi longtemps que l’incapacité se poursuit sans pouvoir dépasser la fin du « tableau d’amortissement et, en tout état de cause, la première échéance de remboursement qui suit :

« -le 65e anniversaire de l’assuré,

« -la mise à la retraite ou à la préretraite quelle qu’en soit la cause, lorsque celle-ci est antérieure audit anniversaire.

« Elles cessent, de plein droit, lorsque l’assuré a la capacité d’exercer une activité, même partielle.
»

L’article 9 intitulé « Formalités à remplir pour solliciter le bénéfice des prestations » précise qu’en cas d’incapacité totale de travail doivent être produits :

*pour les assurés assujettis au régime général de la Sécurité Sociale, :

« Au moins tous les trois mois :

— la copie des bordereaux de prestations en espèces de la
Sécurité Sociale (indemnités journalières de l’assurance maladie ou accident de travail) ou, à défaut,

— le troisième volet de l’avis de l’arrêt travail délivré par le médecin et certifié par l’employeur (ou accompagné d’une attestation de l’employeur)

« Dès réception :

— le titre de deuxième ou troisième catégorie d’une pension de l’assurance invalidité définie à l’article
L341 – 4 du code de la sécurité sociale »,

*pour les assurés assujettis à des régimes similaires au régime général de la
Sécurité Sociale :

— Au moins tous les trois mois : une attestation de paiement émanant de ces régimes, équivalente à celle prévue par le régime général de la
Sécurité Sociale »

*pour les fonctionnaires ou assimilés :

Au moins tous les trois mois : une attestation de l’employeur

*pour les travailleurs non salariés :

Au moins tous les trois mois : un certificat médical d’arrêt de travail ».

Pour considérer que la CNP était tenue à garantir le prêt jusqu’au 2 juillet 2014, le premier juge a retenu que M. X démontrait par la production de certificats médicaux avoir été en arrêt de travail de la date de l’accident jusqu’au 2 juillet 2014 – date d’un certificat médical autorisant la

« reprise d’un travail léger pour raison médicale » – et par là-même avoir été dans l’incapacité totale d’exercer une activité professionnelle durant cette période, qu’en effet la preuve d’une incapacité totale de travail pouvait être faite par d’autres moyens que le respect des formalités figurant à l’article 9 du contrat, celles-ci ne constituant pas des conditions de mise en 'uvre de la garantie, par ailleurs que l’attestation du RSI en date du 13 janvier 2012 ne signifiait pas que M. X auquel était attribuée une pension d’invalidité partielle de la 1re catégorie pouvait reprendre à compter de cette date une activité professionnelle, enfin que la CNP Assurances n’a jamais demandé à M. X de produire d’autres pièces que les certificats médicaux d’arrêt de travail.

Au soutien de son appel la CNP fait valoir qu’en statuant ainsi le tribunal a dénaturé la lettre claire du contrat, que les clauses ne nécessitent pas d’interprétation, l’article 2 du contrat définissant le risque couvert par la garantie et l’article 9 les formalités à remplir pour bénéficier de la garantie, en faisant référence à l’article 2 par l’utilisation des mêmes notions, que si l’article 2 ne renvoie pas expressément à l’article 9 il n’en demeure pas moins que les conditions des deux articles se cumulent, l’une découlant de l’autre, l’interruption totale de toute activité professionnelle correspondant aux critères de l’invalidité de 2e ou 3e catégorie telle que définie à l’article L341-4 du code de la sécurité sociale, qu’elle a interrompu le versement des prestations en raison de l’absence d’un tel titre de 2e ou 3e catégorie contractuellement exigé, l’invalidité n’étant pas démontrée.

Comme le font toutefois pertinemment observer les époux
X-Y qui sollicitent la confirmation du jugement, outre que des dispositions contractuelles sus-rappelées il ne résulte pas que le respect des formalités conditionne la mise en 'uvre de la garantie :

— en premier lieu la CNP n’a jamais fait grief à son assuré, avant la lettre du 28 mai 2013 (pièce 20 des intimés) qu’elle a adressée en réponse à son Conseil, de n’avoir pas produit les documents prévus au contrat pour établir son inaptitude complète à toute activité professionnelle (attestations de paiement, indemnités journalières de l’assurance-maladie ou titre de 2e ou 3e catégorie d’une pension de l’assurance invalidité) ; en effet si dans sa lettre du 7 février 2012 (pièce 14 des intimés et pièce 6 de l’appelante) la CNP demandait à M. X de lui préciser la date à laquelle la mise en invalidité avait été prononcée par le RSI, et réitérait sa demande par lettre du 13 avril 2012 (pièce 7 de l’appelante), elle ne faisait alors pas allusion et pas davantage dans sa lettre du 6 décembre 2012 (pièce 15 des intimés et pièce 8 de l’appelante) à un quelconque défaut de production de pièce,

— en second lieu, si l’article 9 du contrat d’assurance invoqué par la CNP vise le titre de 2e ou 3e catégorie d’une pension de l’assurance invalidité définie à l’article L314-4 du code de la sécurité sociale, c’est pour les assurés assujettis au régime général de la Sécurité Sociale, en aucun cas pour les assurés assujettis à un régime similaire au régime général, une « attestation de paiement » étant mentionnée pour ces derniers, étant observé qu’une telle « attestation de paiement » n’a pas été davantage réclamée,

— en troisième lieu c’est abusivement que la CNP déduit des termes de l’attestation du RSI (pièce 5 de l’appelante et pièce 13 des intimés) en date du 13 janvier 2012 que M. X, parce que son état de santé était reconnu comme compatible avec une « invalidité partielle » en décembre 2011 par le RSI, aurait alors été apte à reprendre une activité professionnelle ; en effet ce document rappelle la définition de l’invalidité partielle résultant de l’arrêté du 26 janvier 2005 du Règlement du régime invalidité-décès des travailleurs non salariés des professions industrielles et commerciales (« état d’incapacité acquise stabilisée évaluée par le médecin-conseil ou d’une usure prématurée de l’organisme » pour « une perte de sa capacité de travail ou de gain supérieure à 2/3 de celle que lui procurerait une activité commerciale ou de chef d’entreprise relevant d’une profession commerciale »), et ajoute, ce qui constitue un simple renseignement général d’ordre statutaire « Une reconnaissance en invalidité partielle n’interdit aucunement à M. X la poursuite d’une activité professionnelle »,

— enfin au moyen des certificats médicaux qu’ils versent au dossier (pièces 22,23,24, 25,45 et 46) ils

démontrent que M. X a été dans l’incapacité totale d’exercer une activité professionnelle jusqu’au 2 juillet 2014, date à laquelle son médecin a autorisé la reprise d’un « travail léger pour raison médicale » (pièce 43).

Dès lors la CNP ne saurait justifier l’interruption de la prise en charge du prêt par le défaut de production d’une pièce contractuellement prévue ou par la non démonstration par l’assuré de son état d’incapacité totale de travail jusqu’au 2 juillet 2014.

Le tribunal sera donc approuvé en ce qu’il a considéré que la garantie « incapacité totale de travail » était acquise pour le prêt n°6473803 jusqu’au 2 juillet 2014.

— s’agissant de la garantie incapacité totale de travail relative aux contrats de prêt n° 7735071 et 7735072 :

Il est constant que Monsieur X et Madame Y ont le 11 juin 2010 accepté une offre de prêt (n°7735071) d’un montant de 136 319,88 euros et une offre de prêt (n° 7735072) d’un montant de 163 620,12 euros consenties par la Caisse d’Epargne
Picardie, et adhéré à l’assurance groupe souscrite par cette dernière auprès de la compagnie CNP, leur police d’assurance garantissant notamment M. X à 100 % contre les risques de décès, perte totale et irréversible d’autonomie (PTIA), invalidité totale et définitive (ITD) et incapacité temporaire totale de travail (ITT).

Il n’est pas contesté que les dispositions du contrat d’assurance ainsi souscrit (n°9882 R) figurent dans un document à l’en-tête « Notice d’information à conserver par l’assuré » (pièce 2 de l’appelante).

Sous le titre « Définition des garanties et montant des prestations » l’article 14 de ce contrat définit l’incapacité temporaire totale de travail en ces termes «
L’Assuré est en état d’Incapacité Totale de
Travail (ITT) lorsqu’à l’expiration d’une période d’interruption continue d’activité de 90 jours, appelée délai de franchise, et avant son 65 ème anniversaire, sa mise à la retraite ou à la préretraite quelle qu’en soit la cause, il se trouve par suite d’une maladie ou d’un accident, dans l’impossibilité absolue médicalement constatée :

« - pour un Assuré exerçant une activité professionnelle au jour du sinistre (y compris recherche d’emploi), « d’exercer une activité professionnelle à temps plein ou une activité professionnelle à temps partiel …».

L’article 15 intitulé « Cessation du versement des prestations ITT » précise que le versement des prestations Incapacité Temporaire Totale de travail cesse :

« - lorsque l’Assuré n’est plus reconnu en ITT tel que défini à l’article 14 – 4, notamment lorsque

« * il est reconnu apte à exercer une activité même à temps partiel suite à un contrôle médical,

« *pour l’Assuré social, il n’est plus en mesure de fournir les attestations de versement des prestations de son régime de protection sociale,

« *il bénéficie de prestations attestant d’une incapacité partielle, notamment mi-temps thérapeutique’ ».

L’article 16.4.1 relatif aux « Formalités à remplir en cas de sinistre » prévoit en cas d’ITT que doivent être notamment produits :

« I. Pour les Assurés assujettis au régime général de la Sécurité sociale :'

« II. Pour les Assurés assujettis à des régime similaires au régime général de la
Sécurité sociale :..

« La copie des décomptes de prestations en espèce émanant de ces régimes, depuis l’arrêt de travail « couvrant au minimum l’intégralité de la période de franchise.

« A défaut, des attestations employeur peuvent être utilisées pour justifier la période sous réserve qu’elles « précisent toutes la subrogation.

« III. Pour les fonctionnaires ou assimilés :…

« IV. Pour les travailleurs non salariés :'

« V.Pour les personnes sans profession et ne percevant pas d’allocations ASSEDIC :… »,

avec la précision suivante : « Tant que dure l’Incapacité temporaire Totale de Travail (ITT), de nouvelles « attestations médicales d’incapacité/invalidité devront être fournies à la demande de l’Assureur.

« Par ailleurs, l’Assuré devra fournir à l’Assureur dans les 90 jours suivants le dernier jour de la période d’ITT « mentionnée sur les justificatifs :

« -la copie des décomptes de prestations en espèces de la Sécurité sociale ou de régime similaire « (indemnités journalières, ou titre de pension 2e ou 3e catégorie, ou rente supérieure ou égale à « 66%) s’il est salarié ou perçoit des allocations ASSEDIC,

« -les attestations d’employeur s’il est fonctionnaire ('),

« -les certificats médicaux s’il est travailleur non salarié, ou s’il est sans profession et qu’il ne perçoit pas « d’allocations ASSEDIC.
« A défaut de présentation des pièces dans ce délai, la prise en charge de ce sinistre est suspendue.
»

Pour considérer que la garantie incapacité de travail était acquise jusqu’au 2 juillet 2014, date à laquelle M. X a été en mesure de reprendre une activité partielle, le tribunal a retenu que les formalités telles que visées à l’article 16. 4.1 de la notice d’information de la police d’assurance souscrite ne constituent pas des conditions de la mise en 'uvre de la garantie « incapacité totale de travail », dès lors que les articles 14 et 15 n’y renvoient pas expressément, que par conséquent nonobstant le non-respect des formalités de l’article 16. 4.1 de la notice d’information la preuve d’une incapacité totale de travail peut être faite par d’autres moyens, qu’il a été démontré que M. X était de la date de son accident jusqu’au 2 juillet 2014 dans incapacité totale d’exercer une activité professionnelle, par ailleurs que les dispositions de l’article 15 de la notice d’information ne peuvent pas valablement être invoquées par la CNP dès lors que, bénéficiant d’une pension d’invalidité partielle, M. X est en mesure de fournir les attestations de versement des prestations de son régime de protection sociale et que, l’invalidité devant être distinguée de l’incapacité, une pension d’invalidité partielle ne peut être assimilée à une prestation attestant d’une incapacité partielle.

Au soutien de son appel, la CNP Assurances fait valoir que, si les dispositions des articles 14 et 15 ne renvoient pas aux dispositions de l’article 16.4.1 de la notice d’information, elles font corps avec les exigences qui en découlent, et notamment la production de la copie des décomptes des prestations des régimes similaires au régime général de la
Sécurité sociale, que M. X n’a pas transmis le justificatif pourtant exigé au contrat de ce que le RSI lui verserait une pension de 2e ou 3e catégorie, qu’en considérant que la preuve d’une incapacité totale de travail peut être démontrée « nonobstant le non respect des formalités de l’article 16.4.1 de la notice » le tribunal a dénaturé la lettre claire du contrat, que le premier juge a statué à tort sur un critère médical, que les certificats

médicaux versés aux débats par M. X sont insuffisants à justifier, au regard des exigences de l’article 14 du contrat et de l’article 1315 du code civil, qu’il était dans l’impossibilité absolue médicalement constatée d’exercer une activité professionnelle à temps plein ou une activité professionnelle à temps partiel, qu’en tout état de cause la preuve d’une incapacité totale de travail n’est pas faite, l’attestation du RSI précisant que n’est pas interdite à M. X la poursuite d’une activité professionnelle, et les arrêts de travail ne suffisant pas à démontrer que ce dernier serait incapable de reprendre une activité partielle.

Cependant c’est à bon droit, au regard des dispositions contractuelles sus-rappelées, que M. et Mme X-Y objectent que les formalités visées à l’article 16.4.1 de la notice ne conditionnent pas la mise en 'uvre de la garantie, au regard des courriers adressés par la CNP (ses pièces 6,7 et 8) et sus-examinés qu’ils ne contenaient aucune réclamation de pièce, que dès lors la compagnie d’assurance est mal fondée à invoquer un défaut de production de pièce au soutien de l’interruption de sa prise en charge du prêt.

Ils font justement valoir, au vu des certificats médicaux versés (leurs pièces 22 à 25, 45 et 46, déjà citées), que M. X a été dans l’impossibilité absolue médicalement constatée d’exercer une activité professionnelle jusqu’au 2 juillet 2014, date à laquelle son médecin a autorisé la reprise d’un « travail léger pour raison médicale » (pièce 43), soulignant avec pertinence que la CNP n’a à aucun moment laissé supposer que lesdits certificats qu’ils adressaient régulièrement ne suffisaient pas établir ladite impossibilité, voire suggéré un contrôle médical.

Le tribunal sera donc approuvé en ce qu’il a considéré que la garantie incapacité de travail était acquise pour les deux prêts jusqu’au 2 juillet 2014, date à laquelle M. X a été en mesure de reprendre une activité partielle.

Dès lors le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la compagnie CNP à verser à M. X et Mme Y les prestations dues au titre de la garantie « incapacité totale de travail » relative aux prêts 6473803, 7735071 et 7735072.

Sur la demande formée par la société CRIGIME :

Après rappel des dispositions des articles 1134 et 1315 du code civil, le tribunal a exactement énoncé que la compagnie CNP Assurances ne conteste pas avoir pris en charge le remboursement des échéances mensuelles des prêts 7089083, 7089084 et 7544875 souscrits par la société CRIGIME auprès de la Caisse d’Epargne de Picardie, au titre de la garantie « incapacité totale de travail » souscrite par M. X en sa qualité de caution solidaire.

*s’agissant du prêt n° 7544875 :

La société CRIGIME sollicitait en application de cette garantie la condamnation de la CNP à lui payer la somme de 5003,88 euros au titre des échéances mensuelles dues d’octobre 2013 à avril 2014.

Le tribunal a relevé que la CNP, au vu des pièces versée par celle-ci, avait pris en charge le remboursement des échéances mensuelles du prêt 7544875 entre le 4 octobre 2013 et le 27 janvier 2014 pour un montant total de 2716,36 euros, reconnu ainsi l’existence du prêt et accepté de le garantir, mais a débouté la société CRIGIME de sa demande au motif que, ne produisant pas le contrat de prêt ni le tableau d’amortissement (le document « plan de remboursement » ne constituant pas un document contractuel) elle ne mettait pas le tribunal en mesure d’ apprécier la date de la dernière échéance mensuelle due.

La société CRIGIME, qui a communiqué à hauteur d’appel le contrat de prêt et le tableau d’amortissement, demande à la Cour d’infirmer le jugement de ce chef et de condamner la CNP à lui

payer la somme de 3717,35 euros correspondant aux échéances d’octobre 2013 à juin 2014, soit 714,84 euros x 9 échéances = 6433,56 euros, dont à déduire des règlements justifiés à la seule hauteur de 2716,21 euros.

Affirmant qu’elle a réglé la somme de 3383,53 euros, la CNP sollicite le débouté de la société
CRIGIME.

L’examen de la pièce n°12 de la CNP, sur laquelle celle-ci fonde ses affirmations, révèle cependant que le total des sommes réglées par elle s’élève à 2716,36 euros, comme le retient justement la société CRIGIME.

Il y a donc lieu d’infirmer le jugement de ce chef et de condamner la CNP à payer au titre du prêt n° 7544875 à la société CRIGIME la somme de 3717,35 euros..

*s’agissant du prêt n° 7089083 :

La société CRIGIME sollicitait en application de cette garantie la condamnation de la CNP à lui payer la somme de 6224,75 euros au titre des échéances mensuelles pour le solde du mois d’août 2013 et de septembre 2013 à janvier 2014 (le prêt est amorti après cette échéance).

Le tribunal a considéré, au vu des pièces versées aux débats par la CNP que celle-ci avait pris en charge la somme de 1003,99 euros au titre de l’échéance mensuelle due entre le 27 août et le 21 septembre 2013 et la somme de 4337,24 euros au titre des échéances mensuelles dues entre le 4 octobre 2013 et le 21 janvier 2014, et l’a, au vu du contrat de prêt et du tableau d’amortissement, condamnée à verser à la société CRIGIME la somme de 883,52 euros au titre du reliquat des sommes dues en remboursement des échéances mensuelles de ce prêt.

La société CRIGIME demande la confirmation du jugement de ce chef, soulignant que la CNP ne justifie pas avoir réglé davantage que la somme de 5341,23 euros.

La CNP oppose que le tribunal ne semble pas avoir pris en compte les versements effectués pour la période du 22 août 2013 au 26 août 2013, soit la somme de 200,80 euros, indique qu’elle a versé la somme de 5542,03 euros au titre de la garantie relative à ce prêt.

L’examen de la pièce 11 de la CNP révèle cependant que celle-ci ne peut se prétendre libérée au-delà de la somme de 5341,23 euros.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement de ce chef.

*s’agissant du prêt n°7089084 :

La société CRIGIME sollicitait en application de cette garantie la condamnation de la CNP à lui verser la somme de 13 353,35 euros au titre des échéances mensuelles du mois d’octobre 2013 à février 2014.

Le tribunal a considéré, au vu des pièces versées aux débats par la CNP que celle-ci avait pris en charge la somme de 10148,54 euros au titre des échéances mensuelles dues entre le 4 octobre 2013 et le 27 janvier 2014, et l’a, au vu du contrat de prêt et du tableau d’amortissement, condamnée à verser à la société CRIGIME la somme de 3204,81 euros au titre du reliquat des sommes dues en remboursement des échéances mensuelles de ce prêt.

La société CRIGIME demande la confirmation du jugement de ce chef, soulignant que la CNP ne justifie pas avoir réglé davantage que la somme de 10 148,54 euros.

La CNP oppose qu’il ne semble pas que l’intégralité de ses versements ait été prise en compte, fait valoir qu’elle a en effet versé la somme totale de 12 644,65 euros au titre de la garantie relative à ce prêt.

Toutefois l’examen de la pièce 11 de la CNP sur laquelle elle fonde ses affirmations révèle qu’elle ne peut prétendre s’être libérée au-delà de la somme de 10 148,54 euros.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement de ce chef.

Sur les frais et dépens :

Le tribunal a exactement statué sur les frais et dépens.

Succombant en son recours, la CNP sera condamnée aux dépens d’appel et déboutée de sa demande d’indemnité pour frais irrépétibles.

Il serait inéquitable de laisser à la charge tant des époux X-Y que de la société
CRIGIME la totalité des frais non compris dans les dépens qu’ils ont du exposer pour faire valoir leurs droits en cause d’appel. Une somme de 2000 euros sera donc allouée à chacun d’eux en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant après débats publics, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 février 2015 par le tribunal de grande instance de Senlis, sauf en ce qu’il a débouté la société CRIGIME de sa demande en paiement formée au titre du prêt n° 7544875.

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Condamne la société CNP Assurances à payer à la société CRIGIME la somme de 3717,35 euros au titre de la garantie incapacité totale de travail relative au prêt n° 7544875.

Condamne la société CNP Assurances à payer à M. Z X et Mme A
Y, épouse X, d’une part, à la société CRIGIME d’autre part, une indemnité pour frais irrépétibles de 2000 euros chacun.

Déboute la société CNP Assurances de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société CNP Assurances aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel d'Amiens, 1ère chambre civile, 16 décembre 2016, n° 15/01000