Cour d'appel d'Angers, Chambre a - commerciale, 5 octobre 2021, n° 17/01120

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Angers, ch. a - com., 5 oct. 2021, n° 17/01120
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 17/01120
Décision précédente : Tribunal de commerce de Laval, 11 avril 2017, N° 16/01595
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – COMMERCIALE

NR/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 17/01120 – N° Portalis DBVP-V-B7B-EDYK

Jugement du 12 Avril 2017

Tribunal de Commerce de LAVAL

n° d’inscription au RG de première instance 16/01595

ARRET DU 05 OCTOBRE 2021

APPELANTE :

SAS EUROPEENNE DE DISTRIBUTION DE PIECES INDUSTRIELLES -EDPI- Agissant poursuites et diligences de son président et de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Benoit GEORGE substitué par Me Inès RUBINEL de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 171917, et la SELARL TREMBLAY AVOCATS ASSOCIES, avocat plaidant au barreau d’ORLEANS

INTIMEE :

SARL H Y

[…]

[…]

Représentée par Me Karine COCHARD, avocat au barreau de LAVAL – N° du dossier 160044

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 09 Novembre 2020 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme ROBVEILLE, Conseiller, qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme K, Présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, Conseiller

M. BENMIMOUNE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme I

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 05 octobre 2021 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine K, Présidente de chambre, et par Sophie I, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

[…]

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 1er juillet 2013 faisant suite à une promesse de cession de fonds du 6 juin 2013, la société (SARL) H Y a cédé à la société (SAS) Européenne de Distribution de Pièces Industrielles (EDPI) un fonds de commerce de montage de pneumatique, mécanique, entretien de véhicules, vente de lubrifiants et pièces détachées, exploité à Langeais (37), zone industrielle sud […], qu’elle avait elle-même acquis le 13 février 2008.

Il était convenu aux termes de cet acte, que le cessionnaire reprendrait à compter du jour fixé pour l’entrée en jouissance, soit au 1er juillet 2013, les salariés du cédant, à savoir :

— M. A Y, chef d’atelier, entré le 14 février 2008,

— M. B X, monteur, entré le 14 février 2008,

— M. C Z, monteur commercial, entré le 14 février 2008,

— M. D E, vendeur itinérant, entré le 1er octobre 2009,

— M. F G, monteur dépanneur, entré le 2 novembre 2011.

Selon convention distincte signée le 1er juillet 2013, venant en complément de l’acte de vente de fonds de commerce et reprenant sur ce point les termes du compromis du 6 juin 2013, il a été prévu qu’en cas de réalisation de la vente, les parties convenaient à titre de condition essentielle et déterminante de cette vente, sans laquelle la SAS EDPI n’aurait pas contracté, que cette dernière fera son affaire personnelle du licenciement pour inaptitude de M. B X, salarié, en cas d’autorisation de reprise du travail de celui-ci après son arrêt maladie de longue durée, que la SARL H Y qui s’y engageait expressément et formellement, serait tenue de rembourser à la SAS EDPI, à première demande de celle-ci, sur production de toutes pièces justificatives, le coût total ou intégral de ce licenciement pour inaptitude (salaires, préavis, indemnités, réparations, condamnations, dommages-intérêts, charges sociales et fiscales…), c’est-à-dire l’intégralité ou la totalité des sommes réglées ou décaissées par la SAS EDPI au titre du licenciement pour inaptitude de M. B X, lesdites sommes versées soit à la personne licenciée, soit -le cas échéant- à tous organismes sociaux, caisses, administrations, services publics.

Il était également précisé que la SARL H Y indemniserait le coût de ce licenciement, net d’impôt sur les sociétés, que cet engagement de remboursement du cédant ou vendeur demeurerait en

vigueur et bénéficierait à la SAS EDPI pendant tout le temps où des sommes pourraient être exigées de la SAS EDPI au titre du licenciement pour inaptitude du salarié.

Postérieurement à la cession du fonds de commerce, M. B X a fait l’objet d’un licenciement pour cause d’inaptitude.

Un accord a été trouvé entre les parties à la cession concernant le montant de l’indemnité de licenciement de M. X dont devait s’acquitter la SARL H Y, de sorte que la société cédante a versé à la SAS EDPI la somme de 9.661,08 euros, puis, par chèque du 8 octobre 2015, celle de 3.422,97 euros, après que la SAS EDPI ait accepté de consentir un effort sur le solde, à hauteur de la moitié due.

En revanche, un désaccord est survenu entre les parties relativement au remboursement d’une partie des congés payés 2013 acquis par les salariés repris par la SAS EDPI à la suite de la cession du fonds de commerce.

Selon facture n°02/02/14 du 28 février 2014 contenant détail pour chaque salarié concerné, la SAS EDPI a sollicité de la SARL H Y le paiement d’indemnités de congés payés et charges sociales afférentes à hauteur de la somme globale de 20.478,64 euros TTC (17.065,54 euros HT plus TVA de 20%), se décomposant en indemnités de congés payés 2013 pour un montant de 11.609,20 euros HT et en charges patronales pour un montant de 5.456,34 euros HT.

Aucun paiement n’étant intervenu malgré relances, la SAS EDPI a, par acte d’huissier du 7 avril 2016, fait assigner la SARL H Y devant le tribunal de commerce de Laval, aux fins de la voir condamner, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, à lui payer les sommes de :

* 16.593,86 euros TTC, au titre de congés payés acquis par les salariés au jour de la cession, sous déduction de ceux acquis par M. X qui ont été pris en charge par la SARL H Y dans le remboursement du coût de la procédure de licenciement,

* 1.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,

* 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 12 avril 2017, le tribunal de commerce de Laval a :

— débouté la SAS Société Européenne de Distribution de Pièces Industrielles EDPI de toutes ses demandes,

— l’a condamnée à payer à la SARL H Y la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, ceux du greffe s’élevant à la somme de 77,08 euros TTC.

Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que la convention rédigée entre les parties contenait une clause aux termes de laquelle chacune des parties s’obligeait à accomplir, exécuter ou respecter à compter du jour de l’entrée en jouissance (…) toutes les charges afférentes ou relatives au fonds de commerce, considéré que les charges de congés payés constituaient des charges afférentes au fonds de commerce et en a déduit que la société EDPI s’était engagée aux termes du contrat de cession à les acquitter.

Il a en outre retenu que le prix de vente de la cession ayant été déterminé en connaissance parfaite des éléments sociaux et d’un arrêté des comptes ( situation intermédiaire) comprenant la provision des congés payés, la dette de congés faisait partie intégrante du contrat de cession.

Il a considéré qu’en l’absence de clause spécifique dans le contrat de cession faisant état d’un remboursement à intervenir par le cédant de la quote-part de congés payés, la charge des congés acquis par les salariés au jour de la cession était censée avoir été prise en compte dans les modalités de calcul du prix de vente du fonds de commerce, de sorte qu’il n’appartenait pas au cédant de s’en acquitter auprès du cessionnaire.

Il a encore considéré que le transfert de l’ensemble des contrats de travail étant acté dans la cession du premier juillet 2013, le nouvel employeur était tenu de payer les créances salariales exigibles après ce transfert.

Par déclaration reçue au greffe le 24 mai 2017, la SAS Européenne de Distribution de Pièces Industrielles (EDPI) a interjeté appel total de ce jugement ; intimant la SARL H Y.

La SAS Européenne de Distribution de Pièces Industrielles (EDPI) et SARL H Y ont conclu.

Une ordonnance du 12 octobre 2020 a clôturé l’instruction de l’affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

— le 6 décembre 2019 pour la SAS Européenne de Distribution de Pièces Industrielles (EDPI),

— le 14 février 2020 pour la SARL H Y,

qui peuvent se résumer comme suit.

La SAS Européenne de Distribution de Pièces Industrielles (EDPI) demande à la cour, au visa de l’article L. 1224-2 du code du travail et des pièces communiquées, de :

— infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Laval le 12 avril 2017,

en conséquence, statuant à nouveau,

— condamner la SARL H Y à payer à la société EDPI les sommes de :

* 16.593,86 euros TTC, au titre de congés payés acquis par les salariés au jour de la cession, sous déduction de ceux acquis par M. X et qui ont été pris en charge dans le cadre de la procédure de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2014,

* 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

— condamner la société SARL H Y à payer à la société EDPI la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— déclarer la société SARL H Y irrecevable, en tout cas mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions et l’en débouter,

— condamner la société SARL H Y aux entiers dépens.

Elle fait observer que le débat ne porte pas sur le point de savoir qui de l’ancien ou du nouvel employeur doit payer les congés aux salariés, mais sur qui in fine doit peser la charge desdits congés.

Elle se considère en droit d’obtenir le remboursement par la SARL H Y des sommes acquittées par elle au titre des congés payés acquis par les salariés au jour de la cession, sous déduction de ceux acquis par M. X, déjà pris en charge dans le cadre de la procédure de licenciement.

Elle fait valoir que bien que l’acte de cession ne vise pas précisément les congés payés, il prévoit dans une rubrique 'propriété – jouissance’ (page 14) que chaque partie s’oblige à supporter les charges de toute nature concernant son exploitation personnelle ainsi que toutes sommes, charges, cotisations, loyers, redevances, etc… dont elle serait légalement débitrice.

Elle ajoute que si l’acte de cession devait néanmoins être considéré comme muet sur la prise en charge des congés payés, il y aurait lieu de faire application de l’article L.1224-2, dernier alinéa, du code du travail qui pose le principe selon lequel le cessionnaire, en tant que nouvel employeur, doit être remboursé des sommes dont il s’est acquitté, dues à la date de la modification, sauf à ce que le nouvel employeur ait expressément renoncé à ce remboursement par une clause stipulant qu’il en conservera la charge.

Elle soutient que les sommes dues par le cédant au cessionnaire, s’entendent de tous les congés acquis par les salariés au jour de la cession , pendant l’exécution du contrat pour le compte du cédant, peu important que la période de prise de ces congés ait ou non débuté.

Elle reproche au tribunal de s’être livré à une appréciation erronée de l’article L. 1224-2 du code du travail, en faisant valoir qu’il n’y a pas de lien entre l’alinéa 1er 2° de cet article intéressant les rapports entre le nouvel employeur et les salariés et son dernier alinéa intéressant les rapports entre le cédant et le cessionnaire, posant le principe du remboursement au second des sommes dues par le premier.

Elle soutient que l’acte de cession ne peut être vu comme une convention particulière excluant le remboursement par le cédant au cessionnaire des sommes acquittées par ce dernier au titre des congés acquis par les salariés au jour de la cession.

Elle constate que cet acte ne comprend pas de clause de renonciation expresse de sa part au remboursement des charges des congés payés dus aux salariés.

Elle considère par ailleurs que la preuve de l’acquisition des congés payés par les salariés au jour de la cession, dont elle réclame le remboursement du paiement à hauteur de 16 593,86 euros est rapportée par les bulletins de paie de mai et juin 2013 qu’elle produit.

Elle fait remarquer qu’elle a arrêté son décompte des congés payés acquis au 31 mai 2013, alors que la cession n’est intervenue que le premier juillet 2013.

La SARL H Y demande à la cour de :

— confirmer purement et simplement le jugement rendu le 12 avril 2017 par le tribunal de commerce de Laval,

— condamner la SAS EDPI à payer à la SARL H Y la somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la SAS EDPI aux entiers dépens.

Elle conclut au rejet de la demande de paiement des indemnités de congés payés.

Elle fait valoir qu’il appartenait à la SAS EDPI de solliciter l’insertion à l’acte de cession définitif prévoyant la reprise des contrats de travail, d’une clause relative au remboursement des congés payés, au prorata, par le cédant.

Elle soutient que l’acte de cession du 1er juillet 2013 ne comporte pas d’obligation pour le cédant de prendre en charge les indemnités relatives à des congés payés non exigibles à la date de la cession.

Elle prétend que la clause figurant en page 14 de l’acte, dans la section 'propriété-charge’ invoquée par la société EDPI, ne peut s’appliquer aux indemnités de congés payés, alors qu’en page 20 dudit acte figure une section spéciale consacrée au 'personnel ou salariés du fonds de commerce’ qui doit être assimilée à une convention particulière faisant obstacle à toute demande du nouvel employeur, de remboursement par l’ancien employeur de la part correspondant au temps pendant lequel les salariés ont été au service de ce dernier.

Elle ajoute que les indemnités de congés payés s’analysent en des 'charges afférentes ou relatives au fond de commerce’ incombant au cessionnaire, telles que visées à la section 'charges et conditions de la vente’ dudit acte.

Elle relève encore que le fait que seul le cas de M. X ait été envisagé dans le compromis, dans une condition particulière qui n’a pas été reprise dans l’acte de cession, confirme que l’intention des parties était que le cessionnaire fasse son affaire personnelle des congés payés dus aux salariés.

Elle affirme en outre que quand bien même la cour jugerait que le paiement des indemnités de congés payés par le cessionnaire n’entrait pas dans le champ contractuel de l’acte de cession, la SAS EDPI ne justifie pas qu’à la date de cession du fonds de commerce, le cédant était débiteur d’indemnités de congés payés.

Elle fait ainsi valoir que la date d’exigibilité de l’indemnité de congés payés doit être fixée à l’expiration de la période au cours de laquelle les congés auraient pu être pris et relève qu’au 1er juillet 2013 cette période n’était pas expirée, de sorte que les indemnités n’étaient pas exigibles à la date de la cession.

Elle en déduit que seul le cessionnaire en était redevable.

Si la cour devait néanmoins considérer que les dispositions de l’article L 1224-1 du code du travail étaient applicables, elle prétend qu’elle serait fondée à soutenir que la SAS EDPI, sur laquelle repose la charge de la preuve de sa créance, ne verse aucun élément quant à l’existence, le montant et l’exigibilité des indemnités de congés payés prétendument acquittées auprès des salariés du fonds de commerce cédé, dont elle réclame le remboursement.

Elle estime que le document intitulé 'facture n°02/02/14" n’a aucune force probante, en faisant observer qu’elle ne l’a pas signé, qu’il ne fait que détailler les sommes réclamées dans un tableau sommaire non étayé par d’autres éléments, en rappelant le principe selon lequel nul ne peut se constituer une preuve à soi-même.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande en paiement au titre des congés payés

Aux termes de ses dernières écritures, la SAS EDPI sollicite le paiement d’une somme de 16.593,86 euros correspondant aux indemnités de congés payés prétendument acquittées par elle postérieurement à la cession du fonds de commerce concernant Messieurs Y, Z, E et

G, à l’exclusion des congés payés acquis par M. X qui ont été pris en charge dans le cadre de la procédure de licenciement.

Selon l’article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.

Au cas particulier, la modification s’entend de la cession du fonds de commerce intervenue à effet du 1er juillet 2013, avec reprise à cette même date par la SAS EDPI des salariés de la SARL H Y.

Le transfert des contrats de travail implique également celui des avantages qui y sont attachés et notamment des droits aux congés payés des salariés.

En l’espèce, il convient de constater qu’aucune disposition spécifique intéressant la charge des indemnités de congés payés ne figure dans la section 'personnel ou salariés du fonds de commerce’ de la rubrique 'charges et conditions de la vente, de l’acte de cession du premier juillet 2013 signé entre les parties.

La société EDPI prétend pouvoir soutenir que le contrat de cession signé le premier juillet 2013 oblige expressément le cédant au paiement des indemnités de congés payés des salariés qui étaient dues à la date de la cession du fonds de commerce emportant transfert des contrats de travail des salariés repris, en ce qu’il prévoit dans la rubrique 'propriété – jouissance', que 'chacune des parties aux présentes s’oblige expressément à supporter les charges de toute nature concernant son exploitation personnelle ainsi que toutes sommes, charges, cotisations, loyers, redevances… dont elle serait légalement débitrice.'

Ces dispositions ont toutefois une portée générale, renvoyant pour le détail des obligations des parties à une analyse des charges pouvant être considérées comme relatives à l’exploitation personnelle du cédant ou du cessionnaire et à celles tenant à l’application de dispositions légales.

La société EDPI fonde par ailleurs sa demande sur les dispositions de l’article L 1224-2 alinéa 2 du code du travail, tandis que le tribunal a appuyé sa motivation sur les dispositions de l’article L 1224-2 dans son ensemble.

L’article L. 1224-2 alinéa 1er du code du travail dispose que 'le nouvel employeur est tenu, à l’égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants :

1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;

2° Substitution d’employeurs intervenue sans qu’il y ait eu de convention entre ceux-ci.'

L’article L 1224-2 alinéa 2 dispose que 'le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s’il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux.'

Le présent litige qui intéresse les seuls rapports entre deux employeurs successifs, a vocation à être soumis aux dispositions de l’article L. 1224-2 alinéa 2 du code du travail.

En effet, il résulte des dispositions précitées que si l’article L. 1224-2 alinéa 1er du code du travail instaure une solidarité légale entre employeurs successifs pour les dettes du cédant, impliquant que le cessionnaire soit en tant que garant tenu de s’acquitter des obligations du cédant à l’égard des salariés

repris, le nouvel employeur peut, conformément au 2e alinéa de ce même article, se retourner contre le cédant, employeur précédant, pour se voir rembourser les sommes acquittées par lui, dues à la date de la modification, sauf convention contraire.

En ce qui concerne les congés payés acquis payables aux salariés pendant la période fixée pour leurs congés, le nouvel employeur les doit intégralement aux salariés, sauf à exercer un recours contre l’ancien employeur pour obtenir le remboursement de la part d’indemnité de congés payés proportionnelle au temps pendant lequel, au cours de la période de référence, les salariés concernés ont été au service de celui-ci et donc des indemnités de congés payés des salariés correspondant aux droits acquis à la date de la cession du fonds de commerce emportant transfert des contrats de travail, sauf convention contraire.

Dans ces conditions, il importe peu qu’il n’existe pas dans le contrat de cession une disposition prévoyant le remboursement de la quote part des congés payés acquis par les salariés au jour de la cession, dès lors que l’article L.1224-2 alinéa 2 prévoit le principe d’un tel remboursement, sauf convention contraire.

De même, la circonstance que dans le compromis signé le 6 juin 2013, une condition particulière ait été prévue pour régler le seul cas de M. X, concernant la prise en charge des sommes dues à ce dernier par la SARL H Y, dont les indemnités de congés payés, en cas de licenciement pour inaptitude postérieur à la cession, reprise dans un acte distinct de l’acte de cession du premier juillet 2013 signé entre les parties le même jour, alors qu’une telle condition pour les autres salariés dont les contrats ont été repris n’a pas été incluse dans l’acte de cession, est indifférente.

Il convient en revanche de rechercher l’éventuelle existence d’une convention contraire.

Il a été rappelé qu’aucune disposition spécifique intéressant la charge des indemnités de congés payés ne figure dans la section 'personnel ou salariés du fonds de commerce’ de la rubrique 'charges et conditions de la vente', de l’acte de cession du premier juillet 2013.

La SARL H Y prétend que la société EDPI s’est expressément engagée aux termes du contrat de cession à s’acquitter des indemnités de congés payés, en ce que dans la section 'charges et conditions de la vente', il a été prévu, en page 19, que le cessionnaire est tenu 'd’acquitter, à compter du jour de l’entrée en jouissance, tous les impôts, contributions, taxes… ainsi que toutes les charges afférentes ou relatives au fonds de commerce.'

Cependant, il résulte de ces dispositions que la SAS EDPI s’est engagée à s’acquitter des indemnités de congés payés dues après la date de la cession du fonds de commerce, non qu’elle s’est expressément engagée à s’acquitter de celles correspondant aux droits acquis par les salariés au jour de la cession et relevant de l’exploitation du fonds de commerce par le précédent employeur, étant observé au surplus que l’acte de cession prévoit également en page 18, que le cédant est tenu 'de supporter et d’acquitter toutes les charges, impôts, taxes, contributions, cotisations… relatifs à sa propre exploitation du fonds de commerce et ce, jusqu’au dernier jour de son exploitation'.

Ainsi, il convient de considérer que l’acte de cession du 1er juillet 2013 n’est pas en soi une convention contraire et qu’elle ne contient pas de clause prévoyant la prise en charge par le cessionnaire des indemnités de congés payés acquises à la date du transfert d’employeur, conduisant à déroger au principe énoncé à l’article L. 1224-2 alinéa 2 du code du travail.

Le premier juge a cru pouvoir retenir que le prix de cession avait nécessairement été évalué suivant des modalités tenant compte des indemnités de congés payés dues aux salariés repris, en s’appuyant sur la seule connaissance par l’acquéreur des informations concernant les congés payés dus aux salariés résultant de l’arrêté des comptes établi et des bulletins de salaire annexés au contrat de cession, pour en déduire qu’une telle charge avait été prise en considération dans l’acte de cession

conclu par les parties.

Néanmoins, aucun élément ne permet d’établir que le prix auquel est intervenue la cession du fonds de commerce, soit 200.000 euros, stock de marchandises en sus, ait été déterminé en prenant en considération ces indemnités, alors que, comme le compromis du 6 juin 2013, l’acte de cession du 1er juillet 2013 ne fait qu’indiquer que le prix principal se décompose en 181.250 euros au titre des éléments incorporels et 18.750 euros au titre des éléments corporels.

La circonstance qu’aient été remis à la société EDPI à l’occasion de la cession, les contrats de travail des salariés du fonds de commerce, des bulletins de salaire et le livre des entrées et sorties du personnel et que celle-ci ait reconnu avoir pris connaissance, préalablement à la signature de l’acte de cession, des conditions et caractéristiques des contrats de travail du personnel et notamment des conditions financières de ces contrats, ne suffit pas à établir qu’il a été tenu compte pour la fixation du prix de cession convenu, de la charge résultant des indemnités de congés payés acquises par les salariés à la date de la cession, étant observé que pour le cessionnaire qui se trouvait légalement tenu de s’en acquitter auprès des salariés dont les contrats étaient repris, tel que cela résulte de l’article L. 1224-2 alinéa 1er du code du travail, toutes ces informations étaient essentielles.

Ainsi, en définitive, en l’espèce le principe posé à l’article L. 1224-2 alinéa 2 du code du travail trouve application pour les indemnités de congés payés qui étaient acquises par MM. Y, Z, E et G au 1er juillet 2013, jour de la cession du fonds de commerce, rattachées à la période d’exécution de leurs contrats de travail pour le compte de la SARL H Y.

La société EDPI, en sa qualité de nouvel employeur, ne peut cependant exiger du précédent exploitant du fonds de commerce le remboursement des sommes dues aux salariés repris au jour du changement d’employeur, qu’à la condition de justifier qu’elle s’est elle-même acquittée de cette dette par le paiement effectif des sommes dues aux salariés concernés.

Au soutien de sa demande, la SAS EDPI produit une facture n°02/02/14 du 28 février 2014 adressée à la SARL H Y relative à la refacturation de congés payés (pièce 11), ainsi que deux décomptes détaillés : le premier joint à cette facture et incluant les indemnités concernant M. X, le second (pièce 12) expurgé des indemnités dues à ce dernier.

Les mentions sur les bulletins de salaire antérieurs à la cession versés aux débats permettent de vérifier la cohérence des informations figurant dans les décomptes établis par la société EDPI avec les droits acquis par les quatre salariés à la date de la cession, concernant le nombre de jours de congés et leur valorisation.

En revanche, alors que l’existence même de sa créance de remboursement est contestée par la société H Y, la société EDPI ne verse aucune pièce permettant d’établir qu’elle s’est effectivement acquittée d’indemnités de congés payés auprès des quatre salariés concernés.

Elle ne produit par exemple pas d’attestations d’un expert-comptable, de copie des fiches individuelles de congés payés et bulletins de paie correspondants pour chaque salarié mentionnant les indemnités correspondant aux jours de congés pris, ou encore de justificatifs bancaires, permettant de s’assurer des versements effectifs de ces indemnités.

Dans ces conditions, en l’état des seules pièces communiquées par devant la cour, l’appelante ne démontre pas avoir acquis un droit, conformément à l’article L.1224-2 alinéa 2 du code du travail, à se voir rembourser par l’intimée les sommes réclamées.

Par conséquent, il y a lieu de débouter la SAS EDPI de l’ensemble de sa demande en paiement d’une somme de 16.593,86 euros TTC, au titre de congés payés acquis par les salariés au jour de la cession, sous déduction de ceux acquis par M. X.

Le jugement déféré sera ainsi, par substitution de motifs, confirmé en ce qu’il a rejeté une telle demande.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

Dès lors que la SAS EDPI ne justifie pas de sa créance au titre d’indemnités de congés payés réglées aux salariés du fonds de commerce repris, elle ne saurait invoquer une résistance abusive de la SARL H Y à sa demande en paiement.

L’appelante sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts présentée de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement dont appel relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées.

Partie perdante, la SAS EDPI sera déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et sera condamnée aux dépens d’appel.

La SAS EDPI, partie perdante, sera également condamnée au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel, à verser une somme de 2 000 euros à la SARL H Y.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement rendu le 12 avril 2017 par le tribunal de commerce de Laval en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Européenne de Distribution de Pièces Industrielles (EDPI) à payer une somme de 2 000 euros à la SARL H Y sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS Européenne de Distribution de Pièces Industrielles (EDPI) aux dépens d’appel,

DEBOUTE les parties de toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

S. I C. K

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour d'appel d'Angers, Chambre a - commerciale, 5 octobre 2021, n° 17/01120