Cour d'appel d'Amiens, Chambre économique, 31 octobre 2019, n° 19/01845

  • Créance·
  • Affacturage·
  • Entreprise·
  • Sociétés·
  • Gage·
  • Mandataire judiciaire·
  • Chirographaire·
  • Client·
  • Contrats·
  • Exigibilité

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Amiens, ch. éco., 31 oct. 2019, n° 19/01845
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 19/01845
Décision précédente : Tribunal de commerce de Soissons, 7 mars 2019
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRET

N° 305

SA NATIXIS FACTOR

C/

SAS ENTREPRISE R. GAUDRE

SELARL GRAVE RANDOUX

SCP ROUVROY DECLERCQ

FLR

COUR D’APPEL D’AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 31 OCTOBRE 2019

N° RG 19/01845 – N° Portalis DBV4-V-B7D-HHSR

ORDONNANCE DU JUGE-COMMISSAIRE DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SOISSONS EN DATE DU 08 mars 2019

APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D’AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC

EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

La société BPCE FACTOR, anciennement dénommée NATIXIS FACTOR, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE PAUWELS DERBISE, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 06, postulant et plaidant par Me Thibault DE MONTGOLFIER, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEES

La société ENTREPRISE R. GAUDRE (SAS), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

La SELARL GRAVE RANDOUX, prise en la personne de Me Guillaume RANDOUX, agissant en qualité de mandataire judiciaire de la SAS ENTREPRISE R. GAUDRE

[…]

[…]

La SCP ROUVROY DECLERCQ, prise en la personne de Me Gilbert DECLERCQ, agissant en qualité d’administrateur judiciaire de la SAS ENTREPRISE R. GAUDRE

1 square Saint-Jean rue Saint Aubert

[…]

Représentées et plaidant par Me HERMEND substituant Me Imad TANY de la SELARL DORE-TANY-BENITAH, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 26

DEBATS :

A l’audience publique du 19 Septembre 2019 devant :

Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre,

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseillère,

et Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Octobre 2019.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions de l’article 785 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : M. Pierre DELATTRE

MINISTERE PUBLIC : M. Eric BOUSSUGE, Avocat Général

PRONONCE :

Le 31 Octobre 2019 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ; Mme Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffière.

DECISION

Suivant acte sous seing privé en date du 13 février 2018, la SA Natixis factor aux droits de qui vient dorénavant la SA BPCE factor a consenti à la SAS entreprise R et Gaudré exerçant une activité de peinture en bâtiment, isolation, revêtement de sol et pose de placo ; un contrat d’affacturage dénommé « créance pro » n°14405.

Par jugement du tribunal de commerce de Soissons en date du 17 mai 2018, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l’égard de la SAS entreprise R et Gaudré ; la Selarl Grave Randoux étant désignée en qualité mandataire judiciaire et la Selarl R et D en qualité d’administrateur judiciaire.

Suivant ordonnance en date du 8 mars 2019, le juge commissaire désigné a rejeté la créance déclarée par la SA Natixis factor à hauteur de 101 321,14 €.

La SA Natixis Factor a relevé appel de cette ordonnance.

Par conclusions dernièrement signifiées le 16 août 2019, la société BPCE venant aux droits de la société Natixis factor en demande l’infirmation, et en conséquence l’admission et la fixation de sa créance actualisée au passif de la société entreprise R et Gaudré à la somme 42 091,10 € à titre chirographaire résultant de la compensation entre la somme de 101 321,14 € avec le solde du compte courant créditeur à hauteur de 37 461,22 € et du fonds de garantie gage espèces de 21 768,82 € dont elle est créancière à titre privilégié.

Elle demande également la condamnation solidaire des intimés à lui régler la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de réserver les dépens en frais privilégiés de justice.

Se prévalant du contrat d’affacturage, des avis de paiement subrogatoires des créances cédées par la société « covefly » à hauteur de 101 321,22 € et des relevés du compte courant, elle fait valoir qu’elle rapporte la preuve de ce qu’elle dispose d’une créance certaine liquide et exigible à l’égard de la société entreprise R et Gaudré au motif que cette dernière, en violation du contrat d’affacturage a encaissé directement le paiement des créances cédées avant l’ouverture de la procédure collective.

Elle ajoute qu’en vertu du contrat elle a ouvert dans ses livres un compte courant destiné à retracer toutes les opérations effectuées et un fonds de garantie constituant un gage espèces compensable à la clôture définitive des comptes avec tout solde débiteur constaté et que dès lors elle est bien fondée à actualiser sa créance par compensation comme sus mentionné.

Pour s’opposer aux moyens développés par les intimés aux termes desquels elle ne rapporterait pas la preuve qu’elle a été privée des créances cédées, elle fait valoir qu’elle justifie du caractère litigieux des créances « covefly » et ajoute qu’elle n’avait aucunement l’obligation d’en poursuivre le recouvrement.

Par conclusions dernièrement signifiées le 16 septembre 2019, la société Entreprise R.Gaudré, la selarl Grave Randoux en qualité de mandataire judiciaire et la SCP Rouvroy Declercq d’administrateur judiciaire, demandent à la cour de confirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions, et de condamner la société BPCE venant aux droits de la SA Natixis factor à leur payer une somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de l’instance.

Se prévalant des termes du contrat d’affacturage, ils font valoir que le cédant n’est pas tenu de garantir le factor contre les impayés résultant de la mauvaise santé économique des cédés ni des créances non exigibles et qu’il appartient en conséquence à Natexis de rapporter la preuve pour en solliciter l’admission de ce que les créances litigieuses « covefly » n’étaient ni certaines, ni liquides, ni exigibles.

Se prévalant de l’article 1353 du code civil, ils font valoir que la société Natixis factor, ne rapporte pas la preuve de ce que sa créance n’existait plus au jour de son exigibilité et par conséquent, de ce qu’elle a été privée des créances cédées. Ils ajoutent que l’argument selon lequel elle n’avait aucune obligation d’en poursuivre le recouvrement est inopérant pour contrer ce moyen.

Ils insistent sur la carence de la banque à rapporter la preuve du caractère litigieux des créances « covefly » et du solde réclamé, en ce que ce dernier résulterait de la déduction de la somme de 37 431,22 € au titre de créances recouvrées, qui ne se déduit d’aucune des pièces produites.

Ils ajoutent que la déclaration de créance de la SA Natixis factor, qui ne rapporte pas le preuve de ce qu’elle a tenté de recouvrer les créances « covefly », n’a été faite qu’à titre conservatoire.

Ils contestent enfin la compensation avec le gage espèces, à défaut pour la banque d’avoir déclaré une créance privilégiée et d’avoir précisé la nature du privilège en violation de l’article L.622-25 du code de commerce, aucunes pièces produites ultérieurement à la déclaration ne pouvant régulariser l’omission mais également à défaut de rapporter la preuve de l’existence d’une créance gagée.

Par un avis écrit en date du 9 septembre 2019 et communiqué aux parties le 11 septembre 2019 le ministère public demande la confirmation de l’ordonnance entreprise.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 19 septembre 2019 date de l’audience fixée pour les plaidoiries et préalablement à l’ouverture des débats.

MOTIFS :

- sur le principe de la créance :

En application de l’article L 622-27 du code de commerce, s’il y a discussion sur tout ou partie d’une créance autre que celles mentionnées à l’article L. 625-1, le mandataire judiciaire en avise le créancier intéressé en l’invitant à faire connaître ses explications. Le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créances.

Selon l’article L 624-3 du même code, le recours contre les décisions du juge commissaire prises en application de la présente section est ouvert au créancier, au débiteur ou au mandataire judiciaire.

Il résulte de la combinaison des articles 4.1 et 3.2 du contrat d’affacturage que seul le factor a qualité pour effectuer les démarches de recouvrement des créances cédées, qu’il supporte en conséquence le risque d’impayé à l’échéance de la créance si elle résulte de l’insolvabilité du cédé à l’exclusion de tout autre motif de non-paiement.

***

En l’espèce, le termes du contrat d’affacturage ne sont pas discutés, ni la mobilisation dans ce cadre contractuel par la SAS entreprise R et Gaudré de douze créances du client « covefly », ni l’encaissement direct par cette dernière de ces douzes créances avant l’ouverture de la procédure collective.

En revanche la question de l’exigibilité des créances "covefly est discutée.

En l’espèce dans une pièce intitulée « relevé encours entreprise » la société Natixis factor reprend la liste des douze créances au nom du client « covefly » avec leur montant et leur date d’exigibilité allant du 27 mars 2018 au 17 mai 2018.

De la pièce intitulée consultation des incidents à entête Natixis factor établie par elle, confirmée par des courriers adressés directement par cette dernière à la société entreprise R et Gaudré des 5 avril et

5 mai 2018, intitulés « déclaration de règlement direct » portant sur une somme cumulée de 101 321,14 € dont il ne ressort d’aucune pièce qu’elle ait été contredite par la société entreprise R et Gaudré, il ressort suffisamment que les factures sus-mentionnées se sont avérées litigieuses non pas à raison de l’insolvabilité des clients mais de ce qu’une partie des créances a été mobilisée auprès d’ une autre société d’affacturage dénommée « Bnp factor » ou réglées directement avant leur échéance par le client « covefly » par virement bancaire.

Dès lors que les impayés allégués par la société d’affacturage ne résultent pas de l’insolvabilité des clients cédés à l’échéance des factures, mais de la double mobilisation par le cédant de six créances auprès de la société « Bnp factor » et de l’encaissement direct des six autres par le cédant, la créance déclarée par la banque est fondée dans son principe.et le débat sur l’exigibilité des créances cédées manque de pertinence dans la mesure où ces créances ont été effectivement encaissées par la société Entreprise R et Gaudré au mépris des cessions qu’elle avait consenties.

En conséquence le principe de la créance est fondé.

- sur la fixation du montant de la créance :

Aux termes de l’article 1353 du code civil celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Par application de l’article L.622-25 du code de commerce, la déclaration porte le montant de la créance due au jour du jugement d’ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances. Elle précise la nature du privilège ou de la sureté dont la créance est assortie.

Il est admis que le créancier garanti qui, lors de sa production, n’a demandé l’admission de sa créance qu’à titre chirographaire n’est plus en droit de se prévaloir de sa sûreté.

Aux termes de l’article 6.2 du contrat, les relevés de compte mensuels sont réputés définitivement acceptés par le client à défaut d’observation écrite dans le délai de 30 jours calendaires à compter de leur mise à disposition. Il dispose en outre d’un délai conventionnel de contestation de six mois à compter de la mise à disposition des relevés.

***

En l’espèce, le montant de la créance est discuté au motif que la SA Natixis factor affirme de façon péremptoire qu’elle a obtenu des règlements pour une somme de 37 431,22 € sans justifier de la provenance des fonds et en ce qu’elle ne justifie pas d’une créance privilégiée concernant le « gage espèces », et ne l’a pas déclaré comme telle.

Du précédent développement il est établi qu’en violation du contrat d’affacturage, la société entreprise R et Gaudré a encaissé directement des sommes en vertu de facture émises à l’égard de la société covefly et par mobilisation de la somme de 101 321,14 € portée au crédit du compte ouvert dans le cadre du contrat d’affacturage (pièce 10).

Il ressort de la déclaration de créance (pièce 4) que cette dernière est libellée pour une somme en principal au titre d’encours clients d’un montant de 101 321,14 € avec la mention 21 768,82 € au titre d’un fonds de garantie DOM, gage espèces constitué au profit de Natixis factor en vertu de l’article 7 du contrat d’affacturage.

La somme de 101 321,14 € visée dans la déclaration, qui correspond au montant globalisé des douze factures 'covefly’ moblisées, que la société entreprise R et Gaudré a mobilisé pour partie auprès d’un autre factor et qu’elle a encaissé directement pour l’autre partie. a été portée à juste titre au débit du compte courant comme constituant la créance de la SA BPCE venant aux droits de Natixis factor.

Du relevé de compte en date du 1er mai 2018 (pièce 10), il ressort que la société Natixis factor a porté au crédit de ce dernier la somme de 39 809,65 €. Ce relevé qui n’a pas fait l’objet d’observations dans le délai de 30 jours de sa mise à disposition, ni de contestation dans le délai de six mois contractuellement prévu est réputé acceptéde façon définitive. La débitrice ne saurait faire grief au factor d’avoir déduit de sa créance une somme qu’il admet ainsi avoir perçue.

Il ne saurait en revanche être tenu compte d’une actualisation de ce crédit à 37 431,22 € en défaveur de la débitrice qui n’est pas étayé.

En conséquence, après compensation avec la somme de 101 321,14 € du gage espèce donné en garantie d’un montant de 21 768.82 € et des factures recouvrées pour un montant de 39 742,67 €, la créance de la SA BPCE venant aux droits de la SA Natixis factor est fixée et admise à titre chirographaire pour la somme de 39 809,65 €.

L’ordonnance sera donc infirmée en toutes ses dispositions.

***

Les dépens sont mis à la charge de la partie succombante.

L’équité commande qu’il ne soit pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

infirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau :

fixe et admet la créance de la société BPCE factor venant aux droits de la SA Natixis factor au passif de la société entreprise R et Gaudré pour la somme de 39 809,65 € à titre chirographaire ;

dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamne la société R et Gaudré aux dépens ;

dit que les dépens seront supportés en frais privilégiés de la procédure collective.

La Greffière, La Présidente,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel d'Amiens, Chambre économique, 31 octobre 2019, n° 19/01845