Cour d'appel d'Amiens, 5e chambre prud'homale, 23 mai 2023, n° 23/00754

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, 5e ch. prud'homale, 23 mai 2023, n° 23/00754
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 23/00754
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Beauvais, 9 janvier 2023, N° F22/00116
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 30 mai 2023
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Texte intégral

ARRET

S.A.S. API RESTAURATION

C/

[I]

S.A.S. ELRES

copie exécutoire

le 23 mai 2023

à

Me Cormont

Me Simon

Me Bouchez

EG/MR

COUR D’APPEL D’AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE

ARRET DU 23 MAI 2023

*************************************************************

N° RG 23/00754 – N° Portalis DBV4-V-B7H-IVV7

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BEAUVAIS DU 10 JANVIER 2023 (référence dossier N° RG F 22/00116)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. API RESTAURATION agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d’AMIENS substitué par Me Alexis DAVID, avocat au barreau d’AMIENS, avocat postulant

concluant et plaidant Me Jean-François CORMONT de la SELARL AUXIS AVOCATS, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Pauline THERET, avocat au barreau de LILLE

ET :

INTIMEES

Madame [F] [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]

asssitée, concluant et plaidant par Me Murielle SIMON, avocat au barreau de BEAUVAIS

S.A.S. ELRES agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 5]

concluant par Me Chloé BOUCHEZ de la SELARL ACTANCE, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l’audience publique du 28 mars 2023 l’affaire a été appelée

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre et Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui a renvoyé l’affaire au 23 mai 2023 pour le prononcé de l’arrêt par sa mise à disposition au greffe, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame Malika RABHI

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 23 mai 2023, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Madame Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre, et Madame Malika RABHI, Greffière.

*

* *

DECISION :

Mme [I] a été embauchée par la société ELRES à compter du 22 novembre 2004 par contrat à durée indéterminée en qualité d’employée polycompétente de restauration affectée à l’EHPAD le [7].

Le contrat de travail est soumis à la convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration de collectivités.

Mme [I] est en arrêt de travail pour maladie professionnelle depuis le 19 avril 2019.

Par courrier du 30 mars 2022, l’employeur l’a informée du transfert de son contrat de travail à la société API restauration à compter du 7 avril 2022 à la suite de la perte du chantier de l’EHPAD le [7].

Par courrier du 11 avril 2022, la société API restauration a informé la société ELRES et Mme [I] qu’elle ne reprenait pas le contrat de travail de cette dernière.

Ne s’estimant pas remplie de ses droits au titre de l’exécution du contrat de travail, Mme [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Beauvais le 8 juillet 2022.

Par jugement du 10 janvier 2023, le conseil de prud’hommes a :

— dit que le société API restauration était l’employeur de Mme [I] dans le cadre du transfert de plein droit de la salariée,

— ordonné la reprise des rémunérations de Mme [I] par la société API restauration à compter du 7 avril 2022,

— condamné la société API restauration au paiement de la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles,

— ordonné l’exécution provisoire du jugement,

— débouté les parties de leurs autres demandes,

— condamné la société API restauration aux dépens.

La société API restauration a interjeté appel de cette décision, et a été autorisée à assigner à jour fixe par ordonnance du 21 février 2023.

Par conclusions remises le 14 mars 2023, la société API restauration demande à la cour de :

— infirmer le jugement en ce qu’il :

— a dit qu’elle était l’employeur de Mme [I] et a ordonné la reprise de sa rémunération à compter du 7 avril 2022,

— l’a condamnée au paiement de la somme de 1 000 euros net envers Mme [I] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— l’a déboutée de sa demande reconventionnelle au titre des frais irrépétibles,

— a ordonné l’exécution provisoire de l’intégralité du présent jugement,

— l’a condamnée aux entiers dépens.

Statuant à nouveau,

— juger que le transfert de marché survenu entre la Société ELRES et elle-même n’est pas soumis aux dispositions légales de l’article L 1224-1 du code du travail, mais aux dispositions conventionnelles de l’article 3 de la convention collective des entreprises de restauration d’entreprise,

— juger qu’elle n’est pas l’employeur de Mme [I] depuis le 7 avril 2022,

— débouter Mme [I] de l’ensemble de ses demandes dirigées à son encontre,

— débouter la Société ELRES de ses demandes reconventionnelles,

— débouter Mme [I] et la Société ELRES de leurs demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner reconventionnellement Mme [I] au paiement d’une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile due au titre de la première instance et 2 500 euros au titre de la procédure d’appel,

— condamner la Société ELRES au paiement d’une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile due au titre de la première instance et 2 500 euros au titre de la procédure d’appel,

— condamner Mme [I] et la Société ELRES au paiement des dépens.

Par conclusions remises le 7 mars 2023, Mme [I] demande à la cour de :

— lui accorder le bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire,

— confirmer la décision rendue par le conseil de prud’hommes de Beauvais, le 10 janvier 2023 sauf en ce qu’elle a été déboutée de sa demande indemnitaire en réparation du préjudice subi et de ses demandes en remboursement auprès de la société ELRES,

— infirmer cette décision en ce qu’elle a été déboutée de sa demande indemnitaire en réparation du préjudice subi et de ses demandes en remboursement auprès de la société ELRES,

En conséquence,

— dire et juger que la société API restauration est son employeur,

— condamner la société API restauration à lui payer sa rémunération à compter du 7 avril 2022,

— condamner la société API restauration à lui rembourser les frais de mutuelle à hauteur de 3 000 euros,

— condamner la société API restauration au paiement de la somme de 1 000 euros net au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société API restauration à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

— y ajoutant, condamner la société API restauration à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,

— condamner la société API restauration aux entiers dépens y compris ceux, éventuels d’exécution.

— condamner la société ELRES à lui payer :

— la somme de 3 589,87 euros au titre des 13ème mois repris sur ses bulletins de paie outre les reprises du fait de prétendus trop perçus à hauteur de 1 393,80 euros pour l’année 2022,

— la somme de 1 650,18 euros reprise du fait de prétendus trop perçus au titre de l’année 2021,

— la somme de 9,03 euros reprise du fait de prétendus trop perçus au titre de l’année 2020,

En cas d’infirmation de cette décision,

— dire et juger que la société ELRES est restée son employeur,

— dire et juger que la rupture des relations contractuelles par la société ELRES est nulle et de nul effet ou, à titre, subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse,

— condamner la société ELRES à lui payer la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice tiré de l’illicéité de la rupture survenue pendant un arrêt de travail dans le cadre d’une maladie professionnelle ou, à titre subsidiaire, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— condamner la société ELRES à lui rembourser les frais de mutuelle à hauteur de 3 000 euros,

En tout état de cause,

— condamner la société ELRES à lui payer :

— la somme de 3 589,87 euros au titre des 13ème mois repris sur ses bulletins de paie outre les reprises du fait de prétendus trop perçus à hauteur de 1 393,80 euros pour l’année 2022,

— la somme de 1 650,18 euros reprise du fait de prétendus trop perçus au titre de l’année 2021,

— la somme de 9,03 euros reprise du fait de prétendus trop perçus au titre de l’année 2020,

— condamner la société ELRES à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société ELRES aux entiers dépens y compris ceux, éventuels d’exécution.

Par conclusions remises le 17 mars 2023, la société ELRES demande à la cour de :

— dire et juger que le contrat de travail de Mme [I] a été transféré à la société API restauration ;

— constater que la société API restauration a la qualité d’employeur de Mme [I] depuis le 7 avril 2022 ;

En conséquence,

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes du 10 janvier 2023 en ce qu’il a :

— dit que la société API restauration était l’employeur de Mme [I] et ordonné la reprise des rémunérations de Mme [I] par la société API restauration, et ce, depuis le 7 avril 2022,

— condamné la société API Restauration au paiement de la somme de 1000 euros net envers Mme [I] au titre de l’article 700 de de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire de l’intégralité du présent jugement,

— condamné la société API restauration aux entiers dépens,

— débouté les parties des autres demandes,

— la mettre hors de cause ;

— débouté Mme [I] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

En tout état de cause,

— débouté la société API restauration de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouté Mme [I] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné la Société API restauration au versement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné la Société API restauration aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS

1/ Sur les demandes en remboursement

1-1/ au titre du 13ème mois

Mme [I] ne développant aucun moyen à l’appui de sa demande de remboursement des 13ème mois repris sur ses bulletins de salaire, il convient de confirmer le jugement entrepris qui a rejeté cette demande.

1-2/ au titre des trop perçus

Mme [I] soutient que la société ELRES a retenu diverses sommes sur ses bulletins de paie de 2020, 2021 et 2022 sans justification, le prélèvement des cotisations de mutuelle devant cesser en cas d’arrêt-maladie non rémunéré.

La société ELRES répond que la salariée se contente de procéder par voie d’allégations alors qu’il lui a été expliqué que ces retenues correspondaient au prélèvement des cotisations de mutuelle.

En matière de salaire, il appartient à l’employeur de prouver qu’il a payé ce qu’il devait au salarié, et donc que la retenue pratiquée était justifiée.

En l’espèce, Mme [I] justifie sur les bulletins de paie de décembre 2020 d’une retenue de 9,03 euros intitulée «trop perçu du mois», de décembre 2021 d’une retenue de 1 650,18 euros intitulée «trop perçu antérieur», et d’avril 2022 d’une retenue de 1 393,80 euros, également intitulée «trop perçu antérieur».

L’employeur ne justifiant ces retenues que par un courrier adressé à la salariée le 8 mars 2021 expliquant qu’un trop perçu de 974,65 euros a été retenu sur le bulletin de paie de février 2021 en raison du prélèvement de la cotisation de mutuelle, ce qui est insuffisant à en établir le bien fondé, il convient de faire droit aux demandes de Mme [I] par infirmation du jugement entrepris.

2/ Sur le transfert du contrat de travail

La société API restauration prétend que le transfert du contrat de travail était régi par l’avenant n°3 de la convention collective de la restauration collective qui prévoit la reprise des salariés relevant du statut employé (et non par l’article L.1224-1 du code du travail s’agissant d’une perte de marché), et que Mme [I] ayant été définitivement remplacée sur son poste par Mme [H] embauchée en CDI en septembre 2020, elle n’était plus affectée exclusivement au marché ayant fait l’objet d’un changement de prestataire, l’activité n’ayant jamais nécessité que 3 employés.

La société ELRES se place également sur le terrain de l’avenant n°3 de la convention collective mais conteste le remplacement durable de la salariée à son poste par une autre salariée en CDI alors que Mme [I], en arrêt-maladie depuis avril 2019, faisait partie de la liste des salariés du site adressée au repreneur du marché dès le 14 mars 2022, qu’elle a été remplacée temporairement par Mme [E] en CDD, elle-même en arrêt-maladie à compter du 16 mai 2020, et que Mme [H] a été embauchée en CDI en janvier 2020 non pour la remplacer mais pour satisfaire aux besoins de l’activité du site.

Mme [I] ne conclut pas sur ce point.

Sur ce

L’article 3 a) de l’avenant n°3 du 26 février 1986 relatif au changement de prestataires de services de la convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration de collectivité du 20 juin 1983 prévoit qu’une entreprise entrant dans le champ d’application du présent avenant qui se voit attribuer un marché précédemment confié à une autre entreprise entrant également dans le champ d’application du présent avenant est tenue de poursuivre les contrats de travail des salariés de niveau I, II, III, IV et V, employés par le prédécesseur pour l’exécution exclusive du marché concerné, dans les mêmes conditions fondamentales d’exploitation.

Il est constant que la société ELRES a perdu le marché de l’EHPAD le [7] au profit de la société API restauration.

S’agissant de la perte d’un marché non constitutive d’une modification juridique dans la situation de la société ELRES, il convient d’appliquer le texte conventionnel précité et non l’article L.1224-1 du code du travail.

Par courrier du 14 mars 2022, la société ELRES a transmis à la société API restauration la liste des salariés de la catégorie «employé» dont elle estimait que le contrat de travail devait être transféré en application de ce texte, cette liste mentionnant : Mme [E], M. [X], Mme [H], Mme [B], Mme [I].

Il n’est pas contesté que le contrat de travail de l’agent de maîtrise affecté au site ne faisait pas partie du transfert.

Dès le 17 mars 2022, la société API restauration a émis des doutes sur le transfert des contrats de Mmes [E] et [I], pour finalement refuser ce transfert par courrier adressé à la société ELRES le 7 avril 2022, également communiqué à Mme [I].

La société ELRES ne saurait donc prétendre que son courrier du 14 mars 2022 avait réglé la question.

Par la suite, la société API restauration n’a signé d’avenants aux contrats de travail actant le transfert qu’avec M. [X], Mme [H] et Mme [B].

Les sociétés sortante et entrante s’accordent sur le fait qu’au jour du transfert, Mme [I] était en arrêt de travail depuis le 19 avril 2019, son remplacement ayant été opéré temporairement jusqu’au 16 mai 2020 par le contrat à durée déterminée de Mme [E], elle-même en arrêt de travail à compter de cette date, sans qu’aucun élément soit fourni par les parties sur la suite de ce contrat.

Or, par courriel du 5 mai 2022, Mme [J], directrice de l’EHPAD le [7] depuis décembre 2016, précise que la société ELRES a toujours fonctionné avec 4 salariés sur le site, ce que confirme Mme [B] en poste depuis 2016 dans une attestation dont la forme n’est pas critiquée.

Le contrat de l’agent de maîtrise présent sur le site étant hors transfert, il s’en déduit que 3 salariés de la catégorie «employé» y étaient affectés.

Si Mme [H] témoigne dans une attestation, dont la forme n’est pas plus critiquée, avoir été embauchée en janvier 2020, elle fait état d’un contrat à durée déterminée, pour remplacer Mme [N], qui ne s’est poursuivi en contrat à durée indéterminée qu’à compter de septembre 2020, son bulletin de paie de janvier 2022 reprenant la même classification d’emploi que celle apparaissant sur les bulletins de paie de Mme [I].

Enfin, les avenants au contrat de travail de Mme [I] du 1er janvier 2015 et du 1er février 2018, le contrat initial n’étant pas produit, stipulent un lieu de travail sur le site concerné mais prévoient expressément que le lieu initial d’affectation ne constitue pas un élément substantiel du contrat de travail, l’employeur se réservant le droit de muter la salariée dans les différents établissements de la société sur la zone géographique du département d’embauche et des départements limitrophes.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que Mme [I] n’était pas exclusivement affectée au site dont la société ELRES a perdu le marché et qu’à la date du transfert, 3 employés en contrat à durée indéterminée étaient affectés sur ce site, sans qu’il soit démontré que l’activité justifiait un effectif de 4 employés.

Les conditions de transfert du contrat de travail de Mme [I] prévues par la convention collective n’étant pas remplies, la société API restauration a légitimement refusé ce transfert et la société ELRES est restée l’employeur de la salariée.

Il convient donc d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la société API restauration était devenue l’employeur de Mme [I].

La société API restauration n’étant pas l’employeur de Mme [I], la demande de condamnation à son encontre au titre des frais de mutuelle est rejetée par confirmation du jugement entrepris.

De même, Mme [I] ne développant aucun moyen au soutien de sa demande de condamnation à 10 000 euros de dommages et intérêts, le jugement entrepris est, également, confirmé de ce chef.

3/ Sur la rupture du contrat de travail

Mme [I] demande à la cour de dire et juger que la rupture des relations contractuelles par la société ELRES est nulle, et de condamner cette dernière à lui payer 25 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice tiré de l’illicéité de la rupture survenue pendant un arrêt de travail dans le cadre d’une maladie professionnelle.

La société ELRES répond que le contrat de travail de Mme [I] a été transféré à la société API restauration.

En application des dispositions des article L.1226-9 et L.1226-13 du code du travail, pendant la période de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut licencier un salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, et ce, sous peine de nullité, sauf en cas de faute grave ou d’impossibilité de maintenir le contrat.

En l’espèce, la société ELRES convient dans ses écritures que Mme [I] était en arrêt de travail pour maladie professionnelle depuis le 19 avril 2019 lorsqu’elle lui a adressé le 6 avril 2022 un certificat de travail et son reçu pour solde de tout compte.

La société ELRES étant demeurée l’employeur de Mme [I] à défaut de transfert de son contrat de travail, l’envoi de ces documents a marqué la rupture de ce contrat à l’initiative de l’employeur pendant un arrêt de travail pour maladie professionnelle, sans qu’il soit invoqué de faute grave ou d’impossibilité de maintien.

La rupture du contrat de travail doit donc être qualifiée de licenciement dont la nullité ne peut être que constatée par infirmation du jugement entrepris.

Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à son état de santé, de son ancienneté dans l’entreprise et de l’effectif de celle-ci, la cour fixe à 17 000 euros les dommages et intérêts pour licenciement nul.

Le contrat de travail ayant été rompu le 6 avril 2022, Mme [I] ne saurait prétendre à des dommages et intérêts au titre de la mutuelle qu’elle a dû personnellement souscrire après cette date.

La salariée ayant plus de deux ans d’ancienneté et l’entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient de faire application d’office des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail, dans sa version applicable à la cause, et d’ordonner à l’employeur de rembourser à l’antenne Pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à l’intéressée depuis son licenciement dans la limite de six mois de prestations.

4/ Sur les demandes accessoires

La société ELRES succombant principalement, il convient d’infirmer le jugement entrepris sur les frais irrépétibles et les dépens et de la condamner aux dépens de première instance et d’appel.

L’équité commande de la condamner à payer à la société API restauration et à Mme [I] la somme de 2 500 euros chacune au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en appel.

Mme [I] ayant formé une demande au titre de l’aide juridictionnelle, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en ce qui la concerne.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

admet Mme [F] [I] à l’aide juridictionnelle provisoire,

infirme le jugement du 10 janvier 2023 en ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

dit que le contrat de travail de Mme [F] [I] n’a pas été transféré à la société API restauration,

constate la nullité du licenciement de Mme [F] [I],

condamne la société ELRES à payer à Mme [F] [I] :

—  1 393,80 euros au titre de la retenue sur le bulletin de paie d’avril 2022,

—  1 650,18 euros au titre de la retenue sur le bulletin de paie de décembre 2021,

—  9,03 euros au titre de la retenue sur le bulletin de paie de décembre 2020,

—  17 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,

ordonne à la société ELRES de rembourser à l’antenne Pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à l’intéressée depuis son licenciement dans la limite de six mois de prestations,

condamne la société ELRES à payer à la société API restauration et à Mme [F] [I] 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

rejette le surplus des demandes,

condamne la société ELRES aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.

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