Cour d'appel de Bordeaux, Deuxième chambre civile, 29 février 2012, n° 09/01714

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, deuxième ch. civ., 29 févr. 2012, n° 09/01714
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 09/01714
Décision précédente : Tribunal de commerce de Bordeaux, 16 février 2009, N° 2009R00049

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE


ARRÊT DU : 29 FEVRIER 2012

(Rédacteur : Madame Christine Rouger, Conseiller,)

IT

N° de rôle : 09/01714

La société Y X AG

c/

La SA SBTP

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avoués :

Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 17 février 2009 (R.G. 2009R00049) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 25 mars 2009

APPELANTE :

La société Y X AG, société de droit allemand, agissant

en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

XXX

représentée par Maître Annick GODET substituant Maître LASSERRE de la SELAS EXEME ACTION, avocats au barreau de BORDEAUX, postulant assistée de Maître Jean-Yves DUPEUX, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMÉE :

La SA SBTP, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social XXX

représentée par la SCP TAILLARD Annie JANOUEIX Valérie, avocats au barreau de BORDEAUX, Postulant assistée de Maître Francis VUILLEMIN avocat au barreau de PARIS, Plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 02 janvier 2012 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Christine Rouger, Conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-François BANCAL, Conseiller faisant fonction de Président,

Madame Christine ROUGER, Conseiller,

Madame Caroline FAURE, Vice-Président placé ,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé Goudot

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Par ordonnance du 31 octobre 2008 le président du tribunal de commerce de Bordeaux a autorisé la SA SBTP à pratiquer une saisie-conservatoire au préjudice de la société de droit allemand Y X AG entre les mains de la SA FAYAT à hauteur de la somme de 2.524.686,40 €.

La société Y X AG a saisi le président du tribunal de commerce par assignation des 23 décembre 2008, 2 et 6 janvier 2009 aux fins de voir déclarer nulle la saisie pratiquée le 5 décembre 2008 entre les mains de la SA FAYAT et d’en ordonner la mainlevée, subsidiairement, de voir dire que la créance de la SA SBTP n’est pas fondée en son principe et que son recouvrement n’est pas menacé.

Par ordonnance du 17 février 2009 le président du tribunal de commerce de Bordeaux a débouté la société Y X AG de ses demandes, confirmé l’ordonnance du 31 octobre 2008 , débouté la SA FAYAT de sa demande de dommages et intérêts, condamné la société Y X AG à payer à la SA SBTP la somme de 1.500 € et à la SA FAYAT la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Y X AG a interjeté appel de cette décision le 25 mars 2009, intimant uniquement la SA SBTP.

Vu les dernières écritures signifiées le 21 octobre 2010 par la SE Y X, appelante, aux termes desquelles elle sollicite la réformation de l’ordonnance entreprise et que la Cour :

Au principal,

— juge que le président du tribunal de commerce de Bordeaux n’était pas compétent pour autoriser la saisie-conservatoire litigieuse

— consécutivement, déclare nulle et de nul effet la saisie pratiquée le 5 décembre 2008 entre les mains de la société FAYAT et en ordonne la mainlevée immédiate

A titre subsidiaire,

— juge que la SBTP ne justifie pas d’une créance fondée en son principe et que son recouvrement, à la supposer fondée, n’est en tout cas pas menacé

— ordonne la mainlevée immédiate de la saisie pratiquée à son préjudice

En tout état de cause,

— juge qu’en faisant pratiquer sans fondement sérieux de façon abusive et avec la manifeste intention de nuire à son image et à sa réputation, la société SBTP lui a causé un préjudice d’image

— condamne en conséquence la société SBTP à lui payer la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts

— condamne la société SBTP à lui payer une somme de 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens avec bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Vu les dernières écritures signifiées le 10 février 2011 par la SA SBTP, intimée, aux termes desquelles elle sollicite, in limine litis, qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure pénale, et au fond, la confirmation de l’ordonnance entreprise, le débouté de toutes les demandes de la société appelante et la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 10.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que sa condamnation aux entiers dépens avec bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Vu l’ordonnance de clôture intervenue le 19 décembre 2011,

SUR CE, LA COUR :

Aux termes de l’article 69 de la loi du 9 juillet 1991, l’autorisation de procéder à une saisie conservatoire est donnée par le juge de l’exécution. Toutefois elle peut être accordée par le président du tribunal de commerce lorsque, demandée avant tout procès, elle tend à la conservation d’une créance relevant de la compétence de la juridiction commerciale.

En l’espèce, pour retenir sa compétence, le président du tribunal de commerce de Bordeaux a considéré que le litige était un litige entre deux sociétés commerciales et que le fait que la justification de la SA SBTP à l’encontre de la société Y X ait sa source dans les pièces d’une instruction pénale n’entraîne pas renonciation à engager un procès commercial.

Il est prévu par l’article 4 du code de procédure pénale que l’action civile en réparation du dommage causé par l’infraction prévue par l’article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l’action publique.

La plainte avec constitution de partie civile déposée le 15 octobre 2004 par la société SBTP contre X entre les mains du doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance de Paris du chef d’escroquerie pour, du fait de manoeuvres frauduleuses, avoir été trompée et déterminée, à son préjudice, à remettre des fonds à la société TRISTAR conjointement avec la société Y+X et dans le cadre de l’exécution de la Joint Venture 'Y+X/SBTP JOINT VENTURE RAI est fondée sur les faits suivants :

— lui avoir fait croire qu’un prétendu prestataire, qui s’est révélé être par la suite la société TRISTAR , exécutait une prestation essentielle de consultant

— que des sommes très importantes étaient dues à la société TRISTAR en rémunération de sa prétendue mission de consultant

— alors qu’il devait ultérieurement s’avérer que la mission de consultant de la société TRISTAR était sinon totalement inexistante à tout le moins en partie fictive

— et l’avoir ainsi incitée à travers divers actes juridiques ainsi que des appels de fonds adressés par la société Y+X, mandataire de la Joint Venture 'Y+X/SBTP JOINT VENTURE RAI, à remettre des fonds très importants

Cette plainte avec constitution de partie civile contre X ne constitue pas le procès faisant obstacle à la compétence du président du tribunal de commerce.

Néanmoins, la seconde condition de la compétence résiduelle du président du tribunal de commerce en matière d’autorisation de saisie-conservatoire réside dans la conservation d’une créance relevant de la compétence de la juridiction commerciale.

Or en l’espèce, les remises de fonds invoquées par la société SBTP comme ayant été réalisées par tromperie quant à la réalité des prestations de la société TRISTAR s’inscrivent dans le cadre de l’exécution de l’accord de Joint Venture conclu le 7 août 1996 entre elle, sa filiale nigériane et la société de droit allemand Y + X, Joint Venture dénommée Y+X/SBTP JOINT VENTURE RAI, laquelle s’est vu confier le lot RA 1 dans le cadre de la construction du complexe gazier au Nigéria NIGERIA LNG PROJECT, et dont le leader était conventionnellement la société Y+X qui a procédé à ces divers appels de fonds .

L’accord de Joint Venture ayant lié les parties a prévu en son article 23 intitulé 'Règlement des Litiges-Arbitrage’ que 'tout différent découlant du présent contrat de JV sera en premier lieu adressé dans les sept jours au membre du conseil d’administration chargé des Parties Européennes, qui s’efforcera de bonne foi de trouver un accord, faute de quoi, dans les quarante-deux jours, il sera définitivement tranché conformément au Règlement de Conciliation et d’Arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale par un ou trois arbitres nommés conformément au Règlement'.

Une convention d’arbitrage a été rédigée séparément par écrit et jointe à l’accord de Joint Venture en annexe 8.

Aux termes de cette convention d’arbitrage, rappelée dans la décision d’arbitrage de la Cour internationale d’arbitrage du 14 janvier 2005, il était stipulé : ' il est convenu par les présentes que tout différend découlant du Contrat de JV qui ne peut être résolu de manière amiable sera, nonobstant la compétence des tribunaux normalement compétents, tranché par arbitrage conformément aux modalités du Règlement de Conciliation et d’Arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale, par un ou plusieurs arbitres nommés conformément à ce Règlement'.

En conséquence, si cette clause d’arbitrage n’interdit pas l’exercice de l’action civile devant la juridiction pénale pour obtenir réparation du préjudice résultant d’infractions pénales, en revanche, elle interdit toute compétence commerciale nationale pour statuer sur les différends résultant de l’exécution entre les parties du contrat de Joint Venture.

Dés lors, en toute hypothèse, la créance invoquée par la société SBTP à l’encontre de la société Y+X au titre des appels de fonds que cette dernière lui a fait exécuter dans le cadre du contrat de Joint Venture et qu’elle soutient non causés ne peut relever de la juridiction commerciale de droit commun.

La condition posée par l’article 69 susvisé quant à la compétence résiduelle du président du tribunal de commerce relative à la conservation d’une créance relevant de la compétence de la juridiction commerciale n’est donc pas remplie.

En conséquence, le président du tribunal de commerce de Bordeaux ne pouvait se déclarer compétent pour statuer sur la requête en saisie conservatoire présentée par la société SBTP à l’encontre de la société Y X.

L’autorisation de saisie-conservatoire ayant été délivrée par une juridiction incompétente, la saisie diligentée en vertu de cette autorisation selon acte du 5 décembre 2008 se trouve donc entachée de nullité et il convient, infirmant l’ordonnance entreprise, et sans qu’il y ait lieu de surseoir à statuer, l’instance pénale étant sans incidence sur les règles propres à la validité d’une mesure de saisie conservatoire, d’en ordonner la mainlevée immédiate aux frais de la SA SBTP.

Il n’est en revanche pas justifié que la saisie ainsi pratiquée l’ait été dans l’intention manifeste de nuire à l’image de la société Y X. Il convient donc de débouter cette dernière de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

La société SBTP qui succombe supportera les dépens de première instance et d’appel.

Elle se trouve redevable de ce fait d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile dans les conditions définies au dispositif de la présente décision.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement,

contradictoirement et dans les limites de l’appel,

Dit n’y avoir lieu de surseoir à statuer

Infirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions à l’exclusion de celles concernant la société FAYAT non soumises à l’appel

Dit que le président du tribunal de commerce de Bordeaux n’était pas compétent pour autoriser la saisie conservatoire sollicitée par la société SBTP à l’encontre de la société Y X

Prononce la nullité de la saisie conservatoire diligentée par la société SBTP à l’encontre de la société Y X selon acte du 5 décembre 2008 en vertu d’une autorisation du président du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 31 octobre 2008

Ordonne la mainlevée immédiate de la saisie conservatoire pratiquée le 5 décembre 2008 par la société SBTP à l’encontre de la société Y X entre les mains de la société FAYAT aux frais de la société SBTP

Déboute la société Y X de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte à son image

Condamne la société SBTP à payer à la société Y X une indemnité de deux mille cinq cents Euros (2.500 €) sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne la société SBTP aux dépens de première instance et d’appel avec autorisation de recouvrement direct en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Jean-François Bancal, Conseiller faisant fonction de Président et par Hervé Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

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Cour d'appel de Bordeaux, Deuxième chambre civile, 29 février 2012, n° 09/01714