Cour d'appel d'Angers, n° 14/03263

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Sur la décision

Référence :
CA Angers, n° 14/03263
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 14/03263

Texte intégral

COUR D’APPEL

D’ANGERS

1ERE CHAMBRE SECTION B

XXX

ARRET N°

AFFAIRE N° : 14/03263

Jugement du 15 Juin 2011 du TI de QUIMPER

Arrêt de la Cour d’Appel de RENNES du 16 Avril 2013

n° d’inscription au RG : 11/4575

Arrêt de la Cour de Cassation du 24 Septembre 2014

ARRÊT DU 22 FEVRIER 2016

APPELANTS :

Monsieur H A

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Monsieur O A

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Représentés par Me Sophie DUFOURGBURG de la SCP DUFOURGBURG – GUILLOT, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 15420, et Me Hélène DAOULAS HERVE, avocat plaidant au barreau de QUIMPER

INTIMES :

Monsieur I A

né le XXX à XXX

Kerjean

XXX

Madame AA-AB A épouse Y

née le XXX à XXX

Pennaldaguer

XXX

Monsieur AD-O A

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Représentés par Me Christian NOTTE, avocat postulant au barreau d’ANGERS- N° du dossier 00029950, et Me Dominique LE CHEVANTON COURSIER, avocate plaidant au barreau de QUIMPER

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue publiquement, à l’audience du 19 Novembre 2015 à 13 H 45, Monsieur BEN HADJ YAHIA, conseiller faisant fonction de président, ayant été préalablement entendu en son rapport, devant la Cour composée de :

Monsieur BEN HADJ YAHIA, Conseiller faisant fonction de président

Madame N’GUYEN, Conseiller

Madame GAXIE-LERICHE, Vice-Président placé

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame BOUNABI

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 22 février 2016 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Sami BEN HADJ YAHIA, conseiller faisant fonction de Président, et par Florence BOUNABI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

XXX

PROCÉDURE

ANTERIEURE

Le 17 décembre 2010, M. I A, Mme AA AB A épouse Y et M. AD O A (les consorts A) ont fait assigner leurs frères MM. H et O A devant le Tribunal d’instance de Quimper aux fins de :

— les déclarer bénéficiaires d’une créance de salaire différé sur une durée de dix ans ;

— dire que le montant de cette créance sera liquidé en application de l’article L 312-12 alinéa 2 du Code Rural en retenant la valeur du minimum interprofessionnel de croissance en vigueur au jour le plus proche du règlement de la créance ;

— dire qu’ils exerceront leur droit de créance dans le cadre du règlement de la succession de leurs parents ;

— condamner M. H A à leur payer 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Les consorts A exposaient devant le premier juge qu’à la suite du décès de leur père I A le 18 février 1952, dont la succession n’avait pas été réglée, leur mère Mme X, qui avait reçu en héritage l’exploitation de Kerjean, avait également repris l’exploitation de Toul Ar Hoat et qu’elle avait ainsi assumé la fonction de chef d’exploitation et bénéficié de leur aide. Ils ajoutaient que leur mère étant décédée le XXX, ils n’avaient pas pu sortir de l’indivision en raison du refus de leur frère M. H A de leur reconnaître une créance de salaire différé.

A l’appui de leur demande les consorts A produisaient des attestations de la MSA leur reconnaissant la qualité d’aides familiales pendant plus de dix années pour chacun d’eux, ainsi que des attestations de tiers confirmant leur travail sur l’exploitation. Ils précisaient que l’exploitant débiteur de la créance n’était pas leur père mais leur mère et qu’en outre, leurs parents ayant été co-exploitants, ils étaient donc fondés à exercer leur droit sur l’une ou l’autre des successions et qu’en conséquence, les créances de salaire différé n’étaient pas prescrites. Ils ajoutaient que les exploitations étaient pour l’essentiel des exploitations de subsistance ne permettant pas le versement d’un salaire.

En réponse, MM. H et O A soulevaient la prescription de la créance, en ce que leur père, I A, aurait été le seul exploitant. Ils ajoutaient que la loi du 4 juillet î980 réformant le contrat de salaire différé ne saurait s’appliquer à une créance relative à une succession ouverte avant son entrée en vigueur.

Ils indiquaient que leur mère n’était devenue chef d’exploitation qu’à la suite du décès du père et que, dès lors, les requérants ne pouvaient exercer leurs droits que sur la seule succession de Mme X. Ils soutenaient, par ailleurs, que les demandeurs ne démontraient pas l’absence de rémunération au moment où ils ont exercé. A titre subsidiaire, ils développaient des arguments relatifs au calcul de la créance de salaire différé.

Par jugement du 15 juin 2011, le tribunal d’instance de Quimper a fait droit à la demande de salaire différé après avoir rejeté le moyen pris de la prescription, motif pris de l’existence d’un contrat unique liant les bénéficiaires du salaire différé vis à vis de leurs deux parents exploitants successifs qui induisait que leur mère avait bien eu la qualité de chef d’exploitation, et qu’eu égard à la date de son décès -XXX- antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le délai trentenaire applicable n’était pas écoulé.

La cour d’appel de Rennes statuant, par arrêt du 16 avril 2013, sur l’appel de MM. H et O A, a confirmé le jugement déféré sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action mais infirmé pour le surplus en considérant que l’existence de trois conditions cumulatives n’étaient pas réunies : les éléments de preuve produits par les consorts A étant 'insuffisants pour démontrer qu’ils n’avaient perçu aucune rémunération pour le travail accompli et qu’ils n’avaient pas été associés aux bénéfices ou aux pertes, (et qu’en outre ils) ne justifiaient pas de la nature et du montant des ressources qui leur avaient permis de subsister pendant la période durant laquelle ils avaient participé à l’exploitation familiales alors qu’ils n’exerçaient pas d’autre activité professionnelle'.

La Cour de cassation statuant sur les pourvoi des consorts A (Civ. 1, n°13-21.182) a cassé dans toutes ses dispositions l’arrêt de la Cour d’appel de Rennes et renvoyé les parties devant la cour d’appel d’Angers. Aucun des trois griefs invoqués (moyen unique en trois branches) devant la cour de cassation ne portaient sur la recevabilité de l’action. Ils invoquaient la méconnaissance du cadre du litige (articles 4 et 5 du code de procédure civile) ensuite un défaut de base légale au regard de l’article L 321-13 du code rural ; enfin la méconnaissance du principe du contradictoire (article 16 du code de procédure civile).

La cassation a finalement été prononcée sur le fondement de l’article 455 du code de procédure civile, faute pour la cour d’appel de s’être expliquée sur certaines pièces invoquées par les consorts A dans leurs conclusions et de s’être bornée à retenir que les consorts A versaient aux débats des attestations de particuliers et de la MSA insuffisantes pour démontrer qu’ils n’avaient reçu aucune rémunération pour le travail accompli et qu’ils n’avaient pas été associés aux bénéfices et aux pertes.

PROCÉDURE

XXX

MM. H et O A ont le 19 décembre 2014 saisi la cour d’appel d’Angers ; de leur côté les consorts A ont fait de même. Les deux procédures, respectivement inscrites sous les numéros de répertoire général n° 15/895 et 14/3263 ont été jointes.

Dans leurs dernières écritures du 27 juillet 2015 H et O A ont réitèré leur argumentation tant sur la recevabilité que sur le fond. Ils concluent à la réformation du jugement du tribunal d’instance de Quimper en date du 15 juin 2011, et demandent que l’action des consorts A soit déclarée prescrite et à titre subsidiaire de les en débouter et les condamner à payer à M. H A une indemnité de 2 500 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières écritures du 6 juillet 2015 les consorts A ont conclu à la confirmation du jugement du tribunal d’instance de Quimper, réitéré leurs demandes initiales, et sollicité la condamnation de M. H A à leur payer 2 500 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’instruction de l’affaire a été clôturée le 12 octobre 2015 et l’affaire fixée à l’audience du 19 novembre 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1°/ sur la prescription de l’action

Attendu que celle-ci n’a pas été contestée devant la Cour de Cassation ; que toutefois l’arrêt de la cour d’appel de Rennes ayant été cassé en toutes ses dispositions, il convient de répondre à nouveau sur ce moyen ;

Attendu, aux termes de l’article 2262 ancien du Code civil, applicable en l’espèce, que 'toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé de rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduire de la mauvaise foi’ ;

Attendu que lorsque les parents du bénéficiaire du salaire différé ont été exploitants successifs, celui-ci peut se prévaloir d’un unique contrat de travail et exercer son droit de créance sur l’une ou l’autre des successions ; qu’il s’ensuit que le point de départ de la prescription d’une action en paiement d’une créance de salaire différé court à compter de l’ouverture de la succession du dernier exploitant ;

Qu’en l’espèce, les parents des consorts A ont été exploitants successifs, l’exploitation agricole ayant été successivement dirigée par leur père et par leur mère ; qu’en outre, il résulte des pièces produites qu’à l’exception de AD-O A qui n`a exercé qu’après le décès du père, les autres consorts A ont travaillé sur l’exploitation durant les deux périodes d’exploitation, en sorte que leur action n’est pas prescrite, moins de 30 ans s’étant écoulés depuis le décès de leur mère ; que la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action doit donc être rejetée ;

2°/ Sur le fond

Attendu, aux termes des dispositions de l’article L 321-13 alinéa 1 et 2 du code rural, que les descendants de plus de 18 ans d’un exploitant agricole qui participent directement et effectivement à l’exploitation, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d’un contrat de travail à salaire différé sans que la prise en compte de ce salaire pour la détermination des parts successorales puisse donner lieu au paiement d’une soulte à la charge des cohéritiers ;

Que le taux annuel du salaire est égal, pour chacune des années de participation, à la valeur des deux tiers de la somme correspondant à 2080 fois le taux du salaire minimum interprofessionnel de croissance, en vigueur au jour du partage consécutif au décès de l’exploitant ;

Attendu que l’application du texte précité suppose la réunion de trois conditions : être âgé de plus de 18 ans, participer ou avoir participé à l’exploitation et ne pas avoir été associé aux bénéfices ou aux pertes sans recevoir de rémunération en contrepartie de sa collaboration ;

Qu’en l’espèce, il résulte des attestations de la MSA (établies en 2005) et des attestations émanant de Messieurs E, Z et G, de Madame D épouse C notamment, que les consorts A ont exercé une activité d’aide familiale sur les exploitations de leurs parents, pour deux d’entre eux avant et après le décès de leur père, et pour M. AD-O A seulement après le décès du père, que cette activité a duré pour chacun d’eux pendant plus de dix ans ;

Qu’en outre, l’inventaire notarié établi à la suite du décès du père, la déclaration d’apprentissage agricole concernant M. I A, fils, en date du 3 octobre 1947, et les documents relatifs à la situation économique de leur mère, Mme M-L X, en 1956, 1967 et 1969, démontrent que les exploitations situées à XXX ne permettaient pas d’assurer une quelconque rémunération au profit des demandeurs lorsqu’ils exerçaient l’activité d’aides familiales, observation en cohérence avec le fait qu’il s’agissait d’exploitations de subsistance ;

Que c’est donc à bon droit que le premier juge a déclaré les consorts A, bénéficiaires d’une créance de salaire différé sur une période de dix années conformément aux dispositions de l’article L 321-17 du code rural;

Que Mme M-L X étant décédée le XXX, en application des dispositions de l’article L 321-13 du Code Rural, le taux annuel du salaire sera égal, pour chacune des années de participation, à la valeur des deux tiers de la somme correspondant à 2080 fois le taux du salaire minimum interprofessionnel de croissance en vigueur, au jour du partage consécutif au décès de l’exploitant ;

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à la charge des consorts F les frais non inclus dans les dépens qu’ils ont été contraints d’expsoer à l’occasion de la présente instance ;

Attendu qu’il y a donc lieu de condamner respectivement Messieurs H et O A à payer à chacun des 3 consorts A une indemnité de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Vu l’arrêt de la Cour de cassation (Civ. 1, n°13-21.182),

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal d’instance de Quimper en date du 15 juin 2011 ;

Y ajoutant,

Déboute H et O A de leurs demandes ;

Condamne respectivement H et O A à verser à I A, AA-AB A épouse Y et AD-O A, chacun, une indemnité de 2 500 € au titre des frais irrépétibles d’appel ;

Condamne H et O A aux entiers dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

F. BOUNABI S. BEN HADJ YAHIA

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Textes cités dans la décision

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  2. Code civil
  3. Code rural
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