Cour d'appel d'Angers, 17 mars 2015, n° 14/01883

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Angers, 17 mars 2015, n° 14/01883
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 14/01883
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Le Mans, 14 juillet 2014, N° 12/04614

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – CIVILE

XXX

ARRÊT N°:

AFFAIRE N° : 14/01883

Jugement du 15 Juillet 2014

Tribunal de Grande Instance du MANS

n° d’inscription au RG de première instance 12/04614

ARRET DU 17 MARS 2015

APPELANTE :

LA CAISSE DE RÉASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE DU CENTRE MANCHE – GROUPAMA CENTRE MANCHE

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Alain BENOIT de la SCP BENOIT, avocat au barreau du MANS – N° du dossier 2012383

INTIMES :

Madame F Y

née le XXX à XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Sandra CHAUVEAU, avocat postulant au barreau du MANS et Me EDOUBE, avocat plaidant au barreau de TOURS

Monsieur X Z

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Assigné, n’ayant pas constitué avocat.

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 02 Février 2015 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur HUBERT, Président de chambre, qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur HUBERT, Président de chambre

Madame GRUA, Conseiller

Monsieur CHAUMONT, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame LEVEUF

ARRÊT : par défaut

Prononcé publiquement le 17 mars 2015 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Louis-Denis HUBERT, Président de chambre et par Christine LEVEUF, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

XXX

FAITS ET PROCÉDURE

Le 8 décembre 1989, les Assureurs Mutuelles Agricoles du Maine aujourd’hui dénommés la Caisse de Réassurance Mutuelle Agricole de Centre Manche (la société Groupama) a donné à bail aux époux Y un appartement situé au XXX.

Au décès de son époux, Mme Y a poursuivi la location de l’appartement.

Par lettre recommandée du 6 octobre 2011, la société A Valorisation, mandataire de la société Groupama, a notifié à Mme F Y une offre de vente de l’appartement pour la somme de 125'540 euros.

Mme Y a répondu à cette offre le 25 octobre 2011 par une contre-proposition comprise entre 85'000 et 90 000 euros.

Par lettre recommandée du 4 juin 2012, la société A Valorisation a communiqué à la locataire le dernier prix proposé par la société Groupama, soit la somme de 103'467 euros.

Le 26 juillet 2012, le conseil de Mme F Y a formé une nouvelle contre-proposition à hauteur de 95'000 euros acte en mains qui a été refusée par la société Groupama.

Le 20 août 2012, la société A Valorisation a notifié à Mme Y une offre à hauteur de 120'000 euros à laquelle le conseil de Mme Y a répondu par une offre à hauteur de 103'467 euros frais inclus qui a été refusée par la société Groupama qui a maintenu son offre à 120'000 euros net vendeur.

Par acte notarié du 8 octobre 2012, la société Groupama a vendu l’appartement à M. X Z au prix de 120'000 euros net vendeur.

Par acte d’huissier des 26 et 27 novembre 2012, Mme F Y a fait assigner la société Groupama et M. Z aux fins, à titre essentiel, de voir prononcer la nullité de l’acte de vente du 8 octobre 2012 en violation de son droit de préemption. Elle a aussi sollicité la condamnation de la société Groupama à lui verser 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 15 juillet 2014 le tribunal de grande instance du Mans a

— rejeté la fin de non recevoir soulevée par la société Groupama,

— prononcé la nullité de la notification de l’offre de vente faite à Mme F Y le 4 juin 2012 ;

— prononcé la nullité de la notification de l’offre de vente faite à Mme F Y le 20 août 2012,

— prononcé en conséquence la nullité du compromis de vente signé le premier août 2012 et de l’acte de vente intervenu le 8 octobre 2012 entre la société Groupama et M. X Z ;

— condamné la société Groupama à verser à Mme F Y la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné la société Groupama aux entiers dépens avec application de l’article 699 du code de procédure civile ;

— débouté les parties de leurs plus amples ou contraires demandes ;

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

La société Groupama a interjeté appel de ce jugement le 21 juillet 2014.

Par avis de clôture et de fixation en date du 26 septembre 2014, les parties ont été informées que la procédure serait traitée sans mise en état préalable en application de l’article 905 du code de procédure civile pour être plaidée le 2 février 2015 après ordonnance de clôture rendue le 8 janvier 2015.

M. Z n’a pas constitué avocat.

La société Groupama a fait signifier sa déclaration d’appel ainsi que ses conclusions et le bordereau de ses pièces à M. X Z le 8 janvier 2015 à étude d’huissier à sa nouvelle adresse : XXX 72'190 Coulaines. Le 20 janvier 2015, La société Groupama a fait signifier ses conclusions récapitulatives numéro 3 à la personne de M. X Z.

Les autres parties ont conclu.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 janvier 2015 .

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement

— du 19 janvier 2015 pour la société Groupama,

— du 20 janvier 2015 pour Mme F Y,

qui peuvent se résumer ainsi qu’il suit.

La société Groupama demande à la cour

— de constater qu’elle a respecté les dispositions de l’article 905 du code de procédure civile en signifiant ses écritures et le bordereau de communication de pièces à M. Z défaillante ;

— en conséquence, de rejeter l’argumentation de Mme Y faisant référence à l’article 911 du code de procédure civile inapplicable en l’espèce ;

— d’infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance le 15 juillet 2014 ;

et statuant à nouveau,

— de débouter Mme Y de l’intégralité de ses demandes ;

— de constater que la société Groupama a respecté les dispositions de la loi du 31 décembre 1975 en notifiant par courrier du 6 octobre 2011 une offre de vente à Mme Y qui n’a pas été acceptée dans les délais légaux ;

— de dire que la lettre du 4 juin 2012 adressé par A Valorisation à Mme Y ne s’analyse pas en une offre soumise aux dispositions de la loi du 31 décembre 1975 ;

et en tant que de besoin,

— de constater que la société Groupama a formalisé régulièrement une offre à Mme Y le 20 août 2012 ;

— de dire n’y avoir lieu à prononcer l’annulation du compromis de vente de l’appartement situé XXX entre la société Groupama et M. Z ;

— de condamner Mme Y à régler à la société Groupama la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— de condamner Mme Y aux entiers dépens avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La société Groupama rappelle que Mme Y a manifesté son intention d’acquérir un appartement par courrier du 4 juin 2010, avant qu’elle confie un mandat de vente à la société A Valorisation qui a organisé une réunion d’information des locataires le 15 juin 2011 à l’issue de laquelle a été adressé à Mme Y un livret reprenant les informations diffusées lors de cette réunion ainsi qu’une fiche d’information individuelle indiquant le prix de vente de l’appartement loué. Elle insiste sur le fait que ce courrier précisait ne pas constituer une offre de vente.

Elle indique avoir fait le 6 octobre 2011 une offre de vente conforme à la loi du 31 décembre 1975 au prix de 125'540 euros pour l’appartement, la cave et le parking non compris les frais d’acte à laquelle Mme Y n’a pas répondu dans le délai de deux mois suivant la notification. Le 25 octobre 2011, faisant exclusivement référence au courrier du 22 juin 2011, Mme Y a proposé une acquisition entre 85'000 et 90'000 euros. La société Groupama estime que cette dernière ne pouvait plus bénéficier de la loi du 31 décembre 1975 à compter du 6 décembre 2011 et que c’est à bon droit qu’elle a ensuite poursuivi ses négociations avec sa locataire selon les règles classiques.

Par courrier du 24 février 2012, la société A Valorisation a répondu au courrier de Mme Y en date du 20 février par une contre-offre ferme et définitive au prix de 103'467 euros en lui précisant que le droit de préemption édicté par la loi du 31 décembre 1975 était éteint depuis le 11 décembre 2011 et en lui demandant de donner sa réponse avant le lundi 12 mars 2012.

La société Groupama rappelle avoir indiqué à Mme Y le 23 mai et le 4 juin 2012 que le logement allait être vendu sans changement de ses conditions de location si elle n’acceptait pas son ultime proposition à 103'467 euros mais que Mme Y a expressément refusé cette offre par courrier du 26 juillet 2012.

Ayant proposé l’immeuble à la vente un prix plus avantageux, la société Groupama lui a notifié le 20 août 2012 une proposition de lui vendre l’appartement au prix de 120'000 euros majoré des frais. Mme Y n’ayant pas usé de ce droit de préemption ouvert pendant le mois prévu à l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975, la société Groupama a conclu, le 8 octobre 2012, la vente avec M. Z qui lui a adressé un courrier le 15 octobre 2012 lui indiquant être le nouveau propriétaire.

La société Groupama fait, pour l’essentiel, valoir l’argumentation suivante :

Sur la recevabilité de ses conclusions :

— l’article 911 du code de procédure civile est inapplicable lorsque l’affaire est instruite en application de l’article 905 du code de procédure civile.

Sur le fond :

— Le 24 février 2012, elle n’a pas fait d’offre de vente au prix de 103'467 euros acte en mains (frais d’agence et de notaires inclus) et Mme Y n’a donc pas pu accepter une telle offre. Au contraire, par courriers de son conseil des 3 avril et 26 juillet 2012, elle a maintenu souhaiter l’acquisition de l’appartement au prix de 95'000 euros acte en mains.

— Mme Y n’ayant pas accepté dans le délai légal de deux mois la première offre régularisée le 6 octobre 2011, la société Groupama n’était plus tenue de présenter, après le 6 décembre 2011, une offre conforme aux dispositions de la loi du 31 décembre 1975 lors des négociations ultérieures, le délai de préemption étant définitivement éteint.

— l’offre de vente de la société Groupama du 20 août 2012 au prix de 120'000 euros est conforme à l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975. Elle correspond à une seconde purge du droit de préemption puisque le prix était inférieur à celui de 125'540 euros objet de la première offre du 26 octobre 2011.

— La vente de l’immeuble à M. Z réalisée le 8 octobre suivant est valable, étant précisé que Mme Y avait, avant même cette offre, refusé d’acquérir un appartement dont elle était locataire au prix proposé par la société Groupama.

Mme F Y demande à la cour, au visa de l’article 1583 du code de civil et de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner la société Groupama à lui payer 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre sa condamnation aux dépens avec application de l’article 699 du code de procédure civile.

L’argumentation de Mme Y est pour l’essentiel la suivante :

— la société Groupama lui a fait plusieurs offres de vente : le 3 janvier 2011 au prix de 150'000 euros net vendeur, le 22 juin 2011 au prix de 142'499 euros déduction d’une décote de 12,51 %, soit un prix net vendeur de 125'540 euros, le 6 octobre 2011 au prix de 125'540 euros, le 4 juin 2012 au prix de 103'467 euros, cette dernière étant précisée « définitive et non négociable ».

— La société Groupama a fait, le 20 août 2012, une '2e purge du droit de préemption’ au prix de 120'000 euros pour l’appartement, le parking et la cave alors qu’un compromis de vente avait été passé le 1er août précédent avec M. Z au prix net vendeur de 120 000 euros.

— Les offres de vente postérieures au 6 décembre 2011 sont soumises à la loi du 31 décembre 1975 comme le confirme le fait que la société Groupama a présenté une offre de purge du droit de préemption le 20 août 2012 en application de cette loi .

— L’offre de vente du 4 juin 2012 est nulle pour ne pas comporter la reproduction de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975.

— L’offre de vente du 4 juin 2012 reçue le 6 juin suivant est nulle pour n’avoir pas été maintenue jusqu’au 6 août 2012 puisque le compromis de vente a été passé le 1er août avec M. Z.

— L’offre du 20 août 2012 constituant une « 2e purge du droit de préemption » est nulle pour avoir été faite après le compromis de vente.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’article 10 I de la loi n°75-1351 du 31 décembre 1975 relatif à la protection des occupants de locaux à usage d’habitation dispose que, préalablement à la conclusion de toute vente d’un local à usage d’habitation consécutive à la subdivision d’un immeuble par lots, le bailleur doit, à peine de nullité de la vente, faire connaître au locataire, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, l’indication du prix et des conditions de la vente projetée pour le local qu’il occupe. Cette offre est valable pendant deux mois à compter de sa réception.

Le même texte prévoit que, lorsque le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l’acquéreur, il doit lui-même, ou le notaire instrumentaire, notifier au locataire ces conditions et prix à peine de nullité de la vente. Cette notification vaut offre de vente et reste valable pendant une durée d’un mois à compter de sa réception.

Les termes des cinq premiers alinéas de l’article 10 I de la loi du 31 décembre 1975 doivent être reproduits, à peine de nullité, dans chaque notification.

En l’espèce, la société A Valorisation, mandataire de la société Groupama, a, pour la première fois, le 6 octobre 2011, en application de l’article 10 I de la loi du 31 décembre 1975, notifié à Mme Y une offre de vente dans les conditions de forme rappelées ci-dessus au prix de 125'540 euros. Cette dernière ayant fait une contre-proposition à un prix inférieur, cette offre doit être considérée caduque faute d’acceptation au prix et conditions indiquées.

La société Groupama ayant par la suite modifié à la baisse le prix de la vente projetée du local occupé par Mme Y pour le fixer à 103'467 euros, c’est à bon droit que les premiers juges ont considéré que cette offre ' définitive et non négociable’ en date du 4 juin 2012 était nulle au sens de ce texte comme étant dépourvue de la reproduction des cinq alinéas de l’article 10 I de la loi du 31 décembre 1975. C’est à tort que la société Groupama prétend que cette offre de vente du 4 juin 2012 n’était pas soumise aux prescriptions de ce texte d’ordre public alors qu’il doit s’appliquer chaque fois que le propriétaire décide de vendre à un prix inférieur à celui contenu dans l’offre de vente non acceptée dans le délai légal par le locataire après notification d’un projet de vente antérieur .

Par courrier recommandé du 20 août 2012, la société Groupama a, dans le respect des règles de forme prévue par la loi du 31 décembre 1975, fait parvenir à Mme Y une nouvelle offre de vente intitulée : « 2e purge du droit de préemption (loi de 1975) dans le cadre de la vente par lots de l’immeuble sis XXX ». Outre le fait que cette offre de vente prouve, contrairement à ce que soutient la société appelante, qu’elle savait que les dispositions de la loi du 31 décembre 1975 demeuraient applicables après le 6 décembre 2011, c’est à bon droit que les premiers juges ont retenu qu’elle constitue une offre de vente régulière.

Cependant, la société Groupama s’est engagée à vendre l’immeuble à M. Z au prix 120'000 euros par « compromis de vente » du 1er août 2012 valant promesse synallagmatique de vente, avant même d’avoir notifié à sa locataire le prix et les conditions de la vente. Elle a ainsi violé l’article 10 I de la loi du 31 décembre 1975 et c’est donc à bon droit que les premiers juges ont prononcé la nullité du compromis de vente et de la vente réitérée par acte authentique le 8 août 2012.

En confirmant le jugement déféré, la cour condamnera la société Groupama aux dépens ainsi qu’à payer à Mme F Y la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et par arrêt rendu par défaut ,

CONFIRME le jugement rendu le 15 juillet 2014 par le tribunal de grande instance du Mans ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE la CAISSE DE RÉASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE DE CENTRE MANCHE (GROUPAMA) de toutes ses demandes ;

DÉBOUTE Mme F Y du surplus de ses demandes ;

CONDAMNE la CAISSE DE RÉASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE DE CENTRE MANCHE (GROUPAMA) à payer à Mme F Y la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la CAISSE DE RÉASSURANCE MUTUELLE AGRICOLE DE CENTRE MANCHE (GROUPAMA) au paiement des entiers dépens d’appel, lesquels seront recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

C. LEVEUF L. D. HUBERT

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