Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale, 16 novembre 2022, n° 21/00227

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bastia, ch. soc., 16 nov. 2022, n° 21/00227
Juridiction : Cour d'appel de Bastia
Numéro(s) : 21/00227
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Ajaccio, 16 juin 2021, N° 20/00098
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 4 décembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°

— ----------------------

16 Novembre 2022

— ----------------------

N° RG 21/00227 – N° Portalis DBVE-V-B7F-CCLV

— ----------------------

[R] [S]

C/

S.A.S. CASA DI FIORI

— ---------------------

Décision déférée à la Cour du :

17 juin 2021

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AJACCIO

20/00098

— -----------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUBLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : SEIZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

APPELANTE :

Madame [R] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Cécile PANCRAZI, avocat au barreau d’AJACCIO

INTIMEE :

S.A.S. CASA DI FIORI prise en la personne de Madame [Y] [T]

N° SIRET : 813 332 624

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Marylène CAMMILLI-BUCQUET, avocat au barreau d’AJACCIO

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 septembre 2022 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame BETTELANI, conseillère, chargée du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur JOUVE, Président de chambre

Madame COLIN, Conseillère

Madame BETTELANI, Conseillère

GREFFIER :

Madame CARDONA, Greffière lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2022

ARRET

— CONTRADICTOIRE

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

— Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [R] [S] a été liée à la S.A.S. Casa di Fiori, dans le cadre d’un contrat d’apprentissage à effet du 10 septembre 2018, avec terme initialement fixé au 31 août 2020. Le contrat d’apprentissage visait la convention collective nationale des fleuristes, de la vente et des services des animaux familiaux comme étant applicable.

Une rupture du contrat d’apprentissage est intervenue, signée, en date du 8 avril 2019, par l’employeur, l’apprentie et le représentant légal de l’apprentie, dans le cadre 'd’une résiliation convenue d’un commun accord'.

Madame [R] [S], alors représentée par sa mère (pour être née le 22 octobre 2002), a saisi le conseil de prud’hommes d’Ajaccio, par requête reçue le 21 août 2020, de diverses demandes.

Selon jugement du 17 juin 2021, le conseil de prud’hommes d’Ajaccio a :

— constaté la rupture du contrat d’apprentissage d’un commun accord intervenue le 8 avril 2019,

— débouté Madame [S] de l’intégralité de ses demandes,

— débouté la SAS Casa di Fiori prise en la personne de son représentant légal en exercice de l’intégralité de ses demandes,

— condamné Madame [S] aux entiers dépens.

Par déclaration du 8 novembre 2021 enregistrée au greffe, Madame [R] [S] a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 4 février 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Madame [R] [S] a sollicité :

— d’infirmer le jugement prononcé le 17 juin 2021 par le conseil de prud’hommes d’Ajaccio, en ce qu’il a débouté la salariée : de sa demande de requalification de contrat en CDI, sa demande de requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sa demande de paiement des sommes suivantes : [mots manquants]

— de requalifier la rupture anticipée du contrat d’apprentissage en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner l’employeur au paiement des sommes suivantes : 7.728,15 euros au titre de rappel des salaires, 1.521,25 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution [mot manquant] et déloyale du contrat d’apprentissage,

— de juger recevable et bien fondée sa demande tendant à voir reconnaître le caractère dissimulé de son activité salariée et en conséquence, condamner l’employeur au paiement d’une indemnité de 9.127,50 euros de ce chef,

— de condamner en outre l’employeur au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du CPC.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 22 avril 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la S.A.S. Casa di Fiori a demandé :

— d’écarter l’attestation de Monsieur [N] [S] comme non conforme, d’écarter l’attestation de Madame [L], mineure,

— de confirmer le jugement,

— de condamner Madame [R] [S] à régler la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 7 juin 2022, et l’affaire fixée à l’audience de plaidoirie du 13 septembre 2022, où la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 16 novembre 2022.

MOTIFS

Madame [S] critique en premier lieu le jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes, afférentes à la requalification de son contrat d’apprentissage en contrat de travail à durée indéterminée, au caractère sans cause réelle et sérieuse de la rupture, et au paiement de diverses sommes au titre de rappels de salaire, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dommages et intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat d’apprentissage, indemnité forfaitaire pour travail dissimulé. A rebours, la S.A.S. Casa di Fiori, après avoir demandé à la cour d’écarter deux des attestations adverses (demande formée en cause d’appel dont la recevabilité n’est pas contestée au visa des articles 564 et suivants du code de procédure civile), sollicite la confirmation du jugement à ces égards.

A titre préalable, il convient de rappeler que la cour, qui apprécie souverainement la valeur et la portée des éléments qui lui sont soumis, peut ne pas prendre pas compte certains de ceux-ci, sans être limitée par des demandes expresses des parties d’écarter telle ou telle pièce.

En l’occurrence, la cour ne peut que constater que plusieurs attestations, produites par Madame [S], émanent de membres de sa famille (à savoir Monsieur [N] [S] et Madame [J] [S], qui sont ses parents), ou de proches (Monsieur [W], Madame [G], se décrivant l’un et l’autre comme ses amis). Parallèlement, l’attestation de Mademoiselle [L] opérée durant la minorité de cette attestante n’est pas valablement émise en application des articles 201 et 205 du code de procédure civile. Ces attestations, sans être formellement écartées (la demande sur ce point de la S.A.S. Casa di Fiori, n’étant pas accueillie) ne seront pas prises en compte par la cour, faute, pour les premières de certitude sur l’impartialité desdits attestants compte tenu de leur lien de proximité, familiale ou amicale, avec Madame [S], et pour la dernière, émanant de Madame [L], de respect des dispositions légales.

Sur le fond, les demandes afférentes à une requalification d’apprentissage en contrat de travail à durée indéterminée ne peuvent prospérer. En effet, au regard des éléments utilement soumis à son appréciation, la cour ne dispose pas des pièces lui permettant de conclure que l’employeur a violé son obligation de formation et opéré un détournement du contrat d’apprentissage de son objet afin de pourvoir un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Les absences de Madame [S] à sa formation théorique pouvant être rattachées de manière certaine à son employeur sont susceptibles d’entrer dans le cadre des tolérances admises en ce domaine par le centre de formation, tandis que dans le même temps, il n’est pas mis en évidence que les tâches confiées à cette apprentie aient excédé celles du référentiel de formation, ni encore qu’elles aient excédé le degré d’autonomie progressivement acquis par l’apprentie dans le cadre de sa formation et aient correspondu à des tâches de nature salariale avec le degré habituel d’autonomie qui s’y rattache.

En l’absence de requalification du contrat d’apprentissage en contrat à durée indéterminée, les rappels de salaire demandés par Madame [S], sur la période du 10 septembre 2018 au 29 mars 2019, exclusivement liés à la requalification contractuelle sollicitée par ses soins, ne sont pas justifiés. Parallèlement, en l’absence de requalification en contrat à durée indéterminée, la rupture du contrat d’apprentissage, signée par l’employeur, l’apprentie et le représentant légal de l’apprentie, dans le cadre 'd’une résiliation convenue d’un commun accord', ne peut s’assimiler à un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans le même temps, Madame [S] ne sollicite pas de nullité de la rupture du contrat d’apprentissage, de sorte que la cour n’a pas à statuer sur ce point, étant observé à toutes fins utiles qu’elle ne démontrait de toute façon pas que son consentement avait été vicié par dol, violence ou erreur, ni que son consentement à la rupture anticipée du contrat d’apprentissage n’avait pas été donné de manière libre et éclairée.

En application de l’article L 8223-1 du code du travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans le cadre du travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité égale à six mois de salaire. Si le paiement d’une telle indemnité n’est pas subordonné à l’existence d’une décision pénale déclarant l’employeur coupable du délit de travail dissimulé, le salarié doit cependant démontrer la mauvaise foi ou l’intention frauduleuse de l’employeur.

Au soutien de sa critique du jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, Madame [S] se prévaut des termes d’un avis de classement sans suite d’une plainte pénale déposée par sa mère relativement à des faits de travail dissimulé la concernant. Or, après avoir rappelé qu’un avis de classement sans suite (ou les termes y figurant) ne lie pas la juridiction saisie en matière sociale dans son appréciation, il convient de constater que Madame [S] ne démontre pas d’une dissimulation d’heures ou d’emploi intentionnelle ou de mauvaise foi de l’employeur, de sorte que le jugement est à tort querellé sur ce point.

Concernant les dommages et intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat d’apprentissage, Madame [S], qui suite à la rupture d’un commun accord précitée du contrat d’apprentissage, s’est rapidement réorientée en Bac Pro, ne justifie pas d’une exécution fautive ou déloyale du contrat d’apprentissage par l’employeur lui ayant causé un préjudice, préjudice qui ne revêt pas en cette manière de caractère nécessaire. Dès lors, le jugement est vainement critiqué sur cet aspect.

Au vu de tout ce qui précède, le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions querellées au principal par Madame [S], qui sera déboutée de ses demandes en sens contraire.

Bien qu’appel ait été interjeté sur ce point par Madame [S], cette appelante ne sollicite pas d’infirmation du jugement en ses dispositions l’ayant déboutée de sa demande de délivrance sous astreinte de bulletins de salaire rectifiés, dispositions dont la S.A.S Casa di Fiori sollicite quant à elle la confirmation. Consécutivement, en l’absence de demande d’infirmation, ces dispositions du jugement ne peuvent qu’être confirmées.

Madame [S], partie succombante, sera condamnée aux dépens de première instance (le jugement entrepris sera confirmé à cet égard) et de l’instance d’appel.

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions querellées relatives aux frais irrépétibles de première instance.

L’équité ne commande pas de prévoir de condamnation au titre des frais irrépétibles d’appel.

Les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe le 16 novembre 2022,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Ajaccio le 17 juin 2021, tel que déféré,

Et y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d’appel,

CONDAMNE Madame [R] [S] aux dépens de l’instance d’appel,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale, 16 novembre 2022, n° 21/00227