Cour d'appel d'Angers, Troisième chambre, 15 juin 2020, n° 17/00481

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Angers, troisième ch., 15 juin 2020, n° 17/00481
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 17/00481
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Saumur, 23 avril 2017, N° F16/00044
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

d’ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/00481 – N° Portalis DBVP-V-B7B-EDPG.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAUMUR, décision attaquée en date du 24 Avril 2017, enregistrée sous le n° F16/00044

ARRÊT DU 15 Juin 2020

APPELANTE :

Madame B X

[…]

[…]

représentée par Me TAVENARD, avocat subsituant Maître Isabelle OGER OMBREDANE de la SELARL OGER-OMBREDANE – TAVENARD SELARL, avocat au barreau d’ANGERS

INTIMEE :

SAS THOM Agissant poursuites et diligences de ses

représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.

[…]

[…]

représentée par Me RUBINEL, avocat substituant Maître Benoit GEORGE de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat au barreau d’ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Février 2020 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine D, conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Estelle GENET

Conseiller : Monsieur Yannick BRISQUET

Conseiller : Marie-Christine D

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

Le prononcé de la décision a été initialement fixé à la date du 2 avril 2020. Par communiqué de la cour d’appel d’Angers en date du 17 mars 2020, les parties ont été avisées qu’il serait prorogé au mois de septembre 2020 en raison de la période de confinement en vigueur à compter du 16 mars 2020. Par avis en date du 3 juin 2020 les parties ont été informées que le délibéré sera finalement rendu le 15 juin 2020.

ARRÊT :

prononcé le 15 Juin 2020, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame D, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

La société Histoire d’Or, qui fait partie du groupe Thom, a pour activité le commerce de détail en bijouterie exploitée dans plus de 100 magasins et points de vente de centres commerciaux en France. La convention collective qu’elle applique est celle du commerce de détail de l’horlogerie bijouterie.

Mme B X a été engagée par la société Histoire d’Or -aux droits de laquelle vient désormais la SAS THOM- le 18 mai 2009 par un contrat à durée indéterminée, en qualité de conseillère de vente, coefficient 140, niveau 1 de la convention collective précitée.

Mme X a été affectée sur les points de vente situés à Angers, puis à Saumur à compter du 11 juin 2012, date à laquelle elle a été promue au poste de directrice de magasin au coefficient 320, échelon 1, position cadre.

A ce titre et sur la base d’un forfait de 217 jours, elle a perçu un salaire fixe mensuel de 2 170 euros brut, salaire porté à la somme de 2 300 euros brut outre les primes sur objectifs à compter du 4 novembre 2015.

En dernier lieu de la relation de travail, son salaire moyen mensuel s’élevait à 3 266,86 euros.

Au mois d’octobre 2015, des écarts de caisse ont été identifiés sur le mois de septembre 2015 au sein du magasin dirigé par Mme X.

A la suite d’une visite réalisée le 6 novembre 2015 par la directrice de secteur sur le point de vente de Saumur, Mme X a été convoquée, par lettre recommandée du 12 novembre 2015, à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui s’est tenu le 20 novembre 2015 et au cours duquel la société a lui a reproché d’avoir détourné des chèques 'fidélité’ appartenant à des clients, les 18 et 26 septembre 2015.

Par lettre recommandée en date du 2 décembre 2015, Mme X a été licenciée pour cause réelle et sérieuse.

Le contrat de travail a pris fin le 2 mars 2016, après trois mois de préavis, payés et non exécutés.

Contestant la mesure disciplinaire ainsi prononcée, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Saumur aux fins de voir le licenciement déclaré sans cause réelle et sérieuse et d’obtenir les indemnités de rupture en découlant.

Par jugement en date du 24 avril 2017, le conseil de prud’hommes de Saumur a :

— dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

— débouté Mme X de l’ensemble de ses demandes,

— dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

— laissé à la charge des parties les dépens exposés par chacune d’elles.

Le 11 mai 2017, par voie électronique, Mme X a relevé appel de cette décision.

Le 13 juillet 2017, la société Thom n’ayant pas constitué avocat, le greffe de la chambre sociale de la cour d’appel d’Angers a invité Mme X à lui faire signifier sa déclaration d’appel, ce qu’elle a fait par acte d’huissier du 26 juillet 2017.

La société Thom, intimée, a constitué avocat le 7 novembre 2017.

Le 28 décembre 2017, la société Thom a conclu pour soulever la nullité de l’acte de signification susvisé et voir en conséquence déclarer caduque la déclaration d’appel.

Mme X, par conclusions du 30 janvier 2018, a demandé à voir prononcer l’irrecevabilité des pièces et conclusions de la société.

Par ordonnance en date du 12 avril 2018, le conseiller de la mise en état a débouté la société Thom de l’ensemble de ses demandes et déclaré irrecevables ses conclusions déposées le 28 décembre 2017.

Par requête du 26 avril 2018, la société Thom a déféré à la cour l’ordonnance du conseiller de la mise en état du 12 avril 2018. Elle lui a demandé d’infirmer l’ordonnance et de :

— déclarer nul et de nul effet l’exploit de signification des conclusions d’appel de Mme X,

— déclarer caduque par voie de conséquence la déclaration d’appel,

— déclarer en tout cas recevables ses conclusions au fond en raison de l’irrégularité de l’exploit de signification des conclusions adverses,

— condamner Mme X aux dépens.

La cour, par décision du 4 décembre 2018, a :

— rejeté l’exception de nullité de la signification du 26 juillet 2017,

— confirmé la décision du conseiller de la mise en état en ce qu’il a déclaré irrecevables les conclusions de l’intimée,

— déclaré en conséquence la société Thom irrecevable en sa demande tendant à voir prononcer l’irrecevabilité des conclusions de l’appelante et la caducité de la déclaration d’appel,

— dit que la société Thom supportera la charge des dépens de l’instance en déféré.

L’affaire a été fixée à l’audience du conseiller rapporteur du7 janvier 2020, puis renvoyée à plusieurs reprises jusqu’à l’audience du 17 février 2020.

Le conseil de la partie intimée a remis à la cour un dossier avec ses pièces correspondant au bordereau de communication de pièces du 28 décembre 2017.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 18 décembre 2019.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme X, dans ses dernières conclusions adressées au greffe le 30 janvier 2018, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :

— déclarer recevable son appel ;

— déclarer régulier l’exploit d’huissier de signification de sa déclaration d’appel, de ses conclusions et pièces d’appelant ;

— déclarer irrecevables les conclusions et pièces de la société Thom ;

— infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Saumur le 24 avril

2017 ;

Et en conséquence :

— dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

— condamner la Société Histoire d’Or à lui verser les sommes de :

*75 936 euros au titre l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

*5 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement particulièrement

vexatoire ;

— condamner la société Histoire d’Or à lui remettre des bulletins de salaire, certificat de travail, attestation Pôle Emploi rectifiés sous astreinte de 80 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

— dire que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine, outre l’anatocisme ;

— ordonner l’exécution provisoire ;

— condamner la société Histoire d’Or à lui payer 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, Mme X fait valoir en substance que :

— elle a toujours donné pleine satisfaction à son employeur :

• le bilan du magasin qu’elle dirigeait le démontre ;

• elle n’a jamais reçu aucun avertissement, ni mise en garde ;

• lors de son entretien annuel, le 3 septembre 2015, il avait été indiqué par l’employeur qu’elle respectait parfaitement les procédures de gestion ;

— la suspicion ou le doute ne permet pas de fonder un licenciement ;

— les faits allégués ne sauraient être reprochés à ladite salariée :

• la lecture des plannings révèlent qu’aux dates du 18 et 26 septembre 2015, elle n’était pas en charge de la clôture de caisse ;

• elle ne peut être à l’origine de la « manipulation frauduleuse » dénoncée par l’employeur puisque le 29 avril 2015, elle était en repos hebdomadaire ;

• elle n’a pas détourné le chèque de 48,50 euros ainsi que le confirme le témoignage de la cliente démontrant que cette dernière avait bien utilisé ledit chèque fidélité ;

— les écarts de caisse se produisent régulièrement chez les commerçants ;

— l’employeur ne peut pas se contenter d’invoquer le motif d’un comportement irrespectueux, sans donner de précision sur les faits qui caractérisent ce manque de respect;

— outre son investissement, elle était également pleinement épanouie à son poste, ce qui est attesté par ses collègues ; dans ces circonstances, les reproches infondés l’ont profondément bouleversée, ce qui justifie l’allocation de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les conclusions adressées au greffe le 28 décembre 2017 par la société Thom venant aux droits de la société Histoire d’or, ont été déclarées irrecevables par ordonnance du conseiller de la mise en état du 12 avril 2018, confirmée par arrêt de la cour d’appel d’Angers en date du 4 décembre 2018.

Les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions déclarées irrecevables doivent être écartées des débats, y compris celles visées par l’appelante mais non communiquées par elle.

Par suite, il ne sera statué qu’au vu des conclusions et pièces de l’appelante.

Il sera fait droit aux prétentions de celle-ci dans la seule mesure où la cour les estimera régulières, recevables et bien fondées en considération des éléments produits par elle et de la pertinence des motifs du jugement déféré.

I-Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement

Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

S’agissant d’un licenciement prononcé à titre disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l’encontre du salarié et les conséquences que l’employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.

La lettre de licenciement, adressée à Mme X, datée du 2 décembre 2015, et qui fixe le cadre du litige est ainsi libellée:

'Vous exercez la fonction de Directrice du magasin Histoire D’Or de Saumur et par ce titre, vous devez veiller au respect et à l’application des procédures internes notamment celles liées à l’encaissement et la clôture des caisses.

Or nous avons constaté des dysfonctionnements dans l’exécution de votre mission.

En effet, le 6 octobre 2015, le service comptabilité nous a alertés d’un écart de caisse important sur le mois de septembre, décompté comme suit :

- 25.30 euros le 18/09,

- 23.10 euros le 26/09/2015.

Il ressort du détail des ventes inscrites sur les rouleaux de caisses que ces écarts font suite à des manipulations de chèques fidélité appartenant à des clients.

Votre Directrice de secteur s’est donc rendue sur l’établissement le 6 novembre, afin de comprendre les raisons de ces écarts. Elle a pu à cette occasion, constater la présence dans la caisse, des chèques fidélité de 25.30 euros et de 23.10 euros et qui n’ont pas été utilisés.

Vous avez fait preuve, lors de cette visite, d’un comportement irrespectueux vis-à-vis de votre Directrice de secteur.

Interrogée lors de l’entretien sur ces chèques, vous avez expliqué avoir oublié de scanner le chèque fidélité de 25.30 euros au moment de la vente et l’avoir ventilé sous un autre mode de paiement.

S’agissant du chèque fidélité de 23.10 euros passé le 26/09, aucune vente rattachée au nom de la cliente propriétaire du chèque n’a été réalisée sur cette journée. Vous n’avez pu expliquer ce fait.

Vos explications ne sont pas concevables étant donné que les chèques fidélité non scannés mais passés pour justifier des écarts de caisses ne sont pas rattachés aux noms des clients propriétaires des chèques.

Après analyse du rouleau de caisse du 18/09, nous ne constatons aucune somme sur tout autre moyen de paiement de 25,30 euros pour justifier la balance avec le chèque fidélité de 25,30 euros.

Vous avez agi de la même manière lors de la clôture de caisse du 26/09/2015 en utilisant un chèque fidélité d’un montant de 23.10 euros (n°86571200002451). Le suivi client indique qu’il n’y a pas d’achat sur cette journée et nous n’avons pas de somme équivalente en autre moyen de paiement pour justifier l’écart de caisse avec le chèque fidélité de 23,10 euros en clôture de caisse.

Suite à la demande de votre Directrice de secteur, le service comptabilité n’a pas constaté cette manipulation sur d’autres magasins.

Ce constat démontre bien des manipulations de votre part lors de la clôture des caisses.

Il ressort de l’analyse des chèques fidélités lors de la clôture de caisses, que vous opériez une régularisation en retirant la somme en espèces correspondant au montant des chèques.

Nous avons poussé nos recherches et nous avons constaté que d’autres agissements douteux ont été constatés, à savoir :

- Le 04/04/2015, un montant de 13.30 euros a été constaté en écart suite à une vente en espèces passée en chèque fidélité lors de la clôture ;

- Le 29/04/2015, a été observé un écart de 40.10 euros suite à une manipulation de chèque fidélité ;

- Le 09/05/2015, 84.10 euros en écart suite à ces mêmes manipulations.

Cette liste n’est pas exhaustive.

Vous avez sciemment détourné ces chèques fidélités pour récupérer de l’espèce des caisses du magasin dont vous avez la charge.

Vous avez donc agi au mépris de la procédure d’encaissement qui interdit d’utiliser les chèques fidélité appartenant aux clients.

Nous ne pouvons tolérer votre comportement frauduleux qui créé un préjudice financier direct pour notre entreprise.

Nous condamnons également cette pratique qui pénalise le client propriétaire du chèque qui ne peut bénéficier des avantages de ses chèques fidélité et qui de ce fait, nuit à l’image de marque que notre société souhaite véhiculer auprès de la clientèle.

Ces faits particulièrement suspects et douteux sont de nature à remettre en cause inévitablement la confiance placée en vous lors de votre embauche au sein de notre société. En conséquence, nous considérons qu’il n’est plus possible de poursuivre nos relations contractuelles, votre management étant véritablement incompatible avec les valeurs de notre groupe.

Nous vous notifions, en conséquence, par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse, qui prendra effet à la date de première présentation de la présente lettre'.

Il est donc reproché à Mme X :

• deux écarts de caisse sur le mois de septembre 2015, correspondant à 25,30 euros le 18 septembre et 23,10 euros le 26 septembre dus à l’utilisation de chèques fidélité de clients à des fins personnelles, caractérisant un comportement frauduleux de la salariée,

• des agissements douteux les 4 et 29 avril 2015 ainsi que le 9 mai 2015 pour des montants respectifs de 13,30 euros, 40,10 euros et 84,10 euros,

• un comportement irrespectueux vis-à-vis de la directrice de secteur le 6 novembre 2015

Sur les deux premiers griefs, le conseil de prud’hommes a estimé que 'ces deux écarts de caisse de 25,30 euros et 23,10 euros des 16 et 26 septembre 2015, ressortent clairement de l’analyse des rouleaux de caisse du magasin de Saumur,

Que les rouleaux de caisse révèlent que ces écarts ont été justifiés par l’utilisation de chèques « fidélité » correspondant à la mention « CHC ''.

Qu’au cours de la visite de la Directrice du secteur, Mme Y, pour comprendre l’origine des écarts, Mme X n’a pu expliquer les raisons pour lesquelles les chèques « fidélité » de 25,30 et 23,10 euros n’ont pas été utilisés par les clients ;

En effet, il n’y a eu aucune vente rattachée au nom de la cliente, propriétaire du chèque.

Lors de cet entretien, Mme X a expliqué avoir oublié de scanner le chèque « fidélité » de 25,30 euros, mais pour le chèque de 23,10 euros, aucune explication n’est donnée, alors qu’il n’y a eu aucune vente réalisée le 26 septembre au nom de la cliente qui était propriétaire de ce chèque 'fidélité'.

D’autre part, aucune explication n’est donnée par Mme X au moment de la clôture des caisses, pour expliquer la régularisation, si ce n’est qu’en retirant la somme en espèces correspondant au montant des chèques, et ainsi détourner le programme fidélité à son profit.

Ces anomalies ont amené la société Histoire d’Or à effectuer des investigations supplémentaires, d’où il ressort que d’autres agissements douteux ont été constatés.'

Le conseil de prud’hommes, après avoir rappelé l’existence de fiches procédure précisant les limites d’utilisation des chèques fidélité, a estimé que Mme X avait manqué à ses obligations en ne respectant pas les procédures internes ce qui justifiait son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

En premier lieu, il sera observé que le conseil ne s’est pas prononcé sur le grief tiré du comportement irrespectueux de Mme X envers Mme A, responsable de secteur. De fait, cette seule allégation libellée dans des termes imprécis, en l’absence de tout élément de preuve recevable, ne saurait être retenue à l’encontre de la salariée.

En second lieu, les écarts de caisse datés des 4 et 29 avril 2015, et 9 mai 2015, sont qualifiés par l’employeur lui-même 'd’agissements douteux.'

Or, des suspicions d’actes irréguliers ou frauduleux ne sauraient justifier une mesure disciplinaire et ce d’autant moins, que Mme X établit par la production des plannings qu’elle était en repos le 29 avril 2015.

Ces griefs ne seront pas considérés comme établis.

Enfin, les écarts de caisse en date des 18 et 26 septembre 2015 ne sont pas contestés dans leur matérialité et le conseil a pu justement considérer qu’ils étaient établis par les pièces produites à l’audience.

Pour autant, c’est à tort que les premiers juges ont estimé que le non-respect des procédures internes pouvait justifier le licenciement de Mme X.

En effet, force est de constater que ces manquements, même à les considérer établis, ont été commis à deux reprises sur une période très limitée, pour des montants minimes, et ce, par une salariée bénéficiant d’une ancienneté de 6 ans, qui n’avait jamais été sanctionnée par le passé et dont les entretiens d’évaluation attestaient de la qualité du travail accompli et de la satisfaction de l’employeur à son égard.

Ainsi, ils ne revêtent pas une gravité suffisante pour justifier la rupture du contrat.

En conséquence, le licenciement de Mme X ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et le jugement sera infirmé de ce chef.

II- Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

— Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Selon l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au présent litige, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un salarié ayant une ancienneté d’au moins deux ans, opéré dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, et à défaut de réintégration du salarié, le juge octroie à celui-ci une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois.

Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme X, de son âge (34 ans), de son ancienneté (6 ans et 10 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l’article L.1235-3 du code du travail, la somme de 21 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

-Sur les dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

L’allocation d’une somme, sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail, n’est certes pas exclusive du droit, pour le salarié, de solliciter des dommages et intérêts pour licenciement vexatoire lorsqu’il apparaît

que son employeur a entouré le licenciement d’un comportement brutal, injurieux ou propre à porter atteinte à sa dignité.

Une telle preuve n’est toutefois pas rapportée en l’espèce à l’encontre de la société Thom qui n’a ni dénigré, ni injurié sa salariée, ni fait preuve à son égard d’une particulière brutalité, ni entouré la rupture de circonstances vexatoires.

Mme X sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement particulièrement vexatoire, et le jugement sera confirmé sur ce point.

-Sur les demandes accessoires

Les sommes allouées à titre de créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision, avec capitalisation des intérêts sur le fondement des dispositions de l’article 1343-2 du code civil (ancien 1154).

Par ailleurs, il convient de condamner la société Thom à remettre à Mme X les documents de fin de contrat -bulletins de salaire, certificat de travail, attestation Pole Emploi- rectifiés conformes aux dispositions du présent arrêt dans le délai de deux mois suivant sa notification, sans que toutefois, il y ait lieu d’assortir cette décision d’une astreinte.

Les dispositions du jugement sont infirmées s’agissant des dépens et de l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Thom, partie qui succombe, est condamnée au paiement des dépens de première instance et de la procédure d’appel.

Elle est également condamné à verser à Mme X la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d’appel.

La demande présentée par la société Thom sur ce même fondement doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Saumur le 24 avril 2017, sauf en ce qu’il a débouté Mme B X de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit le licenciement de Mme B X dépourvu de cause réelle et sérieuse;

Condamne la SAS Thom à verser à Mme B X la somme de 21 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Dit que les sommes allouées à titre de créances indemnitaires, produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision, avec capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil (ancien 1154) ;

Condamne la SAS Thom à remettre à Mme B X les documents de fin de contrat -bulletins de salaire, certificat de travail, attestation Pole Emploi- rectifiés conformes aux dispositions du présent arrêt dans le délai de deux mois suivant sa notification ;

Dit n’y avoir lieu à astreinte ;

Condamne la SAS Thom à verser à Mme B X la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande présentée par la SAS Thom sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Thom aux entiers dépens de première instance et de la procédure d’appel.

LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché,

Viviane BODIN M-C. D

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